Le complotisme électoral, profondément enraciné dans la campagne américaine

Un piéton s'approche des panneaux électoraux près des bureaux du greffier et du registraire des électeurs du comté de Shasta le 23 février 2024 à Redding, dans le comté de Shasta, dans le nord de la Californie. (AFP)
Un piéton s'approche des panneaux électoraux près des bureaux du greffier et du registraire des électeurs du comté de Shasta le 23 février 2024 à Redding, dans le comté de Shasta, dans le nord de la Californie. (AFP)
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Publié le Lundi 04 mars 2024

Le complotisme électoral, profondément enraciné dans la campagne américaine

  • Sondage après sondage, la majorité des électeurs républicains du pays continuent de considérer Joe Biden comme un président illégitime
  • Le doute s'enracine un peu partout aux Etats-Unis: un comté rural d'Arizona a récemment tenté d'abandonner ses machines électorales

REDDING: Lors des primaires américaines mardi, Joanna Francescut aura des agents de sécurité pour surveiller la porte arrière de son bureau de vote. La faute aux vives tensions qui entourent désormais les élections dans cette région campagnarde du nord de la Californie.

Il y a deux ans, des hommes en colère ont fait irruption dans ce bâtiment du comté de Shasta, pour contester les résultats d'un scrutin local. Une conséquence du complotisme qui imprègne cette région, où les élus veulent se débarrasser des machines chargées de compter les voix.

"C'est une attaque contre le processus" électoral, s'alarme cette fonctionnaire, en poste depuis 16 ans. "C'est dur parfois et c'est décourageant."

Historiquement conservateur, ce coin rural est devenu le miroir des forces qui fracturent l'Amérique, depuis que Donald Trump martèle à tort que l'élection de 2020 lui a été volée.

Sondage après sondage, la majorité des électeurs républicains du pays continuent de considérer Joe Biden comme un président illégitime.

Dans le comté de Shasta, Donald Trump l'a largement battu, avec 65% des voix.

Mais l'an dernier, les nouveaux élus républicains ont quand même voté pour arrêter d'utiliser les machines de l'entreprise Dominion, visées par de nombreuses théories du complot.

Partisans du mensonge trumpiste, ils ont également invité des complotistes venus de tout le pays à dérouler leurs thèses lors de réunions publiques.

Les habitants de Redding, le chef-lieu du comté, vivent ainsi dans une atmosphère de suspicion généralisée. Beaucoup croient dur comme fer à des "manipulations informatiques" et décrivent les appareils comme des "boîtes noires", capables d'être "piratées" en secret.

"Donald Trump a gagné malgré la triche contre lui dans le comté de Shasta", croit savoir Laura Hobbs, mère au foyer.

Défiance 

Ici, la cinquantaine de tribunaux américains ayant conclu à l'absence de fraude électorale en 2020 n'a pas d'importance. Pas plus que la procédure intentée par le fabricant de machines Dominion afin de laver son honneur, qui a forcé la chaîne Fox News à lui verser 787,5 millions de dollars pour s'éviter un embarrassant procès en diffamation.

Les élus veulent absolument en finir avec les machines et compter toutes les voix à la main. Un projet rejeté par l'Etat californien, qui a adopté une loi excluant le décompte manuel des scrutins avec plus de 1.000 électeurs.

Le doute s'enracine un peu partout aux Etats-Unis: un comté rural d'Arizona a récemment aussi tenté d'abandonner ses machines électorales.

Cette défiance désole Mme Francescut: son équipe compte déjà manuellement une petite partie des bulletins à chaque élection, pour vérifier que les appareils fonctionnent correctement, conformément à la loi.

"C'est essentiel de faire les deux", rappelle-t-elle à l'AFP. "On ne peut pas compter uniquement sur les machines, ni sur le comptage manuel."

Après cette passe d'armes, le comté de Shasta a été forcé d'acheter de nouvelles machines, produites par une autre entreprise.

Les républicains locaux dénoncent un "excès de pouvoir" de l'Etat californien et envisagent d'autres recours.

"Ce n'est que le début", prévient Patrick Jones, figure centrale de la majorité locale. "Nous ne nous arrêterons pas tant que nous n'aurons pas des élections intègres."

Crainte de violences 

A Redding, de nombreux habitants s'attendent à voir Donald Trump écraser sa rivale Nikki Haley mardi.

Mais plus que l'élection nationale, c'est le scrutin local qui déchaîne les passions. Avec une question: les trumpistes anti-machines vont-ils se maintenir au pouvoir ?

M. Jones menace déjà de refuser le verdict des urnes si l'équipe n'est pas réélue - comme Donald Trump lorsqu'il était en fin de mandat à la Maison Blanche.

