Gaza: Un lien profond unit l’Afrique du Sud à la cause palestinienne

Des associations civiles et de partis politiques lors d'une manifestation propalestinienne à Johannesburg, le 27 janvier 2022 (Photo, AFP).
Des associations civiles et de partis politiques lors d'une manifestation propalestinienne à Johannesburg, le 27 janvier 2022 (Photo, AFP).
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Publié le Mercredi 24 janvier 2024

Gaza: Un lien profond unit l’Afrique du Sud à la cause palestinienne

  • L'Afrique du Sud a saisi la Cour internationale de justice pour accuser Israël d'avoir commis un génocide à Gaza
  • Le Congrès national africain (ANC), parti au pouvoir reconnaît depuis longtemps les parallèles entre la lutte des Palestiniens et sa propre lutte contre l'apartheid

DUBAI: Le 11 janvier, l'Afrique du Sud a demandé à la Cour internationale de justice de La Haye (CIJ) de statuer sur le fait que la campagne militaire israélienne en cours à Gaza constituait un génocide. Israël a répondu en accusant le pays de «fonctionner comme le bras juridique» du Hamas.

Mais le soutien de l'Afrique du Sud aux Palestiniens n'est pas un phénomène nouveau. Depuis des années, le gouvernement et la société civile sud-africains ont fait preuve d'un soutien indéfectible à la cause palestinienne, malgré des différences géographiques et culturelles considérables.

Des Palestiniens brandissent des drapeaux et des pancartes autour d'une statue du président sud-africain, Nelson Mandela, à Ramallah, en Cisjordanie occupée, le 10 janvier 2024 (Photo fournie).

Le Congrès national africain (ANC), au pouvoir en Afrique du Sud, compare depuis longtemps les politiques d'Israël à Gaza et en Cisjordanie à sa propre histoire sous le régime d'apartheid de la minorité blanche, qui, jusqu'en 1994, obligeait les Noirs à vivre dans des «homelands» («bantoustans») spécialement désignés.

«Aujourd'hui, nous nous joignons au monde entier pour exprimer notre horreur face aux crimes de guerre commis en Palestine en prenant pour cible des civils, des infrastructures civiles, des locaux des Nations unies et d'autres cibles vulnérables», a déclaré Naledi Pandor, ministre sud-africaine des Relations internationales et de la Coopération, dans un communiqué publié le 7 novembre.

«Ces actions nous rappellent nos expériences en tant que Sud-Africains noirs vivant sous l'apartheid. C'est l'une des principales raisons pour lesquelles les Sud-Africains, comme les habitants de toutes les villes du monde, sont descendus dans la rue pour exprimer leur colère et leur inquiétude face à ce qui se passe à Gaza et en Cisjordanie.»

Des enfants palestiniens cherchent des objets récupérables au milieu des destructions dans la banlieue sud de Khan Younès, dans la bande de Gaza ravagée par la guerre, le 16 janvier 2024 (Photo, AFP).

Israël a lancé sa campagne militaire en réponse à l'attaque du Hamas du 7 octobre contre le sud d'Israël, au cours de laquelle des militants palestiniens ont tué quelque 1 200 personnes, pour la plupart des civils, et pris 240 otages, dont de nombreux ressortissants étrangers non israéliens.

Depuis lors, les forces de défense israéliennes ont mené une campagne aérienne et terrestre féroce contre le Hamas, qui contrôle la bande de Gaza depuis 2007, tuant plus de 25 000 Palestiniens, selon le ministère de la Santé dirigé par le Hamas.

Depuis le début de la guerre, des symboles de solidarité ont vu le jour dans toute l'Afrique du Sud. Des artistes de rue ont réalisé des peintures murales du drapeau palestinien, des panneaux d'affichage ont été érigés pour accuser Israël de génocide, et des autocollants portant des slogans tels que «Genocide IsREAL» et «#FreeGaza» ont été distribués.

«En tant que Sud-Africain, on connaît l'oppression, la résistance et l'apartheid», a déclaré à Arab News Leila Samira Khan, avocate et militante sud-africaine.

«La Palestine est étroitement liée à la lutte de l'Afrique du Sud pour la liberté. Je suis née aux Pays-Bas de parents sud-africains dans les années 70 et j'ai été nommée en l'honneur de Leila Khaled», a-t-elle indiqué, en référence à la célèbre militante palestinienne.

Un groupe d'avocats participe à une manifestation interconfessionnelle de solidarité avec le peuple palestinien devant la Haute Cour du Cap, le 11 janvier 2024 (Photo, AFP).

L'Afrique du Sud a rappelé ses diplomates de Tel Aviv au début du mois de novembre. Plus tard durant le même mois, son Parlement a voté la suspension de tous les relations diplomatiques avec Israël et la fermeture de l'ambassade d'Israël à Pretoria. Israël a depuis rappelé son ambassadeur.

