Le Rassemblement national: une évolution tranquille vers la conquête du pouvoir

La présidente du groupe Rassemblement national (RN) à l'Assemblée nationale Marine Le Pen et le président du parti d'extrême droite français Rassemblement national (RN) Jordan Bardella posent pour les photographes après les vœux de Jordan Bardella pour le Nouvel An à Paris le 15 janvier 2024. (Photo, AFP)
La présidente du groupe Rassemblement national (RN) à l'Assemblée nationale Marine Le Pen et le président du parti d'extrême droite français Rassemblement national (RN) Jordan Bardella posent pour les photographes après les vœux de Jordan Bardella pour le Nouvel An à Paris le 15 janvier 2024. (Photo, AFP)
Short Url
Publié le Mercredi 07 février 2024

Le Rassemblement national: une évolution tranquille vers la conquête du pouvoir

  • Marine Le Pen navigue avec aisance, capitalisant sur chaque faux pas de la majorité présidentielle qui doit faire face à la colère des Français et à leurs préoccupations
  • Dans ses vœux pour 2024, elle a clairement indiqué que cette année sera celle «de la confirmation de la pertinence de nos idées», appelant au rassemblement derrière Jordan Bardella aux élections européennes

PARIS: Si les malheurs des uns font vraiment le bonheur des autres, tel serait le cas du président, Emmanuel Macron, et du Rassemblement national (RN), parti d’opposition d’extrême droite dirigé par Jordan Bardella, anciennement sous la direction de Marine Le Pen.

Le nouveau Premier ministre, Gabriel Attal, venait à peine de terminer son discours de politique générale devant l’Assemblée nationale que Marine Le Pen trouvait adéquat de commenter laconiquement les propos de M. Attal de «rituel presque mécanique».

Déambulant avec flegme, dans le grand couloir du Parlement, elle précise aux journalistes qui l’interrogent que le jeune Premier ministre n’a livré aux députés et à la France qu’un «catalogue» et «une succession de promesses diverses et variées».

Enfonçant le clou, elle ajoute que Gabriel Attal a précisé «tenter d’accommoder un peu de la droite et un peu de la gauche», fustigeant ainsi un manque de vision politique claire à la hauteur de la gravité de la situation que traverse le pays.

En effet, parmi les nombreuses critiques de tous bords entendues le mardi 30 janvier, celles de Mme Le Pen avaient une connotation toute particulière.

L’alliance de la gauche et de l’extrême gauche (incarnée par la France insoumise), baptisée «Nouvelle Union populaire écologique et sociale» (Nupes) et tissée à la hâte au lendemain des élections législatives de 2022, n’a pas tardé à faire long feu.

L’une des raisons est qu’elle est adossée à une majorité parlementaire de quatre-vingt-huit députés, qui fait du RN la principale force d’opposition, face à Renaissance, le parti présidentiel, qui n’a qu’une majorité relative.

L’autre raison est que, laminées par l’élection de M. Macron en 2017, les oppositions de droite comme de gauche n’ont pas réussi à remonter la pente depuis.

L’alliance de la gauche et de l’extrême gauche (incarnée par la France insoumise), baptisée «Nouvelle Union populaire écologique et sociale» (Nupes) et tissée à la hâte au lendemain des élections législatives de 2022, n’a pas tardé à faire long feu. La droite est quant à elle dans un état de décomposition latente, incapable de retrouver son unité ou de se doter d’un leader.

L’absence de majorité présidentielle absolue avait fragilisé l’ancienne Première ministre, Élisabeth Borne, l’obligeant à chaque vote de loi à rechercher des appuis chez les opposants et à défaut, à contourner le plus souvent les parlementaires en ayant recours à l’article 49.3 de la Constitution.

Le même cas de figure perdure, et M. Attal, tout comme Mme Borne avant lui, devra s’évertuer à son tour à trouver des stratégies pour poursuivre les réformes et avancer.

Dans le même temps, Marine Le Pen navigue avec aisance, capitalisant sur chaque faux pas de la majorité présidentielle qui doit faire face à la colère des Français et à leurs préoccupations.