"La triche continue. (...) Je ne pourrai pas certifier des résultats frauduleux", assène cet armurier, qui porte en permanence un pistolet sanglé à la cheville.

Dans son ranch, Mary Rickert a du mal à reconnaître cette région où elle élève ses vaches depuis cinq décennies.

A 71 ans, elle est l'une des rares élues républicaines à s'être opposée au projet d'abandon des machines. Une position qui lui vaut l'opprobre des trumpistes.

"S'ils ne conservent pas leur poste, (...) il va y avoir beaucoup de remous", craint-elle, consciente que le comté abrite une milice locale, et est l'un des endroits qui délivre le plus de permis de ports d'armes en Californie. "Nous pourrions même avoir besoin de la Garde Nationale."

Après avoir voté deux fois pour Trump, cette catholique jure qu'on ne l'y reprendra plus. Tout comme une frange non négligeable de l'électorat républicain aux Etats-Unis, dont les choix auront un impact décisif sur la présidentielle en novembre.

"Nous allons être un parti très fracturé à l'avenir et je ne pense pas que nous serons très efficaces", regrette-t-elle.


Gaza: les Etats-Unis font pression pour l'adoption de leur résolution à l'ONU lundi

Une Palestinienne marche sous une pluie battante devant des bâtiments détruits par les frappes israéliennes dans le quartier de Sheikh Radwan, à Gaza. (AP)
Une Palestinienne marche sous une pluie battante devant des bâtiments détruits par les frappes israéliennes dans le quartier de Sheikh Radwan, à Gaza. (AP)
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  • Les États-Unis poussent pour l’adoption par le Conseil de sécurité de leur résolution soutenant le plan de paix de Donald Trump pour Gaza
  • Malgré des réticences de certains membres et un texte concurrent présenté par la Russie, Washington met en avant un large soutien arabe et occidental et avertit qu’un rejet ouvrirait la voie à la poursuite du conflit

NATIONS UNIES: Les Etats-Unis ont mis la pression vendredi pour convaincre de la nécessité d'adopter leur projet de résolution endossant le plan de paix de Donald Trump pour Gaza, qui sera mis au vote du Conseil de sécurité de l'ONU lundi.

La semaine dernière, les Américains ont officiellement entamé des négociations au sein du Conseil sur un projet de texte qui "endosse" le plan du président américain ayant permis la mise en place, le 10 octobre, d'un cessez-le-feu fragile dans le territoire palestinien ravagé par deux années de guerre provoquée par une attaque sanglante du mouvement islamiste Hamas. Le texte autorise notamment le déploiement d'une "force de stabilisation internationale" (ISF).

Face aux réserves de certains membres et à la proposition d'un texte concurrent de la Russie, ils ont mis en garde vendredi contre les risques d'un rejet de leur texte et affiché le soutien de plusieurs pays arabes et musulmans.

"Les Etats-Unis, le Qatar, l'Egypte, les Emirats arabes unis, le royaume d'Arabie saoudite, l'Indonésie, le Pakistan, la Jordanie et la Turquie expriment leur soutien conjoint" au projet de résolution américaine autorisant notamment une force internationale dans le territoire palestinien, et espèrent son adoption "rapide", disent-ils dans une déclaration commune.

Ce plan offre "un chemin viable vers la paix et la stabilité, non seulement pour les Israéliens et les Palestiniens, mais pour toute la région", ont-ils insisté.

Le Royaume-Uni a également apporté vendredi son soutien public au texte américain.

Et le Conseil se prononcera lundi à 17H00 (22H00 GMT) sur le texte, ont indiqué vendredi soir plusieurs sources diplomatiques à l'AFP.

Le projet de résolution américain, plusieurs fois modifié, prévoit de donner un mandat jusqu'à fin décembre 2027 à un "comité de la paix" censé être présidé par Donald Trump, organe de "gouvernance de transition" pour administrer Gaza.

Il "autorise" également le déploiement de l'ISF qui pourra utiliser "toutes les mesures nécessaires pour mener son mandat dans le respect du droit international": appui à la sécurisation des frontières en coopération notamment avec Israël et l'Egypte, démilitarisation de Gaza, désarmement "des groupes armés non étatiques", protection des civils, formation d'une police palestinienne...

- Conflit perpétuel" -

La décision de programmer le vote intervient alors que la Russie a fait circuler aux membres du Conseil un projet de résolution concurrente qui n'autorise ni la création d'un "comité de la paix", ni le déploiement immédiat d'une force internationale à Gaza, selon le texte vu vendredi par l'AFP.

