En Russie, la colère gronde malgré la peur chez les proches des mobilisés

Des proches de soldats russes participant à l'opération militaire spéciale en Ukraine déposent des fleurs sur la tombe du Soldat inconnu à Moscou, le 23 décembre 2023. (Photo par Olga Maltseva AFP)
Des proches de soldats russes participant à l'opération militaire spéciale en Ukraine déposent des fleurs sur la tombe du Soldat inconnu à Moscou, le 23 décembre 2023. (Photo par Olga Maltseva AFP)
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Publié le Dimanche 31 décembre 2023

En Russie, la colère gronde malgré la peur chez les proches des mobilisés

  • À l'approche du deuxième anniversaire du conflit en Ukraine, les proches des hommes mobilisés en Russie réclament de plus en plus ouvertement leur retour
  • Le salaire des mobilisés, environ 200.000 roubles (2.000 euros), est élevé pour la Russie. Mais une grande partie de cet argent est consacrée à l'achat de matériel supplémentaire pour compléter ce que l'armée leur fournit

MOSCOU : Pour Maria Semionova et son compagnon, tout a commencé par un coup frappé à leur porte, quelques jours après le début de la campagne de mobilisation militaire pour le conflit en Ukraine décrétée par Vladimir Poutine en septembre 2022.

Son petit ami -- dont l'identité n'est pas publiée par mesure de sécurité --, encore somnolent, s'est alors vu remettre ses papiers de recrutement. Après six semaines d'entraînement, il a été envoyé combattre en Ukraine.

«Je me souviens de ce jour comme si c'était hier, je tremblais», raconte cette habitante de Moscou âgée de 26 ans, dont le corps se raidit à l'évocation de ce moment.

Incapable de se concentrer, elle a pris une semaine de congé et a fini par démissionner de son travail.

À l'approche du deuxième anniversaire du conflit en Ukraine, les proches des hommes mobilisés en Russie réclament de plus en plus ouvertement leur retour.

Avec leurs piquets de grève et leurs messages plein d'émotion relayés sur les réseaux sociaux, il est devenu difficile pour les autorités d'ignorer cette question sensible.

Maria Semionova a adressé de nombreux appels au président Vladimir Poutine et à d'autres hauts responsables, en vain.

Un jour de décembre, enveloppée dans une écharpe, elle a déposé des oeillets blancs sur la tombe du soldat inconnu, près des murs du Kremlin, en signe de protestation avec dix autres femmes.

«Je l'aime. Je ne peux pas l'abandonner», explique-t-elle.

Lorsque son compagnon est revenu pour sa première permission, elle l'a vu «plus dur». Lors de sa deuxième permission, il était ivre la moitié du temps et faisait des cauchemars à propos du front.

- «Personne ne nous écoute» -

Plusieurs groupes sur les réseaux sociaux destinés aux proches des soldats mobilisés ont vu le jour ces derniers mois. L'un d'entre eux, une chaîne Telegram appelée «Le chemin du retour à la maison», compte plus de 38.000 abonnés.

Leur activisme est largement ignoré par les médias d'Etat, mais il s'agit d'un sujet difficile pour le Kremlin, qui tient à afficher une image d'unité autour de M. Poutine avant sa réélection inévitable lors de la présidentielle de mars 2024.

«Nous ne sommes pas entendus par notre gouvernement, par nos chaînes de télévision, personne ne nous écoute», regrette l'une de ces femmes, Alexandra, une cuisinière de 34 ans vivant dans la région de Mourmansk, dans le Grand Nord russe.

«Mais je n'ai pas d'autre choix que de faire ce que je fais», explique cette femme enceinte, déjà mère de deux enfants, qui a quitté en 2018 l'est de l'Ukraine pour s'installer en Russie avec son mari, un mineur.

Il a été mobilisé en octobre 2022, peu après l'annonce par Vladimir Poutine d'un appel de 300.000 réservistes qui avait provoqué une vague d'émigration de jeunes hommes.

Le salaire des mobilisés, environ 200.000 roubles (2.000 euros), est élevé pour la Russie. Mais une grande partie de cet argent est consacrée à l'achat de matériel supplémentaire pour compléter ce que l'armée leur fournit.

