L'interminable attente des Afghans réfugiés au Pakistan qui rêvent d'Occident

Cette photo prise le 23 novembre 2023 montre un réfugié afghan tenant ses enfants alors qu'ils rentrent volontairement après avoir visité le centre de rapatriement volontaire Azakhel du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) à Nowshera. (AFP)
Cette photo prise le 23 novembre 2023 montre un réfugié afghan tenant ses enfants alors qu'ils rentrent volontairement après avoir visité le centre de rapatriement volontaire Azakhel du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) à Nowshera. (AFP)
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Publié le Jeudi 30 novembre 2023

L'interminable attente des Afghans réfugiés au Pakistan qui rêvent d'Occident

  • Près de 600 000 Afghans sont depuis arrivés au Pakistan, espérant pour beaucoup obtenir l'asile dans des pays tiers
  • La vie au Pakistan est dure pour ces réfugiés qui n'ont pas le droit de travailler, ne peuvent souvent pas scolariser leurs enfants, ont du mal à se faire soigner, manquent d'argent et peinent à faire renouveler leurs visas

ISLAMABAD: En Afghanistan, Abdullah était une personnalité reconnue. Au Pakistan, où il s'est réfugié pour échapper aux talibans, il se terre pour éviter d'être expulsé, attendant depuis deux ans une évacuation vers un pays occidental qui ne vient pas.

Ce journaliste, âgé de 30 ans, a fui son pays après le retour au pouvoir des talibans à Kaboul en août 2021. Comme lui, près de 600.000 Afghans sont depuis arrivés au Pakistan, espérant pour beaucoup obtenir l'asile dans des pays tiers.

Mais deux ans après, ils restent largement englués dans les lents processus d'accueil établis par les Occidentaux, tout en étant menacés d'être renvoyés en Afghanistan par Islamabad, qui a décidé de sévir contre les sans-papiers.

"Si j'avais pu mener une vie normale à Kaboul, je serais devenu vendeur de rue ou commerçant. J'aurais encore préféré ça à ma situation actuelle (...) Parfois, par peur de la police, je ne quitte pas cette pièce pendant 15 jours", raconte à l'AFP Abdullah Kabeer, dont le nom a été changé pour raisons de sécurité, dans un appartement d'Islamabad.

Le Pakistan a lancé une vaste opération de refoulement des Afghans sans papiers vivant sur son sol. Plus de 345 000 personnes sont rentrées dans leur pays ou ont été expulsées depuis début octobre.

Le visa d'Abdullah, qui craint pour sa vie s'il devait retourner en Afghanistan, est encore valide. Mais la police est accusée d'arrêter aussi des Afghans en situation régulière.

Il a été réveillé deux fois par des raids nocturnes de policiers armés jusqu'aux dents. "La manière dont ils nous ont traités... On ne traiterait même pas un terroriste comme ça", s'agace-t-il, même s'il a finalement été laissé libre.

"A Kaboul, j'étais journaliste et professeur d'université. (Ici) j'ai perdu mon identité", poursuit Abdullah, arrivé au Pakistan fin 2021 sur le conseil des autorités américaines et de Reporters sans frontières (RSF).

«Besoin de vivre»

Depuis, il n'a eu que deux ou trois contacts par courriel avec les premières et a perdu tout espoir d'émigrer aux Etats-Unis. Grâce à RSF, il a eu un entretien à l'ambassade de France à Islamabad. Il attend la réponse.

La vie au Pakistan est dure pour ces réfugiés. Ils n'ont pas le droit de travailler, ne peuvent souvent pas scolariser leurs enfants, ont du mal à se faire soigner, manquent d'argent et peinent à faire renouveler leurs visas.

"Nous sommes dans l'incertitude. Cela fait près de deux ans (...) et mon dossier n'est toujours pas traité", déplore Afsaneh Safi (nom d'emprunt), 38 ans, une militante arrivée en mars 2022.

Elle a déposé des demandes de visa auprès de l'Allemagne, l'Espagne et le Canada, mais seul ce dernier a maintenu le contact. Ses enfants ne vont pas à l'école et le visa pakistanais de l'un d'eux n'a pas été prolongé. Sa mère, restée en Afghanistan, doit vendre les biens qu'ils ont laissés derrière eux pour les faire vivre.

Beaucoup de ces réfugiés se sentent oubliés du monde, tourné vers d'autres priorités avec l'Ukraine et Gaza.