Ce texte demande simplement au secrétaire général de l'ONU "d'identifier des options pour appliquer les dispositions" du plan de paix et présenter "rapidement" des "options de déploiement d'une force" à Gaza.

"Nous voulons souligner que notre document ne contredit pas l'initiative américaine", a assuré vendredi dans un communiqué la mission russe à l'ONU.

La "logique" du texte russe est de permettre au Conseil "de définir des modalités claires de déploiement d'un contingent de maintien de la paix et d'établir une administration à Gaza tout en s'assurant que ces modalités sont en accord" avec les normes internationales, a-t-elle ajouté.

Alors que des échanges publics de ce type lors de négociations du Conseil sont plutôt rares, l'ambassadeur américain à l'ONU Mike Waltz a également publié un texte vendredi dans le Washington Post.

"Tout refus de soutenir cette résolution (le texte américain, ndlr) est un vote en faveur de la poursuite du règne des terroristes du Hamas ou en faveur de la reprise de la guerre avec Israël, condamnant la région et sa population à un conflit perpétuel", a-t-il déclaré.

La guerre a été déclenchée par l'attaque du 7 octobre 2023 menée par le Hamas en Israël, qui a entraîné côté israélien la mort de 1.221 personnes, en majorité des civils, selon un bilan établi par l'AFP à partir de chiffres officiels.

Plus de 69.185 Palestiniens ont été tués dans la bande de Gaza par la campagne militaire israélienne de représailles, essentiellement des civils, selon le ministère de la Santé de Gaza, placé sous l'autorité du Hamas et dont les chiffres sont jugés fiables par l'ONU.


Trump a écrit au président israélien pour lui demander de gracier Netanyahu

Le président américain, Donald Trump, a écrit à son homologue israélien, Isaac Herzog, pour lui demander d'accorder une grâce au Premier ministre Benjamin Netanyahu, poursuivi dans son pays pour corruption, a indiqué mercredi le bureau de la présidence. (REUTERS)
Le président américain, Donald Trump, a écrit à son homologue israélien, Isaac Herzog, pour lui demander d'accorder une grâce au Premier ministre Benjamin Netanyahu, poursuivi dans son pays pour corruption, a indiqué mercredi le bureau de la présidence. (REUTERS)
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  • "Le président Herzog tient le président Trump en très haute estime et continue d'exprimer sa profonde gratitude" pour son "soutien indéfectible" à Israël
  • "Monsieur le Président Herzog, écoutez le Président Trump", a écrit sur X le ministre d'extrême-droite Itamar Ben Gvir, tout en accusant la justice israélienne d'être biaisée à l'égard de M. Netanyahu

JERUSALEM: Le président américain, Donald Trump, a écrit à son homologue israélien, Isaac Herzog, pour lui demander d'accorder une grâce au Premier ministre Benjamin Netanyahu, poursuivi dans son pays pour corruption, a indiqué mercredi le bureau de la présidence.

M. Herzog a reçu "ce matin" une lettre de Donald Trump, "l'invitant à envisager d'accorder une grâce" à M. Netanyahu, détaille un communiqué du bureau présidentiel, qui précise que "toute personne souhaitant obtenir une grâce présidentielle doit présenter une demande officielle".

M. Netanyahu est poursuivi dans son pays pour corruption et est régulièrement entendu dans le cadre d'au moins trois procédures judiciaires, dans lesquels aucun jugement n'a encore été rendu.

"Le président Herzog tient le président Trump en très haute estime et continue d'exprimer sa profonde gratitude" pour son "soutien indéfectible" à Israël, "sa contribution considérable au retour des otages, à la refonte de la situation au Moyen-Orient et à Gaza en particulier, et à la garantie de la sécurité de l'Etat d'Israël", précise le communiqué.

Aussitôt plusieurs personnalités politiques israéliennes ont réagi.

"Monsieur le Président Herzog, écoutez le Président Trump", a écrit sur X le ministre d'extrême-droite Itamar Ben Gvir, tout en accusant la justice israélienne d'être biaisée à l'égard de M. Netanyahu.

Une députée également d'extrême-droite mais dans l'opposition, Yulia Malinovsky, du parti Israel Beitenou ("Israël est notre maison" en hébreu), a de son côté suggéré que le président américain faisait cette demande dans le cadre d'un accord avec M. Netanyahu sur des sujets relatifs au cessez-le-feu dans la bande de Gaza.

Quant au dirigeant de l'opposition, Yaïr Lapid, du parti centriste Yesh Atid ("il y a un futur", en hébreu), il a taclé M. Netanyahu en écrivan sur X: "rappel: la loi israélienne stipule que la première condition pour obtenir une grâce est l'aveu de culpabilité et l'expression de remords pour les actes commis".

