A Khan Younès sous les bombes, partir en courant sans savoir vers où

Les habitants du complexe résidentiel Hamad Town, financé par le Qatar, à Khan Yunis, dans le sud de la bande de Gaza, transportent certaines de leurs affaires alors qu'ils fuient leur domicile après une frappe israélienne, le 2 décembre 2023 (Photo, AFP).
Les habitants du complexe résidentiel Hamad Town, financé par le Qatar, à Khan Yunis, dans le sud de la bande de Gaza, transportent certaines de leurs affaires alors qu'ils fuient leur domicile après une frappe israélienne, le 2 décembre 2023 (Photo, AFP).
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Publié le Samedi 02 décembre 2023

A Khan Younès sous les bombes, partir en courant sans savoir vers où

  • Les Israéliens «nous disaient la ville de Gaza est une zone de guerre; maintenant, c'est Khan Younès, la zone de guerre, on va où maintenant? dans la mer?»
  • Samedi vers midi, soit une heure avant les frappes, l'armée israélienne a envoyé aux propriétaires d'appartements des SMS

KHAN YOUNÉS: C'était le dernier quartier flambant neuf de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza. Samedi, une partie de "la ville Hamad" est partie en fumée et les déplacés qui s'y étaient réfugiés n'ont eu que quelques minutes pour partir en courant.

"Au moins, on s'en est sortis", raconte à l'AFP Nader Abou Warda, 26 ans, qui se demande comment il est encore en vie, après cinq raids aériens israéliens en moins de deux minutes sur cet ensemble de 3.000 logements financés par le Qatar et inaugurés en 2016.

Six immeubles beiges et jaunes, des jardins ainsi qu'une mosquée se dressaient ici. Ne restent désormais qu'un immense nuage de fumée noire, le vrombissement entêtant des avions et les cris de gens à peine visibles tant la fumée et la poussière emplissent tout, qui hurlent "Au secours!" ou "Ambulance!".

Des dizaines de personnes courent le plus vite possible pour échapper aux éclats des bombes et aux débris de verre ou des panneaux solaires soufflés par les bombes tombées du ciel.

Selon la Défense civile de la bande de Gaza, "des centaines de familles déplacées" avaient trouvé refuge dans la "ville Hamad" --nommée en l'honneur de l'ancien émir du Qatar Hamad ben Khalifa al-Thani, porteur du projet-- qui faisait la fierté de ses habitants avec ses échoppes, ses écoles et ses allées tracées au cordeau.

De «bloc» en «bloc»

Samedi vers midi, soit une heure avant les frappes, l'armée israélienne a envoyé aux propriétaires d'appartements des SMS leur ordonnant d'évacuer "immédiatement".

Depuis la reprise vendredi, après une semaine de trêve, de la guerre entre le Hamas et Israël, déclenchée le 7 octobre par l'attaque sanglante du mouvement palestinien en Israël, l'armée israélienne assure avoir mis en place un nouveau système pour limiter les pertes civiles.

Elle a découpé le petit territoire surpeuplé de la bande de Gaza en 2.300 "blocs" --qui ne correspondent pas exactement aux frontières des quartiers et des villes-- et somme désormais par SMS les habitants des blocs visés d'évacuer avant ses frappes.

Celles-ci doivent selon elle "éliminer" le Hamas, qui a selon les autorités israéliennes tué quelque 1.200 personnes, en majorité des civils, le 7 octobre.

Mais, note Ocha, le bureau des Affaires humanitaires de l'ONU, "l'endroit vers lequel évacuer n'est pas indiqué", alors que les frappes venues des airs, du sol et de la mer ont déjà fait plus de 15.000 morts dans la bande de Gaza, selon le gouvernement du Hamas.

Surtout, raconte à l'AFP Ibrahim al-Jamal, fonctionnaire quadragénaire, "je n'ai pas internet, pas d'électricité et même pas la radio pour connaître les informations, donc je n'ai jamais vu cette carte" identifiant les blocs.

"Beaucoup de Gazaouis n'en ont jamais entendu parler et peu leur importe, puisque les bombardements ont lieu partout", martèle-t-il.

