À l’IMA, les instants bénis de la mémoire

À partir des années 1880, la photographie a contribué à la construction des images fantasmées des pays du Maghreb, du Proche et du Moyen-Orient.
À partir des années 1880, la photographie a contribué à la construction des images fantasmées des pays du Maghreb, du Proche et du Moyen-Orient.
Durant les trois dernières décennies, des artistes du monde arabe nous ont offert des œuvres capables de déconstruire ces clichés
Durant les trois dernières décennies, des artistes du monde arabe nous ont offert des œuvres capables de déconstruire ces clichés
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Publié le Jeudi 30 juillet 2020

À l’IMA, les instants bénis de la mémoire

  • Les artistes sont les vecteurs d’histoires et d’émotions
  • « L’idée exprimée par un artiste ne peut être dénuée de réalisme, de vérité, de vécu »

En 2018, l’Institut du monde arabe à Paris s’est vu offrir une exceptionnelle collection d’art moderne et contemporain, don des collectionneurs Claude et France Lemand. Ce catalogue sera enrichi de photographies et de vidéos – des œuvres de Steve Sabella, François Sargologo, Bessame al Charif, Ridha Zili, Randa Meddah, Halida Boughriet, Nassouh Zaghloulah et Dahmane –, et présenté du 15 septembre au 20 décembre 2020. « Ces deux supports d’expression expriment tantôt de la nostalgies, tantôt les drames et les inquiétudes du monde arabe d’aujourd’hui », lit-on sur le site de l’IMA. 

Les artistes, auteurs, écrivains et poètes, musiciens, plasticiens et peintres et photographes sont les vecteurs d’histoires et d’émotions. Ils ont le pouvoir d’exprimer la nostalgie, la mémoire collective et la lutte des peuples. « Le regard que l’on porte sur les œuvres est, certes, subjectif, et l’émotion qu’on ressent est réelle, mais l’idée exprimée par un artiste ne peut être dénuée de réalisme, de vérité, de vécu, explique Karima, une passionnée d’art. La culture nourrit l’âme et apaise l’esprit ». 

À partir des années 1880, la photographie a contribué à la construction des images fantasmées des pays du Maghreb, du Proche et du Moyen-Orient. Mais, durant les trois dernières décennies, des artistes du monde arabe nous ont offert des œuvres capables de déconstruire ces clichés. « Si certains cultivent la nostalgie, d’autres témoignent des conséquences individuelles des conflits et des crises qui jalonnent l’histoire du monde arabe contemporain. La conscience d’être en train de perdre ce que la modernisation prétend remplacer, la contrainte d’un exil proche ou lointain, la réparation des oublis de l’histoire officielle et l’incertitude de ce que sera l’avenir face à l’ampleur des destructions, nourrissent le travail des artistes exposés », lit-on dans le communiqué de l’IMA.

Des artistes engagés

Parmi les œuvres sélectionnées, on remarque celles de Steve Sabella, un artiste visuel basé à Berlin. Celui-ci a présenté son travail dans une dizaine d’expositions, à Jérusalem et dans toute la Palestine, entre 1990 et 2007 ; ses œuvres font partie des collections permanentes du British Museum de Londres, de la Contemporary Art Platform Kuwait, du musée de l'Institut du monde arabe ou encore de l’Ars Aevi Museum of Contemporary Art à Sarajevo.

François Sargologo, un artiste plasticien, s’interroge sur l’identité et l’exil. Son travail soulève des questions sociales introspectives sur Beyrouth, sa ville natale. Ce créateur livre une œuvre expressive associant la photographie, le texte et les archives. Il a notamment conçu des livres pour des éditeurs comme Le Seuil, les Presse universitaires de France et la Fondation Bodmer Museum en Suisse.

Lauréat de l’European Print Award of Excellence du Print Magazine for Progress, un livre d'artistes (Grande-Bretagne), François Sargologo a aussi participé à la 3e Biennale des photographes du monde arabe contemporain à l’IMA.

Bissane Al Charif est née à Paris de parents syro-palestiniens. Architecte, scénographe et plasticienne, elle travaille dans le domaine de l’événementiel : spectacles, décor, costumes de films ; scénographie d’expositions… Elle s’intéresse tout particulièrement à la scénographie de l’espace. En mars 2016, cette artiste a été nommée chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres pour son travail sur Mémoire(S) de femmes.

