Dans deux cités de Marseille, «ça revit un peu» sans les dealers

À La Castellane, après trois semaines d'une opération antidrogue "XXL" qui a mobilisé en moyenne 600 policiers et gendarmes par jour, les habitants reprennent leur vie quotidienne. (Photo Nicolas Tucat AFP)
À La Castellane, après trois semaines d'une opération antidrogue "XXL" qui a mobilisé en moyenne 600 policiers et gendarmes par jour, les habitants reprennent leur vie quotidienne. (Photo Nicolas Tucat AFP)
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Publié le Mercredi 10 avril 2024

Dans deux cités de Marseille, «ça revit un peu» sans les dealers

  • A la sortie de l'école, à la Castellane, juste en dessous de cet ensemble composé de grands immeubles blancs défraichis, les parents confient leur soulagement
  • L'opération «place nette XXL» qui touche à sa fin, après avoir mobilisé en moyenne 600 gendarmes par jour dans les Bouches-du-Rhône, «va dans le bon sens», estiment des policiers: «Mais derrière il faut des condamnations»

MARSEILLE : A La Castellane, après trois semaines d'une opération anti-drogue dite «XXL», les habitants reprennent timidement possession de leur cité. Comme à la Paternelle, épicentre de la guerre entre trafiquants qui a ensanglanté Marseille en 2023. Mais la peur reste palpable et les trafics jamais loin.

A la sortie de l'école, à la Castellane, juste en dessous de cet ensemble composé de grands immeubles blancs défraichis, les parents confient leur soulagement. Mais aucun ne s'attarde et tous refusent de donner ne serait-ce qu'un prénom.

«Ils ont déblayé les charriots et palettes qui étaient sur la route, espérons que ça reste comme ça», confie cette mère de famille en abaya.

«Il n'y a plus les cris, les jeunes qui traînaient. Je me sens plus sereine, surtout pour mon fils de 10 ans. Il fait grand alors à chaque fois qu'il partait à l'école, les jeunes l'appelaient. J'avais peur qu'ils le recrutent», explique une autre, turban bordeaux, sa petite dans les bras.

Dans le square, non loin d'une fresque à l'effigie de la fierté du quartier, Zinedine Zidane, deux petits jouent. «C'est plus calme depuis trois semaines», dit leur père, refusant d'en dire plus: «les dealers, ça me regarde pas».

Devant l'alimentation, des hommes sont attablés. Interrogé sur la présence policière quasi non-stop depuis la venue ultra-médiatisée d'Emmanuel Macron le 18 mars, un trentenaire, casquette noire et barbe de la même couleur, s'énerve: «Ils sont venus faire +place nette+, mais les plus pénalisés ce sont les habitants avec des amendes pour leur voiture», lance-t-il, évoquant ces PV dressés pour défaut de contrôle technique ou d'assurance.

«Si tu vois quelqu'un qui vend du shit, faut s'éloigner, c'est tout. Il y a des choses plus gênantes ici, la saleté, les rats».

- Délocalisation et réseaux sociaux -

Une dizaine de policiers sont postés à l'entrée de cette cité. «C'est une mafia, le narcotrafic, il y en a qui mangent avec ça, donc, forcément, ils aiment bien», commente l'un.

L'opération «place nette XXL» qui touche à sa fin, après avoir mobilisé en moyenne 600 policiers et gendarmes par jour dans les Bouches-du-Rhône, «va dans le bon sens», estiment-ils: «Mais derrière il faut des condamnations».

Et ils ne sont pas dupes: les trafiquants «délocalisent, ils vont ailleurs, vendent sur les réseaux sociaux», glisse l'un d'eux.

Aucun chiffre pour l'instant sur les suites judiciaires pour les quelque 850 personnes interpellées en trois semaines dans le département. La police promet qu'elle va «maintenir l'intensité», même si elle aura aussi à gérer l'arrivée de la flamme olympique, le 8 mai, et les épreuves de voile des JO cet été.

Et la frustration est là: «Cette opération, c'est de la com’», juge un enquêteur de la police judiciaire. «Le pilonnage c'est bien, mettre du +bleu+ dehors. On le voit à la cité de la Paternelle, le calme est pour l'instant revenu. Mais il faut que ce soit non-stop. Et il faut surtout revenir aux fondamentaux, (...) remettre des commissariats dans les cités et arrêter de ne faire que de la répression», dit-il.

