Après les polémiques, les Insoumis optent pour le changement de ton

La France insoumise a opéré depuis le début de l'année un adoucissement de son ton, espérant mettre derrière elle cette séquence où elle s'est isolée sur la scène politique. (AFP)
La France insoumise a opéré depuis le début de l'année un adoucissement de son ton, espérant mettre derrière elle cette séquence où elle s'est isolée sur la scène politique. (AFP)
Short Url
Publié le Jeudi 08 février 2024

Après les polémiques, les Insoumis optent pour le changement de ton

  • Quand ils parlent de la situation au Proche-Orient, les Insoumis se réfugient derrière l'ONU et le droit international
  • «Le tir a été rectifié», analyse un autre élu insoumis, qui reconnaît: «Au démarrage, on a manqué de compassion»

PARIS: Engluée dans les polémiques liées à sa réaction aux attaques du 7 octobre en Israël, La France insoumise a opéré depuis le début de l'année un adoucissement de son ton, espérant mettre derrière elle cette séquence où elle s'est isolée sur la scène politique.

Fini - du moins pour l'instant - les tweets ambigus de Jean-Luc Mélenchon ou les interviews où le Hamas est comparé à un mouvement "de résistance". Quand ils parlent de la situation au Proche-Orient, les Insoumis se réfugient derrière l'ONU et le droit international.

Comme pour prendre de la hauteur sur la situation, leur leader s'est rendu au cours des dernières semaines devant le siège des Nations unies à Genève et devant la Cour internationale de justice à La Haye.

"Mélenchon est dans une phase de calme en ce moment", analyse avec recul un éléphant socialiste. "Tantôt il est dans le fracas, la rupture, la provocation. Tantôt il est dans la posture de sage en réflexion".

"Il n'y a pas eu de décision collective, mais on a le sentiment que le ton s'est un peu adouci, il y a eu une sorte d'apaisement et c'est bien", se réjouit une députée LFI qui plaide pour une modération dans "le bruit et la fureur" théorisée par Jean-Luc Mélenchon.

"Le tir a été rectifié", analyse un autre élu insoumis, qui reconnaît: "Au démarrage, on a manqué de compassion".

Quelques heures après les violentes attaques du Hamas, qui ont entraîné la mort de plus de 1.160 personnes, un premier communiqué du groupe parlementaire insoumis parlait en effet "d'offensive armée de forces palestiniennes", créant la polémique.

Ont suivi, notamment, l'interview où la députée Danièle Obono a qualifié le Hamas de mouvement de "résistance" puis la décision de ne pas se rendre en novembre à la marche nationale contre l'antisémitisme, qualifiée par Jean-Luc Mélenchon de "rendez-vous" des "amis du soutien inconditionnel au massacre" des Gazaouis.

La direction du mouvement a en outre été pointée du doigt pour avoir refusé de qualifier le Hamas de groupe "terroriste".

"J'ai jamais vu ça, même après les perquisitions (de 2018, ndlr). Là c'est dur, il y a une fracture morale", reconnaissait alors, proche du désespoir, un Insoumis de longue date.

«Plus entendable»

L'hommage rendu mercredi aux 42 victimes françaises des violentes attaques du Hamas a rappelé à LFI que la tache que constituent leurs premières réactions serait dure à effacer.

Une partie de la classe politique et des familles des victimes a protesté contre la venue de La France insoumise, qui était invitée par l'Elysée et s'est exprimée avec sobriété et parcimonie sur cette cérémonie.

Quelques minutes après la fin de l'hommage, Jean-Luc Mélenchon, dont les tweets dictent souvent le ton de la communication du mouvement, a simplement salué la "grande dignité" de la délégation LFI.

Sur le plan international, alors que les morts sont chaque jour plus nombreux à Gaza, les Insoumis tentent maintenant tant bien que mal de faire passer leurs messages sans que leurs anciennes prises de position ne viennent parasiter leur discours.

"Notre positionnement, qui est la demande d'un cessez-le-feu et une critique sous-jacente de Netanyahu est devenu plus entendable. A l'Assemblée, quand on demandait le cessez-le-feu, on se faisait huer et siffler au début", assure le député de Seine-Saint-Denis Eric Coquerel.

"Les questions qu'on nous pose sont différentes maintenant sur les plateaux télé", ajoute-t-il, reconnaissant que le mouvement de gauche radicale a pu commettre "des erreurs".

Autre hypothèse pour expliquer l'inflexion du discours insoumis: la perspective, qui se rapproche, de l'élection européenne du 9 juin.