Les défis sont nombreux, allant du pouvoir d'achat à la dégradation des services publics tels que la santé, l'éducation, les transports et le logement. En outre, il y a des mécontentements et des revendications spécifiques à certains secteurs.

 

Dès sa désignation à la tête du gouvernement, Gabriel Attal a dû s’atteler à trouver une solution au mécontentement des agriculteurs qui menaçaient d’encercler Paris tandis que Mme Le Pen se contentait de surfer sur la colère paysanne

Dès sa désignation à la tête du gouvernement, Gabriel Attal a dû s’atteler à trouver une solution au mécontentement des agriculteurs qui menaçaient d’encercler Paris tandis que Mme Le Pen se contentait de surfer sur la colère paysanne.

Lors d’un déplacement dans une exploitation agricole dans le nord de la France le 28 janvier, elle a dénoncé «la situation catastrophique» des agriculteurs et elle a critiqué «les normes trop sévères» imposées à ce secteur.

S’agissait-il d’une opération stratégique ou d’une offensive de charme? En réalité, c’était les deux à la fois. L'objectif principal était de souligner le manque de compréhension du pouvoir à l'égard du monde rural, qui partage de nombreuses valeurs avec son parti, notamment la protection et la souveraineté, face aux enjeux de la politique agricole européenne.

On est au cœur de la méthode Le Pen qui ne brille pas par la qualité des idées qu’elle avance, mais par son habileté à marquer des points, à chaque pas ou décision de la majorité présidentielle.

De l’avis de tous, dans le milieu politique, son coup de maître du 19 décembre restera dans les annales.

Ce jour-là, elle déboule à l’Assemblée nationale en clamant que son bloc parlementaire votera d’une seule voix la loi immigration portée par Élisabeth Borne.

De cette manière, elle a contribué à l'adoption de cette loi, qui suscitait des controverses, même au sein du camp présidentiel, tout en plaçant ce dernier dans une position délicate. Les critiques, tant de la droite que de la gauche, ont dénoncé l'approbation de la loi sur l'immigration grâce à une entente tacite entre Renaissance et l’extrême droite.

Pour Marine Le Pen, quelle meilleure façon d’affirmer haut et fort que sa force politique est désormais loin d’être isolée et que le poids de son bloc parlementaire peut faire basculer tous les projets et toutes les réformes gouvernementales!

Dans la continuité de cette stratégie, le 9 janvier, M. Attal est choisi par Emmanuel Macron pour être Premier ministre; le 14 janvier, Mme Le Pen dégaine, faisant une annonce surprenante.

Elle annonce sa décision de désigner M. Bardella, président de son parti, comme son Premier ministre en cas de victoire à l'élection présidentielle de 2027.

Car c’est bien le but qu’elle vise sur le long terme, tout en agissant sur le court terme pour réussir l’épreuve des élections européennes en juin prochain.

Dans ses vœux pour 2024, elle a clairement indiqué que cette année sera celle «de la confirmation de la pertinence de nos idées», appelant au rassemblement derrière Jordan Bardella aux élections européennes, et d’assener: «Comme nous avons mis Emmanuel Macron en minorité à l’Assemblée nationale, il nous revient désormais de rendre sa famille politique minoritaire au Parlement européen.»

Son objectif pour ces élections est de confirmer les sondages qui donnent au RN dix points d’avance sur le parti Renaissance.

Ce sera, selon M. Bardella, à qui incombe la réalisation de cette tâche, étant la tête de liste du RN pour les élections européennes, «la dernière marche avant la conquête du pouvoir».

En regardant la carte politique française, il est hélas difficile de ne pas admettre qu’à l’opposé des autres dirigeants, Marine Le Pen, finaliste lors des deux dernières élections présidentielles, a bien réussi. Elle a consolidé les fondations de son parti, en faisant de lui une véritable force d’opposition parlementaire. Surtout, elle a réussi dans le processus de dédiabolisation, car revendiquer son appartenance au RN n'est plus considéré comme tabou en France.


