Guerre d'Algérie: le débat sur la «responsabilité» dans la torture relancé

Des soldats de l'Armée de libération nationale (ALN) de la Wilaya 4 patrouillent dans une rue d'Alger le 30 juillet 1962 (Photo, AFP).
Des soldats de l'Armée de libération nationale (ALN) de la Wilaya 4 patrouillent dans une rue d'Alger le 30 juillet 1962 (Photo, AFP).
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Publié le Lundi 04 mars 2024

Guerre d'Algérie: le débat sur la «responsabilité» dans la torture relancé

  • Plusieurs ONG et associations, notamment d'anciens combattants, ont demandé lundi la reconnaissance par l'Etat français de sa «responsabilité» dans le recours à la torture durant la guerre d'Algérie
  • Depuis 2022, Paris et Alger multiplient les efforts pour reconstruire une relation plus apaisée, en déminant progressivement les sujets de la colonisation et de la guerre d'Algérie

PARIS: Une démarche d'"apaisement". Plusieurs ONG et associations, notamment d'anciens combattants, ont demandé lundi la reconnaissance par l'Etat français de sa "responsabilité" dans le recours à la torture durant la guerre d'Algérie (1954-1962), un sujet ultra-sensible qu'elles appellent à "regarder en face".

"S'engager dans la voie de la compréhension de l'engrenage répressif conduisant au recours à la torture, dont le viol est un instrument constitutif, n'est (...) pas un acte de contrition, mais un acte de confiance dans les valeurs de la nation", ont écrit une vingtaine d'organisations dans un dossier transmis à l’Élysée et présenté lors d'une conférence de presse.

Parmi ces auteurs figurent la Ligue des droits de l'homme (LDH) ou encore les "Anciens appelés en Algérie et leurs amis contre la guerre".

La présidence française avait fait un premier pas dans cette direction il y a deux ans, à l'occasion d'un hommage aux combattants de la guerre d'Algérie.

"Nous reconnaissons avec lucidité que dans cette guerre" une "minorité de combattants a répandu la terreur, perpétré la torture", avait écrit l'Elysée dans un communiqué du 18 octobre 2022.

Une reconnaissance "importante" et "courageuse" mais incomplète car elle n'établit pas de chaîne de responsabilités, surtout au plus haut niveau de l'Etat, juge auprès de l'AFP Nils Andersson, président d'Agir contre le colonialisme aujourd'hui (ACCA), signataire de l'appel.

"Il ne s'agit ni de condamner ni de juger, mais de regarder l'Histoire en face, dans un souci d'apaisement", a-t-il plaidé. "Cela permettra de passer à la prochaine étape: comprendre comment cela a été possible et avancer dans le vivre ensemble. C'est important car la question algérienne est sensible dans l'opinion française".

"Cette reconnaissance est indispensable pour notre présent et notre avenir car, sans un retour sur cette page sombre de notre Histoire, rien ne préserve la République française de retomber dans les mêmes dérives", ont estimé les organisations dans un communiqué.

Durant ce qui a longtemps été appelé les "événements" d'Algérie, "la torture comme système de guerre a été théorisée, enseignée, pratiquée, couverte et exportée par les gouvernements français, ce qui engage pleinement la responsabilité de l'Etat", ont estimé les organisations.

«Sévices atroces»

Elles en veulent pour preuve que la torture était "enseignée dès 1955" dans les principales écoles militaires comme Saint-Cyr et que ceux qui s'y sont opposés durant la guerre d'Algérie ont été "condamnés".

Dès 1958, le communiste Henri Alleg témoigne des tortures qu'il a subies de la part de l'armée française, dans un livre choc aussitôt interdit, "La Question". Plus de quatre décennies plus tard, le général Paul Aussaresses avouera avoir pratiqué la torture.

A l'appui de leur démonstration, ONG et associations, qui déplorent ne pas avoir été reçues par l'Elysée, ont publié des dizaines de témoignages de personnes torturées pendant la guerre qui a mené à l'indépendance de l'Algérie.

Ainsi de Hour Kabir, qui décrit sa détention d'octobre 1957 dans une lettre au procureur de la République de Lyon: "nous avons subi les sévices les plus atroces", affirme-t-il, énumérant le "supplice de la baignoire" ou des "applications électriques" sur "les parties génitales".

"Pour terminer cette séance, nous avons marché longuement les pieds chaussés de brodequins à l'intérieur desquels des pointes acérées nous transperçaient les pieds", poursuit cet homme.

