Macron ou le difficile rééquilibrage de la position française au Proche-Orient

Le président français Emmanuel Macron et le président égyptien Abdel-Fattah al-Sisi se serrent la main à l'issue d'une conférence de presse commune au Caire, le 25 octobre 2023 (Photo, AFP).
Le président français Emmanuel Macron et le président égyptien Abdel-Fattah al-Sisi se serrent la main à l'issue d'une conférence de presse commune au Caire, le 25 octobre 2023 (Photo, AFP).
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Publié le Vendredi 27 octobre 2023

Macron ou le difficile rééquilibrage de la position française au Proche-Orient

  • C'est un chef de l'Etat à la voix enrouée qui a tenté, mardi et mercredi à Jérusalem, Ramallah, Amman et Le Caire, de porter une «initiative de paix et de sécurité» au destin incertain
  • Un sillon qu'il devait continuer de tracer jeudi et vendredi au sommet de l'Union européenne, dans l'espoir d'être au point d'équilibre d'un bloc continental très divisé

BRUXELLES: Au Proche-Orient puis à Bruxelles jeudi, Emmanuel Macron s'efforce de préciser la position de la France après l'attaque du Hamas contre Israël - d'abord perçue dans le monde arabe comme trop alignée sur la ligne israélienne - en quête d'un équilibre qui reste délicat à trouver.

Faut-il y voir un signe? Alors que ses opposants, à gauche, l'appelaient à rendre à la diplomatie française sa "voix singulière" dans le conflit israélo-palestinien, c'est un chef de l'Etat à la voix enrouée qui a tenté, mardi et mercredi à Jérusalem, Ramallah, Amman et Le Caire, de porter une "initiative de paix et de sécurité" au destin incertain.

Un sillon qu'il devait continuer de tracer jeudi et vendredi au sommet de l'Union européenne, dans l'espoir d'être au point d'équilibre d'un bloc continental très divisé.

Avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou mardi, le ton est grave, les mots sont forts.

Le 7 octobre, "c'est une page noire de notre propre histoire", prononce le président français, rappelant que la France partage le "deuil" des massacres de l'organisation islamiste palestinienne en Israël - 35 Français tués et neuf portés disparus ou otages du Hamas, selon le dernier bilan.

«Magistère de la parole»

Depuis cette attaque qui a fait plus de 1.400 morts en Israël et 200 otages, essentiellement civils, Paris soutient le "droit d'Israël à se défendre" et d'"éliminer" le "groupe terroriste Hamas", dans le "respect" du droit international.

Une position jugée par la gauche française comme trop alignée sur celle d'Israël ou des Etats-Unis.

Dans le monde arabo-musulman, la colère monte aussi à mesure que les représailles militaires israéliennes se traduisent par la mort de civils en nombre - le Hamas affirme que plus de 7.000 personnes ont été tuées à Gaza en 20 jours de guerre. Des manifestations antifrançaises ont eu lieu à Tunis, Téhéran et même en Cisjordanie mardi, en marge de la visite d'Emmanuel Macron, dont un portrait a été brûlé.

"Ce qui restait à la France, c'était le magistère de la parole, le pouvoir de faire entendre la voix du Sud auprès des Occidentaux", relève Karim Bitar, chercheur associé à l'Institut de relations internationales et stratégiques. Une voix "non alignée" portée en leur temps par les anciens présidents François Mitterrand ou Jacques Chirac, mais que nombre d'observateurs n'ont pas retrouvée ces deux dernières semaines.

Au cours de la tournée, leur lointain successeur a opéré un "léger rééquilibrage", constate cet expert.

L'objectif est aussi de politique intérieure pour Emmanuel Macron, qui redoute l'importation du conflit en France, où cohabitent d'importantes communautés juive et musulmane.

Son effort est d'abord brouillé par sa proposition surprise: utiliser la coalition internationale contre le groupe Etat islamique en Syrie et en Irak pour combattre "aussi" le Hamas.

Gages

L'accueil de ses interlocuteurs semble pour le moins mitigé. Ni Benjamin Netanyahou, ni le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, ni le roi de Jordanie Abdallah II, ni le chef de l'Etat égyptien Abdel Fattah al-Sissi ne citent cette idée à ses côtés.

"Cette initiative est apparue à beaucoup comme étrange et peu praticable", relève l'ex-ambassadeur Denis Bauchard, de l'Institut français des relations internationales. "Aucune dirigeant arabe ne peut aujourd'hui condamner le Hamas, soit par croyance, soit pour des raisons d'opinion publique."

Au fil de sa tournée, Emmanuel Macron rectifie le tir, parle de "coopération renforcée en matière de renseignement", et inclut cette suggestion dans une plus vaste "initiative" pour raviver l'idée moribonde de deux Etats israélien et palestinien.

