L'Ukraine face au défi d'un soutien occidental qui se fissure

Une garde d'honneur se tient à côté des tombes de soldats ukrainiens lors de la Journée des forces armées ukrainiennes, au cimetière Lychakiv, dans la ville de Lviv, dans l'ouest de l'Ukraine, le 6 décembre 2023 (Photo, AFP).
Une garde d'honneur se tient à côté des tombes de soldats ukrainiens lors de la Journée des forces armées ukrainiennes, au cimetière Lychakiv, dans la ville de Lviv, dans l'ouest de l'Ukraine, le 6 décembre 2023 (Photo, AFP).
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Publié le Mercredi 06 décembre 2023

L'Ukraine face au défi d'un soutien occidental qui se fissure

  • Volodymyr Zelensky devait s'exprimer virtuellement mardi devant le Congrès américain pour tenter de débloquer une nouvelle enveloppe
  • La grande contre-offensive ukrainienne lancée en juin a largement échoué à libérer les territoires occupés dans l'Est et le Sud

PARIS: "Peur d'être lâchée": l'Ukraine, dont la contre-offensive face aux Russes n'a pas donné les résultats escomptés, est prise dans des vents contraires avec une aide américaine en question et une unité européenne chancelante à l'approche d'un Conseil européen décisif la semaine prochaine.

Illustration de la fébrilité ambiante, le président ukrainien Volodymyr Zelensky devait s'exprimer virtuellement mardi devant le Congrès américain pour tenter de débloquer une nouvelle enveloppe financière autant débattue que cruciale pour son pays en guerre. Une intervention finalement annulée à la dernière minute, sans donner de raison.

Le président français Emmanuel Macron recevra, lui, jeudi à l'Elysée le Premier ministre hongrois Viktor Orban, qui semble vouloir faire obstruction sur le soutien à Kiev.

M. Orban a réclamé l'ajournement de deux décisions clés pour l'Ukraine qui doivent être soumises au vote des pays membres de l'Union européenne: l'une relative au soutien budgétaire de 50 milliards d'euros, l'autre sur l'ouverture de négociations d'adhésion à l'UE.

La grande contre-offensive ukrainienne lancée en juin a largement échoué à libérer les territoires occupés dans l'Est et le Sud, questionnant sur la poursuite d'une aide occidentale massive.

Et si des gains ont été enregistrés en mer Noire, permettant à Kiev d'exporter plusieurs tonnes de produits agricoles, la situation militaire sur le front terrestre semble désormais figée, sans véritable solution tactique en vue à court terme. Kiev assure cependant pouvoir gagner si l'aide militaire occidentale se poursuit.

«Gérer Zelensky»

Or "même sous perfusion continue de l'Occident, l'Ukraine manque d'hommes, là où la Russie n'a pas ce problème", souligne auprès de l'AFP un haut responsable militaire européen en poste à l'Otan, constatant que "dans les cycles de formation (dispensée par l'Otan aux soldats ukrainiens, ndlr), ce sont des personnes plus âgées, moins expérimentées qui se présentent désormais".

"Il faut maintenant gérer Zelensky, le faire revenir de sa posture un peu jusqu'au-boutiste. Personne ne dit ça officiellement, mais je pense que c'est quand même un peu ce qui se prépare", commente cette source otanienne.

De source diplomatique française, on s'efforce d'atténuer ces propos en soulignant que l'Ukraine a pour l'heure "un taux de mobilisation très faible" et que du côté de la Russie, "les statistiques sont trafiquées".

Le moral des Ukrainiens s'est certes érodé, las de cette guerre. Mais sur le terrain, le discours des soldats ne change pas.

Bien que la guerre soit très coûteuse, "les Européens ne laisseront jamais tomber l'Ukraine car ils sont conscients que si (Vladimir) Poutine s'empare de l'Ukraine, ce serait un précédent extrêmement dangereux" avec des risques pour les pays baltes et la Pologne, estime en outre Tatiana Kastouéva-Jean, experte à l'Institut français des relations internationales (Ifri).

La source diplomatique française souligne à cet égard que toutes les raisons ayant conduit à soutenir l'Ukraine, dès le 24 février 2022, restent d'actualité.

"Soutenir l'Ukraine, c'est un enjeu de sécurité pour l'Europe et pour la France", a déclaré cette source à quelques journalistes, ajoutant qu'il fallait aussi "battre en brèche l'idée qu'une crise en chassait une autre", en référence aux craintes des Ukrainiens que la guerre entre Israël et le Hamas ne détourne les Européens du conflit en Ukraine.

«Période à risques»

Il est naturel qu'il y ait des interrogations près de deux ans après le début de cette guerre, observe cette source diplomatique. "Tout le monde comprend qu'on est dans une période à risques mais je ne vois pas de défaitisme à Bruxelles ou à l'Otan".

