Le djihadisme d'origine caucasienne en France, une affaire de génération

Un résident dépose une fleur alors qu'il assiste à la cérémonie funéraire de l'instituteur français Dominique Bernard à la mairie d'Arras, dans le nord de la France, le 19 octobre 2023 (Photo de Sameer Al-Doumy / AFP).
Un résident dépose une fleur alors qu'il assiste à la cérémonie funéraire de l'instituteur français Dominique Bernard à la mairie d'Arras, dans le nord de la France, le 19 octobre 2023 (Photo de Sameer Al-Doumy / AFP).
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Publié le Mercredi 01 novembre 2023

Le djihadisme d'origine caucasienne en France, une affaire de génération

  • Au total, selon une commissaire de la DGSI auditionnée sous couvert d'anonymat au procès d'Abdoul-Hakim Anaïev, sept projets d'attentat ont impliqué en France des individus originaire du Nord-Caucase depuis 2018
  • Après l'attentat d'Arras, Gérald Darmanin a appelé à une «approche spécialisée pour les jeunes hommes originaires du Caucase»

PARIS: Depuis 2018, plusieurs affaires terroristes, dont trois attentats, ont impliqué en France des djihadistes originaires de républiques russes du Nord-Caucase, essentiellement la Tchétchénie.

Alors que se termine mardi le procès d'Abdoul-Hakim Anaïev, accusé d'avoir "conditionné" le djihadiste franco-russe qui avait tué en mai 2018 un passant dans le quartier de l'Opéra à Paris, qui sont ces djihadistes radicalisés en France et quelles sont les spécificités du terrorisme d'origine caucasienne?

Plusieurs précédents

L'attaque au couteau du quartier de l'Opéra en mai 2018 par Khamzat Azimov, l'assassinat de Samuel Paty en octobre 2020 par Abdoullakh Anzorov et, le 13 octobre dernier, le meurtre de Dominique Bernard à Arras par Mohammed Mogouchkov: point commun de ces attentats, tous ont été commis par de jeunes radicalisés originaires du Nord-Caucase.

Au total, selon une commissaire de la DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure) auditionnée sous couvert d'anonymat au procès d'Abdoul-Hakim Anaïev, sept projets d'attentat ont impliqué en France des individus originaire du Nord-Caucase depuis 2018, et les autorités s'inquiètent.

Après l'attentat d'Arras, Gérald Darmanin a appelé à une "approche spécialisée pour les jeunes hommes originaires du Caucase sur la tranche 16-25 ans". Lundi, il a indiqué sur BFMTV qu'une liste de "39 citoyens russes (soupçonnés) de radicalisation" avait été présentée aux autorités russes en vue de leur expulsion.

Une communauté marquée par les guerres

Si son nombre exact est impossible à déterminer, la diaspora tchétchène est estimée par la DGSI à 30 000 à 60 000 personnes.

Elle est arrivée à partir des années 2000, fuyant les deux guerres d'indépendance qui ont dévasté la Tchétchénie (1994-1996 et 1999-2003). Celles-ci ont fait, selon les estimations, au moins 100 000 morts et plus de 400 000 réfugiés ou déplacés.

"Le traumatisme de la guerre crée un évitement chez certains réfugiés (...) Cela laisse un vide, ensuite comblé par des idées toxiques et engendrant une dérive identitaire", témoigne Jean-Baptiste Riolacci, avocat qui défend plusieurs mineurs impliqués dans des dossiers terroristes.

D'autant que ces deux guerres ont été le terreau idéal à la montée en puissance d'un islam radical. D'abord politique, la rébellion tchétchène a progressivement basculé dans le djihadisme jusqu'à proclamer, en 2007, un "Emirat islamique du Caucase" qui prêtera allégeance à l'EI en 2015.

 

Attentat à Paris: Dix ans de prison pour l'ami d'un djihadiste

Un Franco-russe, Abdoul-Hakim Anaiev, ami d'un djihadiste qui a tué en 2018 un passant à Paris, a été condamné à dix ans de prison assortis d'une période de sûreté des deux tiers, a annoncé mardi la cour d'assises spéciale de Paris.

Après plus de cinq heures de délibérations, Abdoul-Hakim Anaiev a été jugé coupable de participation à une "association de malfaiteurs terroriste" en vue de la préparation de crimes.

"Bien sûr nous aurions aimé, sans esprit de vengeance, sans esprit de revanche, que la cour aille un peu plus loin dans la condamnation", a réagi Carole Masliah, une des avocates représentant des parties civiles.

Une rupture générationnelle

La plupart des membres de la communauté tchétchène en Europe, notamment les plus âgés, sont restés attachés à la cause historique de l'indépendance de la Tchétchénie.

"Les individus qui passent à l'action ne sont pas de vrais expatriés. C'est généralement la génération d'après, qui était très jeune à son arrivée sur le territoire", constate Alain Rodier, directeur de recherche au Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R).

Mieux intégrés socialement, parlant le français, ils ne sont pas "reclus dans leur communauté" et sont plus perméables à l'idéologie djihadiste que leurs aînés, selon Amélie-Myriam Chelly, sociologue spécialiste des islams politiques.