Le fardeau est difficile à porter pour de nombreuses femmes, surtout lorsqu'elles ont des enfants.

- La fin du «cauchemar» -

Antonina, 41 ans, explique qu'elle a dû quitter son emploi et commencer à consulter un thérapeute après que son partenaire a été appelé. Elle a pris 25 kilos et subi un micro-AVC.

«Tout s'est effondré», résume-t-elle. «J'essaie de ne pas regarder les nouvelles... J'attends simplement ses appels.»

Selon elle, son partenaire, qui souffre d'un ulcère gastroduodénal, est envoyé en mission avec d'autres hommes malades ou blessés.

Antonina et d'autres femmes sont opposées à une deuxième vague de mobilisation, même si c'était le seul moyen pour que leurs proches reviennent du front.

«Je ne veux pas que quelqu'un d'autre vive ce que je vis», dit-elle.

Si aucune des trois femmes interrogées par l'AFP n'a fait l'objet de représailles du pouvoir pour leur activisme, elles savent qu'elles jouent avec le feu dans un contexte de répression massive.

«J'ai peur que mon mari soit tué pour ce que je fais. J'ai peur que mes enfants soient envoyés dans un orphelinat, que je sois emprisonnée», raconte Alexandra.

Elles ont toutes déclaré avoir fait l'objet d'insultes en ligne, de la part de partisans et d'opposants à la campagne russe en Ukraine.

«Je suis seule dans ma lutte», se lamente Alexandra, à qui de nombreux amis ont tourné le dos. Mais elle n'a pas l'intention d'abandonner.

«Je veux juste que ce cauchemar prenne fin. Les gens ne devraient pas s'entretuer», affirme-t-elle.

«Nous avons commis une terrible erreur» en Ukraine, pense-t-elle. «Je veux vraiment que les gens s'en rendent compte et qu'il y ait la paix».


Russie: le suicide apparent d'un ministre sème la peur au sein de l'élite

Roman Starovoït avait été gouverneur de la région russe de Koursk, frontalière de l'Ukraine, avant d'être promu ministre à Moscou en mai 2024, trois mois avant que les troupes ukrainiennes ne prennent le contrôle d'une petite partie de ce territoire lors d'une offensive surprise. Une attaque qui avait été un revers pour le Kremlin. (AFP)
Roman Starovoït avait été gouverneur de la région russe de Koursk, frontalière de l'Ukraine, avant d'être promu ministre à Moscou en mai 2024, trois mois avant que les troupes ukrainiennes ne prennent le contrôle d'une petite partie de ce territoire lors d'une offensive surprise. Une attaque qui avait été un revers pour le Kremlin. (AFP)
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  • Si les circonstances de la mort de Roman Starovoït, âgé de 53 ans, restent floues, les médias russes ont évoqué une enquête pour corruption le visant, assurant qu'il devait être arrêté prochainement
  • Limogé par le président Vladimir Poutine, il s'est probablement donné la mort, selon les premiers résultats de l'enquête, qui est en cours

SAINT-PETERSBOURG: Le suicide probable du ministre russe des Transports, Roman Starovoït, annoncé peu après son limogeage lundi par Vladimir Poutine sur fond d'allégations de corruption, a profondément choqué l'élite politique, où chacun redoute de faire les frais de la chasse aux profiteurs.

Ses funérailles ont eu lieu vendredi dans un cimetière de Saint-Pétersbourg en présence de sa famille et de collègues, mais en l'absence de M. Poutine qui n'a pas non plus participé à la cérémonie d'adieu jeudi.

Si les circonstances de la mort de Roman Starovoït, âgé de 53 ans, restent floues, les médias russes ont évoqué une enquête pour corruption le visant, assurant qu'il devait être arrêté prochainement.

Limogé par le président Vladimir Poutine, il s'est probablement donné la mort, selon les premiers résultats de l'enquête, qui est en cours.

"C'est une grande perte pour nous, très inattendue. Nous sommes tous choqués", a déclaré à l'AFP Vassilissa, 42 ans, l'épouse d'un collègue de M. Starovoït, lors de la cérémonie de jeudi.

