Le Hamas menace d'exécuter des otages israéliens en réaction aux frappes sur Gaza

Plus de 700 Israéliens ont été tués depuis le début de l'attaque et 2.150 ont été blessés, a annoncé l'armée israélienne dans un nouveau bilan publié lundi matin. (AFP).
Plus de 700 Israéliens ont été tués depuis le début de l'attaque et 2.150 ont été blessés, a annoncé l'armée israélienne dans un nouveau bilan publié lundi matin. (AFP).
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Publié le Mercredi 11 octobre 2023

Le Hamas menace d'exécuter des otages israéliens en réaction aux frappes sur Gaza

  • Cette menace intervient après le "siège total" imposé lundi par Israël à la bande de Gaza
  • "Ce qui s'est passé est sans précédent en Israël", a reconnu le Premier ministre israélien

JERUSALEM: Le Hamas a menacé lundi soir d'exécuter des otages israéliens en réaction aux frappes israéliennes qui se multiplient sur la bande de Gaza au troisième jour de l'offensive massive déclenchée par le mouvement islamiste palestinien, qui a provoqué la sidération dans le pays.

Cette menace intervient après le "siège total" imposé lundi par Israël à la bande de Gaza contrôlée depuis 2007 par le Hamas et pilonnée par l'armée israélienne en réponse à l'attaque meurtrière sans précédent lancée samedi par le Hamas par voie de terre, air et mer, comparée par Israël aux attentats du 11 septembre 2001.

Lundi, l'armée israélienne a annoncé avoir repris le "contrôle" des localités du sud du pays prises pour cible. "Nous sommes déjà au coeur de la campagne mais ce n'est que le début", a déclaré M. Netanyahu à de hauts responsables locaux dans le sud d'Israël, là où des combattants du Hamas ont lancé leur attaque surprise. "Ce que le Hamas va vivre sera difficile et terrible (...), nous allons les vaincre avec de la force, énormément de force", a promis M. Netanyahu.

Mais le Hamas a mis en garde Israël: "Chaque fois que notre peuple sera pris pour cible sans avertissement, cela entraînera l'exécution d'un des otages civils (...). L'ennemi ne comprend pas le langage humanitaire et éthique, donc nous allons leur parler un langage qu'ils comprennent", a-t-il souligné dans un communiqué. Plus d'une centaine d'Israéliens ont été enlevés par le Hamas, selon le gouvernement.

La guerre a fait près de 1.400 morts au total, selon les bilans officiels de part et d'autre.

«Massacrés»

Selon l'armée, plus de 800 Israéliens ont été tués depuis le début de l'offensive samedi. "A ma connaissance, depuis la Shoah, il n'y a jamais eu autant de juifs tués en un seul jour", a déclaré le président israélien, Isaac Herzog, dans une vidéo.

Samedi, 250 personnes ont été massacrées dans une rave party organisée dans le désert israélien près de la bande Gaza, selon le porte-parole de l'ONG Zaka, Moti Bukjin, qui a participé à la collecte des corps.

Le ministère de la Santé israélien a également fait état de 2.616 blessés. Côté palestinien, 560 personnes ont été tuées et 2.900 blessées, selon les autorités locales.

Des dizaines de milliers de soldats israéliens sont déployés autour de la bande de Gaza, mince territoire côtier peuplé de 2,3 millions de Palestiniens et contrôlé par le Hamas depuis 2007.

Dans la foulée de l'annonce du "siège" de Gaza, le ministre israélien de l'Energie, Israël Katz, a ordonné la "coupure immédiate" de l'approvisionnement en eau de cette enclave palestinienne à laquelle Israël fournit 10% de la consommation annuelle.

L'armée s'efforce aussi de sauver les Israéliens pris en otage par le Hamas, plus de 100 selon le gouvernement israélien, du jamais vu dans l'histoire du pays pris par surprise par cette offensive lancée samedi au dernier jour des fêtes juives de Souccot, "de loin le pire jour de l'histoire d'Israël", selon un porte-parole de l'armée.