- La Paternelle digère ses traumas -

La Paternelle, donc: depuis janvier, soit bien avant les opérations «Place nette XXL», les quatre points de deal qui généraient au total environ 200.000 euros par jour ont disparu dans cette cité emblématique des quartiers nord.

Sur les murs orangés des petits immeubles aux toits de tuile, les «menus» de la drogue ont été effacés et seules quelques flèches avec la mention «Yoda» rappellent que c'est d'ici qu'est partie la guerre entre ce clan et la «DZ Mafia» qui a causé la majorité des 49 narchomocides à Marseille en 2023.

Onissa, habitante du quartier «depuis 24 ans», évoque le nouveau calme qu'elle ressent: «on ne se réveille plus au milieu de la nuit» mais «chacun garde ses distances». Et digère ses traumatismes. Elle n'oublie pas le visage de son fils qui «a pris un choc», en mai, lorsqu'un homme de 35 ans avait été abattu à la kalachnikov sous leurs fenêtres.

Deux retraitées se souviennent, elles, de jeunes encagoulés débarquant armés un mercredi après-midi au milieu des enfants du centre aéré qui jouaient au tir à l'arc.

«Ah qu'on est bien» maintenant, se délecte l'une, assise sur son déambulateur, prenant le soleil au pied de son immeuble, un petit espace de vie récupéré aux jeunes dealers qui faisaient flamber des palettes.

Sur la petite bande d'herbe au-dessus, elles rêvent de voir un tourniquet avec des enfants: «Ca revit un peu, des personnes âgées ressortent, mais il n'y a rien», résume l'épicier, seul commerçant de la cité.

 

 


Sorbonne: les militants pro-palestiniens dispersés par la police

Des étudiants crient des slogans et agitent la main alors qu'ils participent à un rassemblement de soutien aux Palestiniens à l'Université de la Sorbonne à Paris le 29 avril 2024. (Photo, AFP)
Des étudiants crient des slogans et agitent la main alors qu'ils participent à un rassemblement de soutien aux Palestiniens à l'Université de la Sorbonne à Paris le 29 avril 2024. (Photo, AFP)
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  • Une cinquantaine de manifestants ont été conduits à l'extérieur des locaux historiques de la Sorbonne, dans le Quartier Latin, encadrés par les forces de l'ordre
  • Selon le rectorat, une trentaine de militants s'étaient rassemblés à l'intérieur de l'université, où neuf tentes ont été installées dans la cour et trois dans le hall, et un drapeau palestinien posé au sol. Selon un manifestant

PARIS: Des militants pro-palestiniens qui s'étaient rassemblés lundi à l'intérieur (avec des tentes) et devant la Sorbonne à Paris ont été dispersés par les forces de l'ordre, quelques jours après une mobilisation pro-Gaza sous tension à Sciences Po Paris.

Une cinquantaine de manifestants ont été conduits à l'extérieur des locaux historiques de la Sorbonne, dans le Quartier Latin, encadrés par les forces de l'ordre, a constaté une journaliste de l'AFP.

"Nous étions une cinquantaine de personnes quand les forces de l'ordre sont arrivées en courant à l'intérieur de la cour. L'évacuation a été assez brutale avec une dizaine de personnes traînées au sol. Il n'y a pas eu d'interpellations", a déclaré à l'AFP Rémi, 20 ans, étudiant en troisième année d'histoire et de géographie, qui faisait partie des manifestants délogés.

La préfecture de police a évoqué une "opération, qui a duré seulement quelques minutes" et "s’est faite dans le calme, sans incident".

Le Premier ministre Gabriel Attal a "demandé que la Sorbonne soit évacuée rapidement", comme "il l'avait demandé pour Sciences Po vendredi", a fait savoir son entourage. "Il suit la situation de près, il est en lien avec la préfecture de police".

La région Ile-de-France a annoncé lundi qu'elle "suspend(ait)" ses financements à destination de Sciences Po Paris, soit un million d'euros "prévu pour 2024 dans le cadre du CPER (contrat de plan État-région)", a précisé à l'AFP l'entourage de sa présidente Valérie Pécresse.

Concernant la Sorbonne, le rectorat de Paris a précisé à l'AFP que les cours reprendront mardi, après une fermeture de l'université lundi après-midi.

"Rejoignez-nous" 

Selon le rectorat, une trentaine de militants s'étaient rassemblés à l'intérieur de l'université, où neuf tentes ont été installées dans la cour et trois dans le hall, et un drapeau palestinien posé au sol. Selon un manifestant, les tentes étaient entre 20 et 30.

