Immigration: La majorité prise en étau sur le contenu et l'application du texte

La Première ministre Elisabeth Borne, aux côtés du ministre chargé des Relations avec le Parlement Franck Riester et du ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti (à droite), assiste à une séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale le 20 décembre 2023 (Photo, AFP).
La Première ministre Elisabeth Borne, aux côtés du ministre chargé des Relations avec le Parlement Franck Riester et du ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti (à droite), assiste à une séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale le 20 décembre 2023 (Photo, AFP).
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Publié le Vendredi 22 décembre 2023

Immigration: La majorité prise en étau sur le contenu et l'application du texte

  • Emmanuel Macron a saisi le Conseil constitutionnel qui pourrait retoquer des dizaines de mesures chères à la droite et l'extrême droite
  • Visant à faciliter les expulsions de migrants illégaux et à rendre moins attractif pour les étrangers le système de protection sociale français, le texte est plutôt populaire dans l'opinion

PARIS: Après l'adoption du projet de loi immigration dans la douleur, la majorité présidentielle était prise jeudi entre le feu de la droite et l'extrême droite, soucieuses que le texte soit exécuté à la lettre, et celui de la gauche, qui conjure Emmanuel Macron de ne pas l'appliquer.

Signe d'un malaise persistant dans la majorité, l'entourage de la ministre de l'Enseignement supérieur Sylvie Retailleau a fait savoir jeudi qu'elle avait présenté mercredi sa démission à Emmanuel Macron, en raison d'un "désaccord profond" sur les mesures concernant les étudiants.

Mais elle a été refusée et la ministre restera en poste, expliquant avoir obtenu l'assurance que ces mesures "seraient révisées si elles n'étaient pas censurées par le Conseil constitutionnel".

"Quel cirque affligeant ! Parce que le reste de la loi immigration, comme la préférence nationale et la remise en cause du droit du sol, ça passe ?", a réagi sur X le sénateur écologiste Yannick Jadot.

Le ministre de la Santé Aurélien Rousseau a lui quitté le gouvernement de manière irrévocable, également en désaccord avec ce texte adopté mardi soir avec les voix de la droite et de l'extrême droite.

«Choquant»

Mais le texte "sera amené à évoluer", a promis Elisabeth Borne le lendemain de son adoption, parce que plusieurs mesures seraient inconstitutionnelles. Le président Emmanuel Macron a d'ailleurs saisi le Conseil constitutionnel qui pourrait retoquer des dizaines de mesures chères à la droite et l'extrême droite, comme le conditionnement des prestations sociales ou le durcissement du regroupement familial.

"C'est très choquant. La loi a été votée, nous avons discuté pendant des heures entières avec la Première ministre (...), et on viendrait renoncer à la parole?", s'est insurgé jeudi le patron des Républicains Éric Ciotti.

"Si la parole du gouvernement et si, encore beaucoup plus fort, le vote du Parlement n'a aucune valeur, que vont penser les Français?", s'est-il agacé.

Mais ce que droite et extrême droite reprochent davantage encore à l'exécutif, c'est qu'il s'en soit remis au verdict des juges constitutionnels, pour vider le texte d'une partie de son contenu.

Au printemps déjà, l'exécutif avait utilisé cette arme d'une saisine immédiate du Conseil constitutionnel sur sa loi retraite, adoptée grâce à l'article 49.3.

La CGT appelle à la «désobéissance civile»

La secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, a appelé jeudi à la "désobéissance civile" face à la loi sur l'immigration, qui remet en cause, selon elle, "tous nos principes républicains".

"La CGT appelle à la désobéissance civile et à la multiplication d'actions de résistance contre cette loi" qui "remet en cause en profondeur tous nos principes républicains" et "déroule le tapis rouge à l'extrême droite", a déclaré Mme Binet au micro de RMC.

En discussion avec d'autres organisations syndicales, des associations et des personnalités, la CGT souhaite organiser dans les prochaines semaines "des initiatives d'ampleur pour permettre à celles et ceux qui ne se reconnaissent pas dans cette France +lepénisée+ de montrer leur détermination à faire respecter les valeurs de solidarité", a ajouté la responsable.

Dans un communiqué commun, une intersyndicale CFDT, CGT, FO, FSU, Solidaires et Unsa a condamné un texte "discriminatoire" qui "remet profondément en cause les principes républicains d’égalité et de solidarité".

«Détricoter»

Visant à faciliter les expulsions de migrants illégaux et à rendre moins attractif pour les étrangers le système de protection sociale français, le texte est plutôt populaire dans l'opinion.

Mais ses mesures ont finalement été adoptées avec les voix de l'extrême droite et à l'issue d'une âpre négociation avec les seuls LR, sans qu'elles soient passées au crible du Conseil d'Etat.

"Ils veulent demander au Conseil constitutionnel de détricoter la loi qu'ils ont demandé de voter à leur propre majorité", a estimé le vice-président du RN Sébastien Chenu sur BFMTV-RMC.