"Ce qui s'est passé est sans précédent en Israël", a reconnu le Premier ministre israélien.

L'armée israélienne estime à un millier le nombre de combattants du Hamas ayant participé à "l'invasion d'Israël", a déclaré un porte-parole sur X (ex-Twitter).

L'armée a par ailleurs annoncé avoir tué "plusieurs suspects armés" qui s'étaient infiltrés en Israël à partir du Liban.

Lundi, les sirènes d'alerte à la roquette ont retenti à Jérusalem et dans le centre d'Israël, alors que les tirs de roquettes en provenance de Gaza se sont poursuivis surtout sur le sud d'Israël.

«Aucune négociation possible» pour le moment avec Israël

"L'opération militaire se poursuit et la résistance, menée par les Brigades Al-Qassam (branche armée du Hamas), continue de défendre les droits de notre peuple, donc il n'y a actuellement aucune négociation possible sur la question des prisonniers ou autre" avec Israël, a déclaré Hossam Badrane, membre du bureau politique du Hamas dans la capitale du Qatar.

"Notre mission consiste désormais à tout mettre en œuvre pour empêcher l'occupation de continuer à commettre des massacres contre notre peuple à Gaza, qui visent directement les habitations civiles."

Etrangers tués 

Nombre de ressortissants d'autres pays, certains ayant aussi la nationalité israélienne, ont été tués dans l'offensive du Hamas, notamment 12 Thaïlandais, 10 Népalais, au moins neuf Américains, deux Français et un Canadien, selon les autorités de ces pays.

Jonathan Panikoff, directeur de l'initiative Scowcroft pour la sécurité au Moyen-Orient, a estimé qu'"Israël a été pris de court par cette attaque sans précédent" et "beaucoup d'Israéliens ont du mal à comprendre comment cela a pu se produire".

Pour Yaakov Shoshani, 70 ans, un habitant de Sdérot, dans le sud d'Israël, "les systèmes ont tous échoué ici, qu'il s'agisse du renseignement, du renseignement militaire, civil, des systèmes de détection, de la barrière frontalière (avec Gaza), tout a échoué".

"C'est de loin le pire jour de l'histoire d'Israël. Jamais auparavant autant d'Israéliens n'avaient été tués en une seule fois", a déclaré un porte-parole de l'armée, selon lequel il pourrait s'agir "à la fois d'un 11 septembre et d'un Pearl Harbour".

Après avoir franchi la barrière frontalière qu'Israël considérait imprenable, des combattants du Hamas se sont engouffrés depuis la bande de Gaza dans des localités juives du sud du pays. Là, des hommes armés sont allés de maison en maison, abattant des citoyens ou les enlevant pour les ramener à Gaza.

"Depuis la Shoah, nous n'avons pas été témoins de scénes de juifs, des femmes, des enfants et des grands parents pris sur des camions en captivité", a encore dit M. Herzog.

Erdogan met en garde Israël contre une attaque «indiscriminée» de Gaza

Recep Tayyip Erdogan a dit à son homologue israélien Isaac Herzog, lors d'une conversation téléphonique, que "frapper collectivement et de manière indiscriminée les habitants de Gaza ne ferait qu'accroître les souffrances et renforcer la spirale de la violence dans la région", a indiqué la présidence turque dans une communiqué.

"Nous demandons à Israël de cesser ses bombardements sur le territoire palestinien et aux Palestiniens de cesser de harceler les colonies israéliennes", a ajouté le président Erdogan dans une allocution télévisée lundi soir, exhortant les deux parties à respecter "l'éthique" de la guerre

«Bouleversé»

Un ancien soldat israélien a déclaré que la guerre israélo-arabe de 1973, qui reste un traumatisme national en Israël, était "peu de chose" comparée au raid du Hamas de samedi, ajoutant qu'il s'agissait d'un "très grave échec".

L'offensive du Hamas a été lancée 50 ans et un jour après cette guerre qui avait pris Israël totalement par surprise et fait 2.600 morts côté israélien en trois semaines de combats.