"Mélenchon sait qu'il y a une rencontre électorale qui arrive", sourit l'éléphant socialiste.

Un proche du triple candidat à la présidentielle rappelle la théorie des Insoumis pour les élections: "Pour être entendu par les abstentionnistes, il faut parler cru et dru, qu'ils se rendent compte qu'il y en a qui pensent différemment".

"Et plus on se rapprochera de l'élection, plus on mettra en avant des sujets transversaux pour rassembler. Jean-Luc dit que la transversalité c'est bien à six mois des élections".

De quoi, peut-être, inviter les Insoumis à adopter une stratégie plus modérée dans l'hémicycle, où l'ambiance "s'est un peu calmée" car "LFI fait des efforts pour se tenir", observe un député Renaissance.


La rédaction de France Inter critique la «convocation inacceptable» de Guillaume Meurice

L'auteur, animateur de radio, écrivain et humoriste français Guillaume Meurice, pose lors d'une séance photo à Paris le 13 mars 2024. (Photo, AFP)
L'auteur, animateur de radio, écrivain et humoriste français Guillaume Meurice, pose lors d'une séance photo à Paris le 13 mars 2024. (Photo, AFP)
Short Url
  • "Nous demandons le maintien à l'antenne de Guillaume Meurice, sans délai", ont déclaré dans un communiqué les sociétés des journalistes (SDJ) et des producteurs (SDPI) de France Inter
  • Jeudi, le chroniqueur de l'émission "Le grand dimanche soir", présentée par Charline Vanhoenacker, a été suspendu, quatre jours après avoir réitéré à l'antenne ses propos polémiques tenus fin octobre sur le Premier ministre israélien

PARIS: La rédaction de France Inter a dénoncé vendredi la "convocation inacceptable" de Guillaume Meurice en vue d'un éventuel licenciement, y voyant un "signe très inquiétant pour la liberté d'expression", au lendemain de la suspension de l'humoriste par Radio France.

"Nous demandons le maintien à l'antenne de Guillaume Meurice, sans délai", ont déclaré dans un communiqué les sociétés des journalistes (SDJ) et des producteurs (SDPI) de France Inter.

Jeudi, le chroniqueur de l'émission "Le grand dimanche soir", présentée par Charline Vanhoenacker, a été suspendu, quatre jours après avoir réitéré à l'antenne ses propos polémiques tenus fin octobre sur le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu.

"Il y a des choses qu'on peut dire. Par exemple, si je dis: +Netanyahu est une sorte de nazi mais sans prépuce+, c'est bon. Le procureur, il a dit: +C'est bon+", a lancé l'humoriste dimanche, en référence au récent classement sans suite d'une plainte à son encontre l'accusant d'antisémitisme pour des propos similaires.

Convoqué à un entretien dont la date reste inconnue, il risque une "éventuelle sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'à la rupture anticipée de (son) contrat à durée déterminée pour faute grave", rappellent les SDJ et SDPI de France Inter, qui "voient dans cette décision un signe très inquiétant pour la liberté d'expression, valeur que défend Radio France".

"Cette convocation inacceptable semble être le symptôme d'un virage éditorial plus large", déplorent-elles.

Elles affirment ainsi avoir appris que le programme "La terre au carrée" allait s'arrêter "pour laisser place à une émission de sciences et d'écologie +plus narrative+ toujours présentée par Mathieu Vidard mais sans Camille Crosnier" et évoquent une "coupe drastique" du budget du "Grand dimanche soir".

Interrogée par l'AFP sur ces éléments, France Inter a expliqué qu'"en accord avec Mathieu Vidard, il y aura une évolution éditoriale de son émission à la rentrée mais elle gardera ses fondamentaux, l'environnement et la science".

Camille Crosnier, elle, restera aux manettes des "P'tits bateaux", désormais diffusée sept jours sur sept, et elle est "en discussions sur d'autres projets" au sein de la grille.

Quant au "Grand dimanche soir", France Inter "souhaite que l'émission continue l'an prochain mais il faut la faire évoluer d'un point de vue éditorial pour qu'elle rentre dans nos frais, en gardant toute l'équipe et en restant en public", a expliqué la radio.

"Aujourd'hui, des séquences coûtent extrêmement cher à produire. Un travail est en cours avec la productrice, Charline Vanhoenacker, pour trouver la meilleure formule", a-t-on appris de même source.

