Relancer Gucci: le chantier prioritaire et impératif de Kering

L'homme d'affaires français Francois-Henri Pinault au match de demi-finale de la Coupe de France entre le Paris Saint-Germain (PSG) et le Stade Rennais FC au stade du Parc des Princes à Paris, le 3 avril 2024. (Photo Franck Fife AFP)
L'homme d'affaires français Francois-Henri Pinault au match de demi-finale de la Coupe de France entre le Paris Saint-Germain (PSG) et le Stade Rennais FC au stade du Parc des Princes à Paris, le 3 avril 2024. (Photo Franck Fife AFP)
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Publié le Jeudi 11 avril 2024

Relancer Gucci: le chantier prioritaire et impératif de Kering

  • Les ventes de la célèbre marque italienne Gucci sont aujourd'hui résolument en recul, dans un marché mondial du luxe qui ralentit
  • Le marché asiatique du luxe n'a pas retrouvé sa vigueur d'avant-Covid, et la clientèle aspirationnelle est touchée par l'inflation

PARIS : Gucci aura longtemps été la locomotive du groupe de luxe Kering. Mais les ventes de la célèbre marque italienne sont aujourd'hui résolument en recul, dans un marché mondial du luxe qui ralentit. Et Kering n'a guère d'autre solution que de la relancer en montant en gamme.

«Un groupe qui est dépendant à ce point d'une maison, c'est quelque chose de dangereux», explique à l'AFP Eric Briones, auteur de «Luxe et digital» (ed. Dunod).

La marque italienne, connue notamment pour ses sacs et ceintures en python, représente 50% du chiffre d'affaires du groupe dirigé par François-Henri Pinault et les deux tiers de la rentabilité opérationnelle.

Mais le premier trimestre 2024 s'annonce en baisse, avec des ventes pour Gucci qui devraient «être en retrait de près de 20%», a prévenu Kering en mars, et un repli attendu «de l'ordre de 10%» pour tout le groupe.

Chez le grand concurrent LVMH, «il y a deux moteurs qui sont Dior et Vuitton», ajoute M. Briones. «Mais clairement la feuille de route donnée pour Michael Burke (PDG du LVMH Fashion Group, pôle fédérant des marques comme Céline, Givenchy, Loewe, Kenzo...), c'est d'ici cinq ans d'avoir cinq maisons moteurs», souligne-t-il.

Autre exemple, «l'obsession» du concurrent italien Prada est «de faire grandir Miu Miu», l'une de ses marques.

Gucci est très dépendante d'une clientèle asiatique et «aspirationnelle», c'est-à-dire plus jeune et moins fortunée, et adepte des produits «tendance». Or, le marché asiatique du luxe n'a pas retrouvé sa vigueur d'avant-Covid, et la clientèle aspirationnelle est touchée par l'inflation.

En 2019, quelques mois avant la pandémie de Covid-19, Gucci a entamé une stratégie de «montée en gamme», développant «des segments plus sophistiqués, plus haut de gamme, avec une clientèle qui a un pouvoir d'achat plus élevé», selon son PDG François-Henri Pinault.

- «De quoi faire avec Jackie Kennedy»-

«La stratégie dite d'élévation, en théorie, c'est la bonne», commente auprès de l'AFP Julie El Ghouzzi, auteure du «Manuel du Luxe» (Presses universitaires de France).

La mode est dans le temps fugace, le luxe est plus intemporel. «Gucci initialement a un modèle économique plus proche de celui de la mode, il faut se renouveler plus rapidement. De ce fait, l'amour ou le désamour pour la marque, lui-même, est cyclique», explique-t-elle.

L'élévation, «c'est la capacité d'avoir des pièces iconiques, intemporelles, à nourrir avec des paillettes de mode», selon la spécialiste.

Prendre ce virage pour Kering, «cela veut dire aussi remettre en question un positionnement mode qui a été extrêmement fort et bénéfique pour Gucci», à l'époque Michele: en effet, grâce aux collections originales du créateur Alessandro Michele (parti en 2022), le chiffre d'affaires de Gucci est passé de 3,9 milliards d'euros en 2015 à 10,5 milliards en 2022.

«Il y a un énorme travail de narration à faire sur les pièces iconiques: il ne faut pas starifier le directeur artistique mais les produits», analyse Julie El Ghouzzi.

«On dit +j'ai acheté un Kelly+ (sac iconique de Hermès). On ne sait pas qui l'a fait, on achète l'icône, l'histoire qui l'accompagne: c'est Grace Kelly qui a caché son ventre avec le sac quand elle était enceinte», raconte-t-elle.

«Il y a de quoi faire avec Jackie Kennedy!», allusion au sac «Jackie» de Gucci popularisé par Jacqueline Kennedy, souligne Julie El Ghouzzi.

En parallèle, Kering a aussi revu la gouvernance de Gucci en nommant l'un des collaborateurs les plus proches de François-Henri Pinault, Jean-François Palus, à la tête de la marque et autour duquel depuis quelques mois se forme une nouvelle équipe.

Jeudi, Gucci a annoncé la nomination d'un directeur général adjoint de l'entreprise, Stefano Cantino, venu de chez le concurrent Louis Vuitton et qui sera chargé de «définir et mettre en œuvre la stratégie de la marque».