Selon les ONG, les plus vulnérables sont les 1,8 million de déplacés --soit près de 80% des Gazaouis-- partis sans téléphones, chargeurs ou batteries. Qui, en plus, changent régulièrement de "bloc" et doivent se contenter des tracts largués par avion, impossibles à voir depuis l'intérieur d'un appartement.

«Aller où?»

Egalement déplacés, Nader Abou Warda, sa femme et ses trois enfants, étaient samedi dans l'appartement d'un ami à Hamad, où ils sont installés depuis qu'ils ont quitté Jabaliya, près de la ville de Gaza, au début de la guerre.

Les Israéliens "nous disaient la ville de Gaza est une zone de guerre; maintenant, c'est Khan Younès, la zone de guerre, on va où maintenant? dans la mer? Nos enfants, on va les faire dormir où?" s'emporte-t-il.

"Hier, ils disaient +évacuez l'est de Khan Younès+. Aujourd'hui, ils disent +évacuez l'ouest+", affirme-t-il.

Comme lui, Mohammed Foura a été prévenu par les habitants des autres tours de la ville Hamad. "Ils nous ont dit par la fenêtre +sortez, sortez+", racontait-il à l'AFPTV une demi-heure avant les frappes, au milieu de familles entassant quelques affaires dans des voitures ou d'énormes baluchons.

"Ils nous jettent dans les rues en plein décembre, dans le froid", s'insurge ce Palestinien de 21 ans, également déplacé de la ville de Gaza. "Ils nous disent d'aller à Rafah mais là-bas, il n'y a plus aucune place dans les abris".

Surtout, une fois à Rafah, impossible de pousser plus au sud. Après, c'est l'Egypte, dont les portes sont fermées aux Gazaouis, bloqués dans les autres directions par le "siège complet" d'Israël.


Israël: le ministre de la Défense avertit qu'il n'y aura "pas de calme" au Liban sans sécurité pour son pays

Un an après le cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah, l'armée israélienne maintient toujours cinq positions dans le sud du Liban, avec des fortifications et des voies d'accès élargies, selon des images satellites analysées par l'AFP. (AFP)
Un an après le cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah, l'armée israélienne maintient toujours cinq positions dans le sud du Liban, avec des fortifications et des voies d'accès élargies, selon des images satellites analysées par l'AFP. (AFP)
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  • Israël avertit qu’aucun calme ne reviendra au Liban tant que sa propre sécurité ne sera pas garantie, intensifiant ses frappes malgré la trêve et affirmant vouloir désarmer le Hezbollah
  • L’Égypte tente de désamorcer les tensions, tandis que l’application du cessez-le-feu reste bloquée : l’armée libanaise dit vouloir démanteler les positions du Hezbollah, mais Israël et les États-Unis accusent Beyrouth de traîner

JERUSALEM: Le ministre de la Défense israélien a averti mercredi qu'il n'y aura "pas de calme" au Liban sans sécurité pour son pays, alors qu'Israël a intensifié ses opérations militaires au Liban ces dernières semaines, en dépit d'un accord de cessez-le-feu.

"Nous ne permettrons aucune menace contre les habitants du nord, et une pression maximale continuera à être exercée et même s'intensifiera", a déclaré Israël Katz lors d'une intervention devant le parlement israélien, avançant pour preuve "l'élimination" dimanche à Beyrouth du chef militaire du Hezbollah.

"Il n'y aura pas de calme à Beyrouth ni d'ordre et de stabilité au Liban tant que la sécurité de l'Etat d'Israël ne sera pas garantie", a ajouté M. Katz en affirmant que son pays allait désarmer le Hezbollah.

Le ministre égyptien des Affaires étrangères a déclaré mercredi que son pays oeuvrait à la désescalade des tensions entre Israël et le mouvement armé libanais soutenu par l'Iran.

"Nous craignons toute escalade et nous sommes inquiets pour la sécurité et la stabilité du Liban", a déclaré ce ministre, Badr Abdel Ati, après sa rencontre avec le président libanais Joseph Aoun à Beyrouth mercredi.