Le film Sans ciel, de Mohamad Omran (sculpteur et dessinateur) et Bissane Al Charif, montre la destruction progressive de grandes maquettes urbaines et la dévastation des villes syriennes Alep, Hama, Homs, Idlib, Kobané, Palmyre et Raqqa. 

La collection des donations de Claude et France Lemand comprend aussi l’œuvre Au souk, de Ridha Zili (Tunisie, 1943-2011). Cette collection porte sur la Tunisie d’antan. Elle est composée de trente photographies qui captent des moments de vies dans les souks et les campagnes. « Le photographe fait revivre un passé proche, capture des instants fragiles, sublime l’œuvre des artisans et, surtout, retrouve cet immémorial indicible qui tisse la trame de la vie quotidienne. […] Comme s’ils étaient touchés par la grâce, les gestes et les visages semblent pétris par la lumière, nimbés d’éternité, souligne Hatem Bourial dans Le Territoire envoûtant de nos nostalgies. Avec beaucoup de tendresse, Ridha Zili retrouve ce tumulte intime de nos médinas. De Monastir au Cap Bon, de Sfax à Tunis, de Djerba au Sahel, ce sont des dizaines de bribes d’éternité qu’il capture. »

Halida Boughriet, une artiste franco-algérienne diplômée des Beaux-Arts de Paris, fait partie des exposants avec Mémoire dans l’oubli. Cette série de six photographies explore un large éventail de médias, à travers des œuvres figurant dans la collection Nouveaux Médias du Centre Pompidou, du MAMA d’Alger et du musée de l’Institut du monde arabe. Ses travaux ont été exposés à l’accrochage « Elles@centrepompidou » (Paris, 2001), à la FIAC d’Alger (2011) et à l’IMA (2012). Elle a participé à la Biennale Dak’Art 2020 (Dakar, 2014). Elle a aussi présenté ses travaux aux rencontres internationales de Paris, Berlin et Madrid, ainsi qu’à la Biennale d’art contemporain de Rabat.

Quant à Randa Maddah, née en 1983 et diplômée du département des Beaux-Arts de l’université de Damas en 2005, elle a participé à plusieurs expositions personnelles et collectives, notamment au Centre culturel Fateh al-Mudarres du Golan, à la galerie Mada de Damas et à la galerie M3 de Berlin. L’artiste, qui vit à Paris, raconte dans Light Horizon la perte de sa terre natale : le Golan. « À travers ses œuvres, Randa Maddah tente de réparer le mal provoqué par l’occupation du Golan, de combler la perte de la terre, de l’histoire, de la langue et de la culture arabe, la perte de la mémoire et de la liberté… effacées et remplacées par une autre culture, une autre histoire, celle des programmes scolaires israéliens », souligne le donateur Claude Lemand. 

Né à Damas en 1958, établi à Paris, Nassouh Zaghlouleh nous offre sa série De Paris à Damas, composée de 80 000 images filmées et de photographies réalisées pendant dix ans. L’artiste a exposé ses œuvres en Europe et au Moyen-Orient. « Capter des moments empreints de nostalgie et faire ressurgir le passé avec émotion », c’est ce que propose Nassouh Zaghlouleh dans une série de clichés en noir et blanc sobrement intitulée Damas. 

« Même si la photo est prise avec un portable, il suffit qu’elle soit réfléchie et sentie. Regarder les points lumineux sur le pavé, alors qu’enfant je sautais à cloche-pied, observer les oiseaux s’envoler et m’arrêter au pied d’un escalier en marchant avec mes tantes, ce sont des instants bénis qui me reviennent à la mémoire, explique l’artiste dans un entretien accordé au journal L’Orient-Le Jour. Si j’ai choisi le noir et le blanc, c’est parce que j’y trouve plus de tendresse. »

Yasmine, Eugène Fromentin, une donation de Claude et France Lemand, est constituée de sept photomontages orientalistes réalisés par l’artiste Dahmane. Une série dans laquelle la femme, suggérée et non dévoilée, est l’élément essentiel de la composition. « Les avancées technologiques me plongent parfois dans des abîmes d’émerveillement. Il n’y a plus de fatalité, la réalité devient un matériau malléable ; les décors approximatifs, les figures imposées, les contingences du monde réel n’ont plus cours dans cet espace virtuel, généré par d’innombrables pixels que j’agence selon ma fantaisie », explique Dahmane.


