Soudan: à Paris, la communauté internationale s'engage à apporter plus de 2 milliards d'euros

La ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock (à gauche), et le ministre français des Affaires étrangères et européennes, Stéphane Sejourne, participent à la conférence internationale sur le Soudan, à Paris, le 15 avril 2024, un an exactement après que la guerre a éclaté entre l'armée soudanaise et les forces paramilitaires de soutien rapide dans ce pays d'Afrique du Nord-Est, provoquant une crise humanitaire et politique. (Photo Bertrand Guay AFP)
La ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock (à gauche), et le ministre français des Affaires étrangères et européennes, Stéphane Sejourne, participent à la conférence internationale sur le Soudan, à Paris, le 15 avril 2024, un an exactement après que la guerre a éclaté entre l'armée soudanaise et les forces paramilitaires de soutien rapide dans ce pays d'Afrique du Nord-Est, provoquant une crise humanitaire et politique. (Photo Bertrand Guay AFP)
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Publié le Mardi 16 avril 2024

Soudan: à Paris, la communauté internationale s'engage à apporter plus de 2 milliards d'euros

  • Dès l'ouverture de la réunion, co-présidée par la France, l'Allemagne et l'Union européenne, plus de 840 millions ont été annoncés dont 110 millions par Paris, 244 par Berlin, 350 par Bruxelles et 138 par Washington
  • Il y a urgence à agir alors que le Soudan «s'effondre», a souligné pour sa part le commissaire européen à l'aide humanitaire Janez Lenarcic, pointant le risque de déstabilisation de toute la Corne de l'Afrique

PARIS : Une conférence humanitaire sur le Soudan s'est ouverte lundi à Paris avec la volonté de «briser le silence» entourant la guerre «oubliée» qui se déroule depuis tout juste un an dans ce pays d'Afrique, de récolter plus d'un milliard d'euros de dons et de coordonner les médiations pour mettre fin au conflit.

«Depuis un an, les Soudanais sont victimes d'une guerre terrible (...) qui ne produit que chaos et souffrance», a déploré le ministre français des Affaires étrangères Stéphane Séjourné. «Les Soudanais sont aussi victimes de l'oubli et de l'indifférence», a-t-il poursuivi.

«C'est le sens de nos réunions d'aujourd'hui : briser le silence qui entoure ce conflit et mobiliser la communauté internationale», a également déclaré le chef de la diplomatie française.

Dès l'ouverture de la réunion, co-présidée par la France, l'Allemagne et l'Union européenne, plus de 840 millions ont été annoncés dont 110 millions par Paris, 244 par Berlin, 350 par Bruxelles et 138 par Washington.

La conférence se décline en trois volets: un volet politique avec la participation essentiellement d'ambassadeurs et ministres des Affaires étrangères (Sud Soudan, Djibouti, Kenya, Tchad entre autres), un volet humanitaire pour récolter les dons et une réunion d'une quarantaine de membres de la société civile soudanaise.

La ministre allemande Annalena Baerbock a relevé que cette conférence se tenait alors que les yeux restent rivés sur la situation au Proche Orient après l'attaque de l'Iran contre Israël survenue samedi soir.

Pour autant, la communauté internationale ne doit pas se détourner de la guerre au Soudan qui a provoqué une crise humanitaire catastrophique, a-t-elle souligné, évoquant la «souffrance indicible» et le sentiment d'abandon des Soudanais, victimes de la guerre que se mènent «deux généraux impitoyables».

Les multiples initiatives de médiation sont restées sans effet, a-t-elle poursuivi, appelant «à œuvrer à une meilleure coordination» et exhortant la communauté internationale à «agir de concert pour amener les belligérants à la table de négociation et parvenir à un cessez-le-feu».

«Seule la pression internationale» pourra pousser les belligérants à négocier, a renchéri le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell.

Et il y a urgence à agir alors que le Soudan «s'effondre», a souligné pour sa part le commissaire européen à l'aide humanitaire Janez Lenarcic, pointant le risque de déstabilisation de toute la Corne de l'Afrique, la guerre ayant poussé de nombreux Soudanais à se déplacer.