Puis, en décembre, l'Afrique du Sud s'est retrouvée sous les projecteurs internationaux en déposant une plainte contre Israël devant la CIJ, l'accusant d'avoir violé la convention sur le génocide.

«L'ampleur des destructions à Gaza, le ciblage des maisons familiales et des civils, le fait que la guerre soit une guerre contre les enfants, tout cela montre clairement que l'intention génocidaire est à la fois comprise et mise en pratique», a déclaré Tembeka Ngcukaitobi, membre de l'équipe juridique sud-africaine, devant la CIJ.

«L'intention exprimée est la destruction de la vie palestinienne dans toutes ses manifestations», a-t-il précisé.

Les Sud-Africains noirs qui ont vécu cette période se rappellent s’être sentis marginalisés et comme des citoyens de seconde classe dans leur propre pays (Photo, AFP).

Si l'affaire a irrité de nombreux gouvernements occidentaux, elle a valu à l'Afrique du Sud les éloges de pays comme la Turquie et la Malaisie et de groupements comme l'Organisation de la coopération islamique, qui s'est jointe à l'affaire.

Cette défense de la cause palestinienne en Afrique du Sud a des racines profondes qui remontent à l'époque où l'ANC menait sa propre campagne de plusieurs décennies contre l'apartheid, un système qui a prévalu de 1948 jusqu'au début des années 1990.

Sous le régime de l'apartheid, la minorité blanche dominait la politique, les affaires, la propriété foncière et tous les aspects de la vie civique, tout en appliquant un système de ségrégation et de discrimination raciale sévère qui considérait les races comme «séparées mais égales».

En réalité, les Sud-Africains noirs qui ont vécu cette période se rappellent s’être sentis marginalisés et comme des citoyens de seconde classe dans leur propre pays – des sentiments similaires à ceux ressentis par les Palestiniens dans les territoires occupés.

Un Palestinien brandit les portraits de Yasser Arafat et de Nelson Mandela devant le bâtiment de la municipalité de Bethléem, en Cisjordanie occupée, le 12 janvier 2024 (Photo, AFP).

«En tant que Sud-Africains, nous nous sentons profondément liés à la lutte des Palestiniens», a déclaré à Arab News, Thania Petersen, une artiste sud-africaine basée au Cap.

«Nous comprenons et reconnaissons l'apartheid ainsi que la dévastation qui résulte de la gestion et de la vie dans une société post-apartheid», a-t-elle ajouté.

Pendant ce temps, alors qu'une grande partie de la communauté internationale a introduit des sanctions contre l'Afrique du Sud de l'apartheid pour ses politiques de plus en plus impopulaires, Israël continuait à fournir au gouvernement de la minorité blanche des armes et de la technologie.

La solidarité de l'ANC avec la Palestine remonte aux années 1950 et 1960, lorsque plusieurs nations africaines ont obtenu leur indépendance après des siècles de domination coloniale européenne.

Au cours de sa lutte contre l'apartheid, puis une fois au pouvoir, l'ANC a entretenu des liens étroits avec l'Organisation de libération de la Palestine.

Nelson Mandela, le premier président de l'Afrique du Sud après l'apartheid, qui a passé vingt-sept ans en prison pour sa lutte contre la domination de la minorité blanche, était même en bons termes avec le président de l'OLP, Yasser Arafat.

Le 15 février 1995, un an après les premières élections non raciales en Afrique du Sud, qui ont propulsé Mandela au pouvoir, la nouvelle «nation arc-en-ciel» a établi des relations diplomatiques officielles avec l'État de Palestine.

Pendant des années, l'ANC et l'OLP se sont soutenus mutuellement dans leurs campagnes anticoloniales, échangeant des armes et se consultant sur les stratégies à adopter pour mettre fin à la colonisation.

La rencontre d'Arafat avec Mandela en Zambie en 1990, deux semaines à peine après la libération de ce dernier, a été un moment important qui a renforcé les liens et l'engagement de l'Afrique du Sud à l'égard de la Palestine.

Mandela s'est par la suite rendu en Israël et en Palestine et a appelé à la paix entre les deux nations.

Yasser Arafat (à droite), accueille Nelson Mandela à son arrivée à l'aéroport de Gaza en 1999 pour une visite officielle en Palestine (Photo, AFP).

«Nous savons trop bien que notre liberté est incomplète sans la liberté des Palestiniens», a déclaré Mandela en 1997 lors d'un discours prononcé à l'occasion de la Journée internationale de solidarité avec le peuple palestinien à Pretoria, la capitale de l'Afrique du Sud.

«La tentation, dans notre situation, est de parler à voix étouffée d'une question telle que le droit du peuple palestinien à un État qui lui soit propre. Nous pouvons facilement être tentés de considérer que la réconciliation et l'équité signifient la parité entre la justice et l'injustice.