Les Brigades Al-Qassam, branche militaire du Hamas, ont annoncé avoir déclenché cette opération et tiré plus de 5.000 roquettes vers Israël pour "mettre fin aux crimes de l'occupation".

L'attaque du Hamas a été condamnée par de nombreux pays occidentaux. Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, tout en reconnaissant les "inquiétudes légitimes d'Israël pour sa sécurité", s'est dit "profondément bouleversé" par l'annonce des autorités israéliennes du "siège complet" de la bande de Gaza.

De leur côté, les Etats-Unis ont commencé dimanche à envoyer de l'aide militaire à Israël avec de nouvelles munitions et à rapprocher leur groupe aéronaval du porte-avions USS Gerald Ford en Méditerranée.

Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell a convoqué une réunion d'urgence mardi pour évoquer la situation en Israël et à Gaza.


Le procureur de la CPI demande des mandats d'arrêts contre Netanyahu et des dirigeants du Hamas

Une activiste musulmane tient un écriteau représentant le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu lors d'une manifestation contre Israël et en soutien aux Palestiniens à Gaza, devant l'ambassade des États-Unis à Jakarta, en Indonésie, le 17 mai 2024. (REUTERS)
Une activiste musulmane tient un écriteau représentant le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu lors d'une manifestation contre Israël et en soutien aux Palestiniens à Gaza, devant l'ambassade des États-Unis à Jakarta, en Indonésie, le 17 mai 2024. (REUTERS)
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  • Karim Khan a déclaré dans un communiqué qu'il demandait des mandats d'arrêt contre M. Netanyahu et le ministre de la Défense israélien Yoav Gallant
  • Pour des crimes tels que « le fait d’affamer délibérément des civils », «homicide intentionnel » et «extermination et/ou meurtre »

LA HAYE : Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a demandé lundi des mandats d'arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et des dirigeants du Hamas pour des crimes de guerre et crimes contre l'humanité présumés commis dans la bande de Gaza.

Karim Khan a déclaré dans un communiqué qu'il demandait des mandats d'arrêt contre M. Netanyahu et le ministre de la Défense israélien Yoav Gallant pour des crimes tels que "le fait d’affamer délibérément des civils", "homicide intentionnel" et "extermination et/ou meurtre".

"Nous affirmons que les crimes contre l'humanité visés dans les requêtes s'inscrivaient dans le prolongement d’une attaque généralisée et systématique dirigée contre la population civile palestinienne dans la poursuite de la politique d’une organisation. D’après nos constatations, certains de ces crimes continuent d’être commis", a affirmé M. Khan en référence à MM. Netanyahu et Gallant.

Les accusations portées contre les dirigeants du Hamas, dont Yahya Sinwar, le chef du mouvement, incluent "l'extermination", "le viol et d'autres formes de violence sexuelle" et "la prise d'otages en tant que crime de guerre".

"Nous affirmons que les crimes contre l'humanité visés dans les requêtes s'inscrivaient dans le prolongement d’une attaque généralisée et systématique menée par le Hamas ainsi que d’autres groupes armés dans la poursuite de la politique d'une organisation", est-il écrit dans le communiqué.

 


L'Iran en deuil après la mort du président Raïssi dans un accident d'hélicoptère

Des membres de l'équipe de secours travaillent sur le site du crash d'un hélicoptère transportant le président iranien Ebrahim Raisi à Varzaghan, dans le nord-ouest de l'Iran, le 20 mai 2024. (Agence de presse du MOJ/AFP)
Des membres de l'équipe de secours travaillent sur le site du crash d'un hélicoptère transportant le président iranien Ebrahim Raisi à Varzaghan, dans le nord-ouest de l'Iran, le 20 mai 2024. (Agence de presse du MOJ/AFP)
Des membres de l'équipe de secours travaillent sur le site du crash d'un hélicoptère transportant le président iranien Ebrahim Raisi à Varzaghan, dans le nord-ouest de l'Iran, le 20 mai 2024. (Agence de presse du MOJ/AFP)
Des membres de l'équipe de secours travaillent sur le site du crash d'un hélicoptère transportant le président iranien Ebrahim Raisi à Varzaghan, dans le nord-ouest de l'Iran, le 20 mai 2024. (Agence de presse du MOJ/AFP)
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  • Le décès de M. Raïssi à 63 ans ouvre une période d'incertitude politique en Iran
  • En attendant, c'est le premier vice-président Mohammad Mokhber, un homme de l'ombre de 68 ans, qui assumera les fonctions de président par intérim