Le dossier d'Ahmed Khan (nom d'emprunt), 32 ans, un ancien interprète de l'armée britannique en Afghanistan, a été approuvé il y a deux ans. Pourtant, il reste coincé dans une chambre d'hôtel d'Islamabad, payée par l'ambassade britannique.

"Cela fait plus de 700 jours que je suis ici", constate-t-il, amer. "Je ne sais pas pourquoi le gouvernement britannique est injuste avec moi, pourquoi je suis bloqué ici. J'ai besoin de vivre, d'être éduqué, de me créer un nouveau chez-moi."

«Soyez patient»

"On est comme prisonniers. On ne se sent pas bien. Beaucoup de familles afghanes sont bloquées depuis plus d'un an dans ces hôtels. Les enfants ne vont pas à l'école. Ils ont besoin d'éducation", ajoute cet ancien directeur d'école.

Son visa pakistanais a expiré depuis plus d'un an et il redoute d'être expulsé vers l'Afghanistan, même si Islamabad s'est engagé à ne pas toucher aux gens dans sa situation.

"Quand j'envoie un texto à l'agent chargé de mon dossier, il me dit juste:+Soyez patient, soyez patient+ (...) Les pires mots, les plus ennuyeux, c'est +soyez patient+", reprend Ahmed, soutenu par l'association britannique Sulha Alliance.

Le Royaume-Uni a accueilli 21.500 Afghans dans le cadre de ses programmes de réinstallation pour anciens employés et personnes à risque. Mais 70% d'entre eux sont arrivés lors de l'évacuation de Kaboul par pont aérien, fin août 2021. Lors des six premiers mois de l'année 2023, seulement 175 personnes en ont bénéficié.

Les Etats-Unis ont accepté 90.000 Afghans sur leur sol depuis août 2021, dont là encore plus de 80% lors de l'évacuation de Kaboul. Environ 20.000 personnes, recommandées par des officiels, des ONG ou des médias américains, attendraient encore au Pakistan que leur dossier soit étudié et 150.000 restent bloquées en Afghanistan.

Les expulsions semblent cependant avoir convaincu les Occidentaux d'accélérer les procédures. Le Royaume-Uni a ainsi repris à la fin octobre les vols interrompus depuis plusieurs mois et prévoit d'évacuer 2.800 Afghans d'ici la fin de l'année.

"S'ils veulent soutenir le peuple afghan, ils devraient le prouver par des actes", plaide Munisa Mubariz, 33 ans, une militante des droits des femmes qui espère partir rapidement au Canada.

"Ils devraient tenir leurs engagements, leurs promesses envers ces réfugiés."


Russie: le suicide apparent d'un ministre sème la peur au sein de l'élite

Roman Starovoït avait été gouverneur de la région russe de Koursk, frontalière de l'Ukraine, avant d'être promu ministre à Moscou en mai 2024, trois mois avant que les troupes ukrainiennes ne prennent le contrôle d'une petite partie de ce territoire lors d'une offensive surprise. Une attaque qui avait été un revers pour le Kremlin. (AFP)
Roman Starovoït avait été gouverneur de la région russe de Koursk, frontalière de l'Ukraine, avant d'être promu ministre à Moscou en mai 2024, trois mois avant que les troupes ukrainiennes ne prennent le contrôle d'une petite partie de ce territoire lors d'une offensive surprise. Une attaque qui avait été un revers pour le Kremlin. (AFP)
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  • Si les circonstances de la mort de Roman Starovoït, âgé de 53 ans, restent floues, les médias russes ont évoqué une enquête pour corruption le visant, assurant qu'il devait être arrêté prochainement
  • Limogé par le président Vladimir Poutine, il s'est probablement donné la mort, selon les premiers résultats de l'enquête, qui est en cours

SAINT-PETERSBOURG: Le suicide probable du ministre russe des Transports, Roman Starovoït, annoncé peu après son limogeage lundi par Vladimir Poutine sur fond d'allégations de corruption, a profondément choqué l'élite politique, où chacun redoute de faire les frais de la chasse aux profiteurs.

Ses funérailles ont eu lieu vendredi dans un cimetière de Saint-Pétersbourg en présence de sa famille et de collègues, mais en l'absence de M. Poutine qui n'a pas non plus participé à la cérémonie d'adieu jeudi.

Si les circonstances de la mort de Roman Starovoït, âgé de 53 ans, restent floues, les médias russes ont évoqué une enquête pour corruption le visant, assurant qu'il devait être arrêté prochainement.