«Après avoir acquis notre propre liberté, nous pouvons tomber dans le piège de nous laver les mains des difficultés que rencontrent les autres. Pourtant, nous serions moins qu'humains si nous agissions de la sorte», a-t-il indiqué.

Des groupes propalestiniens et d'autres organisations de la société civile manifestent, à Durban, le 2 juin 2018, pour protester contre le meurtre de Palestiniens par les forces israéliennes à Gaza (Photo, AFP).

Le soutien de l'Afrique du Sud à la cause palestinienne se poursuit encore aujourd'hui avec ferveur. Dans le dernier document de politique générale de l'ANC, publié fin 2022, le parti au pouvoir a souligné les liens historiques entre l'Afrique du Sud et la Palestine.

«L'Afrique du Sud et la Palestine partagent une histoire commune de lutte», a spécifié le document, qui décrit Israël comme un «État d'apartheid» et déclare son intention de desserrer les liens diplomatiques entre l'Afrique du Sud et Israël.

«En tant qu'individus, nous nous sentons profondément concernés par les Palestiniens parce que nous connaissons l'apartheid, nous savons à quoi il ressemble et nous vivons avec la violence permanente de son héritage», a révélé Petersen à Arab News.

«Nous avons l'obligation envers l'humanité de lutter contre ce que nous savons être mauvais. En tant que Sud-Africains, nous lutterons toujours contre l'apartheid et le colonialisme. Nos dirigeants ont toujours dit que notre liberté était incomplète sans celle de la Palestine», a-t-elle insisté.

Dans un article paru récemment dans The Economist, Suraya Dadoo, écrivaine et militante sud-africaine, a déclaré: «La voix de l'Afrique du Sud a été la plus audible, principalement parce que notre histoire et notre lutte pour la libération sont les plus récentes et que le système d'apartheid qu'Israël pratique à l'encontre des Palestiniens est étrangement similaire.

«Les sociétés coloniales ne peuvent exister que par l'anéantissement absolu des populations indigènes ou par l'assujettissement complet des populations et de leurs terres. Il n'y a pas d'autre moyen pour elles de maintenir leur existence que la violence.»

Si le soutien de l'Afrique du Sud à la cause palestinienne est compréhensible compte tenu de sa propre lutte contre l'apartheid, il est plus difficile de concilier son soutien au Hamas.

Après les attentats du 7 octobre, de nombreux pays arabes favorables à la cause palestinienne ont cherché à prendre leurs distances avec le groupe militant. Bien qu'elle ait condamné les atrocités, l'Afrique du Sud a été plus lente à le faire que d'autres pays.

En revanche, elle s'est empressée de condamner le nombre croissant de morts palestiniens à Gaza après qu'Israël a lancé sa campagne de représailles.

L'Afrique du Sud est l'un des rares pays à entretenir des relations diplomatiques officielles avec le Hamas, un groupe que de nombreux pays considèrent comme une organisation terroriste.

Son ouverture aux relations avec le groupe s'explique en partie par sa propre histoire. En effet, l'ANC était lui-même souvent considéré comme une organisation terroriste avant que le pays ne fasse sa transition largement pacifique vers une démocratie multiraciale.

Un homme tient un drapeau palestinien lors d’une manifestation propalestinienne devant la Haute Cour au Cap, le 11 janvier 2024 (Photo, AFP).

En affirmant qu'Israël commet des actes génocidaires à l'encontre des Palestiniens, l'Afrique du Sud s'est également exposée à des accusations de «deux poids, deux mesures», d'autant plus que son gouvernement semble adopter une position plus souple à l'égard des méfaits d'autres acteurs armés.

Une semaine avant de présenter son dossier à La Haye, le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, a reçu Mohammed Hamdan Dagalo, un chef de guerre soudanais connu sous le nom de Hemedti, dont la milice les Janjawids et son successeur, les Forces de soutien rapide (FSR), sont accusés d'avoir commis des actes de génocide au Darfour.

Le groupe paramilitaire des FSR est en conflit avec les forces armées soudanaises depuis le mois d'avril de l'année dernière, ce qui a provoqué l'une des pires catastrophes humanitaires au monde, dont beaucoup craignent qu'elle ne déstabilise l'ensemble de la région.

Toutefois, Petersen estime que l'opposition publique à Israël en particulier est bien plus profonde pour les Sud-Africains, qui gardent à l'esprit le soutien apporté par le passé à l'apartheid.

«Les Palestiniens et les Sud-Africains mènent le même combat», a-t-elle soutenu. «Le fait qu'Israël ait été impliqué dans le gouvernement d'apartheid en Afrique du Sud n'est pas une question distincte et il n'est pas surprenant que le lobby sioniste en Afrique du Sud ait bénéficié de l'apartheid.»