France: le cimentier Lafarge jugé à partir de mardi pour financement du terrorisme

Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
Short Url
  • Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires
  • Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales

PARIS: Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie.

Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires syriens, dont l'un est visé par un mandat d'arrêt international et devrait donc être absent au procès.

Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales.

Le groupe français est soupçonné d'avoir versé en 2013 et 2014, via sa filiale syrienne Lafarge Cement Syria (LCS), plusieurs millions d'euros à des groupes rebelles jihadistes dont certains, comme l'EI et Jabhat al-Nosra, ont été classés comme "terroristes", afin de maintenir l'activité d'une cimenterie à Jalabiya, dans le nord du pays.

La société avait investi 680 millions d'euros dans ce site, dont la construction a été achevée en 2010.

Plaintes 

Alors que les autres multinationales avaient quitté le pays en 2012, Lafarge n'a évacué cette année-là que ses employés de nationalité étrangère, et maintenu l'activité de ses salariés syriens jusqu'en septembre 2014, date à laquelle l'EI a pris le contrôle de l'usine.

Dans ce laps de temps, LCS aurait rémunéré des intermédiaires pour s'approvisionner en matières premières auprès de l'EI et d'autres groupes, et pour que ces derniers facilitent la circulation des employés et des marchandises.

L'information judiciaire avait été ouverte à Paris en 2017 après plusieurs révélations médiatiques et deux plaintes en 2016, une du ministère de l'Économie pour violation d'embargo, et l'autre de plusieurs associations et de onze anciens salariés de LCS pour financement du terrorisme.

Le nouveau groupe, issu de la fusion de 2015, qui a toujours pris soin de dire qu'il n'avait rien à voir avec les faits antérieurs à cette opération, avait entretemps lancé une enquête interne.

Confiée aux cabinets d'avocats américain Baker McKenzie et français Darrois, elle avait conclu en 2017 à des "violations du code de conduite des affaires de Lafarge".

Et en octobre 2022, Lafarge SA avait plaidé coupable aux États-Unis d'avoir versé à l'EI et Jabhat Al-Nosra près de 6 millions de dollars, et accepté d'y payer une sanction financière de 778 millions de dollars.

Une décision dénoncée par plusieurs prévenus du dossier français, à commencer par Bruno Lafont, qui conteste avoir été informé des paiements aux groupes terroristes.

Plus de 200 parties civiles 

Selon ses avocats, ce plaider-coupable, sur lequel s'appuient en partie les juges d'instruction français dans leur ordonnance, "est une atteinte criante à la présomption d'innocence, qui jette en pâture les anciens cadres de Lafarge" et avait "pour objectif de préserver les intérêts économiques d'un grand groupe".

Pour la défense de l'ex-PDG, le procès qui s'ouvre permettra d'"éclaircir" plusieurs "zones d'ombre du dossier", comme le rôle des services de renseignement français.

Les magistrats instructeurs ont estimé que si des remontées d'informations avaient eu lieu entre les responsables sûreté de Lafarge et les services secrets sur la situation autour du site, cela ne démontrait "absolument pas la validation par l'Etat français des pratiques de financement d'entités terroristes mises en place par Lafarge en Syrie".

Au total, 241 parties civiles se sont à ce jour constituées dans ce dossier. "Plus de dix ans après les faits, les anciens salariés syriens pourront enfin témoigner de ce qu'ils ont enduré: les passages de check-points, les enlèvements et la menace permanente planant sur leurs vies", souligne Anna Kiefer, de l'ONG Sherpa.

Lafarge encourt jusqu'à 1,125 million d'euros d'amende pour le financement du terrorisme. Pour la violation d'embargo, l'amende encourue est nettement plus lourde, allant jusqu'à 10 fois le montant de l'infraction qui sera retenu in fine par la justice.

Un autre volet de ce dossier est toujours à l'instruction, le groupe ayant aussi été inculpé pour complicité de crimes contre l'humanité en Syrie et en Irak.