Limogé par le président Vladimir Poutine, il s'est probablement donné la mort, selon les premiers résultats de l'enquête, qui est en cours.

"C'est une grande perte pour nous, très inattendue. Nous sommes tous choqués", a déclaré à l'AFP Vassilissa, 42 ans, l'épouse d'un collègue de M. Starovoït, lors de la cérémonie de jeudi.

"Il était tellement actif, joyeux, il aimait énormément la vie. Je ne comprends pas comment cela a pu arriver", ajoute cette femme, les larmes aux yeux.

Après avoir déposé devant le cercueil de grands bouquets de roses rouges, des anciens collègues de M. Starovoït, en costumes sombres, sont repartis très vite dans leurs luxueuses voitures noires.

Dans une ambiance très lourde rappelant les funérailles dans le film culte "Le Parrain" de Francis Ford Coppola, d'autres personnes interrogées par les journalistes de l'AFP dans la foule ont refusé de parler.

"Bouc émissaire" 

Roman Starovoït avait été gouverneur de la région russe de Koursk, frontalière de l'Ukraine, avant d'être promu ministre à Moscou en mai 2024, trois mois avant que les troupes ukrainiennes ne prennent le contrôle d'une petite partie de ce territoire lors d'une offensive surprise. Une attaque qui avait été un revers pour le Kremlin.

Son successeur à la tête de cette région, Alexeï Smirnov, a lui été arrêté au printemps pour le détournement des fonds destinés à renforcer les fortifications à la frontière. Celle-là même que les Ukrainiens ont traversé facilement, pour n'être repoussés que neuf mois plus tard.

Les autorités "ont essayé de faire de lui (Roman Starovoït) un bouc émissaire", accuse auprès de l'AFP Andreï Pertsev, analyste du média indépendant Meduza, reconnu "indésirable" et interdit en Russie.

L'incursion ukrainienne "s'est principalement produite parce qu'il n'y avait pas assez de soldats pour protéger la frontière", mais c'était "plus facile de rejeter la faute sur un responsable civil", explique-t-il.

L'affaire Starovoït s'inscrit dans une vague récente de répression visant de hauts responsables soupçonnés de s'être enrichis illégalement pendant l'offensive russe en Ukraine. Et selon des analystes, si les scandales de corruption on toujours existé en Russie, la campagne militaire a changé les règles du jeu politique.

"Il existait des règles auparavant, selon lesquelles les gens savaient: une fois qu'ils montaient suffisamment haut, on ne les embêtait plus", estime M. Pertsev. "Mais elles ne fonctionnent plus."

"On ne vole pas" 

Alors que Vladimir Poutine promettait régulièrement de s'attaquer à la corruption - étant lui même accusé de s'être enrichi illégalement par ses détracteurs -, les rares arrestations médiatisées ont été davantage utilisées pour cibler des opposants ou résultaient de luttes internes entre les échelons inférieurs du pouvoir en Russie.

Depuis l'offensive en Ukraine lancée en février 2022, "quelque chose dans le système a commencé à fonctionner de manière complètement différente", souligne la politologue Tatiana Stanovaïa du Centre Carnegie Russie Eurasie, interdit en Russie en tant qu'organisation "indésirable".

"Toute action ou inaction qui, aux yeux des autorités, accroît la vulnérabilité de l'État face aux actions hostiles de l'ennemi doit être punie sans pitié et sans compromis", estime Mme Stanovaïa en définissant la nouvelle approche du pouvoir.

Pour le Kremlin, la campagne en Ukraine est une "guerre sainte" qui a réécrit les règles, confirme Nina Khrouchtcheva, professeure à The New School, une université de New York, et arrière-petite-fille du dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev.

"Pendant une guerre sainte, on ne vole pas (...) on se serre la ceinture et on travaille 24 heures sur 24", résume-t-elle.

Signe des temps, plusieurs généraux et responsables de la Défense ont été arrêtés pour des affaires de détournement de fonds ces dernières années. Début juillet, l'ancien vice-ministre de la Défense Timour Ivanov a été condamné à 13 ans de prison.

Cette ambiance, selon Mme Stanovaïa, a créé un "sentiment de désespoir" au sein de l'élite politique à Moscou, qui est peu susceptible de s'atténuer.

"À l'avenir, le système sera prêt à sacrifier des figures de plus en plus en vue," avertit-elle.