TEHERAN: L'Iran a décrété lundi cinq jours de deuil pour rendre hommage à son président, Ebrahim Raïssi, décédé dans un accident d'hélicoptère trois ans après l'arrivée au pouvoir de cet ultraconservateur qui était considéré comme l'un des favoris pour succéder au Guide suprême, Ali Khamenei.

Le décès de M. Raïssi à 63 ans ouvre une période d'incertitude politique en Iran, au moment où le Moyen-Orient est secoué par la guerre dans la bande de Gaza entre Israël et le Hamas palestinien, un allié de la République islamique.

Sa mort brutale va entraîner une élection présidentielle au suffrage universel qui devra être organisée "dans les 50 jours", soit d'ici au 1er juillet.

Mohammad Mokhber

En attendant, c'est le premier vice-président Mohammad Mokhber, un homme de l'ombre de 68 ans, qui assumera les fonctions de président par intérim.

A ce stade, aucun nom ne se dégage comme prétendant pour la présidentielle, qui se déroulera quatre mois avant le scrutin présidentiel aux Etats-Unis, principal ennemi de la République islamique avec Israël.

Elu président en 2021, Ebrahim Raïssi était, lui, considéré comme l'un des favoris pour succéder au Guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, âgé de 85 ans.

"La nation iranienne a perdu un serviteur sincère et précieux", a déclaré le chef de l'Etat dans une déclaration. En soulignant que "ses ennuis dus à l'ingratitude et aux railleries de certains méchants ne l'empêchaient pas de travailler jour et nuit".

Le gouvernement a rendu hommage au "président du peuple iranien, travailleur et infatigable" qui "a sacrifié sa vie pour la nation".

L'annonce de son décès avait été faite en début de matinée par les agences de presse et les sites d'information après la découverte de l'épave de l'hélicoptère à l'aube. La télévision d'Etat a parallèlement diffusé des chants religieux en montrant des photos du président.

L'hélicoptère du président avait disparu dimanche en début d'après-midi alors qu'il survolait une région de l'Iran escarpée et boisée dans des conditions météorologiques difficiles, avec de la pluie et un épais brouillard.

«grande perte»

La perspective de découvrir vivants le président et les huit autres passagers, avait progressivement diminué durant la nuit.

Parmi eux figurait Hossein Amir-Abdollahian, 60 ans, nommé à la tête de la diplomatie par M. Raïssi en juillet 2021. Etaient également présents le gouverneur de la province d'Azerbaïdjan oriental, le principal imam de la région, ainsi que le chef de la sécurité du président et trois membres d'équipage.

Les secours ont récupéré lundi matin les dépouilles des neuf passagers éparpillés au milieu des débris de l'appareil, un Bell 212. Elles ont été transportées à  Tabriz, la grande ville du nord-ouest, où débuteront mardi les cérémonies de funérailles.

L'épave de l'hélicoptère a été découverte à l'aube sur le flanc d'une montagne qu'il aurait heurté pour une raison encore inconnue, selon des médias. Il s'était envolé dans des conditions météorologiques difficiles, avec des pluies et un épais brouillard.

De nombreux dirigeants, dont certains de pays entretenant des relations tièdes avec Téhéran, ont envoyé des messages de condoléances.

Le président russe, Vladimir Poutine, a rendu hommage à un  "politicien remarquable" et à un "véritable ami" de la Russie. Son décès est une "grande perte pour le peuple iranien", a salué le président chinois Xi Jinping.

«Pas de perturbations»

M. Raïssi, qui avait le titre d'ayatollah, présidait la République islamique depuis près de trois ans.

Considéré comme un ultraconservateur, il avait été élu le 18 juin 2021 dès le premier tour d'un scrutin marqué par une abstention record pour une présidentielle et l'absence de concurrents de poids.