Abdoullakh Anzorov, l'assassin de Samuel Paty, était par exemple en rupture religieuse avec son père, rappelle-t-elle: "Dans les mois qui ont précédé son passage à l'acte, il niait l'islamité de son propre père".

Radicalisation sur internet

La propagande de Daech a commencé à cibler les populations russophones à partir de 2013. De nombreux nord-caucasiens rejoignent ensuite le groupe EI en Irak et en Syrie, où leur expérience de la guerre les fait accéder rapidement à des postes de commandement.

Des exemples qui ont pu inspirer les jeunes djihadistes français d'origine caucasienne, d'autant que l'image "guerrière" des Tchétchènes est "investie par les Tchétchènes eux-mêmes", selon Amélie-Myriam Chelly.

"Avec des jeunes qui ne sont pas mûrs, qui n'ont pas connu l'histoire de notre peuple, nos tragédies, on arrive à des situations où ils se font influencer", témoigne Chamil Albakov, porte-parole de l'Assemblée des Tchétchènes d'Europe.

Pour autant, "il ne faut pas voir dans chaque jeune Tchétchène impliqué (...) un authentique parcours de radicalisation. Certains, malheureusement, sont simplement vulnérables, psychologiquement fragiles", rappelle l'avocat Jean-Baptiste Riolacci.


Légion d'honneur, Sarkozy « prend acte », rappelant que la CEDH doit encore examiner son recours

La Cour d'appel a confirmé l'année dernière la condamnation de l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour avoir tenté illégalement d'obtenir des faveurs d'un juge et lui a ordonné de porter un bracelet électronique à la cheville au lieu de purger une peine d'un an de prison. (Photo d'archive AFP)
La Cour d'appel a confirmé l'année dernière la condamnation de l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour avoir tenté illégalement d'obtenir des faveurs d'un juge et lui a ordonné de porter un bracelet électronique à la cheville au lieu de purger une peine d'un an de prison. (Photo d'archive AFP)
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  • L'ex-président (2007-2012) a rappelé que son recours devant la CEDH « est toujours pendant ». Il l'avait déposé après sa condamnation devenue définitive en décembre, à un an de prison ferme pour corruption dans l'affaire des écoutes. 
  • Nicolas Sarkozy, déjà exclu de l'ordre national du Mérite, est ainsi devenu le deuxième chef de l'État français privé de cette distinction, après le maréchal Pétain.

PARIS : L'ancien président Nicolas Sarkozy a « pris acte » dimanche de son exclusion de la Légion d'honneur et rappelle que la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) doit encore se prononcer sur son recours dans l'affaire des écoutes, a indiqué son avocat Patrice Spinosi dans une déclaration transmise à l'AFP.

« Nicolas Sarkozy prend acte de la décision prise par le grand chancelier. Il n’a jamais fait de cette question une affaire personnelle », a affirmé Patrice Spinosi, soulignant que si l'ancien chef de l'État « a fait valoir des arguments juridiques, c’était au nom de la fonction même de président de la République ».

L'ex-président (2007-2012) a rappelé que son recours devant la CEDH « est toujours pendant ». Il l'avait déposé après sa condamnation devenue définitive en décembre, à un an de prison ferme pour corruption dans l'affaire des écoutes. 

« La condamnation de la France (par la CEDH) impliquera la révision de la condamnation pénale prononcée à l'encontre de Nicolas Sarkozy, en même temps que l’exclusion de l’ordre de la Légion d’Honneur ; l’une n’étant que la conséquence de l’autre », a assuré Patrice Spinosi.

Nicolas Sarkozy, déjà exclu de l'ordre national du Mérite, est ainsi devenu le deuxième chef de l'État français privé de cette distinction, après le maréchal Pétain, à qui la Légion d'honneur avait été retirée en 1945 pour haute trahison et intelligence avec l'ennemi.

« Ce lien avec le maréchal Pétain est indigne », a déclaré la porte-parole du gouvernement Sophie Primas (LR), prenant « acte » elle aussi de cette décision « automatique qui fait partie du code de la Légion d’Honneur ».

« Le président Sarkozy a été là pour la France à des moments extrêmement compliqués », a-t-elle déclaré, se disant « un peu réservée non pas sur la règle, mais sur ce qu’elle entraîne comme comparaison ».

« C'est une règle, mais c'est aussi une honte », a déploré sur franceinfo Othman Nasrou, le nouveau secrétaire général de LR et proche de Bruno Retailleau, apportant son « soutien et son respect » à l'ex-président.

À gauche, le député écologiste Benjamin Lucas s'est félicité de la décision, appelant sur X à ce que « la République prive de ses privilèges et de son influence institutionnelle celui qui a déshonoré sa fonction et trahi le serment sacré qui lie le peuple à ses élus, celui de la probité ».