Gabrielle Benichou Gimenez a expliqué à son avocat avoir abordé "sûre" d'elle l'épreuve en octobre 1956, après avoir déjà été torturée durant la Seconde guerre mondiale, en 1941. Elle assure avoir subi des coups de "flagellation", une "douche glacée en plein hiver" et des "coups de poing", le tout sans avoir "dit un mot".

"J'ai dû déchanter. Après onze heures de ces tortures, je ne tenais plus le coup", a-t-elle résumé.

L'exécutif est appelé à s'inspirer "d'autres domaines comme la traite négrière ou l'esclavage", pour lesquels "la République française a reconnu sa responsabilité", a exhorté lors de la conférence de presse le président de la LDH, Patrick Baudouin.

Depuis 2022, Paris et Alger multiplient les efforts pour reconstruire une relation plus apaisée, en déminant progressivement les sujets de la colonisation et de la guerre d'Algérie.

Une commission d'historiens français et algériens a notamment été créée par les chefs des deux Etats la même année pour "mieux se comprendre et réconcilier les mémoires blessées", avait alors souligné l’Élysée.

Sollicitée par l'AFP, la présidence de la République n'a pas donné suite dans l'immédiat.


France: un Ukrainien inculpé pour le meurtre d'une Franco-Russe dans un conflit de voisinage

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  • Selon le parquet, il y avait de la part de cette femme "une attitude régulièrement agressive avec des menaces de mort envers" ses voisins ukrainiens arrivés en France en mars 2022 pour fuir l'invasion de leur pays par la Russie
  • Née au Kazakhstan en 1967, alors en URSS, elle était arrivée en France en 2004, d'après la même source

EVREUX: Un Ukrainien de 69 ans a été inculpé pour meurtre et placé sous contrôle judiciaire après le décès mardi de sa voisine franco-russe à Evreux, dans le nord de la France, lors d'un différend de voisinage, a-t-on appris vendredi auprès du parquet local.

Un couple de retraités ukrainiens ainsi que leur amie avaient été agressés avec un couteau d'environ 20 cm par leur voisine franco-russe, vers 5H00 locales (7H00 GMT) dans la nuit de lundi à mardi, a expliqué le procureur de la République d'Evreux Rémi Coutin lors d'une conférence de presse.

Le mari du couple ukrainien aurait alors retourné l'arme blanche contre sa voisine la blessant à trois reprises, dont une mortelle à la cuisse, toujours selon le procureur.

"Pour nous c'est la victime, celle qui a reçu les coups de couteau et est décédée mardi matin, qui était venue agresser au moins à deux reprises cette nuit-là les personnes ukrainiennes qui se trouvaient dans l'appartement au-dessus d'elle", a déclaré Rémi Coutin, justifiant ainsi le non placement en détention de l'auteur présumé des faits.

Selon le parquet, il y avait de la part de cette femme "une attitude régulièrement agressive avec des menaces de mort envers" ses voisins ukrainiens arrivés en France en mars 2022 pour fuir l'invasion de leur pays par la Russie.

Née au Kazakhstan en 1967, alors en URSS, elle était arrivée en France en 2004, d'après la même source.

Un voisin a déclaré avoir passé la soirée à boire des bières chez la quinquagénaire avant que celle-ci ne décide "de monter le son de la musique, de donner des coups de balai dans le plafond afin d'embêter ses voisins du dessus", puis de se rendre chez eux pour une première altercation.

Déjà condamné à cinq reprises pour violences, ce voisin est mis en examen pour violences aggravées pour avoir frappé l'homme ukrainien lors cette première rencontre nocturne, a relevé le parquet.

Un habitant de l'immeuble a indiqué lors de son audition qu'il avait déjà demandé l'intervention à la police les 22 et 30 juin, parce que la victime était en train de donner des coups de poing dans la porte de l'appartement de ses voisins ukrainiens.

Entendu par la police, l'ex-mari de la femme franco-russe a relaté que s'agissant de la guerre entre la Russie et l'Ukraine, elle considérait que la Russie devait "se défendre, chasser les nazis d'Ukraine et lutter contre l'OTAN".

 


Audiovisuel public: Dati dégaine le «vote bloqué» pour accélérer les débats

Brigitte Macron et Rachida Dati. (AFP)
Brigitte Macron et Rachida Dati. (AFP)
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  • Vendredi matin, à la reprise, rien n'a laissé présager que les discussions puissent s'accélérer. Un peu plus d'une demi heure après le début des débats, Mme Dati a annoncé que le gouvernement demandait au Sénat "de se prononcer par un vote unique
  • Cette procédure très rarement utilisée permet d'accélérer les débats en n'organisant qu'un seul vote, sur le texte et les amendements que le gouvernement choisit de conserver

PARIS: Fin de session chaotique au Sénat: face à l'"obstruction" de la gauche, la ministre de la Culture Rachida Dati a dégainé vendredi matin l'arme constitutionnelle du "vote bloqué" sur la réforme de l'audiovisuel public, pour tenter d'aboutir avant les congés parlementaires.