Pour Tatiana Kastouéva-Jean, il y a néanmoins urgence pour les Européens à faire taire les voix dissonantes telles que celles de la Hongrie au moment où "tout joue en faveur d'un statu quo" sur le plan militaire, et ce, probablement jusqu'aux élections américaines de novembre 2024.

Un signal est d'autant plus souhaitable que sur le plan domestique ukrainien, "des querelles au sein des élites sont apparues", souligne l'experte, en référence notamment à la détérioration des relations entre le présdient Zelensky et le commandant en chef des forces armées Valery Zaloujny.

"Est-ce la fin de l'union sacrée derrière Zelensky ou est-ce juste une parenthèse liée au défi sur le front?", s'interroge-t-elle.

Dans ce contexte, les diplomates français s'efforcent de convaincre leurs partenaires européens et de l'Alliance Atlantique qu'il est également fondamental de poursuivre le soutien à l'Ukraine afin d'envoyer le signal à Vladimir Poutine de "ne pas compter sur l'épuisement du soutien" à Kiev.

Mais pour cela, les Européens doivent aussi accélérer sur la montée en puissance des cadences de leur industrie de la défense et sur l'interopérabilité des équipements.

L'ambassadrice ukrainienne auprès de l'Otan, Nataliia Galibarenko, déplorait récemment que les forces armées en Ukraine utilisaient plus de 200 systèmes différents d'armement.


Affaires de corruption en Espagne: Pedro Sánchez devant une commission d'enquête

Le Premier ministre socialiste espagnol Pedro Sánchez comparaît jeudi devant une commission d'enquête sénatoriale afin de s'expliquer sur un scandale de corruption dont les principaux protagonistes ont longtemps été ses hommes de confiance. (AFP)
Le Premier ministre socialiste espagnol Pedro Sánchez comparaît jeudi devant une commission d'enquête sénatoriale afin de s'expliquer sur un scandale de corruption dont les principaux protagonistes ont longtemps été ses hommes de confiance. (AFP)
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  • L'objectif du PP est de montrer que le Premier ministre était au courant des malversations révélées par l'enquête sur l'affaire Koldo et qu'il y était même impliqué
  • Face à ce séisme, Pedro Sánchez a demandé pardon à plusieurs reprises aux Espagnols, assurant qu'il ignorait tout de l'affaire et que le Parti socialiste, dont il est secrétaire général depuis 2017, n'avait jamais bénéficié de financements illégaux

MADRID: Le Premier ministre socialiste espagnol Pedro Sánchez comparaît jeudi devant une commission d'enquête sénatoriale afin de s'expliquer sur un scandale de corruption dont les principaux protagonistes ont longtemps été ses hommes de confiance.

Connue sous le nom d'"affaire Koldo", du nom de Koldo García Izaguirre, l'assistant d'un ancien ministre des Transports et ex-bras droit de M. Sánchez, José Luis Ábalos, cette affaire est l'un des scandales qui éclaboussent depuis plus d'un an l'entourage du Premier ministre.

Sa comparution devant cette commission sénatoriale se produira dans un climat de polarisation politique extrême, le Parti populaire (PP, opposition de droite), majoritaire à la chambre haute, ayant fait de la corruption l'axe principal de son offensive contre le gouvernement de gauche dirigé par M. Sánchez.

"Pensez-vous dire la vérité demain (jeudi) devant la commission?", lui a ainsi demandé le leader du PP, Alberto Núñez Feijóo, mercredi matin au Congrès des députés.

"Vous mentirez de nouveau" 

M. Feijóo a ajouté que sa question était "rhétorique", dans la mesure où il est, selon lui, exclu que Pedro Sánchez puisse dire la vérité sur cette affaire, de peur de s'incriminer.

"Vous mentirez de nouveau, parce que vous savez que la vérité entraînerait votre chute" a lancé le chef du premier parti d'opposition, accusant M. Sánchez d'avoir menti "à tous" et sur tous les sujets.

L'objectif du PP est de montrer que le Premier ministre était au courant des malversations révélées par l'enquête sur l'affaire Koldo et qu'il y était même impliqué.

Ce scandale a éclaté au grand jour en février 2024 avec l'arrestation de Koldo García Izaguirre, soupçonné d'être au cœur d'une énorme escroquerie ayant permis à une petite société d'obtenir entre mars et juin 2020 - au plus fort de la pandémie de Covid-19 - des contrats d'un montant de 53 millions d'euros pour fournir des masques à diverses administrations. Ces contrats avaient dégagé des commissions illégales de plusieurs millions d'euros.

La justice est vite remontée jusqu'à José Luis Ábalos, le juge chargé de l'enquête considérant qu'il avait joué un rôle d'"intermédiaire" dans la combine.