La bibliothèque Jadal est une oasis culturelle dans la province orientale de l'Arabie saoudite

Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
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Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
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  • Ali Al-Herz a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres, offrant aux visiteurs un espace où la mémoire, la philosophie et la culture prennent vie.
  • adal n'est pas seulement une bibliothèque, c'est bien plus que cela. C'est un musée à explorer, un espace philosophique propice à la réflexion et un rempart contre l'oubli des histoires culturelles importantes.

DHAHRAN : Dans le village tranquille d'Umm Al-Hamam, situé dans la province orientale de l'Arabie saoudite, une passion de longue date pour les livres s'est transformée en un havre culturel.

Ali Al-Herz, bibliophile et archiviste littéraire, a transformé sa maison en une bibliothèque d'exception nommée Jadal, un véritable trésor contenant plus de 37 000 livres, plus de 100 000 journaux et magazines, ainsi que des antiquités, dont certaines datent de plus d'un siècle.

Mais Jadal n'est pas seulement une bibliothèque, c'est bien plus que cela. C'est un musée à explorer, un espace philosophique propice à la réflexion et un rempart contre l'oubli des histoires culturelles importantes.

Al-Herz a déclaré à Arab News : « Depuis ma naissance, j'ai été entouré des livres de ma mère. J'ai grandi immergé dans cette passion, à tel point qu'elle m'a complètement envahi ; je suis devenu un rat de bibliothèque. »

L'étincelle qui a tout déclenché a été la rencontre d'Al-Herz avec l'épopée Sirat Antar à l'âge de 13 ans. « À partir de cette épopée, et à travers elle, j'ai commencé à explorer d'autres mondes », a-t-il déclaré. 

C'est cette curiosité et cette fascination qui ont finalement conduit Al-Herz à créer l'une des initiatives les plus originales du royaume d'Arabie saoudite.

Le nom « Jadal » signifie « débat » ou « discussion » en arabe, reflétant l'esprit curieux de la bibliothèque. Pour Al-Herz, l'objectif n'est pas seulement de préserver les textes, mais aussi l'idée de questionner et d'explorer les idées.

Al-Herz a déclaré : « J'ai choisi ce nom pour la bibliothèque, car il est profondément ancré dans l'histoire philosophique de la Grèce antique, ainsi que dans notre propre tradition culturelle arabo-islamique, en particulier dans notre héritage religieux. »

L'atmosphère philosophique imprègne les trois salles principales, nommées d'après Socrate, Platon et Aristote, qui accueillent les visiteurs dans un univers dédié à la lecture et à la réflexion. 

Des manuscrits rares, des textes anciens, des journaux et des antiquités ont été soigneusement archivés. Chaque pièce est un murmure du passé qui s'adresse à l'avenir. 

Al-Herz explique : « Même mon intérêt récent pour l'achat de livres s'est principalement orienté vers les éditions rares et les imprimés anciens, afin de créer une harmonie entre patrimoine et modernité. »

Mais Jadal ne se laisse pas envahir par la nostalgie, car Al-Herz organise toutes les deux semaines une réunion littéraire. Cet événement fait revivre une tradition qui était autrefois importante dans la vie intellectuelle des Arabes.

C'est un environnement où écrivains, universitaires et penseurs se réunissent autour d'un café arabe pour échanger des idées dans une atmosphère animée. 

À une époque où les gens recherchent des informations instantanées en ligne, Al-Herz continue d'utiliser des méthodes traditionnelles. « Il y a une lutte permanente entre deux générations », observe-t-il. « La victoire reviendra finalement à cette dernière génération, une fois que ma génération aura disparu. Les bibliothèques papier seront alors transformées en musées. »

Il a peut-être raison, mais pour l'instant, au cœur de la campagne de Qatif, la bibliothèque Jadal continue d'exister, et c'est un lieu où l'encre, la mémoire, le débat et le patrimoine continuent de façonner l'âme culturelle du Royaume. 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com 


Amin Maalouf apporte un soutien inattendu aux langues régionales

Cette photographie montre la façade de l'Institut de France avant la présentation de la 9e édition du Dictionnaire de l'Académie française, qui est le dictionnaire officiel de la langue française, à Paris, le 14 novembre 2024. (Photo de Ludovic MARIN / POOL / AFP)
Cette photographie montre la façade de l'Institut de France avant la présentation de la 9e édition du Dictionnaire de l'Académie française, qui est le dictionnaire officiel de la langue française, à Paris, le 14 novembre 2024. (Photo de Ludovic MARIN / POOL / AFP)
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  • Ce dernier a écrit au Premier ministre François Bayrou et à la ministre de l'Éducation nationale, Elisabeth Borne, pour leur proposer un corpus d'œuvres en langues régionales destiné aux professeurs,
  • Le Collectif pour les littératures en langues régionales a constitué, avec l'aide de spécialistes, un recueil intitulé Florilangues, comprenant 32 textes en langue originale.

