Loi de programmation budgétaire: le Sénat tente d'exister, malgré le 49.3

Les membres du Sénat français participent à l'élection du nouveau président au Sénat français, à Paris, le 2 octobre 2023. (AFP)
Les membres du Sénat français participent à l'élection du nouveau président au Sénat français, à Paris, le 2 octobre 2023. (AFP)
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Publié le Mardi 17 octobre 2023

Loi de programmation budgétaire: le Sénat tente d'exister, malgré le 49.3

  • Le gouvernement veut ramener le déficit public de 4,8% du produit intérieur brut (PIB) en 2022 à 2,7% en 2027, sous l'objectif européen de 3%
  • Le Sénat, lui, propose un retour sous les 3% deux ans plus tôt, en 2025, et un déficit public ramené à 1,7% en 2027

PARIS: Le Sénat a adopté lundi le projet de loi de programmation des finances publiques avec agacement: l'article 49.3 activé par le gouvernement à l'Assemblée nationale limite ses chances de peser sur cette trajectoire budgétaire, que les sénateurs ont néanmoins durcie.

Au Palais du Luxembourg, les sénateurs ont dû gérer une situation relativement atypique, en examinant un texte que leurs collègues députés n'ont jamais adopté par un vote, ni en première lecture il y a près d'un an (rejet), ni en nouvelle lecture le 28 septembre dernier.

Ce soir-là, la Première ministre Elisabeth Borne avait engagé la responsabilité de son gouvernement via l'article 49.3 de la Constitution pour faire adopter le projet de loi sans passer par le vote, résistant par la suite à une motion de censure de l'alliance de gauche Nupes.

Le 49.3 n'est pas actionnable au Sénat, certes, mais l'Assemblée nationale a le dernier mot dans la navette parlementaire, ce qui permet au gouvernement de reprendre sa version du texte pour l'ultime examen attendu fin novembre, avec là encore l'hypothèse de le voir engager sa responsabilité.

«Effort»

La messe semble donc dite pour cette loi prenant la forme d'une feuille de route pour la trajectoire budgétaire française sur la période 2023-2027, à ne pas confondre avec les traditionnels budgets de l'Etat et de la Sécurité sociale examinés dans les prochains jours.

Dans ces conditions, quel rôle pour le Sénat? "Il fixera sa propre trajectoire", tranche le rapporteur général du budget Jean-François Husson (Les Républicains), agacé par l'exécutif qui "ne s'astreint à aucun effort" selon lui.

La majorité sénatoriale, dominée par la droite et le centre, s'apprête donc à accélérer la baisse du déficit dans sa version du texte.

Le gouvernement veut ramener le déficit public de 4,8% du produit intérieur brut (PIB) en 2022 à 2,7% en 2027, sous l'objectif européen de 3%. Le Sénat, lui, propose un retour sous les 3% deux ans plus tôt, en 2025, et un déficit public ramené à 1,7% en 2027.

Le gouvernement prévoit de "stabiliser" l'emploi sur le périmètre de l'Etat et de ses opérateurs ? La droite sénatoriale vise elle une "réduction de 5%".

"Comment la France peut-elle envisager de peser à nouveau sur l'Europe demain en étant le plus mauvais élève sur les finances publiques ?", s'interroge M. Husson, alors que la France serait l'un des derniers pays de la zone euro à ramener son déficit sous la barre des 3% selon la Cour des Comptes.

«Surenchère»

Les deniers européens sont par ailleurs au coeur de cette trajectoire budgétaire: l'exécutif compte dessus pour pouvoir obtenir de Bruxelles 17,8 milliards d'euros sur la période 2023-2024. Des arguments réfutés par la plupart des oppositions au Parlement.

Au Sénat, la gauche minoritaire s'indigne à la fois contre la trajectoire du gouvernement, qui "refuse de sortir de sa politique de désarmement fiscal qui appauvrit la puissance publique", et contre celle proposée par la droite sénatoriale, qui "en profite pour se démarquer en allant dans la surenchère", selon le sénateur socialiste Rémi Féraud.

Sur la forme, lui aussi s'indigne contre le 49.3 brandi à l'Assemblée. "Le gouvernement l'utilise comme un élément de découragement du travail parlementaire", pointe-t-il, "mais au Sénat il ne peut pas nous empêcher de travailler".