"Nous engageons des efforts considérables pour épargner au Liban tout risque, ou toute atteinte, concernant sa sécurité", a-t-il ajouté.

Israël a frappé le Liban à plusieurs reprises malgré la trêve, affirmant régulièrement cibler les membres et les infrastructures du Hezbollah pour empêcher le groupe de se réarmer, ce qu'il nie être en train de faire.

En vertu de l'accord de cessez-le-feu, l'armée libanaise doit démanteler la présence militaire du Hezbollah sur une bande d'une trentaine de kilomètres entre la frontière avec Israël et le fleuve Litani, plus au nord.

L'armée a soumis un plan au gouvernement, dans lequel elle s'engage à accomplir cette tâche titanesque, avant de procéder par étapes sur le reste du territoire libanais. Mais les Etats-Unis et Israël accusent les autorités libanaises de tarder, face à la ferme opposition du Hezbollah.

Ce dernier invoque notamment le maintien par Israël de cinq postes dans le sud du Liban, dont l'accord de cessez-le-feu stipule pourtant que l'armée israélienne doit se retirer.


Soudan: le chef de l'armée exhorte Trump à mettre fin à la guerre

Des filles soudanaises qui ont fui El-Fasher reçoivent une aide humanitaire au camp de déplacés d'Al-Afad, à Al-Dabba, dans le nord du Soudan, mardi. (AFP)
Des filles soudanaises qui ont fui El-Fasher reçoivent une aide humanitaire au camp de déplacés d'Al-Afad, à Al-Dabba, dans le nord du Soudan, mardi. (AFP)
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  • Abdel Fattah al-Burhane appelle Donald Trump à intervenir pour imposer la paix au Soudan
  • Alors que les violences s’intensifient, les initiatives internationales peinent à avancer

PORT-SOUDAN : Le chef de l’armée soudanaise, Abdel Fattah al-Burhane, en guerre depuis avril 2023 contre un groupe paramilitaire rival, a appelé mercredi le président américain Donald Trump à instaurer la paix.

« Le peuple soudanais se tourne désormais vers Washington pour la prochaine étape : s’appuyer sur l’honnêteté du président américain et travailler avec nous — ainsi qu’avec ceux dans la région qui recherchent sincèrement la paix — pour mettre fin à cette guerre », écrit le dirigeant de facto du Soudan dans une tribune publiée dans The Wall Street Journal.

Les tentatives de paix entre Burhane et son ancien adjoint, le chef des Forces de soutien rapide (FSR), Mohamed Hamdan Dagalo, ont échoué à maintes reprises au fil d’un conflit ayant fait des dizaines de milliers de morts, déplacé 12 millions de personnes et provoqué les pires crises de faim et de déplacement au monde.

Trump s’est intéressé pour la première fois à cette guerre la semaine dernière, promettant d’y mettre fin après avoir été exhorté à s’impliquer par le prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane.

« Le consensus parmi les Soudanais est que M. Trump est un dirigeant qui parle directement et agit avec détermination. Beaucoup estiment qu’il a la capacité de s’opposer aux acteurs étrangers qui prolongent notre souffrance », écrit Burhane.

Les États-Unis et les Émirats arabes unis, aux côtés de l’Arabie saoudite et de l’Égypte, tentent actuellement de négocier une trêve.

Dans son texte de 1 200 mots publié mercredi, Burhane affirme qu’il s’agit de choisir « entre un État souverain qui tente de protéger ses citoyens et une milice génocidaire déterminée à détruire des communautés ».

Le gouvernement de Burhan est reconnu au niveau international, et en janvier, les États-Unis ont déterminé que la RSF avait commis un génocide dans la région occidentale du Darfour.

Mais ses propres forces ont également été accusées d’exactions depuis le début de la guerre, notamment d’avoir visé des civils et bombardé sans discrimination des zones résidentielles.

