«Mon sang se met à bouillir»: en Asie du Sud-Est, le souvenir funeste de Kissinger

Une manifestante CodePink brandit des mains "ensanglantées" et des menottes qualifiant l'ancien secrétaire d'État américain Henry Kissinger (à gauche) de criminel de guerre alors qu'il s'exprime lors d'une audition de la commission des forces armées du Sénat américain sur les "défis mondiaux et la stratégie de sécurité nationale des États-Unis" au Capitole à Washington, DC, le 29 janvier 2015. (Photo Jim Watson AFP)
Une manifestante CodePink brandit des mains "ensanglantées" et des menottes qualifiant l'ancien secrétaire d'État américain Henry Kissinger (à gauche) de criminel de guerre alors qu'il s'exprime lors d'une audition de la commission des forces armées du Sénat américain sur les "défis mondiaux et la stratégie de sécurité nationale des États-Unis" au Capitole à Washington, DC, le 29 janvier 2015. (Photo Jim Watson AFP)
Short Url
Publié le Dimanche 03 décembre 2023

«Mon sang se met à bouillir»: en Asie du Sud-Est, le souvenir funeste de Kissinger

  • En Asie du Sud-Est, les hommages se sont plutôt heurtés à la rancoeur laissée par la décision d'Henry Kissinger, et du président Nixon, de bombarder le Laos et le Cambodge quand la guerre du Vietnam faisait rage
  • Les bombardements du Laos et du Cambodge visaient à dérouter les mouvements rebelles pendant que Washington se retirait du Vietnam

BANGKOK, Thaïlande : «Mon sang se met à bouillir»: pour des rescapés laotien et cambodgien des bombes américaines, et un vétéran vietnamien de la guerre, les hommages à l'ancien secrétaire d'Etat américain Henry Kissinger, décédé mercredi, sont difficiles à comprendre, voire inacceptables.

A son décès, la «realpolitik» de celui qui servit sous les présidents américains Richard Nixon et Gerald Ford, a été saluée. La puissance intellectuelle de celui qui définissait lui-même cette notion  comme «la politique étrangère fondée sur le calcul des forces et l'intérêt national» a aussi a été louée.

Mais en Asie du Sud-Est, ces hommages se sont plutôt heurtés à la rancoeur laissée par la décision d'Henry Kissinger, et du président Nixon, de bombarder le Laos et le Cambodge quand la guerre du Vietnam faisait rage.

«Chaque fois que j'entends le nom de Kissinger, mon sang se met à bouillir», confie à l'AFP Sera Koulabdara, qui a fui le Laos avec sa famille quand elle n'avait que six ans.

Les bombardements visaient à dérouter les mouvements rebelles pendant que Washington se retirait du Vietnam.

«Un déluge, mais de feu», décrit Sera Koulabdara, citant son père, alors que le Laos est souvent décrit comme le pays du monde qui a reçu le plus de bombes par habitant.

Entre 1964 et 1973, Washington y a largué plus de deux millions de tonnes de bombes. D'innombrables munitions non explosées (UXO) constituent le legs funeste laissé au pays par l'opération.

Quelque 20.000 Laotiens ont été tués ou blessés depuis 1973, et les opérations de déminage se poursuivent à ce jour.

- Une «menace de mort» qui perdure -

«Cette menace de mort qui perdure au Laos est le résultat direct des décisions barbares des États-Unis et de l'un de ses principaux architectes, Kissinger», accuse Mme Koulabdara.

L'organisation Legacies of War, qu'elle dirige, se consacre à l'élimination des engins non-explosés et à la sensibilisation de l'opinion publique à ce qu'elle qualifie de «guerre secrète américaine» en Asie du Sud-Est.

Au Cambodge voisin, le tapis de bombes américain a contribué à la montée en puissance des Khmers Rouges, dont le régime s'est rendu coupable du génocide de deux millions de Cambodgiens entre 1975 et 1979.

L'ex-Premier ministre et ancien soldat khmer rouge, Hun Sen, a longtemps réclamé l'inculpation d'Henry Kissinger pour crimes de guerre.

Les UXO jonchent encore les campagnes cambodgiennes et ont fait environ 20.000 morts ces quatre dernières décennies.