Le Conseil constitutionnel "peut effacer mais il n'écrit rien", a nuancé sur Sud Radio le patron du MoDem François Bayrou. Ce texte "légitime" selon lui "ne sera pas vidé de la plupart de ses principaux articles".

Alors que le RN revendique une "victoire idéologique" sur son thème favori, la "préférence nationale", la gauche tente de structurer une réaction, à l'image d'une lettre commune de tous les partis de gauche, associations et syndicats, exhortant Emmanuel Macron à renoncer à la loi.

Trente-deux départements de gauche ont, eux, annoncé leur intention de ne pas l'appliquer pour le volet qui les concerne: le versement de l'allocation personnalisée d'autonomie, désormais conditionné à un délai de présence sur le sol français.

"Il y a une démocratie", a tancé le ministre de l'Économie Bruno Le Maire, "la loi s'impose à tous".

Son collègue de l'Intérieur Gérald Darmanin a de son côté dénoncé le "canyon" existant selon lui entre le "monde médiatico-parisien" et le "pays réel".

Au-delà des départements, le communiste Fabien Roussel a anticipé que des médecins "continueront de soigner" et des présidents d'université "d'inscrire dans des facs".

La numéro 1 de la CGT Sophie Binet a elle appelé à la "désobéissance civile et à la multiplication d'actions de résistance".

Des appels entendus, avec de nouvelles manifestations annoncées pour jeudi soir, après celles organisées mercredi soir à Rennes, Lille, Dijon, Besançon ou Grenoble.

Plus d'un millier de signataires, syndicalistes et élus ont appelé jeudi dans L'Humanité Emmanuel Macron à "se ressaisir" et ne pas "promulguer ce texte de tous les dangers". Une "trahison" pour eux de la promesse d'Emmanuel Macron, en 2017 et en 2022, de faire barrage à l'extrême droite.


Les députés approuvent la mise en place d'une taxe de deux euros pour les «petits colis»

L'Assemblée nationale a approuvé mercredi la mise en place d'une taxe de deux euros ciblant les "petits colis" d'une valeur inférieure à 150 euros d'origine extra-européenne, qui servira à financer les dispositifs pour contrôler ces produits. (AFP)
L'Assemblée nationale a approuvé mercredi la mise en place d'une taxe de deux euros ciblant les "petits colis" d'une valeur inférieure à 150 euros d'origine extra-européenne, qui servira à financer les dispositifs pour contrôler ces produits. (AFP)
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  • La mesure a suscité de vifs débats, le Rassemblement national dénonçant une "taxe sur la consommation populaire et les classes moyennes"
  • Ces discussions interviennent alors que la plateforme de commerce en ligne d'origine chinoise Shein est sous le feu des critiques, accusée de vendre de nombreux produits non conformes et illicites

PARIS: L'Assemblée nationale a approuvé mercredi la mise en place d'une taxe de deux euros ciblant les "petits colis" d'une valeur inférieure à 150 euros d'origine extra-européenne, qui servira à financer les dispositifs pour contrôler ces produits.

208 députés contre 87 ont approuvé cette mesure proposée par le gouvernement dans le cadre de l'examen en première lecture du budget de l'Etat. Le RN a voté contre, la gauche, la coalition gouvernementale et le groupe ciottiste UDR, allié de Marine Le Pen, pour.

La mesure a suscité de vifs débats, le Rassemblement national dénonçant une "taxe sur la consommation populaire et les classes moyennes", quand la ministre Amélie de Montchalin (Comptes publics) a défendu une "redevance" destinée à contrôler des produits souvent "dangereux".

Ces discussions interviennent alors que la plateforme de commerce en ligne d'origine chinoise Shein est sous le feu des critiques, accusée de vendre de nombreux produits non conformes et illicites.

"Ce n'est pas une taxe pour empêcher la concurrence déloyale chinoise, c'est une taxe sur la consommation populaire et les classes moyennes", a dénoncé le député Jean-Philippe Tanguy (RN).

"Faire croire aux Français qu'en taxant les petits colis, vous arriverez à augmenter de manière spectaculaire le nombre de contrôles, c'est se moquer du monde", a renchéri la présidente du groupe, Marine Le Pen, soulignant que "l'année dernière, 0,125 % de colis ont été vérifiés".

La France insoumise s'est également dite soucieuse des répercussions de la taxe sur les consommateurs, exigeant pour les protéger que les plateformes soient taxées directement et non les colis, et menaçant de voter contre la mesure.

Le gouvernement a déposé un amendement destiné à répondre à cette préoccupation, permettant que la taxe soit payée via "le tuyau de la TVA", qui est "alimenté par les plateformes". Cela a convaincu LFI de soutenir la proposition gouvernementale.

La taxe devrait rapporter environ 500 millions d'euros, destinés selon Mme de Montchalin à financer l'achat de scanners pour contrôler les colis et embaucher des douaniers.

Elle s'est félicitée que la France mette en oeuvre la taxe "dès le 1er janvier", comme la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg, neuf mois plus tôt que les autres pays de l'UE.