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com 


Frankly Speaking: Le haririisme peut-il faire son retour au Liban ?

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  • L'homme d'affaires libanais Bahaa Hariri évoque les raisons de son retour, les nouveaux dirigeants du pays et ses liens avec les Etats-Unis
  • Le fils aîné de l'ex-PM Rafic Hariri clarifie sa position sur la Syrie et le Hezbollah, et délivre un message à la communauté chiite

RIYADH : Vingt ans après l'assassinat de l'ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri, et trois ans après que son frère cadet Saad a quitté la vie politique, Bahaa Hariri se dit prêt à revenir au Liban et à faire revivre l'héritage de sa famille.

Lors de son passage à l'émission hebdomadaire d'Arab News "Frankly Speaking", il a exposé les raisons de son retour, son point de vue sur les nouveaux dirigeants libanais, sa position sur le Hezbollah et la Syrie, ainsi que son message à la communauté chiite de son pays.

Fils aîné de Rafic Hariri, Bahaa Hariri est longtemps resté à l'écart de la scène politique turbulente du Liban. Il a fait carrière dans les affaires à l'étranger, se tenant souvent à l'écart des batailles qui agitaient la scène politique de Beyrouth. Lors d'un entretien avec l'animatrice Katie Jensen, il a insisté sur le fait que sa décision de revenir maintenant n'était pas une question de timing, mais de responsabilité.

"La situation est très délicate et le Liban a besoin de personnes honnêtes qui veulent s'assurer que le Liban passe cette période délicate", a-t-il déclaré.

"Il ne s'agit pas d'arriver trop tard ou trop tôt, mais de faire ce qu'il faut. C'est pourquoi nous sommes ici pour faire ce qu'il faut, pour être aux côtés de notre nation dans la période la plus délicate et pour faire de notre mieux pour la servir et faire en sorte qu'elle passe ce cap. Pour moi, c'est extrêmement important, non seulement au Liban, mais aussi dans la région.


Lors de son passage à l'émission hebdomadaire d'Arab News "Frankly Speaking", M. Hariri a expliqué les raisons de son retour, son point de vue sur les nouveaux dirigeants du Liban, sa position sur le Hezbollah et la Syrie, et son message à la communauté chiite de son pays. (Photo AN)
Pour M. Hariri, l'effondrement économique est un facteur clé. Il a rappelé comment, sous son père, l'économie libanaise avait progressé malgré la présence syrienne et la domination du Hezbollah. "Aujourd'hui, rien ne va plus, et le moins que l'on puisse dire, c'est que je suis très inquiet", a-t-il déclaré. "L'économie est en ruine, rien ne bouge, la lire (en tout cas) ne bouge pas.

Pour Bahaa Hariri, "rester sur le côté et ne rien faire n'est pas une option".

Lorsqu'on lui demande s'il y a encore de la place pour le "haririsme" politique - l'influence des Hariri - au Liban, où beaucoup se tournent désormais vers le président Joseph Aoun et le premier ministre Nawaf Salam pour prendre les rênes du pays, il répond : "C'est aux Libanais de décider de ce qu'ils veulent faire : "C'est au peuple libanais de décider. Personne n'est plus important que sa propre nation. Mais nous sommes là pour aider. Nous sommes ici avec nos relations pour faire de notre mieux. Et je peux sentir que c'est vraiment nécessaire parce que, comme nous le voyons, la situation est désastreuse. Elle ne fait qu'empirer, elle ne s'améliore pas".

Le haririsme, a insisté Bahaa Hariri, n'est "pas mort". Il a décrit le nom Hariri comme un nom qui "unifie, pas divise", rappelant comment des centaines de milliers de Libanais de toutes les sectes, y compris de nombreux chiites du sud et de la vallée de la Bekaa, sont venus aux funérailles de son père en 2005.

"Je ne suis ici que pour perpétuer l'héritage de Rafic Hariri", a-t-il déclaré. "Mon frère, je l'aime, mais il peut parler de son héritage. Je ne suis ici que pour perpétuer l'héritage de Rafic Hariri.

Sur sa relation avec Saad, qui s'est retiré de la vie politique en 2022, Bahaa Hariri a été clair : "Je ne suis pas ici pour chercher son soutien. Je l'aime comme mon frère. Je me soucie énormément de lui. Je m'assure toujours qu'il va bien. Mais en fin de compte, je ne cherche le soutien de personne".

Cependant, M. Hariri a également souligné que les liens familiaux restaient forts. "Nous demandons toujours des nouvelles des uns et des autres et nous nous assurons que tout le monde va bien. En tant que famille, vous devez vous assurer que si son doigt est blessé, je dois m'assurer qu'il va bien. En tant que famille, le sang est plus épais que l'eau.