 

 


Victimes de cyberattaques attribuées à la Chine, des parlementaires français s'inquiètent

Un homme lit un journal chinois dont la première page couvre la rencontre du président chinois Xi Jinping avec le président français Emmanuel Macron dans une vitrine publique dans un parc de Pékin le 7 avril 2023. (Photo, AFP)
Un homme lit un journal chinois dont la première page couvre la rencontre du président chinois Xi Jinping avec le président français Emmanuel Macron dans une vitrine publique dans un parc de Pékin le 7 avril 2023. (Photo, AFP)
Short Url
  • A quelques jours de la venue en France du président chinois Xi Jinping, "nous sommes confrontés à une ingérence étrangère d'envergure manifeste de la part de la Chine", s'inquiète le sénateur centriste Olivier Cadic
  • Lui et six autres parlementaires français affirment avoir fait l'objet, en janvier 2021, d'emails toxiques envoyés par un groupe de hackeurs baptisé APT31

PARIS: Ciblés par une campagne mondiale de cyberespionnage menée par un groupe de hackers aux liens présumés avec l'Etat chinois, plusieurs parlementaires français ont tiré ces derniers jours la sonnette d'alarme devant la "légèreté" de la réponse des autorités face à cet "acte de guerre".

A quelques jours de la venue en France du président chinois Xi Jinping, "nous sommes confrontés à une ingérence étrangère d'envergure manifeste de la part de la Chine", s'inquiète le sénateur centriste Olivier Cadic.

Lui et six autres parlementaires français affirment avoir fait l'objet, en janvier 2021, d'emails toxiques envoyés par un groupe de hackeurs baptisé APT31, que plusieurs pays, dont les Etats-Unis et le Royaume-Uni, considèrent lié au gouvernement chinois.

Le point commun de ces élus ? Tous sont membres de l'alliance interparlementaire sur la Chine (IPAC), une instance crée en 2020 pour agir de manière coordonnée sur différents sujets relatifs à la Chine (Covid, répression des Ouïghours, manifestations à Hong Kong...).

Pour la plupart, ces députés et sénateurs français n'ont pourtant découvert l'existence de cette attaque qu'à la fin du mois de mars 2024, lorsque le ministère de la justice américain a publié un acte d'accusation inculpant sept Chinois pour une "prolifique opération de piratage informatique à l'échelle mondiale". Seraient concernés, notamment, plusieurs centaines de comptes liés à l'IPAC, attaqués en janvier 2021.

Pixels malveillants

Lorsqu'il apprend la nouvelle, l'ex-sénateur André Gattolin, qui coprésidait la branche française de l'IPAC jusqu'en septembre 2023, fait le lien tout de suite: à l'automne 2021, les services informatiques du Sénat avaient trouvé dans son ordinateur professionnel des virus de type "cheval de Troie", à la suite d'une alerte de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi).

"A l'époque, je rédigeais un rapport très sensible sur les ingérences étatiques dans les universités et la recherche. Déjà, je m'étais demandé si la Chine pouvait être derrière tout ça", affirme l'ancien élu à l'AFP.

En fouillant ses emails, André Gattolin retrouve la "source corrosive": un mail du 6 janvier 2021 lui proposant de soutenir une soi-disant journaliste indépendante chinoise enquêtant sur la pandémie de Covid à Wuhan.

"Je me rends compte que ce mail avait été ouvert", raconte-t-il. "J'appelle l'Anssi, j'ai du mal à me faire entendre. Même son de cloche auprès des services de renseignement intérieur français (DGSI). Je dépose plainte le 4 avril et nous prenons contact à l'IPAC avec le FBI, qui nous assure avoir prévenu les services français dès 2022. Mais personne ne nous a rien dit", ajoute l'ancien sénateur, agacé.

Alertée par son collègue, la députée du parti présidentiel Renaissance Anne Genetet fait la même manipulation sur sa boîte mail et retrouve aussi un courrier suspect du 21 janvier 2021. "Malencontreusement, je l'ouvre. Une image s'affiche immédiatement, je comprends tout de suite qu'un virus malveillant se trouve dans les pixels", raconte la députée, qui porte plainte immédiatement et dont l'ordinateur est sous scellés depuis.

Interrogé par l'AFP, le parquet s'est refusé à tout commentaire sur ce dossier.

" Dysfonctionnements" 

"S'il y avait aussi peu de parlementaires concernés, je serais rassuré", glisse un haut-responsable français familier des questions de défense. Ce dernier note que l'Anssi protège les services informatiques des deux chambres, ce qui permet de "voir passer pas mal de choses". "Mais il est important que toutes les personnalités importantes se disent qu'elles peuvent être interceptées", insiste cette source.

Les mêmes courriers ont été remarqués par des parlementaires du monde entier, en Belgique, au Canada, en Allemagne ou encore au Danemark.