S'il affirme, la mine fermée, que Mahmoud Abbas avait bien, dans le huis clos de leur tête-à-tête, "condamné le Hamas" - ce que le dirigeant palestinien s'est abstenu de faire en public à ses côtés - le président français donne aussi des gages à ses interlocuteurs arabes.

Une opération terrestre "massive" d'Israël dans le territoire palestinien serait "une erreur", affirme-t-il au Caire.

"La France ne pratique pas le double standard", "une vie palestinienne" vaut "une vie israélienne", martele-t-il, estimant que "rien ne saurait justifier" les "souffrances" des civils à Gaza et annonçant un renforcement de l'aide humanitaire française.

Proche allié de Paris dans la région, le président Sissi remercie chaleureusement.

Mais contrairement à son gouvernement et ses propres conseillers, Emmanuel Macron ne va pas jusqu'à réclamer une "pause" ou "trêve humanitaire".

"La trêve humanitaire aurait été perçue comme le minimum au Sud", estime pourtant Karim Bitar, jugeant que ces efforts risquent de s'avérer "insuffisants à ce stade pour régler le malentendu".


Légion d'honneur, Sarkozy « prend acte », rappelant que la CEDH doit encore examiner son recours

La Cour d'appel a confirmé l'année dernière la condamnation de l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour avoir tenté illégalement d'obtenir des faveurs d'un juge et lui a ordonné de porter un bracelet électronique à la cheville au lieu de purger une peine d'un an de prison. (Photo d'archive AFP)
La Cour d'appel a confirmé l'année dernière la condamnation de l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour avoir tenté illégalement d'obtenir des faveurs d'un juge et lui a ordonné de porter un bracelet électronique à la cheville au lieu de purger une peine d'un an de prison. (Photo d'archive AFP)
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  • L'ex-président (2007-2012) a rappelé que son recours devant la CEDH « est toujours pendant ». Il l'avait déposé après sa condamnation devenue définitive en décembre, à un an de prison ferme pour corruption dans l'affaire des écoutes. 
  • Nicolas Sarkozy, déjà exclu de l'ordre national du Mérite, est ainsi devenu le deuxième chef de l'État français privé de cette distinction, après le maréchal Pétain.

PARIS : L'ancien président Nicolas Sarkozy a « pris acte » dimanche de son exclusion de la Légion d'honneur et rappelle que la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) doit encore se prononcer sur son recours dans l'affaire des écoutes, a indiqué son avocat Patrice Spinosi dans une déclaration transmise à l'AFP.

« Nicolas Sarkozy prend acte de la décision prise par le grand chancelier. Il n’a jamais fait de cette question une affaire personnelle », a affirmé Patrice Spinosi, soulignant que si l'ancien chef de l'État « a fait valoir des arguments juridiques, c’était au nom de la fonction même de président de la République ».

L'ex-président (2007-2012) a rappelé que son recours devant la CEDH « est toujours pendant ». Il l'avait déposé après sa condamnation devenue définitive en décembre, à un an de prison ferme pour corruption dans l'affaire des écoutes. 

« La condamnation de la France (par la CEDH) impliquera la révision de la condamnation pénale prononcée à l'encontre de Nicolas Sarkozy, en même temps que l’exclusion de l’ordre de la Légion d’Honneur ; l’une n’étant que la conséquence de l’autre », a assuré Patrice Spinosi.

Nicolas Sarkozy, déjà exclu de l'ordre national du Mérite, est ainsi devenu le deuxième chef de l'État français privé de cette distinction, après le maréchal Pétain, à qui la Légion d'honneur avait été retirée en 1945 pour haute trahison et intelligence avec l'ennemi.

« Ce lien avec le maréchal Pétain est indigne », a déclaré la porte-parole du gouvernement Sophie Primas (LR), prenant « acte » elle aussi de cette décision « automatique qui fait partie du code de la Légion d’Honneur ».

« Le président Sarkozy a été là pour la France à des moments extrêmement compliqués », a-t-elle déclaré, se disant « un peu réservée non pas sur la règle, mais sur ce qu’elle entraîne comme comparaison ».

« C'est une règle, mais c'est aussi une honte », a déploré sur franceinfo Othman Nasrou, le nouveau secrétaire général de LR et proche de Bruno Retailleau, apportant son « soutien et son respect » à l'ex-président.

À gauche, le député écologiste Benjamin Lucas s'est félicité de la décision, appelant sur X à ce que « la République prive de ses privilèges et de son influence institutionnelle celui qui a déshonoré sa fonction et trahi le serment sacré qui lie le peuple à ses élus, celui de la probité ».


Echanges de frappes entre Israël et l'Iran : la France renforce la vigilance sur son territoire

 Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau  (Photo AFP)
Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau (Photo AFP)
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  • « Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme
  • Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

PARIS : Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau a appelé les préfets à renforcer la vigilance sur le territoire national. Il a notamment demandé de cibler les lieux de culte, les rassemblements festifs et les intérêts israéliens et américains. Cette demande a été transmise par télégramme. Elle a été envoyée vendredi. Cela fait suite à l'attaque israélienne en Iran.

« Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme consulté par l'AFP, alors qu'Israël et l'Iran poursuivaient leurs échanges de frappes meurtrières.

Les hostilités ont été déclenchées par une attaque israélienne massive contre des sites militaires et nucléaires iraniens, à laquelle Téhéran riposte avec des missiles balistiques. 

Dans ce contexte, M. Retailleau demande aux préfets de porter « une attention particulière » à la sécurité des lieux de culte, des établissements scolaires, des établissements publics et institutionnels, ainsi que des sites à forte affluence, notamment au moment des entrées et des sorties, et ce, incluant les « rassemblements festifs, culturels ou cultuels ».

Ces mesures de protection renforcée s'appliquent également aux « intérêts israéliens et américains ainsi qu'aux établissements de la communauté juive ».

Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

Vendredi soir, le président Emmanuel Macron a annoncé un « renforcement » du dispositif Sentinelle, qui déploie des militaires en France, « pour faire face à toutes les potentielles menaces sur le territoire national ».


Selon ManPowerGroup, l'IA pourrait réduire l'importance des « compétences » dans le recrutement

Des visiteurs font le tour des stands du salon VivaTech dédié aux start-ups technologiques et à l'innovation, à Paris Expo Porte de Versailles, à Paris, le 12 juin 2025. (Photo de Thomas SAMSON / AFP)
Des visiteurs font le tour des stands du salon VivaTech dédié aux start-ups technologiques et à l'innovation, à Paris Expo Porte de Versailles, à Paris, le 12 juin 2025. (Photo de Thomas SAMSON / AFP)
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  • L'irruption de l'intelligence artificielle (IA) bouleverse le marché du travail ainsi que les modes de recrutement et pourrait amener les employeurs à privilégier le « potentiel » des candidats plutôt que leurs « compétences ».
  • « un travailleur sur quatre dans le monde exerce une profession plus ou moins exposée à l'IA générative, mais la plupart des emplois seront transformés au lieu d'être supprimés, car une intervention humaine reste indispensable ».

PARIS : L'irruption de l'intelligence artificielle (IA) bouleverse le marché du travail ainsi que les modes de recrutement et pourrait amener les employeurs à privilégier le « potentiel » des candidats plutôt que leurs « compétences », selon un dirigeant de ManPowerGroup.

En effet, « les compétences pourraient s'avérer obsolètes dans six mois », explique Tomas Chamorro-Premuzic, directeur de l'innovation du géant américain du travail temporaire, rencontré par l'AFP au salon Vivatech, à Paris, qui ferme ses portes samedi.  Selon lui, « il vaut mieux savoir que vous travaillez dur, que vous êtes curieux, que vous avez de bonnes aptitudes relationnelles et ça, l'IA peut vous aider à l'évaluer ».

Selon l'Organisation internationale du travail (OIT), « un travailleur sur quatre dans le monde exerce une profession plus ou moins exposée à l'IA générative, mais la plupart des emplois seront transformés au lieu d'être supprimés, car une intervention humaine reste indispensable ».

Cependant, les tâches informatiques (utilisation d'Internet, messagerie, etc.) pouvant être accomplies de manière autonome par des agents d'IA connaissent une « rapide expansion ». 

Dans ce contexte, les employeurs pourraient rechercher de plus en plus de salariés dotés de compétences hors de portée de l'IA, telles que le jugement éthique, le service client, le management ou la stratégie, comme l'indique une enquête de ManpowerGroup menée auprès de plus de 40 000 employeurs dans 42 pays et publiée cette semaine.

M. Chamorro-Premuzic déplore toutefois que ces compétences ne soient pas encore davantage mises en avant dans la formation. « Pour chaque dollar que vous investissez dans la technologie, vous devez investir huit ou neuf dollars dans les ressources humaines, la transformation culturelle, la gestion du changement », dit-il.

Les craintes d'un chômage de masse provoqué par l'IA restent par ailleurs exagérées à ce stade, estime le dirigeant, malgré certaines prédictions alarmistes.

D'après Dario Amodei, patron de la société d'intelligence artificielle Anthropic, cette technologie pourrait faire disparaître la moitié des emplois de bureau les moins qualifiés d'ici cinq ans. 

« Si l'histoire nous enseigne une chose, c'est que la plupart des prévisions sont fausses », répond M. Chamorro-Premuzic.

Concernant le recrutement, activité principale de ManPowerGroup, le dirigeant ajoute que « les agents d'intelligence artificielle ne deviendront certainement pas le cœur de notre métier dans un futur proche ». Il constate également que l'IA est utilisée par les demandeurs d'emploi.

« Des candidats sont capables d'envoyer 500 candidatures parfaites en une journée, de passer des entretiens avec leurs bots et de déjouer certains éléments des évaluations », énumère-t-il.