Le découragement a même un temps gagné les rangs de la droite et du centre, qui a envisagé d'introduire une "question préalable" lui permettant de rejeter directement le texte avant de l'examiner. "On s'est posé la question, en se disant +face au 49.3, on ne va pas s'embêter+", raconte un cadre de la majorité sénatoriale. "Mais il est difficile, sur un texte aussi sensible, de ne pas imprimer une ligne".

La chambre haute va donc livrer sa version au gouvernement sans grand espoir d'obtenir quoi que ce soit en retour... Et cela ne fait que commencer car cette logique risque de se répéter sur les textes budgétaires de l'automne, avec une pluie de 49.3 attendus.


Accord EU-USA: Bayrou juge que la France a été "un peu seule"

Le Premier ministre français, François Bayrou, s'adresse à la presse après une visite au siège de Tracfin, le service de lutte contre le blanchiment d'argent du ministère des Finances, à Montreuil, près de Paris, le 31 juillet 2025. (AFP)
Le Premier ministre français, François Bayrou, s'adresse à la presse après une visite au siège de Tracfin, le service de lutte contre le blanchiment d'argent du ministère des Finances, à Montreuil, près de Paris, le 31 juillet 2025. (AFP)
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  • Le Premier ministre, François Bayrou, a jugé jeudi que la France avait été "un peu seule" dans la bataille commerciale face aux Etats-unis
  • Le chef du gouvernement, qui avait vivement critiqué lundi l'accord commercial conclu entre l'Union européenne et les Etats-Unis, déplorant une "soumission" de l'Europe, a estimé que ce n'était "pas la fin de l'histoire"

PARIS: Le Premier ministre, François Bayrou, a jugé jeudi que la France avait été "un peu seule" dans la bataille commerciale face aux Etats-unis, en marge d'un déplacement dans les locaux de Tracfin, organisme de lutte contre la criminalité financière, à Montreuil (93).

Le chef du gouvernement, qui avait vivement critiqué lundi l'accord commercial conclu entre l'Union européenne et les Etats-Unis, déplorant une "soumission" de l'Europe, a estimé que ce n'était "pas la fin de l'histoire", et qu'il fallait "un processus encore pas totalement élucidé de ratification" de cet accord.

"Il y a à vérifier quelle est la portée exacte de ces accords, et les Etats auront d'une manière ou d'une autre leur mot à dire", a-t-il ajouté.

"Je sais que toutes les autorités françaises, et en particulier le président de la République (Emmanuel Macron), ont été ceux qui se sont battus le plus contre des concessions qu'on considérait comme excessives", a-t-il affirmé avant de s'interroger: "Est-ce que nous avons été un peu seuls? Oui".

"Est-ce qu'on a le sentiment qu'à l'intérieur de l'Union européenne, des forces politiques et économiques étaient plutôt sur une ligne de trouver des accommodements? Oui", a-t-il ajouté, en estimant que de son point de vue, "la voie pour l'Europe est une voie d'affirmation et de résistance quand il faut et de fierté le plus souvent possible".

La classe politique française a été unanime à dénoncer l'accord conclu entre le président américain, Donald Trump, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui prévoit notamment une hausse de 15% des droits de douane sur les exportations européennes.

Le président Emmanuel Macron a déploré mercredi en Conseil des ministres que l'Union européenne n'ait pas été assez "crainte" dans ses négociations commerciales avec les Etats-Unis, affirmant que la France continuerait de faire montre "d'exigence et de fermeté" dans la suite des discussions.


Lille: enquête ouverte après les propos sur internet d'une étudiante gazaouie

L'Institut d'études politiques (IEP) de Sciences Po à Lille. (AFP)
L'Institut d'études politiques (IEP) de Sciences Po à Lille. (AFP)
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  • Le parquet de Lille a annoncé jeudi avoir ouvert une enquête pour apologie du terrorisme et apologie de crime contre l'humanité concernant les publications sur les réseaux sociaux d'une étudiante gazaouie

LILLE: Le parquet de Lille a annoncé jeudi avoir ouvert une enquête pour apologie du terrorisme et apologie de crime contre l'humanité concernant les publications sur les réseaux sociaux d'une étudiante gazaouie, dont Sciences Po Lille a annulé l'inscription mercredi.