Plus de 3,4 millions de personnes ont ainsi un besoin «urgent» d'une réponse humanitaire au Tchad, selon Action contre la faim (ACF), conséquence de l'afflux massif de réfugiés fuyant la guerre au Soudan.

La guerre au Soudan a éclaté le 15 avril 2023 entre les forces loyales au chef de l'armée Abdel Fattah al-Burhane et celles de Mohamed Hamdane Daglo, son ancien adjoint et commandant des forces paramilitaires de soutien rapide.

«Les civils souffrent de famine, de violences sexuelles massives, de massacres ethniques à grande échelle et d'exécutions. (...) Pourtant le monde continue de regarder ailleurs», se désespère Will Carter, le directeur au Soudan du Norwegian Refugee Council.

- L'espoir d'un «réveil» international -

«Aujourd'hui marque un tournant dans la honte pour les parties belligérantes au Soudan, ainsi que pour la communauté internationale qui a laissé cette catastrophe s'aggraver», poursuit Will Carter dans un communiqué.

Alors que 25 millions de personnes, soit la moitié de la population du pays, ont besoin d'aide, Jean Stowell, chef de mission de Médecins sans frontières au Soudan, dénonce pour sa part «un vide humanitaire extrêmement inquiétant».

«En plus des décès liés à la violence, nous voyons des enfants qui meurent à cause de la malnutrition et du manque de vaccins, des femmes qui souffrent de complications après des accouchements dangereux», énumère-t-il dans un communiqué.

«L'an dernier l'appel humanitaire des Nations unies n'a été financé qu'à moitié. Cette année, 5%» seulement sur les 3,8 milliards d'euros demandés, pointe le Quai d'Orsay. «Nous n'avons pas la prétention de les atteindre à Paris mais avons bon espoir que la communauté internationale se réveille».

Directrice adjointe de la division Afrique de l'ONG Human Rights Watch, Laetitia Bader appelle, elle, à «un message très dur» et des sanctions internationales contre les belligérants, qui ont «empêché la réponse humanitaire», «pillé massivement l'aide» et planifié des «tueries d'humanitaires», en plus des nombreuses exactions contre les civils.

-plus de 2 milliards d'euros de financements-

Au final, la communauté internationale, réunie lundi à Paris, s'engage à apporter plus de 2 milliards d'euros de financements pour le Soudan, appelant «tous les acteurs étrangers» à cesser leur soutien armé aux belligérants d'un conflit qui sévit depuis un an dans ce pays.

«Au total, nous pouvons annoncer que plus de 2 milliards d'euros seront mobilisés» pour les Soudanais victimes d'une guerre qui «ne produit que chagrin et souffrance», a déclaré le président français Emmanuel Macron. A peine 190 millions d'engagements avaient été enregistrés avant la conférence, a-t-il dit.

Sur les 2 milliards, les pays membres de l'Union européenne participeront à hauteur de 900 millions d'euros dont 110 millions pour Paris, 244 par Berlin, ou 350 par Bruxelles. Washington s'engage de son côté à donner 138 millions d'euros.

«Ce soutien (...) va permettre de répondre aux besoins les plus urgents dans les secteurs de la sécurité alimentaire et nutritionnels, de la santé, de l'eau, de l'assainissement, de l'éducation, de la protection des plus vulnérables», a précisé Emmanuel Macron.

Les Nations unies avaient toutefois estimé le montant nécessaire de l'aide au Soudan à 3,8 milliards de dollars pour 2024.

Quatorze pays, dont l'Allemagne, la France, les Etats-Unis, l'Arabie Saoudite, Djibouti, le Tchad, ainsi que l'ONU ont également adopté une déclaration commune dans laquelle ils appellent «tous les acteurs étrangers» à «cesser d'apporter un soutien armé ou du matériel aux parties au conflit».

La communauté internationale se doit de réagir pour apaiser la «souffrance indicible» et le sentiment d'abandon des Soudanais, victimes de la guerre que se mènent «deux généraux impitoyables», a estimé son homologue allemande Annalena Baerbock.