Toujours coiffé de son turban noir et vêtu d'un long manteau de religieux, il avait succédé au modéré Hassan Rohani, qui l'avait battu à la présidentielle de 2017.

Il était soutenu par la principale autorité de la République islamique, l'ayatollah Ali Khamenei, qui a appelé dimanche "le peuple iranien" à "ne pas s'inquiéter" car "il n'y aura pas de perturbation dans l'administration du pays".

Dernier message pro-palestinien 

Raïssi s'était rendu dimanche dans la province d'Azerbaïdjan oriental, où il a notamment inauguré un barrage en compagnie du président d'Azerbaïdjan, Ilham Aliev, à la frontière entre les deux pays.

Au cours d'une conférence de presse commune, il a de nouveau apporté son soutien au Hamas face à Israël. "Nous pensons que la Palestine est la première question du monde musulman", a-t-il dit.

Dans un message de condoléances, le Hamas a salué un "soutien à la résistance palestinienne".

L'Iran avait lancé une attaque inédite le 13 avril contre Israël, avec 350 drones et missiles, dont la plupart ont été interceptés avec l'aide des Etats-Unis et de plusieurs autres pays alliés.

M. Raïssi était sorti renforcé des législatives qui se sont tenues en mars, premier scrutin national depuis le mouvement de contestation qui a secoué l'Iran fin 2022 à la suite du décès de Mahsa Amini, une jeune femme arrêtée pour non-respect du code vestimentaire strict de la République islamique.

Né en novembre 1960, Raïssi a effectué l'essentiel de sa carrière dans le système judiciaire, en étant notamment procureur général de Téhéran puis procureur général du pays, des postes où s'est construite sa réputation de fermeté envers les "ennemis" de la République islamique.

M. Raïssi figurait sur la liste noire américaine des responsables iraniens sanctionnés par Washington pour "complicité de graves violations des droits humains", des accusations balayées comme nulles et non avenues par Téhéran.


Dans le désert syrien, des milliers de déplacés oubliés

Dans un camp d'une région désertique aux confins de la Syrie, des milliers de déplacés fuyant la guerre dans leur pays sont "pris au piège" depuis des années, dépendant d'une aide qui ne leur parvient qu'au compte-gouttes. (AFP)
Dans un camp d'une région désertique aux confins de la Syrie, des milliers de déplacés fuyant la guerre dans leur pays sont "pris au piège" depuis des années, dépendant d'une aide qui ne leur parvient qu'au compte-gouttes. (AFP)
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  • "Nous sommes pris au piège", regrette Khaled, un policier de 50 ans ayant fait défection, qui refuse de donner son nom de famille pour des raisons de sécurité
  • Khaled a fui il y a huit ans sa région du centre de la Syrie, pour échapper aux exactions des jihadistes du groupe Etat islamique et aux forces du régime

BEYROUTH: Dans un camp d'une région désertique aux confins de la Syrie, des milliers de déplacés fuyant la guerre dans leur pays sont "pris au piège" depuis des années, dépendant d'une aide qui ne leur parvient qu'au compte-gouttes.

Au milieu d'un paysage lunaire balayé par les tempêtes du désert, le camp de Rokbane est situé dans un no man's land près de la frontière avec l'Irak et la Jordanie, qui ont tous deux fermé leurs frontières aux réfugiés syriens.

"Nous sommes pris au piège", regrette Khaled, un policier de 50 ans ayant fait défection, qui refuse de donner son nom de famille pour des raisons de sécurité.

"Nous ne pouvons pas nous rendre (dans les autres régions) de Syrie car nous sommes recherchés par le régime, et nous ne pouvons pas entrer en Jordanie ou en Irak", ajoute-t-il.

Khaled a fui il y a huit ans sa région du centre de la Syrie, pour échapper aux exactions des jihadistes du groupe Etat islamique et aux forces du régime.