Le militaire de carrière, qui avait collaboré avec Dagalo en 2021 pour écarter les civils d’un gouvernement de transition, écrit mercredi : « J’ai longtemps reconnu que les FSR étaient une poudrière. »

Le chef des FSR, Dagalo, dont les combattants avaient été initialement recrutés par Khartoum pour mener ses guerres dans les périphéries du Soudan, était devenu le bras droit de Burhane après le soulèvement de 2018-2019.

Un long conflit de pouvoir, resté latent, a finalement explosé en guerre ouverte le 15 avril 2023.


Tunisie: l'ambassadeur UE convoqué par le président Saied pour «non respect des règles du travail diplomatique» 

Le président tunisien Kais Saied a convoqué mardi Giuseppe Perrone, ambassadeur de l'Union européenne, pour "lui exprimer une protestation ferme concernant le non-respect des règles diplomatiques", selon un bref communiqué officiel diffusé mercredi à l'aube qui ne précise pas les faits reprochés. (AFP)
Le président tunisien Kais Saied a convoqué mardi Giuseppe Perrone, ambassadeur de l'Union européenne, pour "lui exprimer une protestation ferme concernant le non-respect des règles diplomatiques", selon un bref communiqué officiel diffusé mercredi à l'aube qui ne précise pas les faits reprochés. (AFP)
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  • Le président Saied a exprimé à son interlocuteur son rejet du "recours à des pratiques en dehors des cadres officiels reconnus par les usages diplomatiques"
  • L'UGTT, ancienne co-lauréate du Prix Nobel de la Paix en 2015 pour sa contribution à la phase de démocratisation de la Tunisie, après la révolution de 2011 et la chute du président Zine El Abidine Ben Ali, revendique plus de 700.000 adhérents

TUNISIE: Le président tunisien Kais Saied a convoqué mardi Giuseppe Perrone, ambassadeur de l'Union européenne, pour "lui exprimer une protestation ferme concernant le non-respect des règles diplomatiques", selon un bref communiqué officiel diffusé mercredi à l'aube qui ne précise pas les faits reprochés.

Le président Saied a également exprimé à son interlocuteur son rejet du "recours à des pratiques en dehors des cadres officiels reconnus par les usages diplomatiques".

Lundi, M. Perrone avait reçu Noureddine Taboubi, chef du principal syndicat tunisien UGTT -- qui a récemment menacé de déclencher une grève générale pour obtenir des hausses salariales -- et avait salué "le rôle important" de l'organisation "en faveur du dialogue social et du développement économique" en Tunisie, selon un communiqué de la délégation européenne à Tunis.

L'UGTT, ancienne co-lauréate du Prix Nobel de la Paix en 2015 pour sa contribution à la phase de démocratisation de la Tunisie, après la révolution de 2011 et la chute du président Zine El Abidine Ben Ali, revendique plus de 700.000 adhérents.

Le diplomate européen avait "réaffirmé sa volonté de poursuivre le dialogue avec l'UGTT et de continuer à soutenir la Tunisie sur les plans social et économique, dans divers secteurs", selon la même source. De son côté, le secrétaire général de l'UGTT avait appelé à renforcer et développer la coopération entre la Tunisie et l'Union européenne.

La semaine passée, M. Taboubi a présidé une réunion de l'UGTT où il a apporté son soutien à différents mouvements de grève en cours dans le secteur privé pour réclamer des augmentations de salaires. Il a salué le succès d'une grève générale ayant eu lieu dans la grande ville de Sfax (centre-est) et menacé d'organiser prochainement une grande grève au niveau national.

"L'organisation se dirige vers une grève générale pour défendre les acquis matériels et sociaux des travailleurs face aux difficultés quotidiennes".

M. Taboubi a dénoncé "une baisse du pouvoir d'achat" des Tunisiens face à "des conditions de vie précaires sur le plan des transports, de la santé et de la maladie", défendant "leur droit syndical à se défendre" afin d'obtenir "un salaire décent qui leur fait défaut actuellement".

Le salaire minimum en Tunisie est d'environ 520 dinars (150 euros) pour 48 heures par semaine. Le taux d'inflation reste très élevé notamment pour les produits alimentaires. Il est récemment revenu à environ 5% après avoir atteint un pic de 10% en 2023.