«Je suis désespéré», souffle Sam En, un Cambodgien de 60 ans. Il a perdu la vue et l'usage de ses deux bras en tentant d'extraire une bombe à fragmentation en 2014, dans sa province de Kratie, dans le nord-est du pays.

Contre Kissinger, «avant, j'étais en colère. Mais maintenant, il est mort, alors en tant que bouddhiste, je lui pardonne», affirme-t-il toutefois.

Mais pour Heng Ratana, directeur général du Centre cambodgien de lutte contre les mines, la décision de bombarder le Cambodge «en détruisant tout» est le véritable legs du défunt.

- «Cause de grandes souffrances» -

Au Vietnam, les réactions à la mort de l'ex-secrétaire d'Etat sont plus mitigées. Henry Kissinger a reçu le prix Nobel de la paix pour les négociations visant à mettre fin à la guerre, même si le conflit n'a pas cessé immédiatement et que son homologue nord-vietnamien, Le Duc Tho, a pour sa part refusé le prix.

Pour Pham Ngac, 88 ans, diplomate et interprète pour le Nord-Vietnam lors des négociations de l'accord de paix de Paris, Henry Kissinger était un diplomate «exceptionnel». «Le plus convaincant des diplomates pour le compte des Etats-Unis», dit-il à l'AFP.

Ni le gouvernement vietnamien, ni celui du Cambodge, n'ont souhaité réagir à la mort, à l'âge de cent ans, d'Henry Kissinger.

Mais pour Tran Quy Tuyen, soldat de la division de défense aérienne de Hanoï entre 1965 et 1973, pas de doute: «il a contribué à causer de grandes souffrances au peuple vietnamien».

«Je suppose que de nombreux Vietnamiens diraient qu'il aurait dû mourir il y a longtemps», affirme-t-il à l'AFP.


L'Inde cherche à porter la voix du « Sud global » entre le G7 et le Brics

Cette photographie prise et publiée par le Bureau d'information de la presse indienne (PIB) le 6 juin 2025 montre le Premier ministre indien Narendra Modi tenant le drapeau national lors de l'inauguration du pont ferroviaire de Chenab, qui fait partie de la liaison ferroviaire du Cachemire, à Reasi, dans l'État de Jammu-et-Cachemire. (PIB) / AFP)
Cette photographie prise et publiée par le Bureau d'information de la presse indienne (PIB) le 6 juin 2025 montre le Premier ministre indien Narendra Modi tenant le drapeau national lors de l'inauguration du pont ferroviaire de Chenab, qui fait partie de la liaison ferroviaire du Cachemire, à Reasi, dans l'État de Jammu-et-Cachemire. (PIB) / AFP)
Short Url
  • L'Inde n'est pas membre du Groupe des Sept (États-Unis, Japon, Allemagne, Royaume-Uni, France, Italie, Canada), mais elle est devenue une habituée de ses sommets, auxquels elle est régulièrement conviée depuis 2019.
  • « Nous contribuons activement à la diplomatie internationale et si cela peut servir de passerelle, c'est un atout pour la diplomatie internationale dans une période de relations difficiles et de tensions accrues », fait valoir M. Jaishankar.

PARIS : Invitée du G7 qui débute dimanche, mais aussi membre fondateur des Brics, l'Inde souhaite porter la voix du « Sud global », se posant en « passerelle » entre les différents acteurs de la scène internationale, affirme son ministre des Affaires étrangères dans un entretien à l'AFP.

L'Inde n'est pas membre du Groupe des Sept (États-Unis, Japon, Allemagne, Royaume-Uni, France, Italie, Canada), mais elle est devenue une habituée de ses sommets, auxquels elle est régulièrement conviée depuis 2019.

« Nous avons été un pays invité depuis plusieurs années et je pense que ça a été bénéfique pour le G7 », déclare à l'AFP Subrahmanyam Jaishankar depuis Paris, où il a clos samedi une visite en France, se félicitant d'avoir « la capacité de travailler avec différents pays sans qu'aucune relation ne soit exclusive ». 

Avec une population en passe de devenir la quatrième économie mondiale, l'Inde est l'un des pays les plus peuplés du globe. Elle siège à la table de nombreuses organisations, avec les Occidentaux au G7 ou au sein du « Quad » (Dialogue quadrilatéral pour la sécurité, avec les États-Unis, le Japon, l'Australie), mais aussi avec la Chine, la Russie et l'Iran au sein des Brics et du Groupe de Coopération de Shangaï.

