«L'Histoire nous observe», dit Joe Biden après une salve de sanctions contre la Russie

Les Etats-Unis vont aussi prendre des mesures de restriction des exportations «contre près de 100 entités qui fournissent un soutien dissimulé à la machine de guerre russe.» (AFP)
Les Etats-Unis vont aussi prendre des mesures de restriction des exportations «contre près de 100 entités qui fournissent un soutien dissimulé à la machine de guerre russe.» (AFP)
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Publié le Samedi 24 février 2024

«L'Histoire nous observe», dit Joe Biden après une salve de sanctions contre la Russie

  • Joe Biden a annoncé un arsenal de mesures visant à la fois des individus liés à l'emprisonnement de Navalny, mort en prison, et la machine de guerre russe
  • Le Trésor américain avait déjà prévenu jeudi qu'il s'agirait «de la tranche (de sanctions) la plus importante depuis le début de l'invasion de l'Ukraine par Poutine»

WASHINGTON: Joe Biden a annoncé vendredi la plus importante salve de sanctions américaine depuis le début de l'invasion russe de l'Ukraine il y a deux ans, et d'autres devraient suivre. Il a également appelé le Congrès à débloquer l'aide à l'Ukraine.

"L'Histoire nous observe. L'horloge tourne", a déclaré le président américain lors d'une allocution à la Maison Blanche.

"Nous ne pouvons pas tourner le dos maintenant" à l'Ukraine, a-t-il mis en garde, soulignant que Vladimir Poutine "compte là-dessus".

Une aide militaire de 60 milliards de dollars est en effet bloquée au Congrès, en raison de l'opposition de Donald Trump, qui use de son influence auprès des élus républicains pour faire échouer le projet de loi.

Plus tôt vendredi, l'administration Biden avait dévoilé la plus importante salve de sanctions imposées depuis le début de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, le 24 février 2022, et en réponse également à la mort de l'opposant Alexeï Navalny.

Et cela n'est "que le début", a déclaré John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche: "Vous pouvez compter sur plus de mesures de la part du gouvernement pour faire rendre des comptes au Kremlin pour la mort de Navalny."

Le Trésor et le département d'Etat ont ciblé plus de 500 individus et organisations dans respectivement 11 et 26 pays (dont la Chine et l'Allemagne), bloquant leurs avoirs aux Etats-Unis et restreignant leur accès aux visas.

Dont trois responsables russes, pour leur implication dans le décès d'Alexeï Navalny, a annoncé le département d'Etat.

Par ailleurs, le département du Commerce a ajouté 93 entreprises à sa liste noire.

Cela porte à plus de 4.000 le nombre d'entités visées par les sanctions américaines depuis le début de la guerre.

Echapper aux sanctions

"Si Poutine ne paye pas le prix de la mort et de la destruction qu'il répand, il continuera", avait averti plus tôt dans la journée Joe Biden.

L'objectif de ces sanctions: limiter les ressources financières dont dispose le gouvernement russe pour financer la guerre contre l'Ukraine, lancée il y a tout juste deux ans, le 24 février 2022.

Parmi la longue liste, des entreprises technologiques des secteurs des semi-conducteurs, de l'optique, des drones, ou encore des systèmes d'information, et même un institut de mathématiques appliquées.

Mais aussi le système russe de paiement Mir, dont le développement "a permis à la Russie de construire une infrastructure financière qui lui permet d'échapper aux sanctions et de reconstituer les liens rompus avec le système financier international", selon le département américain du Trésor.

Développées en 2015 face aux sanctions des Occidentaux après l'annexion de la Crimée en 2014, les cartes Mir - terme qui signifie "monde" et "paix" en russe - permettent aux Russes d'effectuer des règlements et de retirer de l'argent dans certains pays étrangers.

Avenir du peuple russe

Ont également été sanctionnés la compagnie maritime nationale russe Sovcomflot et 14 pétroliers d'une "flotte fantôme" russe, utilisés par Moscou pour contourner le plafonnement du prix de son pétrole, mis en place depuis décembre 2022 par une coalition de pays occidentaux.

Le but de ce mécanisme est de contraindre la Russie à vendre son pétrole à ces pays à un prix moins élevé, pour "limiter les profits du Kremlin tout en favorisant la stabilité des marchés de l'énergie", selon le secrétaire adjoint au Trésor américain, Wally Adeyemo, cité dans un communiqué.

Washington a par ailleurs averti que des sanctions continueront d'être imposées "aux personnes, où qu'elles se trouvent, qui permettent à la Russie de se reconnecter aux marchés financiers mondiaux en utilisant des canaux illicites".

Car, malgré la multitude de sanctions occidentales, la Russie a enregistré une croissance de 3,6% de son PIB en 2023, grâce aux commandes de munitions et d'armements.