"Israël assassin, Sorbonne complice!" ou "Ne nous regardez pas, rejoignez-nous!" ont scandé des manifestants devant la Sorbonne, en présence notamment des députés LFI Louis Boyard, Thomas Portes et Rodrigo Arenas.

Un groupe de huit personnes du syndicat étudiant UNI (classé à droite) a brièvement déployé des affiches à l'effigie de Jean-Luc Mélenchon et Louis Boyard où l'on pouvait lire "Wokistes, islamogauchistes, stop!".

La foule a atteint quelque 300 personnes en milieu d'après-midi, encadrées par la police. Les manifestants se sont dispersés vers 18H00, a constaté l'AFP.

"On est là suite à l'appel des étudiants de Harvard, Columbia", a déclaré à l'AFP Lorélia Fréjo, étudiante à Paris-1 et militante de l'organisation étudiante Le Poing Levé. "Après les actions à Sciences Po, on est là pour que ça continue".

Les interventions policières dans ce lieu hautement symbolique des révoltes étudiantes sont rares. Celle-ci intervient quelques jours après les tensions survenues à Sciences Po Paris autour de la mobilisation d'une partie de ses étudiants emmenés par le Comité Palestine de l'établissement.

Ceux-ci se réclament des contestations qui agitent de prestigieux campus américains, provoquant un vif débat politique outre-atlantique.

A Saint-Etienne, une quinzaine d'étudiants pro-palestiniens bloquent depuis lundi matin le campus de Sciences Po Lyon, où ont été érigées des barrières de poubelles et une bannière "Stop au génocide à Gaza", a constaté l'AFP.

Appels à intensifier la mobilisation

Accusée par l'exécutif et les oppositions de droite de souffler sur les braises de la contestation, LFI a souhaité lundi que les mobilisations pour Gaza "prennent de l'ampleur" dans les universités et ailleurs.

Le syndicat lycéen USL a appelé les lycéens à la "mobilisation dans les établissements pour un cessez-le-feu dans la bande de Gaza, la reconnaissance de l'Etat palestinien et l'arrêt de la colonisation".

Ce week-end, des syndicats d'étudiants, comme l'Unef ou l'Union étudiante, avaient appelé à "intensifier dès lundi la mobilisation sur les lieux d'études".

Les organisations de jeunesse favorables à la mobilisation pro-palestinienne se heurtent à la volonté du gouvernement de veiller à ce que le mouvement parti des Etats-Unis ne se propage à la France, alors que l'année universitaire touche à sa fin.

 


Projet de livre avec Bardella: le journaliste Achilli licencié par Radio France

Jordan Bardella, président du Rassemblement National (RN) et leader de la liste électorale, lors d'un rassemblement de campagne pour les prochaines élections européennes à Montbéliard, dans l'est de la France, le 22 mars 2024. (Photo, AFP)
Jordan Bardella, président du Rassemblement National (RN) et leader de la liste électorale, lors d'un rassemblement de campagne pour les prochaines élections européennes à Montbéliard, dans l'est de la France, le 22 mars 2024. (Photo, AFP)
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  • Le journaliste de 61 ans est «licencié pour faute grave, pour cause de manquements répétés aux obligations déontologiques relatives aux collaborations extérieures »
  • « J'ai échangé avec Jordan Bardella comme je le fais avec tous les responsables politiques depuis 25 ans. Nous avons parlé, à sa demande, de ce que pourrait être son expression pour un livre d'entretiens. J'ai refusé le projet », avait affirmé M. Achilli

PARIS: Accusé d'avoir participé à l'écriture de l'autobiographie du président du RN Jordan Bardella, le journaliste politique Jean-François Achilli a été licencié par Radio France pour "des manquements répétés" à la déontologie, ce qui a suscité lundi de vives réactions à droite et à l'extrême droite.

Le journaliste de 61 ans est "licencié pour faute grave, pour cause de manquements répétés aux obligations déontologiques relatives aux collaborations extérieures", a indiqué à l'AFP une source interne au groupe public, confirmant une information du Point.

M. Achilli avait été suspendu à titre conservatoire le 14 mars par sa radio franceinfo, au lendemain d'un article du Monde le mettant en cause.

Il avait alors dénoncé la "brutalité" de cette "mesure injustifiée", sur le réseau social X, en assurant n'avoir "enfreint aucune règle professionnelle ou déontologique".