« Nous contribuons activement à la diplomatie internationale et si cela peut servir de passerelle, c'est un atout pour la diplomatie internationale dans une période de relations difficiles et de tensions accrues », fait valoir M. Jaishankar.

Ancienne colonie britannique, indépendante depuis 1947, l'Inde se pose, avec le Brésil, en héraut du « Sud global », qui réunit « des pays qui ont été victimes de l'ordre mondial ces dernières années, ces derniers siècles ». 

« Dans les pays du Sud, il existe un fort ressentiment face aux inégalités de l'ordre international, une volonté de le changer, et nous en faisons pleinement partie », explique le ministre en poste depuis 2019.

« Aujourd'hui, pour des pays comme les nôtres, il est important de nous exprimer, de mener, de faire sentir notre présence. »

Cette voix passe aussi par les BRICS, devenue « l'une des principales plateformes de rassemblement pour les pays non occidentaux », dont les chefs d'État se réuniront en juillet.

Partisan de « négociations directes » pour résoudre la guerre entre l'Ukraine et la Russie, qui a frappé durement les pays du Sud, M. Jaishankar affiche son scepticisme face aux politiques de sanctions occidentales : « Ça n'a pas vraiment marché jusqu'à présent, non ? » 

Partenaire commercial et allié politique de la Russie, l'Inde pourrait se retrouver exposée en cas de sanctions contre Moscou.

« L'économie mondiale est sous tension. Plus on ajoute des facteurs de tensions, plus les difficultés seront grandes. »

Dans l'ordre mondial actuel, l'Inde doit composer avec la « discontinuité » posée par Donald Trump.

Des négociations en cours sur le sujet ont « bien avancé ».L'Inde doit également chercher « un équilibre » avec la Chine. 

Pékin soutient Islamabad, que New Delhi accuse de soutenir les activités de « terroristes » islamistes sur son sol.

Le 22 avril, une attaque au Cachemire indien a déclenché une confrontation militaire de quatre jours entre les deux pays, la plus grave depuis 1999. Narendra Modi a promis une « riposte ferme » à toute nouvelle attaque « terroriste », renforçant le spectre d'une escalade entre les deux puissances nucléaires.

« En 2008, la ville de Mumbai a été attaquée (plusieurs attentats jihadistes ont fait 166 morts) et nous avons commis l'erreur de ne pas réagir avec fermeté. Nous sommes déterminés à ne pas répéter ces erreurs. Si des terroristes pénètrent en Inde depuis et grâce au soutien d'un pays voisin, nous les poursuivrons et nous les châtierons ».

Mais l'Inde n'a jamais envisagé de recourir à l'arme nucléaire, assure-t-il : « Ces inquiétudes émanaient de personnes mal informées ».

 


Israël appelle les Iraniens à évacuer les zones proches de sites militaires

Des soldats et des membres d'une équipe de recherche et de sauvetage se rassemblent près de voitures endommagées dans la ville de Tamra, dans le nord d'Israël, à la suite d'une attaque à la roquette lancée par l'Iran dans la nuit du 15 juin 2025. (Photo par AHMAD GHARABLI / AFP)
Des soldats et des membres d'une équipe de recherche et de sauvetage se rassemblent près de voitures endommagées dans la ville de Tamra, dans le nord d'Israël, à la suite d'une attaque à la roquette lancée par l'Iran dans la nuit du 15 juin 2025. (Photo par AHMAD GHARABLI / AFP)
Short Url
  • L'armée a « demandé à toutes les personnes se trouvant actuellement dans des installations militaires en Iran, ou à proximité, d'évacuer immédiatement les lieux, précisant que leur vie était en danger ».
  • Le communiqué ne précise pas de coordonnées géographiques et n'est accompagné d'aucune carte permettant de localiser ces zones.

JERUSALEM : Le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, a déclaré dimanche dans un communiqué de son bureau avoir ordonné à l'armée israélienne d'émettre des avis d'évacuation à l'intention des habitants de Téhéran vivant à proximité de sites militaires.

Après cet ordre, l'armée israélienne a appelé les Iraniens à évacuer les zones « à proximité d'installations militaires » dans un communiqué publié sur le réseau social X en persan et en arabe.