Au-delà du Liban, M. Hariri voit une opportunité en Syrie après la chute du dictateur Bashar Assad et la montée en puissance d'Ahmad Al-Sharaa, l'actuel président de la République arabe syrienne. Il s'est félicité de ce qu'il a décrit comme un nouvel ordre pluraliste émergeant dans ce pays, qui, selon lui, pourrait profiter à l'ensemble de la région.

"Il est clair pour moi qu'il y a une bénédiction de partout. Et il est clair comme de l'eau de roche que beaucoup l'ont rejointe", a-t-il déclaré.

"Il y a 2,5 millions de chrétiens orthodoxes. Les chiites sont en bonne voie. Les Alaouites se joignent également à nous. Les autres, qui ne veulent pas en faire partie, sont les bienvenus lorsqu'ils décident de faire partie de cette équation et de croire qu'ils font partie de la Syrie. Quand je vois la modération, la pluralité et la diversité, je suis très à l'aise, et je lui souhaite le meilleur pour faire avancer sa nation.

En ce qui concerne l'avenir, M. Hariri a déclaré : "Je suis très heureux qu'un tyran ait été remplacé par un autre : "Je suis très heureux qu'une tyrannie, une tyrannie massive qui a coûté la vie à 700 000 personnes sous la direction d'Assad, la quasi-désintégration de la Syrie, soit terminée. Je souhaite aux dirigeants syriens tout ce qu'il y a de mieux pour aller de l'avant".

Interrogé sur la question de savoir si Assad devait être traduit en justice, M. Hariri a répondu : "C'est au peuple syrien de décider de ce qu'il faut faire : "C'est le peuple syrien qui décide. Mais compte tenu des massacres qui ont eu lieu et de tout ce qui s'est passé, Assad doit être poursuivi. C'est une norme internationale. Lorsque 700 000 personnes ont été tuées, l'État de droit doit primer sur tout le reste.

"Les familles devraient avoir le droit de demander cela et il est clair qu'elles le font, et nous soutenons pleinement les demandes de ces familles pour que, bien sûr, l'état de droit - pas par le sang - mais l'état de droit prévale, qu'il y ait un procès, qu'il y ait des poursuites".

En ce qui concerne les dirigeants libanais, M. Hariri s'est montré prudent dans son évaluation du président Aoun et du premier ministre Salam.
Il a accordé à M. Aoun le bénéfice du doute, soulignant qu'il était en poste depuis moins d'un an. "Je ne dirais pas que c'est un échec. Il en est à peine à son premier mandat. De plus, l'expérience est très importante. Il a beaucoup d'expérience, il a six ans. Il n'en est qu'à sept ou huit mois de son mandat", a déclaré M. Hariri.

"Dans la vie, vous atteignez un certain point et vous commencez à apprendre, et j'espère que grâce à ce processus d'apprentissage, il pourra aller de l'avant et que nous pourrons amener le pays à un autre endroit. C'est ce que je souhaite.

En ce qui concerne Salam, un juge respecté, Hariri s'est montré tout aussi prudent mais respectueux. "C'est un juge. Je le respecte. Il est intègre. Je le lui ai dit moi-même", a-t-il déclaré.

"L'intégrité est là. D'habitude, on vous dit que vous avez les 100 premiers jours, mais peut-être que la situation est si complexe et qu'il faut plus de temps. Je ne suis pas là pour juger. Voyons où cela va nous mener, et à partir de là, avec le temps, nous porterons un jugement. Nous prendrons position.

Les deux hommes sont confrontés au formidable défi du désarmement du Hezbollah, soutenu par l'Iran, ce qui, selon M. Hariri, ne peut être fait sans précaution. "Nous devons nous assurer que toutes les parties prenantes autour de la table s'accordent sur la manière de faire avancer le pays après la débâcle du Hezbollah. Il faut qu'il y ait un leadership et de la confiance. C'est ce dont nous avons le plus besoin aujourd'hui."

M. Hariri a mis en garde contre le risque de plonger le Liban dans une nouvelle guerre civile. "Je suis tout à fait opposé à l'idée de semer le chaos et de provoquer une guerre civile", a-t-il déclaré.

"En tant que Hariri, c'est une ligne rouge que de semer la pagaille et de faire couler le sang, car cela nous a coûté 250 000 vies la dernière fois. Il n'est pas acceptable que nous nous engagions dans une situation qui nous mette dans ce tunnel.

"Ce sera un tunnel très sombre. Je ne sais pas si nous pourrons en sortir, ce qui est très dangereux. Et c'est l'une des principales raisons pour lesquelles je suis ici, pour m'assurer que cela ne se produise pas.