"Ceux qui ce soir ne voteront pas cette taxe (...) n'ont pas choisi la France, ils n'ont pas choisi nos commerçants, ils auront choisi la Chine et sa submersion", a-t-elle tonné.

Elle a par ailleurs rappelé que les ministres des Finances de l'Union européenne se sont accordés la semaine dernière pour supprimer l'exonération de droits de douane dont bénéficient ces petits colis.

Juste avant minuit, les députés ont en revanche supprimé un autre article du projet de loi, visant à fiscaliser l'ensemble des produits à fumer, avec ou sans tabac ou nicotine.

"Nous sommes 700. 000 personnes à avoir réussi à arrêter de fumer grâce à la cigarette électronique", une alternative efficace pour "sauver des vies" qui est "bien moins dangereuse que la cigarette", a argumenté le député Renaissance Pierre Cazeneuve. Parmi elles, de nombreux députés, dont lui-même.


Macron fustige les «bourgeois des centres-villes» qui financent «parfois» le narcotrafic

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  • Emmanuel Macron a également insisté sur "la nécessité d'avoir une approche interministérielle du très local à l'international"
  • La question est au centre du débat public depuis l'assassinat jeudi à Marseille de Mehdi Kessaci, le frère d'un militant engagé contre le narcotrafic

PARIS: Le président Emmanuel Macron a estimé mercredi lors du Conseil des ministres que ce sont "parfois les bourgeois des centres-villes qui financent les narcotrafiquants", selon des propos rapportés par la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon lors de son compte-rendu.

Le chef de l'État a appuyé "l'importance d'une politique de prévention et de sensibilisation puisque, je reprends ses mots, +c'est parfois les bourgeois des centres-villes qui financent les narcotrafiquants+", a précisé Maud Bregeon, ajoutant: "on ne peut pas déplorer d'un côté les morts et de l'autre continuer à consommer le soir en rentrant du travail".

Emmanuel Macron a également insisté sur "la nécessité d'avoir une approche interministérielle du très local à l'international". La question est au centre du débat public depuis l'assassinat jeudi à Marseille de Mehdi Kessaci, le frère d'un militant engagé contre le narcotrafic.

 


Amiante dans les écoles: plus de 50 personnes et sept syndicats portent plainte à Marseille

Classée cancérogène, l'amiante présente des risques pour la santé principalement par inhalation, lorsque les poussières pénètrent le système respiratoire. (AFP)
Classée cancérogène, l'amiante présente des risques pour la santé principalement par inhalation, lorsque les poussières pénètrent le système respiratoire. (AFP)
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  • "La grande majorité des établissements scolaires en France, construits avant son interdiction en 1997, présentent encore à ce jour de l’amiante dans de nombreux éléments du bâti", rappelle dans un communiqué l'avocate Julie Andreu
  • Or, la vétusté de certains d'entre eux aggrave l'exposition à l'amiante et selon l'avocate, "les responsables concernés (collectivités locales) n’ont pas pris les mesures qui s’imposent"

MARSEILLE: Ils sont parents d'élèves, enseignants, agents municipaux: une cinquantaine de personnes, toutes exposées à l'amiante dans des écoles des Bouches-du-Rhône, vont déposer mercredi à Marseille une plainte contre X pour "mise en danger délibérée de la vie d'autrui".

Sept syndicats et trois associations de victimes de l'amiante sont aussi plaignants dans ce dossier, qui concerne 12 établissements scolaires, la plupart à Marseille.

"La grande majorité des établissements scolaires en France, construits avant son interdiction en 1997, présentent encore à ce jour de l’amiante dans de nombreux éléments du bâti", rappelle dans un communiqué l'avocate Julie Andreu, qui représente ces plaignants d'une douzaine d'établissements scolaires et dont la plainte va être déposée à 14h.

Or, la vétusté de certains d'entre eux aggrave l'exposition à l'amiante et selon l'avocate, "les responsables concernés (collectivités locales) n’ont pas pris les mesures qui s’imposent".

Classée cancérogène, l'amiante présente des risques pour la santé principalement par inhalation, lorsque les poussières pénètrent le système respiratoire.

"Une collègue est décédée en avril 2024 des suites d’un cancer lié à l’amiante, reconnu comme maladie professionnelle", a expliqué dans un dossier de presse le collectif stop amiante éducation, dans lequel sont réunis les syndicats et associations plaignants.

Le collectif dénonce "de nombreuses défaillances", notamment une absence d'information sur l'amiante, malgré les obligations réglementaires, ou encore une absence de protection pendant les travaux.

En mars, les syndicats enseignants avaient révélé que plus de 80% des bâtiments scolaires en France étaient potentiellement concernés par la présence d'amiante.

Un rapport du Haut Conseil de la Santé Publique publié en 2014, prévoit que d’ici 2050, 50.000 à 75.000 décès par cancer du poumon dus à l’amiante aient lieu, auxquels s’ajoutent jusqu'à 25.000 décès par mésothéliome (un autre type de cancer).