 


Un trafic de stupéfiants démantelé entre Espagne et France, 13 arrestations

reize personnes, dont le "donneur d'ordres" présumé, ont été arrêtées par des policiers qui ont démantelé un "important" trafic de drogues importées d'Espagne pour alimenter la région Auvergne-Rhône-Alpes, au terme d'une enquête de près de deux ans, a annoncé vendredi la police. (AFP)
reize personnes, dont le "donneur d'ordres" présumé, ont été arrêtées par des policiers qui ont démantelé un "important" trafic de drogues importées d'Espagne pour alimenter la région Auvergne-Rhône-Alpes, au terme d'une enquête de près de deux ans, a annoncé vendredi la police. (AFP)
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  • 2,4 tonnes de résine de cannabis ont été saisies par les enquêteurs de Office anti-stupéfiants (OFAST) de la police judiciaire de Lyon, qui ont mené ces opérations
  • Dans cette première phase, les 11 suspects ont été mis en examen et sont, depuis, en détention provisoire, selon la DIPN

LYON: Treize personnes, dont le "donneur d'ordres" présumé, ont été arrêtées par des policiers qui ont démantelé un "important" trafic de drogues importées d'Espagne pour alimenter la région Auvergne-Rhône-Alpes, au terme d'une enquête de près de deux ans, a annoncé vendredi la police.

Onze suspects ont été interpellés entre décembre 2023 et juillet 2024, notamment grâce à l'interception par les policiers de deux poids-lourds et d'un convoi de voitures "entre la région lyonnaise et le Gard", "au moment où les stupéfiants étaient remis à des équipes locales", explique la Direction interdépartementale de la police (DIPN) du Rhône dans un communiqué.

Dans le même laps de temps, 2,4 tonnes de résine de cannabis ont été saisies par les enquêteurs de Office anti-stupéfiants (OFAST) de la police judiciaire de Lyon, qui ont mené ces opérations.

Dans cette première phase, les 11 suspects ont été mis en examen et sont, depuis, en détention provisoire, selon la DIPN.

Puis l'enquête a permis l'interpellation, le 30 juin dernier, d'un homme "soupçonné d'être le donneur d'ordres" et, le lendemain, d'un autre suspect, "fugitif condamné en 2016" à sept ans de prison pour trafic de stupéfiants. A son domicile dans l'Ain, "54 kg de cocaïne et plusieurs dizaines de milliers d'euros" ont été saisis, précise le communiqué qui n'en dit pas plus sur le profil de ces hommes. Ils ont été mis en examen le 4 juillet et placés en détention provisoire.

La police considère ainsi avoir réussi le "démantèlement de ce groupe criminel organisé (...) réalisant des importations de stupéfiants depuis l'Espagne vers la région Auvergne-Rhône-Alpes" pour des "quantités importantes".

 


Iran: la lauréate du prix Nobel de la Paix Mohammadi se dit «menacée d'élimination physique», selon le comité Nobel

La prix Nobel de la paix iranienne, Narges Mohammadi, dit avoir été "directement et indirectement menacée d'élimination physique" par les autorités iraniennes, a indiqué vendredi le comité Nobel qui s'est entretenu avec elle par téléphone. (AFP)
La prix Nobel de la paix iranienne, Narges Mohammadi, dit avoir été "directement et indirectement menacée d'élimination physique" par les autorités iraniennes, a indiqué vendredi le comité Nobel qui s'est entretenu avec elle par téléphone. (AFP)
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  • La prix Nobel de la paix iranienne, Narges Mohammadi, dit avoir été "directement et indirectement menacée d'élimination physique"
  • Ces menaces "montrent clairement que sa sécurité est en jeu, à moins qu'elle ne s'engage à mettre fin à tout engagement public en Iran"

OSLO: La prix Nobel de la paix iranienne, Narges Mohammadi, dit avoir été "directement et indirectement menacée d'élimination physique" par les autorités iraniennes, a indiqué vendredi le comité Nobel qui s'est entretenu avec elle par téléphone.

Ces menaces "montrent clairement que sa sécurité est en jeu, à moins qu'elle ne s'engage à mettre fin à tout engagement public en Iran" ainsi qu'à "toute apparition dans les médias", ajoute le comité Nobel dans un communiqué. Mme Mohammadi a été récompensée en 2023 pour "son combat contre l'oppression des femmes en Iran et pour la promotion des droits de l'homme".