«On n'avait pas en place, à des positions clés de l'entreprise, suffisamment d'expertise et de talents», avait expliqué en février François-Henri Pinault soulignant que le luxe exige des expertises «très fortes» dans la vente, le merchandising ou l'approvisionnement.


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".


La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, alerte le Secours populaire

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
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  • "La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire
  • "La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg

PARIS: La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, touchant tous les aspects de la vie des plus fragiles, alerte jeudi le Secours Populaire, qui publie un baromètre témoignant de cette situation jugée préoccupante.

"La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire.

L'association publie un baromètre qui indique qu'un tiers des Français (31%) rencontrent des difficultés financières pour se procurer une alimentation saine permettant de faire trois repas par jour. De même 39% ont du mal à payer leurs dépenses d'électricité et 49% à partir en vacances au moins une fois par an, selon ce sondage réalisé par l'Institut Ipsos, auprès d'un échantillon de 1.000 personnes, représentatif de la population nationale âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas.

"La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg.

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier.

Malgré un "léger mieux" constaté sur certains indicateurs lié au "ralentissement de l'inflation", ce baromètre révèle "une situation sociale toujours très préoccupante", selon le Secours populaire.

En début de semaine, la déléguée interministérielle à la prévention et la lutte contre la pauvreté, Anne Rubinstein, a évoqué des "difficultés" rencontrées par l'Etat pour résorber un taux de pauvreté qui a atteint un niveau record en 2023 en France métropolitaine.

Face à cette situation, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) a appelé mardi à une "mobilisation collective" pour "débloquer la lutte contre la précarité".

Au niveau européen, 28% de la population déclare se trouver en situation précaire, également selon ce baromètre du Secours Populaire, qui s'appuie aussi sur des échantillons de 1.000 personnes représentatifs de neuf autres pays (Allemagne, Grèce, Italie, Pologne, Royaume-Uni, Moldavie, Portugal, Roumanie, Serbie).

La part des personnes se considérant comme précaires demeure à un niveau "très alarmant" en Grèce (46%) et en Moldavie (45%), pointe le baromètre.

En 2024, le Secours populaire a soutenu 3,7 millions de personnes en France. L'association fournit notamment de l'aide alimentaire et organise des activités pour différents publics pour rompre l'isolement.


Face à l'explosion des dépenses militaires, l'ONU appelle à «repenser les priorités»

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé mardi le monde à "repenser les priorités" en redirigeant une partie des dépenses militaires record vers le développement de l'humanité et la lutte contre la pauvreté. (AFP)
Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé mardi le monde à "repenser les priorités" en redirigeant une partie des dépenses militaires record vers le développement de l'humanité et la lutte contre la pauvreté. (AFP)
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  • "Aujourd'hui, nous publions un rapport qui révèle une réalité saisissante: le monde dépense bien plus à faire la guerre qu'à construire la paix", a-t-il déclaré Antonio Guterres
  • Selon l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), les dépenses militaires mondiales ont atteint en 2024 près de 2.700 milliards de dollars, en hausse de plus de 9% sur un an

NATIONS-UNIES: Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé mardi le monde à "repenser les priorités" en redirigeant une partie des dépenses militaires record vers le développement de l'humanité et la lutte contre la pauvreté.

"Aujourd'hui, nous publions un rapport qui révèle une réalité saisissante: le monde dépense bien plus à faire la guerre qu'à construire la paix", a-t-il déclaré Antonio Guterres.

Selon l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), les dépenses militaires mondiales ont atteint en 2024 près de 2.700 milliards de dollars, en hausse de plus de 9% sur un an.

C'est "l'équivalent de 334 dollars par habitant de la planète", "près de 13 fois le montant de l'aide publique au développement des pays les plus riches et 750 fois le budget ordinaire de l'ONU", a noté Antonio Guterres.

Et en parallèle, la majorité des Objectifs de développement durables (ODD) visant à améliorer le sort de l'humanité d'ici 2030 (éradication de l'extrême pauvreté, égalité hommes-femmes, éducation...) ne sont pas sur la bonne voie.

Pourtant, mettre un terme à la faim dans le monde d'ici 2030 nécessiterait seulement 93 milliards de dollars par an, soit 4% des dépenses militaires de 2024, et faire en sorte que chaque enfant soit totalement vacciné coûterait entre 100 et 285 milliards par an, note le rapport demandé par les Etats membres.

Au total, l'ONU estime aujourd'hui à 4.000 milliards de dollars les investissements supplémentaires nécessaires chaque année pour atteindre l'ensemble des ODD, un montant qui pourrait grimper à 6.400 milliards dans les prochaines années.

Alors le secrétaire général de l'ONU a lancé un "appel à l'action, un appel à repenser les priorités, un appel à rééquilibrer les investissements mondiaux vers la sécurité dont le monde a vraiment besoin".

"Des dépenses militaires excessives ne garantissent pas la paix, souvent elles la sapent, encourageant la course aux armements, renforçant la méfiance et détournant des ressources de ce qui représentent les bases de la stabilité", a-t-il ajouté. "Un monde plus sûr commence par investir au moins autant pour lutter contre la pauvreté que nous le faisons pour faire la guerre".

"Rediriger même une fraction des dépenses militaires actuelles pourraient combler des écarts vitaux, envoyer des enfants à l'école, renforcer les soins de santé de base, développer les énergies propres et des infrastructures résistantes, et protéger les plus vulnérables", a-t-il plaidé.