"Il y a au minimum beaucoup de légèreté et de dysfonctionnements. Je m'inquiète de voir cette puissance chinoise qui agit et un silence total en face. Autant faire entrer tout de suite des espions chinois dans les bureaux", reprend André Gattolin.

Interpellé mardi au Sénat, le gouvernement français s'en est tenu à une réponse convenue: "Le mode opératoire d'APT31 fait l'objet d'un suivi particulier", "y compris judiciaire", a assuré la porte-parole du gouvernement Prisca Thevenot, et "le gouvernement n'exclut pas d'attribuer publiquement ces cyberattaques" à l'avenir.

Peu rassurant pour les parlementaires concernés. "C'est une attaque ouverte, officielle, et les autorités le savent", regrette Olivier Cadic. "Ce qu'on nous fait, c'est un acte de guerre".

 


Mort de Nahel: une reconstitution aura lieu dimanche

La diffusion sur les réseaux sociaux d'une vidéo montrant un policier tirant sur l'adolescent de 17 ans à bout portant lors d'un contrôle routier avait engendré plusieurs nuits d'émeutes violentes. (AFP).
La diffusion sur les réseaux sociaux d'une vidéo montrant un policier tirant sur l'adolescent de 17 ans à bout portant lors d'un contrôle routier avait engendré plusieurs nuits d'émeutes violentes. (AFP).
Short Url
  • Le policier mis en examen pour homicide volontaire et ses collègues présents, des témoins... "Pour la première fois, toutes les parties seront confrontées à leur déposition sur la scène du crime
  • La diffusion sur les réseaux sociaux d'une vidéo montrant un policier tirant sur l'adolescent de 17 ans à bout portant lors d'un contrôle routier avait engendré plusieurs nuits d'émeutes violentes

NANTERRE: Près d'un an après la mort de Nahel, tué par un tir de policier à Nanterre le 27 juin 2023, la justice réunit dimanche les principaux protagonistes du dossier pour une reconstitution des faits, a appris l'AFP de sources concordantes.

Le policier mis en examen pour homicide volontaire et ses collègues présents, des témoins... "Pour la première fois, toutes les parties seront confrontées à leur déposition sur la scène du crime, c'est un moment fort", souligne Nabil Boudi, avocat de la mère de Nahel.

La diffusion sur les réseaux sociaux d'une vidéo montrant un policier tirant sur l'adolescent de 17 ans à bout portant lors d'un contrôle routier avait engendré plusieurs nuits d'émeutes violentes.

A travers la France, les incendies de bâtiments publics et d'infrastructures ou les pillages de magasins ont causé des dégâts représentant un milliard d'euros, selon le Sénat.

A Nanterre, non loin du rond-point où Nahel a été tué et où aura lieu la reconstitution, certains bâtiments en portent encore les traces.

L'enquête sur la mort de Nahel, devenue un symbole du débat sur les violences policières, doit notamment établir si l'usage de l'arme à feu était légitime.

Une première version policière, selon laquelle l'adolescent aurait foncé sur le motard, a rapidement été infirmée par la vidéo des faits, diffusée sur les réseaux sociaux.

Policier libéré

Pendant cinq mois, le policier auteur du tir, Florian M., âgé de 38 ans au moment des faits, avait été placé en détention provisoire.

Mais en novembre, il a été libéré et placé sous contrôle judiciaire après plusieurs demandes de son conseil.

Les juges qui ont décidé de sa remise en liberté avaient reconnu qu'il existait encore "des divergences entre les différentes versions données", mais que "le risque de concertation" apparaissait désormais, "dans cette configuration, moins prégnant" et "ne saurait justifier la poursuite de la détention provisoire à ce titre".

"L'information judiciaire a progressé", les parties civiles et les deux policiers ayant été auditionnés, ont indiqué les magistrats.

Ils soulignent également que "si le trouble à l'ordre public demeure", "il est moindre qu'à la date du placement en détention provisoire".

Après la libération de Florian M., Mounia, la mère de Nahel qui l'élevait seule, avait appelé à un rassemblement auquel quelques centaines de personnes s'étaient rendues dans le calme.

"Un policier tue un enfant, arabe ou noir, devient millionnaire et sort de prison, retrouve sa famille tranquillement pour les fêtes", avait-elle déploré dans une vidéo, en référence à la cagnotte qui a récolté plus de 1,6 million d'euros en soutien à la famille du policier.

"Elle est très stressée, ça ravive de mauvais souvenirs", estime Me Boudi, son conseil.

L'avocat de Florian M. n'a pas donné suite aux sollicitations de l'AFP.