"J'ai échangé avec Jordan Bardella comme je le fais avec tous les responsables politiques depuis 25 ans. Nous avons parlé, à sa demande, de ce que pourrait être son expression pour un livre d'entretiens. J'ai refusé le projet", avait affirmé M. Achilli.

L'article du Monde assurait que Jordan Bardella l'avait démarché avant l'été 2023 "pour un ouvrage commun".

Selon le quotidien, M. Achilli, qui interviewait quotidiennement une personnalité politique en fin d'après-midi et coprésentait le talk-show d'actualité Les informés en soirée, avait refusé.

Mais toujours selon Le Monde, l'éditorialiste avait "néanmoins travaillé dans l'ombre, accouchant Bardella de ses souvenirs, permettant ainsi à un début de texte de voir le jour".

La tête de liste du Rassemblement national aux élections européennes avait toutefois assuré au quotidien que "seul (son) entourage proche (l)'aide à écrire ce livre, pour la relecture". La parution du livre est prévue pour après les élections de juin.

"Aucun contrat n'a été formalisé", a assuré mi-avril Jordan Bardella au JDD, faisant part de son "respect" pour le journaliste. Et d'ajouter: "si je commençais à révéler toutes les discussions privées que j'ai eues avec de nombreux journalistes, y compris ceux du service public, je pense que cela entraînerait des conséquences sévères pour beaucoup".

"Charlots" 

Mi-mars, la direction de Radio France a cependant découvert près de neuf mois d'échanges approfondis avec M. Achilli, avec des retours sur un texte, selon une source proche.

Or tout projet de collaboration extérieure, rémunéré ou non, doit faire l'objet d'une information à la hiérarchie, selon les règles internes. Il s'agit d'identifier s'il y a ou non conflit d'intérêts.

Le journaliste n'a pas effectué la démarche d'information de ses supérieurs, qui ont aussi eu connaissance à cette occasion d'autres "manquements" comme du "mediatraining" (de l'entraînement à la communication) non déclaré, d'après la même source proche.

M. Achilli n'était pas joignable dans l'immédiat. Le présentateur, qui a eu une longue carrière sur plusieurs antennes de Radio France, est aussi passé par RMC et BFMTV.

A l'annonce de ce licenciement, les réactions politiques n'ont pas tardé, en pleine campagne avant le scrutin du 9 juin.

"Le service public de l'audiovisuel se déshonore, on est loin de +je suis Charlie+! Ce sont plutôt des charlots et avec l'argent des Français!", s'est insurgé sur X Sébastien Chenu, vice-président du RN.

Ce licenciement est "scandaleux", a protesté le président des Républicains Eric Ciotti.

Ces derniers mois, Radio France a été secouée par d'autres affaires de collaborations extérieures. En mai 2023, Frédéric Beniada, spécialiste de l'aéronautique à franceinfo, avait lui aussi été licencié pour faute grave.

Il s'était défendu en assurant qu'il avait certes animé des débats professionnels du secteur de l'aéronautique, mais de façon bénévole.

Cette sanction, ainsi que d'autres mises à pied, faisaient suite à une enquête du média spécialisé La lettre A (devenu La lettre) mettant en cause cinq journalistes de franceinfo.

Selon cette enquête, ils avaient cumulé leurs fonctions avec des prestations d'animation pour des entreprises.

Dans la foulée de cette enquête, la présidente de Radio France Sibyle Veil, avait annoncé un durcissement des règles de déontologie du groupe concernant les collaborations extérieures pour lesquelles des journalistes se font payer (appelées "ménages").

 

 


Arnaud Lagardère, héritier déchu d'un empire français

Arnaud Lagardère, PDG du groupe Lagardère (Photo, AFP).
Arnaud Lagardère, PDG du groupe Lagardère (Photo, AFP).
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  • Il s'agit du dernier épisode du long feuilleton qui a vu Arnaud Lagardère, 63 ans, perdre son aura et solder au fil des années le groupe fondé en 1992 par son père Jean-Luc,
  • A travers le géant des médias Vivendi, la famille Bolloré avait ainsi finalisé fin 2023 sa prise de contrôle de la maison Lagardère

PARIS: La chute continue. Arnaud Lagardère, entendu lundi par une juge d'instruction sur des soupçons d'abus de biens sociaux, est l'héritier d'un empire aéronautique et médiatique français dont il a progressivement perdu le contrôle.

Il s'agit du dernier épisode du long feuilleton qui a vu Arnaud Lagardère, 63 ans, perdre son aura et solder au fil des années le groupe fondé en 1992 par son père Jean-Luc, artisan de la fusion entre l'avionneur Matra et l'éditeur Hachette.