Les multiples initiatives de médiation sont restées sans effet, a-t-elle poursuivi, appelant «à œuvrer à une meilleure coordination» et à «agir de concert pour amener les belligérants à la table de négociation et parvenir à un cessez-le-feu».

- 'Crimes contre l'humanité' -

Depuis les Nations unies, le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a évoqué de probables «crimes de guerre» et «crimes contre l'humanité» commises par les deux parties.

La guerre avait éclaté le 15 avril 2023 entre les forces loyales au chef de l'armée Abdel Fattah al-Burhane et celles de Mohamed Hamdane Daglo, son ancien adjoint et commandant des forces paramilitaires de soutien rapide.

«Seule la pression internationale» poussera les belligérants à négocier, a renchéri le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell.

«Au-delà du financement, il faut mettre de la pression pour qu'il y ait un cessez-le-feu immédiat parce que si l'on continue comme ça, dans un an, le Soudan risque de se désintégrer», a alerté le chef de la diplomatie tchadienne Mahamat Saleh Annadif.

Et le risque est de déstabiliser toute la Corne de l'Afrique, la guerre ayant poussé de nombreux Soudanais à se réfugier dans les pays voisins.

Plus de 3,4 millions de personnes ont ainsi un besoin «urgent» d'une réponse humanitaire au Tchad, selon Action contre la faim (ACF).

La crise alimentaire au Soudan pourrait être «la plus grande jamais connue», a averti la directrice exécutive du Programme alimentaire mondial (PAM), Cindy McCain lors d'un entretien avec l'AFP.

Outre la famine, les civils sont victimes de «violences sexuelles massives, de massacres ethniques à grande échelle et d'exécutions», a déploré Will Carter, le directeur au Soudan du Norwegian Refugee Council.

- Sanctions -

Le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, Volker Türk, a, lui, mis en garde, contre une nouvelle escalade de la violence alors que les parties au conflit arment les civils et que davantage de groupes armés se joignent aux combats.

«Le recrutement et l'utilisation d'enfants par les parties au conflit sont également très préoccupants», a-t-il également déclaré.

Alors que 25 millions de personnes, soit la moitié de la population soudanaise, ont besoin d'aide, Jean Stowell, chef de mission de Médecins sans frontières au Soudan, dénonce pour sa part «un vide humanitaire extrêmement inquiétant».

Directrice adjointe de la division Afrique de l'ONG Human Rights Watch, Laetitia Bader appelle, elle, à des sanctions contre les belligérants, qui ont «empêché la réponse humanitaire», «pillé massivement l'aide» et planifié des «tueries d'humanitaires», en plus des nombreuses exactions contre les civils.

Lundi, le Royaume-Uni a annoncé de nouvelles sanctions visant des entreprises qui soutiennent les belligérants.

 

 


Les ministres du Groupe E3 condamnent les frappes israéliennes à Doha

Cette photo satellite obtenue le 10 septembre auprès de Planet Labs PBC et datée du 24 janvier 2025 montre le complexe qui abritait les membres du bureau politique du groupe militant palestinien Hamas et qui a été pris pour cible par une frappe israélienne le 9 septembre, dans la capitale du Qatar, Doha. (AFP)
Cette photo satellite obtenue le 10 septembre auprès de Planet Labs PBC et datée du 24 janvier 2025 montre le complexe qui abritait les membres du bureau politique du groupe militant palestinien Hamas et qui a été pris pour cible par une frappe israélienne le 9 septembre, dans la capitale du Qatar, Doha. (AFP)
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  • Selon eux, cette action militaire compromet également les négociations en cours visant à la libération des otages encore détenus et à la conclusion d’un accord de cessez-le-feu à Gaza
  • Les trois pays européens ont exprimé leur solidarité avec le Qatar, soulignant son rôle clé dans la médiation menée avec l’Égypte et les États-Unis entre Israël et le Hamas

PARIS: Les ministres des Affaires étrangères de l’Allemagne, de la France et du Royaume-Uni ont condamné, dans une déclaration conjointe, les frappes israéliennes ayant visé Doha le 9 septembre. Ils estiment que ces attaques constituent une violation de la souveraineté du Qatar et représentent un risque d’escalade supplémentaire dans la région.