Outre son poste de ministre, M. Ábalos était surtout secrétaire à l'Organisation du Parti socialiste, poste clé qui en faisait l'homme de confiance de M. Sánchez.

Il a été expulsé du Parti socialiste, mais l'affaire n'a fait ensuite que s'aggraver pour le Premier ministre.

Car le successeur de M. Ábalos comme secrétaire à l'Organisation du Parti socialiste, Santos Cerdán, a à son tour été mis en cause en juin dernier, après la publication d'un rapport de police selon lequel il était au cœur du réseau de corruption et avait touché des pots-de-vin en échange de contrats publics.

Il a été placé en détention provisoire en juillet.

Englué 

Face à ce séisme, Pedro Sánchez a demandé pardon à plusieurs reprises aux Espagnols, assurant qu'il ignorait tout de l'affaire et que le Parti socialiste, dont il est secrétaire général depuis 2017, n'avait jamais bénéficié de financements illégaux.

Il a redit en septembre qu'il ne disposait d'"aucune information" sur les délits reprochés à José Luis Ábalos, Santos Cerdán et Koldo García Izaguirre, et a rejeté toute "corruption systémique" au sein de son parti.

Il reprendra cette ligne de défense jeudi devant la commission sénatoriale, mais il est certain qu'il ne convaincra pas la droite, qui se dit assurée qu'il était au courant et l'accuse d'avoir tenté d'étouffer le scandale.

Outre cette tentaculaire affaire Koldo, M. Sánchez est englué dans d'autres affaires judiciaires qui le touchent de près: son épouse, Begoña Gómez, devrait être jugée pour une affaire de corruption et trafic d'influence, son frère David le sera également pour trafic d'influence et le procureur général de l’État, Álvaro García Ortiz, qu'il a nommé, sera jugé à partir de lundi pour violation du secret judiciaire.

L'audition de Pedro Sánchez, qui doit débuter à 09H00 (08H00 GMT), devrait durer plusieurs heures.


Elon Musk lance Grokipedia pour concurrencer Wikipédia qu'il juge orienté à gauche

Le PDG de Tesla, Elon Musk, assiste à la cérémonie de commémoration de l'activiste d'extrême droite Charlie Kirk au State Farm Stadium à Glendale, Arizona. (AFP)
Le PDG de Tesla, Elon Musk, assiste à la cérémonie de commémoration de l'activiste d'extrême droite Charlie Kirk au State Farm Stadium à Glendale, Arizona. (AFP)
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  • Elon Musk et xAI ont lancé Grokipedia, une encyclopédie en ligne concurrente de Wikipédia, générée par intelligence artificielle et présentée comme “plus objective” selon Musk, avec déjà 885.000 définitions
  • Grokipedia est critiquée pour un biais idéologique apparent dans certains articles, notamment ceux sur Musk, Black Lives Matter ou Tucker Carlson, tandis que Wikipédia revendique un point de vue neutre

NEW YORK: Elon Musk et son entreprise xAI ont mis en ligne lundi Grokipedia, présenté comme le concurrent de l'encyclopédie en ligne Wikipédia, accusée de biais idéologique par une partie des républicains aux États-Unis.

La version a été numérotée 0.1 et comptait déjà lundi soir plus de 885.000 définitions, contre plus de 7 millions en anglais pour Wikipédia.

Dans un message posté sur X, Elon Musk a promis l'arrivée prochaine d'une version 1.0, "dix fois meilleure" que la 0.1, qui est déjà "meilleure que Wikipédia à (son) avis".

Il y a une semaine, l'entrepreneur avait décidé de reporter de quelques jours le lancement de Grokipedia, annoncé fin septembre, un délai justifié par la nécessité d'effectuer "un travail supplémentaire pour purger la propagande".

A l'image de responsables républicains, Elon Musk critique régulièrement Wikipédia depuis plusieurs années. En 2024, il avait taxé le site d'être "contrôlé par des activistes d'extrême gauche" et appelé à ne plus faire de don à la plateforme.

"Le but de Grok et de (Grokipedia) est la vérité, toute la vérité, rien que la vérité", a affirmé l'homme le plus riche du monde, qui a précisé que le programme informatique de l'encyclopédie était en accès libre (open source). "Tout le monde peut donc l'utiliser pour n'importe quoi gratuitement."

- "Biais systémiques" -

Le contenu de certains articles de Grokipedia témoigne d'une orientation des résultats, à l'image de la page consacrée à Elon Musk.

Dans les premiers paragraphes de résumé, la plateforme indique que le patron de Tesla et SpaceX a "influencé le débat" sur plusieurs sujets, ce qui lui a valu "des critiques des médias traditionnels qui font preuve de penchants à gauche dans leur couverture".