Echanges de frappes entre Israël et l'Iran : la France renforce la vigilance sur son territoire

 Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau  (Photo AFP)
Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau (Photo AFP)
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  • « Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme
  • Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

PARIS : Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau a appelé les préfets à renforcer la vigilance sur le territoire national. Il a notamment demandé de cibler les lieux de culte, les rassemblements festifs et les intérêts israéliens et américains. Cette demande a été transmise par télégramme. Elle a été envoyée vendredi. Cela fait suite à l'attaque israélienne en Iran.

« Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme consulté par l'AFP, alors qu'Israël et l'Iran poursuivaient leurs échanges de frappes meurtrières.

Les hostilités ont été déclenchées par une attaque israélienne massive contre des sites militaires et nucléaires iraniens, à laquelle Téhéran riposte avec des missiles balistiques. 

Dans ce contexte, M. Retailleau demande aux préfets de porter « une attention particulière » à la sécurité des lieux de culte, des établissements scolaires, des établissements publics et institutionnels, ainsi que des sites à forte affluence, notamment au moment des entrées et des sorties, et ce, incluant les « rassemblements festifs, culturels ou cultuels ».

Ces mesures de protection renforcée s'appliquent également aux « intérêts israéliens et américains ainsi qu'aux établissements de la communauté juive ».

Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

Vendredi soir, le président Emmanuel Macron a annoncé un « renforcement » du dispositif Sentinelle, qui déploie des militaires en France, « pour faire face à toutes les potentielles menaces sur le territoire national ».


Selon ManPowerGroup, l'IA pourrait réduire l'importance des « compétences » dans le recrutement

Des visiteurs font le tour des stands du salon VivaTech dédié aux start-ups technologiques et à l'innovation, à Paris Expo Porte de Versailles, à Paris, le 12 juin 2025. (Photo de Thomas SAMSON / AFP)
Des visiteurs font le tour des stands du salon VivaTech dédié aux start-ups technologiques et à l'innovation, à Paris Expo Porte de Versailles, à Paris, le 12 juin 2025. (Photo de Thomas SAMSON / AFP)
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  • L'irruption de l'intelligence artificielle (IA) bouleverse le marché du travail ainsi que les modes de recrutement et pourrait amener les employeurs à privilégier le « potentiel » des candidats plutôt que leurs « compétences ».
  • « un travailleur sur quatre dans le monde exerce une profession plus ou moins exposée à l'IA générative, mais la plupart des emplois seront transformés au lieu d'être supprimés, car une intervention humaine reste indispensable ».

PARIS : L'irruption de l'intelligence artificielle (IA) bouleverse le marché du travail ainsi que les modes de recrutement et pourrait amener les employeurs à privilégier le « potentiel » des candidats plutôt que leurs « compétences », selon un dirigeant de ManPowerGroup.

En effet, « les compétences pourraient s'avérer obsolètes dans six mois », explique Tomas Chamorro-Premuzic, directeur de l'innovation du géant américain du travail temporaire, rencontré par l'AFP au salon Vivatech, à Paris, qui ferme ses portes samedi.  Selon lui, « il vaut mieux savoir que vous travaillez dur, que vous êtes curieux, que vous avez de bonnes aptitudes relationnelles et ça, l'IA peut vous aider à l'évaluer ».

Selon l'Organisation internationale du travail (OIT), « un travailleur sur quatre dans le monde exerce une profession plus ou moins exposée à l'IA générative, mais la plupart des emplois seront transformés au lieu d'être supprimés, car une intervention humaine reste indispensable ».

Cependant, les tâches informatiques (utilisation d'Internet, messagerie, etc.) pouvant être accomplies de manière autonome par des agents d'IA connaissent une « rapide expansion ». 

Dans ce contexte, les employeurs pourraient rechercher de plus en plus de salariés dotés de compétences hors de portée de l'IA, telles que le jugement éthique, le service client, le management ou la stratégie, comme l'indique une enquête de ManpowerGroup menée auprès de plus de 40 000 employeurs dans 42 pays et publiée cette semaine.

M. Chamorro-Premuzic déplore toutefois que ces compétences ne soient pas encore davantage mises en avant dans la formation. « Pour chaque dollar que vous investissez dans la technologie, vous devez investir huit ou neuf dollars dans les ressources humaines, la transformation culturelle, la gestion du changement », dit-il.

Les craintes d'un chômage de masse provoqué par l'IA restent par ailleurs exagérées à ce stade, estime le dirigeant, malgré certaines prédictions alarmistes.

D'après Dario Amodei, patron de la société d'intelligence artificielle Anthropic, cette technologie pourrait faire disparaître la moitié des emplois de bureau les moins qualifiés d'ici cinq ans. 

« Si l'histoire nous enseigne une chose, c'est que la plupart des prévisions sont fausses », répond M. Chamorro-Premuzic.

Concernant le recrutement, activité principale de ManPowerGroup, le dirigeant ajoute que « les agents d'intelligence artificielle ne deviendront certainement pas le cœur de notre métier dans un futur proche ». Il constate également que l'IA est utilisée par les demandeurs d'emploi.

« Des candidats sont capables d'envoyer 500 candidatures parfaites en une journée, de passer des entretiens avec leurs bots et de déjouer certains éléments des évaluations », énumère-t-il.