C'est une nouvelle vicissitude pour ce texte au parcours chaotique, porté à bout de bras par la ministre face à l'hostilité des syndicats, et qui pour l'essentiel prévoit de créer le 1er janvier 2026 une holding, France Médias, qui chapeauterait France Télévisions, Radio France et l'Ina (Institut national de l'audiovisuel), sous l'autorité d'un président-directeur général.

L'examen du texte a avancé à très faible allure jeudi: suspensions de séance à répétition, rappels au règlement, motions de rejet préalable, invectives en pagaille... En plus de huit heures de débats, les sénateurs ont à peine démarré l'examen de l'article premier de la proposition de loi du sénateur Laurent Lafon.

A la manoeuvre, la gauche, bien décidée à jouer la montre, alors que la session extraordinaire doit théoriquement s'achever vendredi à minuit.

Vendredi matin, à la reprise, rien n'a laissé présager que les discussions puissent s'accélérer. Un peu plus d'une demi heure après le début des débats, Mme Dati a annoncé que le gouvernement demandait au Sénat "de se prononcer par un vote unique sur l'ensemble du texte", "en application de l'article 44 alinéa 3 de la Constitution".

Cette procédure très rarement utilisée permet d'accélérer les débats en n'organisant qu'un seul vote, sur le texte et les amendements que le gouvernement choisit de conserver.

"Après plus de sept heures de débat, nous n'avons pu débattre que de 31 amendements sur ce texte. On a vu encore ce matin (...) de l'obstruction, toujours de l'obstruction et encore de l'obstruction", a-t-elle justifié. Il restait alors environ 300 amendements à débattre.

Les débats, suspendus vers 10H15, ont repris près de deux heures plus tard, et le président de séance Didier Mandelli (LR) a pris acte de la demande du gouvernement.

Débats "escamotés" 

Les orateurs de la gauche ont successivement protesté contre ce "coup de force", selon le mot de l'ancienne ministre socialiste Laurence Rossignol. "On parle de liberté de la presse. Mais commençons déjà par respecter les droits du Parlement", a-t-elle tonné, rappelant que le Sénat avait d'autres outils à sa disposition pour discipliner les discussions.

Et ce alors que les débats ont déjà été "escamotés" en première lecture à l'Assemblée le 30 juin, après le vote surprise d'un motion de rejet déposée par les écologistes, face aux bancs désertés de la coalition gouvernementale.

"C'est vous qui êtes responsables du fait que le débat ne peut pas avoir lieu. Ce n'est pas nous", leur a rétorqué le rapporteur du texte, Cédric Vial (LR).

Le président de la commission de la culture Laurent Lafon (UDI) a lui aussi défendu la décision du gouvernement, pointant une obstruction "caractérisée" destinée à "empêcher que le Sénat confirme son soutien" au texte.

Selon des sources parlementaires, la décision de déclencher le "vote bloqué" était sur la table depuis jeudi.

Mais, alors que le président du Sénat et le ministre des Relations avec le Parlement étaient enclins à laisser le débat se dérouler, "c'est bien Rachida Dati", en première ligne face à la gauche, qui "à un moment donné (...) a tranché pour tout le monde", selon un poids lourd.

Désormais, l'examen du texte devrait pouvoir "aller au bout" avant la fin de la session, selon cette source. Et revenir sans doute à l'automne à l'Assemblée, à une date indéterminée.


La session parlementaire se clôt sur un vote mouvementé de la réforme de l'audiovisuel

La ministre française de la Culture, Rachida Dati, s'exprime lors d'une séance de débat sur le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la réforme de l'audiovisuel public, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du Parlement français, à Paris, le 30 juin 2025. (AFP)
La ministre française de la Culture, Rachida Dati, s'exprime lors d'une séance de débat sur le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la réforme de l'audiovisuel public, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du Parlement français, à Paris, le 30 juin 2025. (AFP)
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  • Les sénateurs ont approuvé largement vendredi en deuxième lecture la réforme de l'audiovisuel public, au terme de débats écourtés grâce à l'arme constitutionnelle du "vote bloqué"
  • La proposition de loi de Laurent Lafon (UDI), qui pour l'essentiel prévoit de créer le 1er janvier 2026 une holding, France Médias, qui chapeauterait France Télévisions, Radio France et l'Ina (Institut national de l'audiovisuel), sous l'autorité d'un prés

PARIS: Fin de session chaotique au Parlement: les sénateurs ont approuvé largement vendredi en deuxième lecture la réforme de l'audiovisuel public, au terme de débats écourtés grâce à l'arme constitutionnelle du "vote bloqué", un choix du gouvernement vivement contesté par la gauche.