PARIS : Une initiative d'un collectif visant à enseigner le patrimoine littéraire dans les langues régionales de France a reçu lundi  un soutien inattendu : celui du secrétaire perpétuel de l'Académie française, Amin Maalouf.

M. Maalouf, écrivain franco-libanais, a été élu en 2023 à la tête d'une institution dont la mission est de veiller au rayonnement et à l'intégrité de la langue française.

Toutefois, il soutient la démarche du Collectif pour les littératures en langues régionales, qui suggère un enseignement de ce type au collège ou au lycée, a indiqué ce collectif à l'AFP.

Ce dernier a écrit au Premier ministre François Bayrou et à la ministre de l'Éducation nationale, Elisabeth Borne, pour leur proposer un corpus d'œuvres en langues régionales destiné aux professeurs, afin de sensibiliser à la « richesse de la production littéraire » dans d'autres langues que le français. 

« M. Maalouf, comme nous, est convaincu qu'il est nécessaire que les élèves français découvrent ces trésors culturels », écrit ce collectif à M. Bayrou, qui parle lui-même le béarnais.

Le Collectif pour les littératures en langues régionales a constitué, avec l'aide de spécialistes, un recueil intitulé Florilangues, comprenant 32 textes en langue originale (de l'alsacien au tahitien, en passant par le basque ou le corse), traduits en français.

On y trouve entre autres un poème en provençal de Frédéric Mistral (prix Nobel de littérature en 1904) intitulé Mirèio, une chronique en breton de Pierre-Jakez Hélias intitulée Bugale ar Republik, un court récit en créole martiniquais de Raphaël Confiant intitulé Bitako-a, ainsi qu'une chanson en picard d'Alexandre Desrousseaux intitulée Canchon dormoire (plus connue sous le nom de P'tit Quinquin).

« Il ne s'agit pas de donner des cours de langues régionales, mais de présenter des œuvres issues des littératures en langues régionales, que ce soit en français ou en version bilingue », précise le collectif.

Idéalement, selon lui, les élèves aborderaient des langues issues d'autres régions que la leur. « Pourquoi seuls les élèves antillais apprendraient-ils qu'il existe une littérature en créole ? », demande ce collectif, qui présente son initiative à la presse lors d'une visioconférence lundi après-midi. 


L'artiste saoudien Ahaad Alamoudi présente « The Social Health Club » à Bâle

L'artiste saoudien Ahaad Alamoudi présente « The Social Health Club » à Bâle. (Photo Fournie)
L'artiste saoudien Ahaad Alamoudi présente « The Social Health Club » à Bâle. (Photo Fournie)
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  • Fraîchement conçue, cette installation baignée de jaune, ancrée dans les œuvres passées de l'artiste, offre une expérience sensorielle riche et complexe ainsi qu'un commentaire culturel incisif.
  • « The Social Health Club » s'articule autour d'objets trouvés au marché Haraj de Djeddah en 2018.

RIYAD : Ce mois-ci, l'artiste saoudienne Ahaad Alamoudi fait monter la température au Basel Social Club qui se tient jusqu'au 21 juin dans la ville suisse avec sa dernière installation, « The Social Health Club ». 

Fraîchement conçue, cette installation baignée de jaune, ancrée dans les œuvres passées de l'artiste, offre une expérience sensorielle riche et complexe ainsi qu'un commentaire culturel incisif. Elle marque également une première pour l'artiste avec un élément de performance en direct.

Basée à Djeddah, Alamoudi est connue pour créer des installations multimédias immersives s'inspirant de la dynamique complexe de son pays natal en pleine évolution. « The Social Health Club » s'articule autour d'objets trouvés au marché Haraj de Djeddah en 2018, notamment divers équipements de sport, dont un rameur.