Gérald Darmanin visé par une plainte d'avocats pour son soutien implicite à Sarkozy

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
Short Url
  • Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique
  • Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy

PARIS: Ils accusent Gérald Darmanin de "prendre position": un collectif d'avocats a porté plainte auprès de la Cour de justice de la République (CJR) contre le ministre de la Justice pour son soutien implicite à Nicolas Sarkozy, à qui il a rendu visite en prison.

Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique.

Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy.

En confiant ce jour-là sa "tristesse" après la condamnation de M. Sarkozy et en annonçant lui rendre prochainement visite en prison, ce qu'il a fait depuis, M. Darmanin a "nécessairement pris position dans une entreprise dont il a un pouvoir d'administration", stipule la plainte que l'AFP a pu consulter.

M. Darmanin indiquait qu'il irait "voir en prison" M. Sarkozy pour s'inquiéter "de ses conditions de sécurité". Et d'ajouter: "J'ai beaucoup de tristesse pour le président Sarkozy", "l'homme que je suis, j'ai été son collaborateur, ne peut pas être insensible à la détresse d'un homme".

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent".

En "s'exprimant publiquement quant à sa volonté de rendre visite à M. Sarkozy en détention" ainsi "qu'en lui apportant implicitement son soutien", M. Darmanin a "nécessairement pris position" dans une entreprise dont il a aussi "un pouvoir de surveillance en tant que supérieur hiérarchique du parquet", déroulent les plaignants.

Juridiquement, ce collectif d'avocats porte plainte contre M. Darmanin pour "prise illégale d'intérêts", via une jurisprudence considérant que "l'intérêt" peut "être moral et plus précisément amical".

"Préjudice" 

"Il ne fait pas de doute que cet intérêt est de nature à compromettre l'impartialité et l'objectivité de M. Darmanin qui, en tant que ministre de la Justice, ne peut prendre position de cette manière dans une affaire pendante", argumentent les avocats.

Condamné le 25 septembre à cinq ans d'emprisonnement dans le dossier libyen pour association de malfaiteurs, l'ancien président a depuis déposé une demande de remise en liberté, que la justice doit examiner dans les prochaines semaines, avant son procès en appel en 2026.

Les propos de M. Darmanin sur France Inter avaient déjà ému la magistrature. Le plus haut procureur de France, Rémy Heitz, y avait vu un "risque d'obstacle à la sérénité" et donc "d'atteinte à l'indépendance des magistrats".

"S'assurer de la sécurité d'un ancien président de la République en prison, fait sans précédent, n'atteint en rien à l'indépendance des magistrats mais relève du devoir de vigilance du chef d'administration que je suis", s'était déjà défendu M. Darmanin sur X.

Pour le collectif d'avocats, "les déclarations" du ministre de la Justice, "suivies" de sa "visite rendue à la prison de la Santé", sont "susceptibles de mettre à mal la confiance que les justiciables ont dans la justice et leurs auxiliaires", que sont notamment les avocats.

Les "agissements" de M. Darmanin leur causent "ainsi un préjudice d'exercice et d'image qui rend nécessaire le dépôt de cette plainte auprès de la commission des requêtes" de la CJR, peut-on encore lire dans la plainte.

La CJR est la seule juridiction habilitée à poursuivre et juger les membres du gouvernement pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions.


Zucman, patrimoine et retraites, "journée majeure" vendredi à l'Assemblée

Des députés assistent à l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
Des députés assistent à l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
Short Url
  • L’Assemblée nationale débat d’une taxation du patrimoine, au cœur d’un bras de fer entre le gouvernement et le PS, qui menace de censure en cas de refus d’imposer les très hauts patrimoines
  • En parallèle, la suspension de la réforme des retraites est examinée en commission, condition posée par le PS pour éviter une crise politique majeure, mais son adoption reste incertaine

PARIS: Deux gros morceaux pour le prix d'un: les députés débattent vendredi dans l'hémicycle de taxation du patrimoine, sur fond d'ultimatum du PS pour davantage de "justice fiscale", et une partie des parlementaires doivent se prononcer en commission sur la suspension de la réforme des retraites, autre clé d'une non-censure.