A travers le géant des médias Vivendi, la famille Bolloré avait ainsi finalisé fin 2023 sa prise de contrôle de la maison Lagardère, propriétaire notamment d'un réseau profitable de boutiques dans les gares et aéroports (enseignes Relay, magasins Duty Free) et de salles de spectacle célèbres (Casino de Paris, Folies Bergère...), mais aussi de médias comme Europe 1 et le Journal du dimanche.

Le milliardaire Bernard Arnault compte pour sa part lui ravir Paris Match, son groupe LVMH ayant annoncé en février être entré en négociations exclusives pour racheter le magazine people.

Ce découpage a été rendu possible par le changement de statut juridique de l'entreprise, qui est passée en 2021 d'une commandite par action à une société anonyme, faisant perdre à Arnaud Lagardère son contrôle absolu sur elle.

Criblé de dettes, notamment via sa holding personnelle, au coeur d'une enquête ouverte par le parquet national financier, le fils Lagardère n'avait pas vraiment le choix.

Il obtient alors tout de même de rester officiellement à la tête du groupe avec un mandat de 6 ans et devient même en novembre 2023 le PDG de Hachette Livre, sa filiale spécialisée dans l'édition.

«Marguerite»

"Arnaud Lagardère a reçu une marguerite dont il a arraché les pétales année après année", tacle Yves Sabouret, un de ses ex-lieutenants.

Fossoyeur des ambitions de son père, Arnaud Lagardère a pourtant fait toute sa carrière au sein du groupe familial dans lequel il est entré dès 1986, après l'obtention de son diplôme d'économie.

Trois ans plus tard, il est propulsé directeur général, puis part aux États-Unis, à la tête de l'éditeur d'encyclopédie Grolier récemment acquis, pour chercher des relais de croissance dans les médias numériques.

Il gagne outre-Atlantique ses galons de dirigeant, adoptant "la culture managériale américaine aux rapports très directs, parfois brutaux", analyse le journaliste Thierry Gadault, auteur de l'ouvrage "Arnaud Lagardère, l'insolent" (Maren Sell), interrogé par l'AFP.

Lorsque Jean-Luc Lagardère décède brutalement des suites d'une intervention chirurgicale le 14 mars 2003, son fils unique lui succède.

Dilettante 

Souvent ramené à sa condition d'enfant bien né, le nouveau dirigeant rompt avec l'aventure paternelle dans l'aéronautique et la défense, en vendant pour plus de 2 milliards d'euros les parts du groupe dans EADS, la maison mère d'Airbus.

"Arnaud s'est toujours méfié de ce monde-là", du fait de liens troubles entre l'establishment politique et les industries de défense, justifie M. Gadault. Il gère en revanche son groupe "exactement comme le faisait son père" et "considère qu'il n'a pas à s'immiscer dans le quotidien de la gestion des patrons d'activités, en qui il place sa confiance".

D'autres voient dans cet éloignement des affaires quotidiennes le signe d'un patron dilettante et désinvolte, une réputation qui lui colle encore à la peau.

Arnaud Lagardère adopte aussi le style de l'entrepreneur moderne en s'affichant décontracté avec son épouse, la top-modèle Jade Foret de 30 ans sa cadette, sur les réseaux sociaux et dans un film en 2011 pour un magazine belge, où le couple se mettait en scène dans un registre intime, s'attirant au passage quelques critiques.

"On ne m'y reprendra plus", avait dit par la suite au quotidien Les Échos le dirigeant au sourire enjôleur, assurant "vivre avec et pour (son) groupe depuis (sa) plus tendre enfance".

Son aventure personnelle, ce passionné de tennis la voit dans le sport business (droits marketing, représentation d'athlètes, droits TV), une activité pour laquelle il investit plus d'un milliard d'euros.

Las, le chiffre d'affaires ne décolle pas, la crise de 2008 pousse les clubs et fédérations à gérer eux-mêmes leurs droits et la résiliation prématurée d'un contrat d'agence avec la Confédération africaine de football sonne le glas de cette diversification.

Le groupe se désengage également des médias (une participation dans Canal+, les magazines Elle ou Marie Claire, des sites comme Doctissimo, des studios de production).

"Arnaud Lagardère a réussi à se fâcher avec tout le monde. Tant mieux s'il se révèle en tant que PDG, mais il ne sera pas là jusqu'en 2026", avait prédit l'un de ses actionnaires.