« Ce sont des pièces que j'ai chinées dans des brocantes. J'aime le fait qu'aucune instruction n'accompagne ces machines : je ne connais ni leur nom, ni leur provenance, ni leur fabricant. Mais elles font désormais partie du paysage urbain dans lequel j'évolue. J'ai essayé de créer un espace ludique », a-t-elle déclaré à Arab News. 

Dans « The Social Health Club », les équipements, peints principalement dans un jaune vif et saturé, restent intacts, symbolisant une culture obsédée par l'auto-optimisation. Au cœur de l'installation se trouve un caméo représentant un fer à repasser peint en jaune, déjà présent dans son œuvre vidéo de 2020 intitulée « Makwah Man » (Makwah signifie « fer à repasser » en arabe).

« Beaucoup de mes œuvres sont issues d'un récit que je crée dans une vidéo. Dans « Makwah Man », cet homme vêtu d'une thobe jaune repasse un long morceau de tissu jaune au milieu du désert. Et pendant qu'il repasse, il nous dit comment vivre notre vie. Mais en nous disant comment vivre notre vie, il commence aussi à remettre en question la sienne, à comprendre le rôle du pouvoir, à prendre conscience de la pression du changement et de l'adaptation », explique Alamoudi. 

« Le jaune est présent dans la vidéo, mais l'artiste porte également une thobe jaune. Il y a aussi, dans cette version présentée à Art Basel, un portant de thobes jaunes qui tournent dans l'exposition. Pour moi, la thobe jaune est un symbole unificateur. J'essaie de dire que nous vivons tous cela différemment. Ainsi, dans la performance (pour « The Social Health Club »), un culturiste local vêtu d'une thobe jaune fera des exercices sur ces machines. Il n'a pas de règles à suivre. Il ne connaît rien, ne sait pas comment utiliser « correctement » l'équipement. Il entrera dans l'espace et utilisera les machines comme il le pourra.

« La performance sera enregistrée. Mais je pense que c'est plutôt une activation », a-t-elle poursuivi. « Ce n'est pas l'œuvre elle-même. L'œuvre existe sous la forme des machines. 

« Le Social Health Club » a été créé en étroite collaboration avec la conservatrice Amal Khalaf. Ensemble, ils se sont rendus à Djeddah où Alamoudi a pu découvrir avec elle des « machines un peu inhabituelles, différentes des machines classiques que l'on trouve dans les salles de sport et dont tout le monde connaît immédiatement l'utilité », explique Alamoudi.

« Elle est vraiment incroyable », a-t-elle poursuivi. « Nous avons vraiment construit cet espace ensemble. En gros, j'ai principalement créé la vidéo ; tout le reste a été construit à partir de là. Elle m'a beaucoup aidée. Elle s'est vraiment intéressée aux changements sociaux et à la manière dont nous les abordons. Notre collaboration a été parfaite. »

Le jaune domine chaque centimètre carré de l'œuvre, de manière délibérée et intense. 

« Je suis obsédé par les symboles dans certaines de mes œuvres. Et cela s'accompagne également d'une couleur », explique Alamoudi. « Je voulais mettre en valeur quelque chose de luxueux, de coloré, presque comme de l'or, mais qui n'est pas de l'or. Son apparence est assez austère. » 

Le jaune est à la fois une invitation et un avertissement. « Je pense que le jaune est également assez trompeur. J'aime cette couleur qui incite les gens à s'approcher pour voir ce qui se passe, mais qui les amène en même temps à se demander ce que c'est  elle est si agressive qu'elle en devient un peu inconfortable. »

L'interaction du spectateur est essentielle à la signification de l'œuvre. 

« Je pense que les machines représentent quelque chose et qu'elles véhiculent quelque chose, mais elles sont en réalité activées par les gens, par ce que les gens font avec elles », explique Alamoudi. « C'est pourquoi j'encourage beaucoup de spectateurs à interagir avec les œuvres, à les utiliser ou à essayer de les utiliser sans aucune instruction. Beaucoup de personnes qui entrent dans l'espace peuvent avoir peur de les toucher ou d'interagir avec elles. La présence de l'artiste qui active les structures ajoute une autre dimension à l'œuvre elle-même. »

Elle espère que les visiteurs se sentiront libres d'explorer les œuvres, sans être encombrés par des attentes.

« Les gens sont censés les utiliser à leur guise. Ils peuvent s'asseoir dessus, se tenir debout dessus, les toucher — ils peuvent aussi les laisser tranquilles », conclut-elle en riant. 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com