Bahaa Hariri a déclaré que l'alternative était le consensus. "Rafic Hariri a toujours cru au consensus. Il m'a dit un jour que le consensus signifie que personne n'est gagnant et personne n'est perdant. Nous devons nous asseoir, discuter et parvenir à un consensus. C'est grâce au consensus et au leadership que nous pourrons aller de l'avant", a-t-il déclaré.

Interrogé sur le fait de savoir si Washington soutiendrait finalement le Liban, Bahaa Hariri a souligné son soutien de longue date aux liens transatlantiques, rappelant son rôle dans la fondation du Centre Hariri au Conseil atlantique.

"Je suis un fervent défenseur de la relation transatlantique. Les États-Unis doivent s'engager pleinement", a-t-il déclaré.

"Nous apprécions pleinement le soutien qu'ils ont apporté, non seulement aujourd'hui, mais tout au long des années, en particulier à l'armée libanaise. Et je crois fermement, sincèrement, que oui, il faut faire pression, mais qu'en fin de compte, ils veulent des solutions. Et nous sommes d'accord avec eux pour dire qu'il doit y avoir une solution pour aller de l'avant. Et je crois sincèrement que s'ils s'engagent, ils nous aideront.


Le président libanais Joseph Aoun (à droite) reçoit l'amiral Brad Cooper, commandant de l'USCENTCOM, au palais présidentiel de Baabda. (AFP/Présidence libanaise)
Dans le même temps, il a reconnu les risques de faux pas, déclarant : "C'est une période très sensible : "C'est une période très sensible. Chaque jour, il se passe quelque chose. La situation est extrêmement fluide.

"Mais, pour en revenir aux États-Unis, je crois vraiment qu'avec la bonne approche, nous pouvons aller de l'avant, parce qu'ils sont absolument indispensables pour s'assurer que nous pouvons aller de l'avant", a déclaré Bahaa Hariri.

"Nous avons vu l'Ukraine. Il est très important pour nous d'impliquer les Etats-Unis et de s'assurer qu'ils approuvent la direction que nous prenons. Mais en tant que Hariri, je crois toujours que le consensus est la clé et que le leadership est la clé pour que nous puissions aller de l'avant".

Interrogé sur son point de vue concernant l'accord de défense libano-syrien conclu sous l'égide de l'Arabie saoudite, Bahaa Hariri a souligné les liens historiques de sa famille avec l'Arabie saoudite, qui remontent aux années 1980. "Pour nous, en tant que Hariri, nous avons toujours eu une relation à long terme avec les Saoudiens. Cela remonte aux années 1980. Il est très important, pour moi personnellement, que le Liban ait une relation spéciale avec l'Arabie saoudite".

La conversation s'est inévitablement orientée vers le défunt leader du Hezbollah, Hassan Nasrallah, qui a été tué lors d'une frappe aérienne israélienne sur son quartier général souterrain à Beyrouth en septembre de l'année dernière. Lorsqu'on lui a demandé s'il se sentait justifié par le rôle de Nasrallah dans l'assassinat de son père, Bahaa Hariri a insisté sur le fait qu'il n'avait pas l'intention de se venger.

"J'ai toujours cru qu'il ne fallait pas se laisser dévorer par la vengeance, car si c'était le cas, il ne resterait rien de mon âme au cours des vingt dernières années. Je crois que ce qui est la volonté du Tout-Puissant se produit, il se produit", a-t-il déclaré.

"Mais pour moi, ce qui est important, c'est l'unité des Libanais, et je pense que c'est ce que Rafik voulait, que son âme soit bénie, c'est-à-dire que nous compatissions à la douleur de la communauté chiite - elle fait partie de l'équation - comme elle a compati à la mort de Rafik - à l'assassinat. Ils sont venus en grand nombre. Nous ne sommes pas d'accord avec ce qui s'est passé, mais nous compatissons à leur douleur".

Interrogé à nouveau sur le fait qu'il se sentait justifié, Bahaa Hariri a déclaré : "Pour moi, c'est la justice : "Pour moi, c'est la justice. Je suis un homme qui croit, et je pense que la volonté divine est que cela se produise. Si toute l'humanité veut qu'une personne parte, mais que la volonté divine est qu'elle ne parte pas, alors elle ne partira pas. Eh bien, la volonté divine s'est réalisée, et il est parti. Et maintenant, nous devons aller de l'avant. Et la volonté divine est la justification. Pour moi, c'est ce qui est important".

Interrogé sur le président du Parlement libanais, Nabih Berri, M. Hariri a déclaré qu'il ne l'avait jamais rencontré, mais qu'il reconnaissait la responsabilité de ce vétéran de la politique chiite en tant que dirigeant.

"Je souhaite à M. Berri tout ce qu'il y a de mieux en tant que leader au Liban et je lui demande de veiller à ce que nous n'entrions pas dans un trou noir. Il a une responsabilité à l'égard de la communauté chiite et doit veiller à ce qu'elle soit, avec le changement, une partie prenante clé", a-t-il déclaré.