Selon eux, cette action militaire compromet également les négociations en cours visant à la libération des otages encore détenus et à la conclusion d’un accord de cessez-le-feu à Gaza. « Nous appelons toutes les parties à intensifier leurs efforts pour parvenir à un cessez-le-feu immédiat », ont-ils insisté.

Les trois pays européens ont exprimé leur solidarité avec le Qatar, soulignant son rôle clé dans la médiation menée avec l’Égypte et les États-Unis entre Israël et le Hamas. Ils appellent les parties à « faire preuve de retenue » et à saisir l’opportunité de rétablir la paix.

Les ministres ont réaffirmé que la priorité devait rester la mise en place d’un cessez-le-feu permanent, la libération des otages et l’acheminement massif d’aide humanitaire à Gaza pour enrayer la famine. Ils demandent l’arrêt immédiat des opérations militaires israéliennes dans la ville de Gaza, dénonçant les déplacements massifs de civils, les pertes humaines et la destruction d’infrastructures vitales.

Ils exhortent par ailleurs à garantir aux Nations unies et aux ONG humanitaires un accès sûr et sans entrave à l’ensemble de la bande de Gaza, y compris dans le Nord.

Enfin, le Groupe E3 a rappelé sa condamnation « sans équivoque » des crimes commis par le Hamas, qualifié de mouvement terroriste, qui doit, selon eux, « libérer immédiatement et sans condition les otages, être désarmé et écarté définitivement de la gouvernance de la bande de Gaza ».


L’ONU adopte une résolution franco-saoudienne pour la paix israélo-palestinienne sans le Hamas

L'ancienne ministre allemande des Affaires étrangères et présidente de la 80e session de l'Assemblée générale des Nations Unies, Annalena Baerbock, s'exprime lors d'une réunion de l'Assemblée générale pour voter sur la solution de deux États à la question palestinienne au siège des Nations Unies (ONU), le 12 septembre 2025 à New York. (AFP)
L'ancienne ministre allemande des Affaires étrangères et présidente de la 80e session de l'Assemblée générale des Nations Unies, Annalena Baerbock, s'exprime lors d'une réunion de l'Assemblée générale pour voter sur la solution de deux États à la question palestinienne au siège des Nations Unies (ONU), le 12 septembre 2025 à New York. (AFP)
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  • Résolution adoptée par 142 voix pour, 10 contre — dont Israël et les États-Unis
  • Le vote précède un sommet de haut niveau co-présidé par Riyad et Paris le 22 septembre

​​​​​​NEW YORK : L’Assemblée générale des Nations unies a voté massivement vendredi en faveur de l’adoption de la « Déclaration de New York », une résolution visant à relancer la solution à deux États entre Israël et la Palestine, sans impliquer le Hamas.

Le texte a été approuvé par 142 pays, contre 10 votes négatifs — dont Israël et les États-Unis — et 12 abstentions. Il condamne fermement les attaques du Hamas du 7 octobre 2023, exige le désarmement du groupe, la libération de tous les otages, et appelle à une action internationale collective pour mettre fin à la guerre à Gaza.

Intitulée officiellement « Déclaration de New York sur le règlement pacifique de la question de Palestine et la mise en œuvre de la solution à deux États », la résolution a été présentée conjointement par l’Arabie saoudite et la France, avec le soutien préalable de la Ligue arabe et de 17 États membres de l’ONU.

Le texte souligne la nécessité de mettre fin à l’autorité du Hamas à Gaza, avec un transfert des armes à l’Autorité palestinienne, sous supervision internationale, dans le cadre d’une feuille de route vers une paix durable. Celle-ci inclut un cessez-le-feu, la création d’un État palestinien, le désarmement du Hamas, et une normalisation des relations entre Israël et les pays arabes.