Pour la secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, Vladimir Poutine "a hypothéqué le présent et l'avenir du peuple russe", et "le Kremlin choisit de réorienter son économie pour fabriquer des armes pour tuer ses voisins au plus vite, aux dépens de l'avenir économique de sa propre population".

Les sanctions et annonces se sont multipliées au sein des pays occidentaux à l'approche du deuxième anniversaire de l'invasion de l'Ukraine.

Les pays de l'UE se sont ainsi mis d'accord sur un 13e paquet de sanctions, tandis que le Royaume-Uni a pris des mesures contre plus de 50 personnalités et entreprises, et annoncé de nouvelles livraisons de missiles aux Ukrainiens.

La président français Emmanuel Macron, lui, organise lundi à Paris une réunion de soutien à l'Ukraine avec plusieurs chefs d'Etat et de gouvernement ou leurs représentants ministériels.


Russie: un deuxième journaliste arrêté pour des vidéos pour l'équipe de Navalny

Sergueï Kareline est le deuxième journaliste a être arrêté pour ces accusations, après Konstantin Gabov, également placé en détention samedi (Photo, Fournie).
Sergueï Kareline est le deuxième journaliste a être arrêté pour ces accusations, après Konstantin Gabov, également placé en détention samedi (Photo, Fournie).
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  • La plupart des associés de l'opposant défunt sont en exil à l'étranger, d'autres ont écopé de lourdes peines de prison
  • Sergueï Kareline et Konstantin Gabov sont accusés d'avoir participé à la préparation de vidéos pour la chaîne YouTube NavalnyLIVE

MOSCOU: Un journaliste russe a été placé en détention en Russie pour "extrémisme", accusé d'avoir participé à la création de vidéos pour l'équipe de l'opposant défunt Alexeï Navalny, a rapporté l'agence de presse américaine Associated Press, avec laquelle il a notamment collaboré.

Sergueï Kareline est le deuxième journaliste a être arrêté pour ces accusations, après Konstantin Gabov, également placé en détention samedi et qui collaborait occasionnellement avec l'agence de presse canadienne Reuters.

Associated Press s'est dite dans un commentaire à l'AFP dimanche "très préoccupée par la détention du vidéo-journaliste russe Sergueï Kareline" et indique "rechercher des informations supplémentaires" sur cette affaire.

Complices

Sergueï Kareline et Konstantin Gabov sont accusés d'avoir participé à la préparation de vidéos pour la chaîne YouTube NavalnyLIVE de l'équipe de l'opposant russe Alexeï Navalny, mort en prison en février dans des circonstances troubles.

Son mouvement a été classé comme "extrémiste" par la justice, ce qui fait courir le risque de poursuites à ses collaborateurs et partisans.

La plupart des associés de l'opposant défunt sont en exil à l'étranger, d'autres ont écopé de lourdes peines de prison.

Les autorités russes ont renforcé ces derniers mois leur pression sur les médias indépendants et étrangers en Russie, dans un contexte de répression tous azimuts des voix dissidentes depuis le début de l'offensive en Ukraine.

Fin mars, une photojournaliste, Antonina Kravtsova, qui travaillait sous le nom d'Antonina Favorskaïa, avait été également placée en détention pour des accusations d'"extrémisme".

Elle couvrait très régulièrement les procès d'Alexeï Navalny pour SOTAvision, l'un des derniers médias documentant depuis la Russie les répressions politiques, classé "agent de l'étranger" par les autorités russes.

Un journaliste russe de l'édition russe du média Forbes, Sergueï Mingazov, a, lui, été arrêté le 26 avril, accusé d'avoir diffusé de "fausses informations" sur les exactions imputées à l'armée russe en Ukraine.

Plusieurs autres journalistes se trouvent en détention en Russie dont l'Américain Evan Gershkovich, visé par des accusation d'"espionnage" qu'il rejette tout comme son média, ses proches et les autorités américaines.

Une journaliste russo-américaine, Alsu Kurmasheva, travaillant pour Radio Free Europe/Radio Liberty (RFE/RL), est aussi en détention depuis octobre 2023 pour ne pas s'être enregistrée en tant qu'"agent de l'étranger" comme l'exigent les autorités.