M. Hariri a ajouté : "Il ne s'agit pas de désarmer et puis après ? Après le désarmement, où allons-nous ? La communauté chiite est un élément clé de la configuration libanaise. Nous ne pouvons pas l'ignorer. C'est la porte ouverte à tous les désastres.

"Je crois sincèrement qu'avec la bonne configuration et la bonne approche, nous pouvons convaincre toutes les parties prenantes que nous pouvons aller de l'avant. Il y a de l'espoir - avec le bon leadership.


M. Hariri est longtemps resté à l'écart de la scène politique turbulente du Liban. Il a fait carrière dans les affaires à l'étranger, se tenant souvent à l'écart des batailles qui agitaient la scène politique de Beyrouth. Mais lors de son entretien avec l'animatrice Katie Jensen, il a insisté sur le fait que sa décision de revenir aujourd'hui n'était pas une question de timing mais de responsabilité. (Photo AN)
Interrogé sur son message au chef du Hezbollah, Naim Qassem, et à ceux qui menacent la stabilité du Liban en cas de désarmement, M. Hariri a déclaré : "Le chiisme s'est établi dans les années 1960 et 1970, et il est aujourd'hui une réalité : "Le chiisme s'est établi au huitième siècle à Jabal Amil. C'est là qu'est née la théologie chiite, qui était modérée, avant d'être transférée à Nadjaf, en Irak. Nous devons penser à cette communauté et à la manière dont elle peut être partie prenante du nouveau Liban, afin que nous puissions prendre le Liban en main et aller de l'avant.

"Parce que la réalité va se produire en un rien de temps en Syrie. Et cette réalité imposera une nouvelle façon d'aller de l'avant. Et il vaut mieux que nous disions : "Adaptons-nous, soyons toutes les parties prenantes, asseyons-nous et allons de l'avant."

Alors que le Liban est aux prises avec l'effondrement de son économie, le gel des banques, le blocage des réformes et le spectre omniprésent du conflit, le retour de Bahaa Hariri réintroduit un nom familier dans le débat politique.

Mais pour lui, la mission est personnelle. "J'ai toujours vécu selon les valeurs de Rafic dans mes affaires et dans tout ce que j'ai fait. Et je ne suis pas ici pour prendre la suite de qui que ce soit, mais l'héritage Hariri", a déclaré Bahaa Hariri.

"Rafic Hariri, mon père, que son âme soit bénie, est la seule chose à laquelle je suis lié.

Reste à savoir si l'opinion publique libanaise est prête à accueillir un autre Hariri.


Gaza: Trump envoie un «dernier avertissement» au Hamas sur un retour des otages

Une manifestation à Tel-Aviv réclamant le retour des otages. (AFP)
Une manifestation à Tel-Aviv réclamant le retour des otages. (AFP)
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  • Dimanche l'armée israélienne a bombardé une nouvelle tour d'habitation de Gaza-ville, la troisième en trois jours
  • "Les Israéliens ont accepté mes conditions. Il est temps pour le Hamas d'accepter également. J'ai averti le Hamas des conséquences en cas de refus. Ceci est mon dernier avertissement, il n'y en aura pas d'autre!"

WASHINGTON: Donald Trump a annoncé dimanche avoir envoyé un "dernier avertissement" au Hamas pour un retour des otages israéliens détenus dans la bande de Gaza, assurant avoir "averti" le mouvement armé "des conséquences en cas de refus".

"Les Israéliens ont accepté mes conditions. Il est temps pour le Hamas d'accepter également. J'ai averti le Hamas des conséquences en cas de refus. Ceci est mon dernier avertissement, il n'y en aura pas d'autre!", a écrit le président américain sur son réseau Truth Social.

Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a annoncé dimanche une extension des opérations militaires dans et autour de Gaza, et affirmé qu'environ 100.000 personnes avaient déjà quitté les lieux. Selon des estimations récentes de l'ONU, près d'un million de personnes vivent dans et autour de la ville.

Ni l'armée ni le gouvernement Netanyahu n'ont officiellement annoncé jusque-là le début de l'offensive de grande envergure contre la ville de Gaza approuvée en août, avec comme objectif affiché d'en prendre le contrôle, de venir à bout du Hamas et de libérer les otages restant captifs depuis le 7-Octobre.

Mais l'armée a intensifié ces dernières semaines ses bombardements ainsi que ses opérations au sol dans et autour de la ville, qu'elle présente comme le dernier bastion du Hamas mais qu'elle affirme également désormais contrôler à 40%.

Dimanche l'armée israélienne a bombardé une nouvelle tour d'habitation de Gaza-ville, la troisième en trois jours.