Concernant le mouvement des droits civiques "Black Lives Matter", Grokipedia écrit qu'il a "mobilisé des millions de personnes".

"Cependant, ces manifestations ont entraîné des émeutes, (...) les plus coûteuses de l'histoire des assurance pour les dommages aux biens", poursuit l'encyclopédie, sans mentionner, comme le fait Wikipédia, que "la grande majorité des manifestations de 2020 se sont déroulées dans le calme".

Autre exemple, la page consacrée à l'éditorialiste conservateur Tucker Carlson, qui souligne son "rôle (...) dans la dénonciation des biais systémiques du journalisme traditionnel". Elle renvoie à un article du site du magazine Newsweek qui ne mentionne ces biais que dans des citations de Tucker Carlson lui-même.

Créé en 2001, Wikipédia est une encyclopédie collaborative gérée par des bénévoles, largement financée par des dons, et dont les pages peuvent être écrites ou modifiées par les internautes.

Elle revendique un "point de vue neutre" dans ses contenus.

Le contenu de Grokipedia est lui généré par intelligence artificielle (IA) et l'assistant d'IA générative Grok mais cite également plusieurs sources sur chaque page.

En avril, le procureur fédéral de Washington, Ed Martin, remplacé depuis, avait adressé une demande de documents à la fondation Wikimédia, qui a autorité sur Wikipédia.

Il disait vouloir déterminer si Wikimédia était bien habilitée à bénéficier de l'exonération d'impôts octroyée aux fondations.

Le procureur désigné par Donald Trump avait dénoncé "la manipulation de l'information" dont Wikipédia se rendait coupable, selon lui, la plateforme cherchant à "masquer la propagande".

Fin août, deux élus républicains de la Chambre des représentants, James Comer et Nancy Mace, ont ouvert une enquête sur des "manoeuvres organisées (...) pour influencer l'opinion américaine (...) en manipulant des articles Wikipédia".

La naissance de Grokipedia a été saluée par plusieurs personnalités de droite, notamment l'idéologue ultranationaliste russe Alexandre Douguine, qualifiant l'article le concernant de "neutre", "objectif" et "juste" alors que celui de Wikipédia est, selon lui, "diffamatoire".


La Russie dit avoir intercepté 193 drones ukrainiens dans la nuit

Le ministère russe de la Défense a déclaré lundi avoir abattu 193 drones ukrainiens au cours de la nuit, les autorités locales faisant état d'une personne tuée dans l'attaque. (AP)
Le ministère russe de la Défense a déclaré lundi avoir abattu 193 drones ukrainiens au cours de la nuit, les autorités locales faisant état d'une personne tuée dans l'attaque. (AP)
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  • La Russie affirme avoir intercepté 193 drones ukrainiens dans la nuit de dimanche à lundi, dont 40 près de Moscou et 47 dans la région de Briansk, où une personne a été tuée et cinq blessées
  • Alors que Kiev intensifie ses frappes sur les infrastructures russes, Donald Trump écarte pour l’instant toute nouvelle rencontre avec Vladimir Poutine, faute de perspective d’accord sur la fin du conflit

KIEV: Le ministère russe de la Défense a annoncé lundi matin avoir intercepté 193 drones ukrainiens dans la nuit de dimanche à lundi, une attaque qui a fait un mort selon des autorités locales.

Un chauffeur de minibus a été tué et cinq passagers ont été blessés dans le village de Pogar, a affirmé lundi matin sur Telegram Aleksandre Bogomaz, gouverneur de la région de Briansk, frontalière de l'Ukraine.

Parmi les drones décomptés, 47 ont survolé la région de Briansk et 40 la région de Moscou, dont la majorité se dirigeait vers la capitale russe, selon le ministère de la Défense.

Depuis le début de son offensive il y a trois ans et demi, la Russie lance quasi-quotidiennement drones et missiles sur l'Ukraine, qui répond régulièrement en frappant le territoire russe.

Kiev intensifie ses frappes et vise notamment les infrastructures énergétiques russes.

Sur le front diplomatique, le président américain Donald Trump a affirmé samedi qu'il ne "perdrait pas son temps" à programmer une nouvelle rencontre avec son homologue russe Vladimir Poutine sans accord en vue pour mettre fin au conflit en Ukraine.

De son côté, la Russie a dénoncé dimanche des "tentatives" de saper son dialogue "constructif" avec les Etats-Unis.

Fin septembre, Moscou exerçait un contrôle total ou partiel sur 19% du territoire ukrainien, selon l'analyse par l'AFP des données fournies par l'Institut américain pour l'étude de la guerre (ISW), qui travaille avec le Critical Threats Project (CTP).

Quelque 7% - la Crimée et des zones de la région industrielle du Donbass - étaient déjà contrôlés avant le début de l'assaut russe en février 2022.