Lors d'un discours au Parlement israélien le 13 octobre, M. Trump avait déjà suggéré qu'une grâce lui soit accordée.

"J'ai une idée. Monsieur le président (Isaac Herzog), pourquoi ne pas lui accorder une grâce? Ce passage n'était pas prévu dans le discours (...) Mais j'aime bien ce monsieur", avait dit le président américain dans son allocution, mettant en avant qu'il a été "l'un des plus grands" dirigeants "en temps de guerre".

 


Famine: l'ONU alerte sur «16 zones critiques» où la situation s'aggrave

Haïti, le Mali, la Palestine, le Soudan du Sud, le Soudan et le Yémen figurent parmi les pays les plus touchés, "où les populations sont confrontées à un risque imminent de famine catastrophique", souligne le rapport des deux organisations.  L’Afghanistan, la République démocratique du Congo, la Birmanie, le Nigeria, la Somalie et la Syrie sont considérés quant à eux comme étant dans une situation "très préoccupante".  Les quatre autres zones critiques sont le Burkina Faso, le Tchad, le Kenya et la situation des réfugiés rohingyas au Bangladesh. (AFP)
Haïti, le Mali, la Palestine, le Soudan du Sud, le Soudan et le Yémen figurent parmi les pays les plus touchés, "où les populations sont confrontées à un risque imminent de famine catastrophique", souligne le rapport des deux organisations. L’Afghanistan, la République démocratique du Congo, la Birmanie, le Nigeria, la Somalie et la Syrie sont considérés quant à eux comme étant dans une situation "très préoccupante". Les quatre autres zones critiques sont le Burkina Faso, le Tchad, le Kenya et la situation des réfugiés rohingyas au Bangladesh. (AFP)
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  • Selon un rapport conjoint de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et du Programme alimentaire mondial (PAM), l'insécurité alimentaire aiguë à laquelle sont confrontées 16 zones critiques dans le monde s'accentue
  • "Les conflits, les chocs économiques, les phénomènes météorologiques extrêmes et l'insuffisance critique des financements exacerbent des conditions déjà désastreuses", notent la FAO et le PAM

ROME: Des millions de personnes supplémentaires dans le monde pourraient être confrontées à la famine ou au risque de famine, ont averti mercredi les deux organes de l'ONU dédiés à l'alimentation et à l'agriculture, dans un contexte tendu par la limitation des financements.

Selon un rapport conjoint de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et du Programme alimentaire mondial (PAM), l'insécurité alimentaire aiguë à laquelle sont confrontées 16 zones critiques dans le monde s'accentue.

"Les conflits, les chocs économiques, les phénomènes météorologiques extrêmes et l'insuffisance critique des financements exacerbent des conditions déjà désastreuses", notent la FAO et le PAM, tous deux basés à Rome, dans un communiqué commun.

Haïti, le Mali, la Palestine, le Soudan du Sud, le Soudan et le Yémen figurent parmi les pays les plus touchés, "où les populations sont confrontées à un risque imminent de famine catastrophique", souligne le rapport des deux organisations.

L’Afghanistan, la République démocratique du Congo, la Birmanie, le Nigeria, la Somalie et la Syrie sont considérés quant à eux comme étant dans une situation "très préoccupante".

Les quatre autres zones critiques sont le Burkina Faso, le Tchad, le Kenya et la situation des réfugiés rohingyas au Bangladesh.

"Nous sommes au bord d'une catastrophe alimentaire totalement évitable qui menace de provoquer une famine généralisée dans de nombreux pays", a mis en garde Cindy McCain, directrice générale du PAM, citée dans le communiqué, ajoutant que "ne pas agir maintenant ne fera qu'aggraver l'instabilité".

Le financement de l'aide humanitaire est "dangereusement insuffisant", alerte également le rapport, précisant que sur les 29 milliards de dollars nécessaires pour venir en aide aux populations vulnérables, seuls 10,5 milliards ont été reçus, précipitant notamment l'aide alimentaire aux réfugiés "au bord de la rupture".

Le PAM indique avoir réduit son assistance aux réfugiés et aux personnes déplacées en raison des coupes budgétaires et suspendu les programmes d'alimentation scolaire dans certains pays.

La FAO prévient de son côté que les efforts pour protéger les moyens de subsistance agricoles sont menacés et alerte sur la nécessité d'un financement urgent pour les semences et les services de santé animale.

"La prévention de la famine n’est pas seulement un devoir moral – c’est un investissement judicieux pour la paix et la stabilité à long terme", a rappelé le directeur général de la FAO, Qu Dongyu.