Le conflit en Syrie s'est déclenché en 2011 par la répression de manifestations prodémocratie, et s'est complexifié au fil des ans avec l'implication d'acteurs régionaux, de puissances étrangères et de groupes jihadistes, sur un territoire de plus en plus morcelé.

Le camp de Rokbane est situé dans une enclave protégée par une base militaire de la coalition internationale antijihadiste dirigée par Washington.

Le régime syrien contrôle les zones tout autour et le passage de l'aide est tributaire de son bon vouloir.

Rokbane a été établi en 2014, au plus fort de la guerre et a compté à un moment plus de 100.000 résidents, mais il n'en reste plus que 8.000 aujourd'hui.

« De pain et de thé »

Poussés par la faim, la pauvreté et l'absence de soins, un grand nombre de déplacés sont partis, surtout depuis que la Jordanie a fermé sa frontière en 2016.

L'ONU qualifie la situation de "désespérée" dans le camp où aucun convoi d'aide humanitaire n'a pénétré depuis 2019. Les vivres y sont acheminées en contrebande et revendues à prix d'or.

Mais les habitants risquent de ne plus recevoir ces maigres réserves. Ils affirmant que les postes de contrôle du régime ont mis fin à tous les itinéraires de contrebande vers le camp il y a environ un mois.

"Mes filles vivent de pain et de thé. Les vivres commencent à manquer", déplore Khaled, joint au téléphone par l'AFP.

La plupart des familles subsistent grâce à l'envoi d'argent par leurs proches à l'étranger ou aux salaires de quelque 500 hommes qui travaillent dans la base américaine voisine pour 400 dollars par mois, explique Mohammad Derbas al-Khalidi.

Ce père de 14 enfants, qui dirige le conseil local du camp, indique être recherché par le régime pour avoir aidé des déserteurs au début de la guerre.

"Si je n'avais pas peur pour mes enfants et pour moi-même, je ne serais pas resté dans ce désert", assure-t-il.

Déportés de Jordanie

Les seuls nouveaux arrivants dans le camp sont chaque année quelques dizaines de Syriens déportés à leur sortie de prison par les autorités jordaniennes, selon le conseil local du camp et l'Observatoire syrien des droits de l'homme.

Depuis début 2024, 24 Syriens ont été déportés, dont Mohammed al-Khalidi, un mécanicien de 38 ans, qui était emprisonné en Jordanie pour trafic de drogue.

Il dit craindre d'être arrêté s'il revient dans la région de Homs dont il est originaire, sous contrôle des forces gouvernementales syriennes, et où il ne lui reste ni maison ni famille.

"Mes proches sont tous en Jordanie, et tous ceux qui étaient en Syrie ont été tués ou sont partis", affirme-t-il à l'AFP qui l'a contacté par téléphone.

Interrogé par l'AFP, un responsable jordanien a affirmé sous couvert de l'anonymat que le royaume "n’a pas forcé et ne forcera aucun réfugié syrien à retourner en Syrie".

« Comme une prison »

"Ce camp a les pires conditions de vie", affirme à l'AFP Mouaz Moustafa, de l'association Syrian Emergency Task Force, basée aux Etats-Unis, qui s'est rendu à Rokbane.

Son groupe a réussi à y acheminer de l'aide par avion, avec l'aide de la base américaine voisine.

"Mais ils ont besoin en premier, avant même la nourriture, de médecins", souligne Mouaz Moustafa, évoquant le cas d'un nouveau né souffrant de problèmes respiratoires ou d'accouchements compliqués.

Après un appel aux dons, Mohammed, 22 ans, a pu partir pour Homs dans le centre de la Syrie, pour subir une intervention chirurgicale au foie.

Quelques mois plus tard, il a échappé au service militaire en Syrie en fuyant au Liban. "N'importe quel endroit sur terre est mieux que Rokbane", dit-il à l'AFP, joint au téléphone.

Il n'a plus vu sa mère et ses deux frères depuis deux ans, ces derniers étant toujours bloqués à Rokbane. "Ma famille sait qu'elle ne sortira jamais (...) Ce camp est comme une prison."