"Une enquête a été ouverte pour apologie du terrorisme, apologie de crime contre l'humanité avec utilisation d'un service de communication au public en ligne", a écrit la procureure de la République de Lille, Carole Etienne, à l'AFP.

Des captures d'écran circulant sur les réseaux sociaux montrent qu'un compte, attribué à cette étudiante par des internautes et fermé depuis, a repartagé des messages appelant à tuer des juifs.

Elle a été désinscrite de l'Institut d'études politiques de Lille, où elle devait étudier à partir de septembre, en raison du contenu de certaines de ses publications qui "entre en contradiction frontale avec les valeurs portées par Sciences Po Lille", a indiqué l'établissement mercredi.

"Pourquoi on est passé à travers? Il y a quand même une question, il faut y répondre", a reconnu jeudi sur RMC François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre de l'Intérieur.

"Il y aura des poursuites qui seront engagées et sur la base de ces éléments-là, elle est susceptible d'être renvoyée dans son pays, bien évidemment", a-t-il ajouté.

"Administrativement, semble-t-il, je suis très prudent, il n'y avait pas de difficulté particulière, sauf que sur les réseaux sociaux, voilà, on s'en est rendu compte", a-t-il ajouté, précisant que "les services des titres de séjour relèvent du ministère des Affaires étrangères".

Sollicité par l'AFP, Sciences Po Lille a expliqué avoir "accueilli cette étudiante sur proposition du consulat général de France à Jérusalem".

L'incident a fait largement réagir dans la classe politique, jusqu'au gouvernement.

"Une étudiante gazaouie tenant des propos antisémites n'a rien à faire en France", a réagi sur X le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. Il a indiqué avoir "demandé à ce qu'une enquête interne soit diligentée pour que cela ne puisse en aucun cas se reproduire".

Le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a souligné sur le même réseau social avoir "demandé de faire fermer ce compte haineux", et a martelé que "les propagandistes du Hamas n'ont rien à faire dans notre pays".


Restitutions coloniales: le gouvernement français annonce un projet de loi

La ministre française de la Culture Rachida Dati (G) et la ministre française des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative Marie Barsacq quittent le Palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 30 juillet 2025, après la réunion hebdomadaire du conseil des ministres. (AFP)
La ministre française de la Culture Rachida Dati (G) et la ministre française des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative Marie Barsacq quittent le Palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 30 juillet 2025, après la réunion hebdomadaire du conseil des ministres. (AFP)
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  • Le gouvernement français a présenté mercredi en conseil des ministres un projet de loi-cadre visant à faciliter la restitution à leur pays d'origine de biens culturels pillés pendant la colonisation
  • Ce projet de loi-cadre crée une dérogation au principe d'inaliénabilité pour les œuvres des collections nationales françaises

PARIS: Le gouvernement français a présenté mercredi en conseil des ministres un projet de loi-cadre visant à faciliter la restitution à leur pays d'origine de biens culturels pillés pendant la colonisation.

S'appliquant en priorité aux pays africains mais de "portée géographique universelle", ce texte vise à accélérer le retour dans leur pays d'origine de biens culturels appartenant aux collections nationales françaises.

Ils doivent revenir à des "Etats qui, du fait d'une appropriation illicite, en ont été privés" entre 1815 et 1972, selon le ministère français de la Culture.

Ce projet de loi-cadre crée une dérogation au principe d'inaliénabilité pour les œuvres des collections nationales françaises. Les oeuvres à restituer devront avoir été acquises "dans une situation de vol, de pillage, de cession ou de libéralité obtenue par contrainte ou violence ou d'une personne qui ne pouvait en disposer", a précisé le ministère.

La décision de sortie des collections pour opérer cette restitution ne passera plus par un processus législatif au cas par cas mais pourra intervenir sur seul décret du Conseil d'Etat et après avis, le cas échéant, d'une commission scientifique bilatérale.

Cette commission devra en effet documenter et déterminer, si besoin, le caractère illicite de l'appropriation des oeuvres réclamées à travers un travail qui associerait des experts et historiens français et l'Etat demandeur, selon le ministère.

Concernant la période historique retenue, 1815 correspond à la date d'un règlement des conquêtes napoléoniennes qui est dû à un premier mouvement de restitution d'œuvres à l'échelle européenne. 1972 est celle de l'entrée en application de la convention internationale de l'Unesco protégeant les biens culturels contre le trafic illicite.