Washington annonce 6 milliards de dollars d'aide militaire à l'Ukraine

Le secrétaire américain à la Défense Lloyd Austin (au centre) et le chef d'état-major interarmées, le général C. Q. Brown, Jr. (à droite), répondent aux questions lors d'un point de presse au Pentagone le 26 avril 2024 à Arlington, en Virginie (Photo, AFP).
Le secrétaire américain à la Défense Lloyd Austin (au centre) et le chef d'état-major interarmées, le général C. Q. Brown, Jr. (à droite), répondent aux questions lors d'un point de presse au Pentagone le 26 avril 2024 à Arlington, en Virginie (Photo, AFP).
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  • Ce programme d'aide comprend de la défense aérienne, des systèmes anti-drones, des munitions d'artillerie
  • Il s'agit du second volet d'aide annoncé cette semaine, après celui d'un milliard de dollars dévoilé mercredi

WASHINGTON: Le ministre américain de la Défense Lloyd Austin a annoncé vendredi un nouveau volet de 6 milliards de dollars d'aide à l'Ukraine, au moment où Washington tente de rattraper le retard dans ses livraisons à Kiev après des mois d'impasse au Congrès.

"Il s'agit de la plus grande enveloppe d'aide militaire que nous ayons annoncée jusqu'ici", a souligné le responsable américain, lors d'une conférence de presse.

Ce programme d'aide comprend de la défense aérienne, des systèmes anti-drones, des munitions d'artillerie.

Il permettra à Kiev de "stabiliser la ligne de front", a salué le président ukrainien Volodymyr Zelensky.

Il s'agit du second volet d'aide annoncé cette semaine, après celui d'un milliard de dollars dévoilé mercredi.

Les deux montants s'inscrivent dans le budget de 61 milliards de dollars d'assistance à Kiev voté cette semaine au Congrès et promulgué dans la foulée par Joe Biden, l'Ukraine rencontrant actuellement des difficultés dans sa guerre contre la Russie.

Si l'aide d'un milliard de dollars dévoilée mercredi proviendra des stocks de l'armée américaine, celle annoncée vendredi proviendra de contrats avec l'industrie de défense ou de partenaires. Ce qui signifie qu'elle nécessitera davantage de temps pour parvenir jusque sur le champ de bataille.

Après avoir promulgué mercredi la loi prévoyant ces 61 milliards de dollars d'aide militaire et économique à l'Ukraine, Joe Biden avait promis un envoi rapide et massif d'armement.

Vote au Congrès 

Les Etats-Unis sont le principal soutien militaire de Kiev, mais le Congrès n'avait pas adopté de grande enveloppe pour son allié depuis près d'un an et demi -- principalement en raison de querelles partisanes.

Avant cette semaine, Washington n'avait annoncé d'aide à l'Ukraine qu'à une seule occasion cette année: une aide de 300 millions de dollars en mars rendue uniquement possible en raison d'économies réalisées par le Pentagone sur d'autres achats.

L'adoption de ce plan d'aide est un soulagement pour l'armée ukrainienne, confrontée à une pénurie de nouvelles recrues et de munitions, face aux pressions constantes des troupes russes à l'est. Les autorités prédisent une dégradation sur le front potentiellement dès la mi-mai.

Et si le retour de l'aide américaine va permettre à l'armée ukrainienne de reprendre l'initiative face à la Russie, la préparation d'une contre-offensive sera bien plus longue, a estimé jeudi une responsable militaire américaine.

"Les Ukrainiens ont rationné leurs munitions depuis un moment (...), donc les Russes ont, pour résumer, repris l'initiative", a déclaré à la presse cette responsable sous couvert de l'anonymat.

L'aide militaire des alliés "va permettre aux Ukrainiens de commencer à reprendre l'initiative", mais "ce ne sera pas un processus rapide", a-t-elle ajouté.

La réception et la mise en place opérationnelle des nouvelles livraisons va prendre du temps, rien que "pour défendre leurs positions", a-t-elle prévenu, disant ne s'attendre à "aucune offensive de grande ampleur dans un premier temps".


Biden se moque de Trump lors du dîner annuel des correspondants de la Maison Blanche

Le président américain Joe Biden rit pendant que l'humoriste américain Colin Jost (à l’écran) prend la parole lors du dîner de l'Association des correspondants de la Maison Blanche (WHCA) au Washington Hilton, à Washington, DC, le 27 avril 2024. (Photo par Brendan Smialowski AFP)
Le président américain Joe Biden rit pendant que l'humoriste américain Colin Jost (à l’écran) prend la parole lors du dîner de l'Association des correspondants de la Maison Blanche (WHCA) au Washington Hilton, à Washington, DC, le 27 avril 2024. (Photo par Brendan Smialowski AFP)
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  • «L'élection de 2024 bat son plein et oui l'âge est un sujet», a déclaré M. Biden avant de lancer: «Je suis un adulte qui se présente contre un enfant de six ans»
  • Depuis des mois maintenant, à chaque fois que le président américain se déplace, des manifestants se rassemblent pour protester contre le soutien à Israël de celui qu'ils appellent «Joe le génocidaire»

WASHINGTON, États-Unis : Le président Joe Biden a fait preuve d'autodérision samedi tout en égratignant son concurrent à la présidentielle américaine Donald Trump, un «enfant de six ans», lors du dîner annuel des correspondants de la Maison Blanche, événement qui a suscité une manifestation contre la guerre à Gaza à ses abords.