"Il était tellement actif, joyeux, il aimait énormément la vie. Je ne comprends pas comment cela a pu arriver", ajoute cette femme, les larmes aux yeux.

Après avoir déposé devant le cercueil de grands bouquets de roses rouges, des anciens collègues de M. Starovoït, en costumes sombres, sont repartis très vite dans leurs luxueuses voitures noires.

Dans une ambiance très lourde rappelant les funérailles dans le film culte "Le Parrain" de Francis Ford Coppola, d'autres personnes interrogées par les journalistes de l'AFP dans la foule ont refusé de parler.

"Bouc émissaire" 

Roman Starovoït avait été gouverneur de la région russe de Koursk, frontalière de l'Ukraine, avant d'être promu ministre à Moscou en mai 2024, trois mois avant que les troupes ukrainiennes ne prennent le contrôle d'une petite partie de ce territoire lors d'une offensive surprise. Une attaque qui avait été un revers pour le Kremlin.

Son successeur à la tête de cette région, Alexeï Smirnov, a lui été arrêté au printemps pour le détournement des fonds destinés à renforcer les fortifications à la frontière. Celle-là même que les Ukrainiens ont traversé facilement, pour n'être repoussés que neuf mois plus tard.

Les autorités "ont essayé de faire de lui (Roman Starovoït) un bouc émissaire", accuse auprès de l'AFP Andreï Pertsev, analyste du média indépendant Meduza, reconnu "indésirable" et interdit en Russie.

L'incursion ukrainienne "s'est principalement produite parce qu'il n'y avait pas assez de soldats pour protéger la frontière", mais c'était "plus facile de rejeter la faute sur un responsable civil", explique-t-il.

L'affaire Starovoït s'inscrit dans une vague récente de répression visant de hauts responsables soupçonnés de s'être enrichis illégalement pendant l'offensive russe en Ukraine. Et selon des analystes, si les scandales de corruption on toujours existé en Russie, la campagne militaire a changé les règles du jeu politique.

"Il existait des règles auparavant, selon lesquelles les gens savaient: une fois qu'ils montaient suffisamment haut, on ne les embêtait plus", estime M. Pertsev. "Mais elles ne fonctionnent plus."

"On ne vole pas" 

Alors que Vladimir Poutine promettait régulièrement de s'attaquer à la corruption - étant lui même accusé de s'être enrichi illégalement par ses détracteurs -, les rares arrestations médiatisées ont été davantage utilisées pour cibler des opposants ou résultaient de luttes internes entre les échelons inférieurs du pouvoir en Russie.

Depuis l'offensive en Ukraine lancée en février 2022, "quelque chose dans le système a commencé à fonctionner de manière complètement différente", souligne la politologue Tatiana Stanovaïa du Centre Carnegie Russie Eurasie, interdit en Russie en tant qu'organisation "indésirable".

"Toute action ou inaction qui, aux yeux des autorités, accroît la vulnérabilité de l'État face aux actions hostiles de l'ennemi doit être punie sans pitié et sans compromis", estime Mme Stanovaïa en définissant la nouvelle approche du pouvoir.

Pour le Kremlin, la campagne en Ukraine est une "guerre sainte" qui a réécrit les règles, confirme Nina Khrouchtcheva, professeure à The New School, une université de New York, et arrière-petite-fille du dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev.

"Pendant une guerre sainte, on ne vole pas (...) on se serre la ceinture et on travaille 24 heures sur 24", résume-t-elle.

Signe des temps, plusieurs généraux et responsables de la Défense ont été arrêtés pour des affaires de détournement de fonds ces dernières années. Début juillet, l'ancien vice-ministre de la Défense Timour Ivanov a été condamné à 13 ans de prison.

Cette ambiance, selon Mme Stanovaïa, a créé un "sentiment de désespoir" au sein de l'élite politique à Moscou, qui est peu susceptible de s'atténuer.

"À l'avenir, le système sera prêt à sacrifier des figures de plus en plus en vue," avertit-elle.