La proposition de loi de Laurent Lafon (UDI), qui pour l'essentiel prévoit de créer le 1er janvier 2026 une holding, France Médias, qui chapeauterait France Télévisions, Radio France et l'Ina (Institut national de l'audiovisuel), sous l'autorité d'un président-directeur général, était le dernier texte inscrit à l'agenda de la chambre haute.

La chambre basse avait mis fin à ses travaux jeudi.

Mais, dans une chorégraphie qui rappelait davantage les usages du Palais Bourbon, l'examen du texte a tourné court au Palais du Luxembourg: face à "l'obstruction" de la gauche, la ministre de la Culture Rachida Dati (LR) a annoncé vendredi matin que le gouvernement demandait au Sénat "de se prononcer par un vote unique sur l'ensemble du texte", "en application de l'article 44 alinéa 3 de la Constitution".

Cette procédure très rarement utilisée permet d'accélérer les débats en n'organisant qu'un seul vote, sur le texte et les amendements que le gouvernement choisit de conserver.

Les débats jeudi avaient été marqués par une particulière lenteur, entre suspensions de séance à répétition, rappels au règlement, motions de rejet préalable, invectives en pagaille... A la manœuvre, la gauche, qui craint que la réforme ne soit l'occasion d'une reprise en main politique et d'une réduction du budget de l'audiovisuel public.

- La gauche claque la porte -

Après deux heures de suspension vendredi matin, les travaux ont repris, occasion pour les groupes de gauche de protester à l'unisson contre un "coup de force" démocratique, selon le mot de l'ancienne ministre socialiste Laurence Rossignol. "On parle de liberté de la presse. Mais commençons déjà par respecter les droits du Parlement", a-t-elle tonné, rappelant que le Sénat avait d'autres outils à sa disposition pour discipliner les discussions.

Et ce alors que les débats ont déjà été "escamotés" en première lecture à l'Assemblée le 30 juin, après le vote surprise d'un motion de rejet déposée par les écologistes, face aux bancs désertés de la coalition gouvernementale.

"C'est vous qui êtes responsables du fait que le débat ne peut pas avoir lieu. Ce n'est pas nous", leur a rétorqué le rapporteur du texte, Cédric Vial (groupe LR).

Le président de la commission de la culture Laurent Lafon a lui aussi défendu la décision du gouvernement, pointant une obstruction "caractérisée" destinée à "empêcher que le Sénat confirme son soutien" au texte.

Peu après la reprise de la séance en début d'après-midi, les différents groupes de gauche ont renouvelé leurs critiques avant de quitter les lieux.

Le texte a finalement été adopté largement, par 194 voix contre 113. La version des sénateurs, compromis entre la majorité sénatoriale et le gouvernement, exclut de la holding France Médias Monde, comme le souhaitait le gouvernement, et conserve le deuxième volet du texte, sur la "souveraineté", que Mme Dati avait fait supprimer en commission à l'Assemblée.

Une victoire au forceps pour la ministre, qui défend bec et ongles la réforme depuis son entrée au gouvernement, face à l'hostilité des syndicats et à un agenda parlementaire contrarié.

- Victoire "à la Pyrrhus" ? -

Selon des sources parlementaires, la décision de déclencher le "vote bloqué" était sur la table depuis jeudi.

Mais, alors que le président du Sénat et le ministre des Relations avec le Parlement étaient enclins à laisser le débat se dérouler, "c'est bien Rachida Dati", en première ligne face à la gauche, qui "à un moment donné (...) a tranché pour tout le monde", selon un poids lourd.

Désormais, le texte devrait revenir à l'automne à l'Assemblée, à une date indéterminée. "Ce passage en force au Sénat sera une victoire à la Pyrrhus (...) Nous serons mobilisés dès la rentrée pour lui faire obstacle", a promis le député Aurélien Saintoul (LFI).

Le texte bénéficie à la chambre basse du soutien de la majorité du socle commun et de la relative bienveillance du RN, "plutôt partisan de s'abstenir" selon son vice-président Sébastien Chenu.