De nombreux invités de marque, journalistes ou célébrités, sont arrivés à l'hôtel Hilton de la capitale fédérale au moment où une centaine de manifestants étaient rassemblés près de l'entrée. Certains protestataires ont alors entonné des slogans tels que «Honte à vous».

A l'intérieur du bâtiment, la guerre entre le Hamas et Israël n'a toutefois pas occupé le devant de la scène, au contraire des moqueries sur l'âge de Joe Biden ou ses chutes occasionnelles dans les escaliers de l'avion présidentiel.

La présence du dirigeant américain à ce gala annuel s'inscrit dans la longue tradition de l'événement, interrompue pendant le mandat de son prédécesseur Donald Trump, qui veut que le président écoute, avec le sourire, un humoriste l'éreinter en règle devant une assemblée en smoking et robes longues, puis prononce un discours émaillé de blagues plus ou moins réussies.

A la manœuvre cette année pour rire du président américain se trouvait le comédien Colin Jost, auteur et acteur pour l'émission phare de la télévision américaine «Saturday Night Live», diffusée sur NBC. Son épouse, l'actrice Scarlett Johansson, était également présente samedi au dîner.

«Je voudrais signaler qu'il est 22H00 passées, Joe l'endormi est toujours debout, pendant que Donald Trump a passé la semaine à s'endormir au tribunal chaque matin», a asséné l'humoriste, dans une allusion au procès à New York de l'ancien président pour une affaire de paiements dissimulés à une ancienne actrice de films X.

Entre autodérision et taquineries à l'encontre des médias, M. Biden, 81 ans, a pris la parole pour railler son rival républicain, 77 ans, expliquant que «l'âge est la seule chose que nous avons en commun».

Colin Jost et Joe Biden ont toutefois adopté un ton plus grave en abordant la question du climat politique aux Etats-Unis. La rhétorique de Donald Trump constitue un danger selon le président américain, en particulier après l'assaut du Capitole en 2021, et «les enjeux ne pourraient être plus élevés», d'après lui.

- Manifestation pro-palestinienne  -

«L'élection de 2024 bat son plein et oui l'âge est un sujet», a déclaré M. Biden avant de lancer: «Je suis un adulte qui se présente contre un enfant de six ans».

Loin des rires de l'assistance parcourant la salle, une manifestation s'est déroulée devant l'hôtel, d'où, depuis une fenêtre du dernier étage, des protestataires ont suspendu un drapeau palestinien de plusieurs mètres de long. D'autres étaient rassemblés en contrebas, au niveau de la chaussée, tenant des pancartes ou des mégaphones.

Le dîner de gala s'est tenu alors que le mouvement de protestation contre la guerre à Gaza se généralise dans les campus américains, avec des arrestations par centaines et le déploiement de policiers anti-émeute.

Un des groupes qui ont organisé la manifestation devant l'hôtel Hilton, Code Pink, a dit vouloir «arrêter» le dîner pour protester contre «la complicité du gouvernement Biden dans le ciblage et le meurtre de journalistes palestiniens par l'armée israélienne», précisant que cette action serait «non violente».

Depuis des mois maintenant, à chaque fois que le président américain se déplace, des manifestants se rassemblent pour protester contre le soutien à Israël de celui qu'ils appellent «Joe le génocidaire», et pour réclamer un arrêt des hostilités à Gaza.

Plusieurs journalistes palestiniens avaient appelé dans une lettre ouverte leurs confrères américains à boycotter cet événement très couru, point d'orgue de tout un week-end de réceptions mondaines.

«Vous avez une responsabilité particulière de dire leur vérité aux puissants et de soutenir l'intégrité journalistique. Il est inacceptable de rester silencieux, par peur ou pour des raisons de carrière, lorsque des journalistes à Gaza continuent d'être détenus, torturés, et tués parce qu'ils font leur métier», ont écrit une vingtaine de journalistes palestiniens.

Selon le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), une association établie à New York, au moins 97 journalistes ont été tués depuis le début de la guerre le 7 octobre entre Israël et le Hamas, dont 92 Palestiniens. Au moins 16 autres ont été blessés.

Le dîner était organisé par l'association des correspondants à la Maison Blanche. Cet événement annuel donne aussi lieu à une remise de prix et à une distribution de bourses à des étudiants en journalisme.

L'an dernier, 2.600 invités avaient assisté à l'événement.