Dès 9H00, les députés rouvriront les débats sur le projet de budget de l'Etat, avec la question sensible de la fiscalité du patrimoine et la désormais fameuse taxe Zucman, après avoir approuvé ces derniers jours plusieurs taxes sur les grandes entreprises ou les géants des technologies.

Signe de l'importance du moment, le Premier ministre Sébastien Lecornu devrait se rendre à l'Assemblée dans la journée pour participer aux débats, selon son entourage, alors que le PS menace de censurer en cas de refus du gouvernement d'imposer les hauts patrimoines.

"La journée est majeure", souligne un ministre.

Au menu notamment, une taxe proposée par le gouvernement sur certaines holdings, des sociétés qui détiennent des participations dans d'autres entreprises, et qui fait débat dans son propre camp.

Puis viendront des propositions de tous bords. Le Rassemblement national et le MoDem proposeront par exemple leurs versions d'un impôt sur la fortune. La gauche défendra entre autres l'instauration de la taxe de l'économiste Gabriel Zucman, impôt minimum de 2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros.

- "Troisième voie" -

Les socialistes proposeront en sus leur version de compromis au camp gouvernemental: 3% à partir de 10 millions d'euros, mais en excluant les entreprises innovantes et familiales.

Philippe Brun (PS), négociateur pour son groupe sur le budget, estime son rendement à "15 milliards", une estimation nettement rehaussée pour cette Zucman bis par rapport à de précédents calculs.

Mais elle peine à convaincre le reste de la gauche. "On n'a jamais été contre voter des amendements de repli" mais "c'est une taxe passoire", estime Eric Coquerel, président LFI de la commission des Finances.

Et l'horizon paraît bouché face à une levée de boucliers au centre et au RN.

"On est contre toutes les versions", assume Sylvain Maillard (Renaissance). Zucman, c'est "non, ni light ni hard ni rien du tout", a martelé Marine Le Pen, patronne du RN. Quant à Sébastien Lecornu, il a estimé jeudi qu'"il ne faudrait pas que des impôts improvisés créent des faillites certaines" d'entreprises.

De quoi susciter le pessimisme : "Zucman ça passe pas, l'amendement (de repli) non plus", pensent séparément deux députés PS.

Pour autant, certains imaginent en cas d'échec un autre chemin, comme un amendement du gouvernement lors de la séance qui viendrait réconcilier plusieurs camps.

"Si cela rapporte autant que la taxe Zucman, nous le regardons", a affirmé jeudi le patron des députés PS Boris Vallaud. S'il y a une "troisième voie, au gouvernement de la proposer".

- Suspense sur les retraites ? -

Dans l'ombre de l'hémicycle, la commission des Affaires sociales examinera toute la journée le budget de la Sécurité sociale. Les enjeux sont moindres puisque les députés repartiront dans l'hémicycle, la semaine prochaine, de la copie initiale du gouvernement.

Plusieurs points chauds seront abordés: gel des prestations sociales, montant prévu des dépenses de l'Assurance maladie, etc... Mais le vote attendu sera celui sur la suspension de la réforme des retraites, autre condition de la non-censure du PS à laquelle le Premier ministre a consenti.

S'il existe une majorité à l'Assemblée pour abroger purement et simplement la réforme, le sort de cet article en commission est incertain.

LR et Horizons (le parti d'Edouard Philippe) proposeront sa suppression, et pourraient être soutenus par des macronistes. Le RN devrait voter pour selon une source au groupe, tout comme les socialistes.

Mais les Insoumis ne voteront pas l'article en commission, simple "report de la hausse de l'âge légal de départ", argue Hadrien Clouet. Les écologistes l'envisagent aussi et décideront vendredi: "Hélas Macron a raison, c'est un décalage et non pas une suspension, qui quelque part entérine les 64 ans", souligne Danielle Simonnet.