 


Un trafic de stupéfiants démantelé entre Espagne et France, 13 arrestations

reize personnes, dont le "donneur d'ordres" présumé, ont été arrêtées par des policiers qui ont démantelé un "important" trafic de drogues importées d'Espagne pour alimenter la région Auvergne-Rhône-Alpes, au terme d'une enquête de près de deux ans, a annoncé vendredi la police. (AFP)
reize personnes, dont le "donneur d'ordres" présumé, ont été arrêtées par des policiers qui ont démantelé un "important" trafic de drogues importées d'Espagne pour alimenter la région Auvergne-Rhône-Alpes, au terme d'une enquête de près de deux ans, a annoncé vendredi la police. (AFP)
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  • 2,4 tonnes de résine de cannabis ont été saisies par les enquêteurs de Office anti-stupéfiants (OFAST) de la police judiciaire de Lyon, qui ont mené ces opérations
  • Dans cette première phase, les 11 suspects ont été mis en examen et sont, depuis, en détention provisoire, selon la DIPN

LYON: Treize personnes, dont le "donneur d'ordres" présumé, ont été arrêtées par des policiers qui ont démantelé un "important" trafic de drogues importées d'Espagne pour alimenter la région Auvergne-Rhône-Alpes, au terme d'une enquête de près de deux ans, a annoncé vendredi la police.

Onze suspects ont été interpellés entre décembre 2023 et juillet 2024, notamment grâce à l'interception par les policiers de deux poids-lourds et d'un convoi de voitures "entre la région lyonnaise et le Gard", "au moment où les stupéfiants étaient remis à des équipes locales", explique la Direction interdépartementale de la police (DIPN) du Rhône dans un communiqué.

Dans le même laps de temps, 2,4 tonnes de résine de cannabis ont été saisies par les enquêteurs de Office anti-stupéfiants (OFAST) de la police judiciaire de Lyon, qui ont mené ces opérations.

Dans cette première phase, les 11 suspects ont été mis en examen et sont, depuis, en détention provisoire, selon la DIPN.

Puis l'enquête a permis l'interpellation, le 30 juin dernier, d'un homme "soupçonné d'être le donneur d'ordres" et, le lendemain, d'un autre suspect, "fugitif condamné en 2016" à sept ans de prison pour trafic de stupéfiants. A son domicile dans l'Ain, "54 kg de cocaïne et plusieurs dizaines de milliers d'euros" ont été saisis, précise le communiqué qui n'en dit pas plus sur le profil de ces hommes. Ils ont été mis en examen le 4 juillet et placés en détention provisoire.

La police considère ainsi avoir réussi le "démantèlement de ce groupe criminel organisé (...) réalisant des importations de stupéfiants depuis l'Espagne vers la région Auvergne-Rhône-Alpes" pour des "quantités importantes".

 


Iran: la lauréate du prix Nobel de la Paix Mohammadi se dit «menacée d'élimination physique», selon le comité Nobel

La prix Nobel de la paix iranienne, Narges Mohammadi, dit avoir été "directement et indirectement menacée d'élimination physique" par les autorités iraniennes, a indiqué vendredi le comité Nobel qui s'est entretenu avec elle par téléphone. (AFP)
La prix Nobel de la paix iranienne, Narges Mohammadi, dit avoir été "directement et indirectement menacée d'élimination physique" par les autorités iraniennes, a indiqué vendredi le comité Nobel qui s'est entretenu avec elle par téléphone. (AFP)
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  • La prix Nobel de la paix iranienne, Narges Mohammadi, dit avoir été "directement et indirectement menacée d'élimination physique"
  • Ces menaces "montrent clairement que sa sécurité est en jeu, à moins qu'elle ne s'engage à mettre fin à tout engagement public en Iran"

OSLO: La prix Nobel de la paix iranienne, Narges Mohammadi, dit avoir été "directement et indirectement menacée d'élimination physique" par les autorités iraniennes, a indiqué vendredi le comité Nobel qui s'est entretenu avec elle par téléphone.

Ces menaces "montrent clairement que sa sécurité est en jeu, à moins qu'elle ne s'engage à mettre fin à tout engagement public en Iran" ainsi qu'à "toute apparition dans les médias", ajoute le comité Nobel dans un communiqué. Mme Mohammadi a été récompensée en 2023 pour "son combat contre l'oppression des femmes en Iran et pour la promotion des droits de l'homme".