 


L'armée israélienne détruit une nouvelle tour d'habitation à Gaza-ville, où elle étend ses opérations

L'armée israélienne a bombardé dimanche une nouvelle tour d'habitation dans la ville de Gaza, après l'annonce par le Premier ministre, Benjamin Netanyahu, d'une extension des opérations militaires dans cette agglomération, dont Israël a affirmé vouloir prendre le contrôle. (AFP)
L'armée israélienne a bombardé dimanche une nouvelle tour d'habitation dans la ville de Gaza, après l'annonce par le Premier ministre, Benjamin Netanyahu, d'une extension des opérations militaires dans cette agglomération, dont Israël a affirmé vouloir prendre le contrôle. (AFP)
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  • "Depuis trois jours, l'armée israélienne bombarde des tours et des immeubles (...) c'est terrifiant, et nous ne savons pas ce qui nous attend encore"
  • Vendredi et samedi, les forces israéliennes ont détruit deux autres tours d'habitations dans la ville de Gaza, accusant le Hamas, qui dénonce des "mensonges", d'utiliser ces bâtiments pour opérer

JERUSALEM: L'armée israélienne a bombardé dimanche une nouvelle tour d'habitation dans la ville de Gaza, après l'annonce par le Premier ministre, Benjamin Netanyahu, d'une extension des opérations militaires dans cette agglomération, dont Israël a affirmé vouloir prendre le contrôle.

Des témoins ont indiqué que le bâtiment a été détruit, sans que la frappe, précédée d'un appel de l'armée à évacuer les lieux, n'ait fait de blessés, selon la Défense civile de la bande de Gaza.

Il s'agit de la troisième tour d'habitation de Gaza-ville, présentée par Israël comme le dernier grand bastion du Hamas, à avoir été détruite en trois jours par des bombardements israéliens après des appels à évacuer.

"Il y a peu de temps, l'armée a frappé un immeuble de grande hauteur utilisé par l'organisation terroriste Hamas dans la zone de Gaza-Ville", a affirmé dimanche un communiqué militaire.

L'armée avait plus tôt appelé à évacuer l'immeuble Al-Rouya dans le sud-ouest de la ville, située dans le nord du territoire palestinien dévasté par près de deux ans de guerre, déclenchée par l'attaque sans précédent du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023.

"Dans le cadre de leurs préparatifs face à une opération de l'armée, des terroristes du Hamas avaient placé de nombreux explosifs à proximité de l'immeuble, dans le but de blesser les soldats israéliens", ajoute l'armée.

Le porte-parole de la Défense civile, Mahmoud Bassal a confirmé à l'AFP que la tour Al-Rouya avait été "bombardée par l'aviation israélienne", sans faire de blessés.

Il a indiqué que 31 personnes avaient été tuées dimanche par les forces israéliennes dans l'ensemble du territoire.

Compte tenu des restrictions imposées aux médias à Gaza et des difficultés d'accès sur le terrain, l'AFP n'est pas en mesure de vérifier les bilans et affirmations des différentes parties.

"Terrifiant" 

Le bombardement "a fait trembler la terre, comme un séisme", a affirmé à l'AFP un témoin, Mohammed al-Nazli, habitant du quartier de Tal al-Hawa où s'élevait la tour.

"La fumée a couvert la zone, et nous avions du mal à respirer", a-t-il ajouté. "L'immeuble a été complètement détruit, il s'est effondré au sol."

"Depuis trois jours, l'armée israélienne bombarde des tours et des immeubles (...) c'est terrifiant, et nous ne savons pas ce qui nous attend encore", a dit M. Nazli.

Vendredi et samedi, les forces israéliennes ont détruit deux autres tours d'habitations dans la ville de Gaza, accusant le Hamas, qui dénonce des "mensonges", d'utiliser ces bâtiments pour opérer.

Samedi, l'armée a appelé la population de Gaza-ville à évacuer vers la zone déclarée "humanitaire" d'al-Mawasi (sud), qui comprend selon elle des "infrastructures humanitaires", et est approvisionnée en nourriture et médicaments.

M. Netanyahu, a annoncé dimanche une extension des opérations militaires dans et autour de Gaza, et affirmé qu'environ 100.000 personnes avaient déjà quitté les lieux. Selon des estimations récentes de l'ONU, près d'un million de personnes vivent dans et autour de la ville.

Ni l'armée ni le gouvernement Netanyahu n'ont officiellement annoncé jusque là le début de l'offensive de grande envergure contre la ville de Gaza approuvée en août, avec comme objectif affiché d'en prendre le contrôle, de venir à bout du Hamas et de libérer les otages restant captifs depuis le 7-Octobre.

Mais l'armée a intensifié ces dernières semaines ses bombardements ainsi que ses opérations au sol dans et autour de la ville, dont elle affirme désormais contrôler 40%.