L'armée a « demandé à toutes les personnes se trouvant actuellement dans des installations militaires en Iran, ou à proximité, d'évacuer immédiatement les lieux, précisant que leur vie était en danger ».

Le communiqué ne précise pas de coordonnées géographiques et n'est accompagné d'aucune carte permettant de localiser ces zones, contrairement aux communiqués de l'armée israélienne adressés aux Palestiniens de la bande de Gaza, où elle est en guerre contre le mouvement islamiste Hamas.

Cette décision fait partie d'un plan « visant à faire pression sur le régime » en créant des déplacements de population, a déclaré à l'AFP une source sécuritaire israélienne.


La Russie s'apprête à construire la première centrale nucléaire du Kazakhstan

Une vue aérienne montre le village d'Ulken (au premier plan) et le site proposé pour la centrale nucléaire près du village d'Ulken, situé sur les rives du lac Balkhash, à environ 400 kilomètres au nord d'Almaty, le 22 septembre 2024. (Photo de Ruslan PRYANIKOV / AFP)
Une vue aérienne montre le village d'Ulken (au premier plan) et le site proposé pour la centrale nucléaire près du village d'Ulken, situé sur les rives du lac Balkhash, à environ 400 kilomètres au nord d'Almaty, le 22 septembre 2024. (Photo de Ruslan PRYANIKOV / AFP)
Short Url
  • « Rosatom a été désigné chef de file du consortium international pour la construction de la première centrale nucléaire au Kazakhstan », a indiqué l'agence kazakhe pour l'énergie atomique.
  • Le Kazakhstan, immense ex-république soviétique et allié de Moscou, est le premier producteur mondial d'uranium (43 %) et le troisième fournisseur d'uranium naturel de l'Union européenne.

ALMATY, KAZAKHSTAN : Le géant russe du nucléaire Rosatom sera le principal constructeur de la première centrale nucléaire du Kazakhstan, ont annoncé samedi les autorités de ce pays d'Asie centrale, premier producteur mondial d'uranium, un chantier que convoitaient la France, la Chine et la Corée du Sud.

« Rosatom a été désigné chef de file du consortium international pour la construction de la première centrale nucléaire au Kazakhstan », a indiqué l'agence kazakhe pour l'énergie atomique.

Le Kazakhstan, immense ex-république soviétique et allié de Moscou, est le premier producteur mondial d'uranium (43 %) et le troisième fournisseur d'uranium naturel de l'Union européenne, mais souffre d'un manque cruel d'électricité pour sa consommation intérieure.

L'agence kazakhe dit désormais « étudier la question de l'obtention de financements publics à l'exportation aux dépens de la Fédération de Russie, conformément aux propositions de Rosatom ». 

Rosatom a salué la décision kazakhe dans un communiqué et promis « la construction d'une centrale nucléaire selon le projet le plus avancé et le plus efficace au monde, basé sur des technologies russes ».

« Les réacteurs VVER-1200 de troisième génération combinent des solutions techniques éprouvées avec les systèmes de protection active et passive les plus récents. Ces derniers ont été développés en stricte conformité avec les normes internationales de sécurité », a ajouté la société.

Rosatom (Russie), China National Nuclear Corporation (Chine), EDF (France) et Korea Hydro & Nuclear Power (Corée du Sud) faisaient partie des quatre entreprises pressenties.

L'agence ajoute qu'elle « continuera à travailler avec des partenaires étrangers pour former un consortium international efficace », sans donner plus de précisions. 

Ce projet de consortium international, qui n'a jamais été spécifié, s'inscrit dans la volonté du dirigeant kazakh Kassym-Jomart Tokaïev de maintenir de bonnes relations avec les grandes puissances.

Moscou, puissance historique en Asie centrale, a ainsi remporté cet appel d'offres aux dépens de la Chine, désormais incontournable dans la région. Cette annonce intervient quelques jours avant la venue du président chinois Xi Jinping au Kazakhstan pour un sommet « Asie centrale-Chine ».

La centrale, dont la construction a été validée lors d'un référendum sans surprise à l'automne, doit être bâtie près du village abandonné d'Ulken, dans le sud du pays, sur les bords du lac Balkhach, le deuxième plus grand d'Asie centrale.

En Ouzbékistan voisin, le géant russe Rosatom va construire une petite centrale nucléaire et a proposé au Kirghizistan un projet similaire.