L’ambassadeur de France, Jérôme Bonnafont, qui a présenté la résolution, l’a qualifiée de « feuille de route unique pour concrétiser la solution à deux États », soulignant l’engagement de l’Autorité palestinienne et des pays arabes en faveur de la paix et de la sécurité. Il a aussi insisté sur l’urgence d’un cessez-le-feu immédiat et de la libération des otages.

Ce vote intervient à quelques jours d’un sommet de haut niveau de l’ONU, co-présidé par Riyad et Paris le 22 septembre, où le président Emmanuel Macron s’est engagé à reconnaître officiellement un État palestinien.

La représentante américaine, Morgan Ortagus, s’est vivement opposée à la résolution, la qualifiant de « coup de communication malvenu et malavisé » qui récompenserait le Hamas et nuirait aux efforts diplomatiques authentiques.

Elle a dénoncé la mention du « droit au retour » dans le texte, estimant qu’il menace le caractère juif de l’État d’Israël.

« Cette résolution est un cadeau au Hamas,» a déclaré Mme Ortagus, ajoutant que le désarmement du Hamas et la libération des otages étaient la clé de la fin de la guerre. Elle a exhorté les autres nations à se joindre aux États-Unis pour s'opposer à la déclaration.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Frappes ukrainiennes sur les raffineries et forte demande: en Russie, l'essence devient chère

Début septembre, le prix de la tonne d'AI-95, l'un des carburants sans-plomb les plus populaires en Russie, s'est envolé pour atteindre plus de 82.000 roubles (environ 826 euros), tutoyant des records, selon les données de la bourse de Saint-Pétersbourg. (AFP)
Début septembre, le prix de la tonne d'AI-95, l'un des carburants sans-plomb les plus populaires en Russie, s'est envolé pour atteindre plus de 82.000 roubles (environ 826 euros), tutoyant des records, selon les données de la bourse de Saint-Pétersbourg. (AFP)
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  • Mercredi, le média Izvestia évoquait des "interruptions d'approvisionnement" dans "plus de dix régions" de Russie, l'un des principaux producteurs de pétrole au monde
  • A Moscou, vitrine de la Russie, pas de pénurie mais une hausse qui a propulsé le litre de sans-plomb 95 à plus de 66 roubles (0,67 euro)

MOSCOU: "Doucement mais sûrement": Oleg fait le plein d'essence à Moscou et vitupère contre la hausse des prix nourrie par une demande accrue et les frappes ukrainiennes contre les infrastructures pétrolières, secteur clé de l'économie russe que les Occidentaux veulent sanctionner.

"Tout le monde l'a remarqué", tonne Oleg, retraité de 62 ans: les prix des carburants vont crescendo à la pompe. Au 1er septembre, l'essence au détail coûtait 6,7% de plus que fin 2024, selon Rosstat, l'agence nationale des statistiques.

Ce renchérissement s'inscrit dans un contexte de hausse générale des prix, avec une inflation annuelle qui a été de 8,14% en août, à l'heure où la Russie intensifie l'offensive qu'elle a lancée en 2022 en Ukraine.

Début septembre, le prix de la tonne d'AI-95, l'un des carburants sans-plomb les plus populaires en Russie, s'est envolé pour atteindre plus de 82.000 roubles (environ 826 euros), tutoyant des records, selon les données de la bourse de Saint-Pétersbourg.

Et depuis le début de l'été, les réseaux sociaux sont saturés de vidéos montrant des files d'attente devant les stations-service de l'Extrême-Orient russe, en Crimée - région que la Russie a annexée au détriment de Kiev en 2014 -, et dans certaines régions du sud proches de l'Ukraine, pour cause de pénurie.

Mercredi, le média Izvestia évoquait des "interruptions d'approvisionnement" dans "plus de dix régions" de Russie, l'un des principaux producteurs de pétrole au monde.

Raffineries frappées 

A Moscou, vitrine de la Russie, pas de pénurie mais une hausse qui a propulsé le litre de sans-plomb 95 à plus de 66 roubles (0,67 euro). Ce prix, qui reste bien inférieur à ceux affichés dans de nombreux pays européens, surprend le consommateur russe, habitué à ne pas payer cher l'essence et au revenu moyen moindre.

Artiom, un Moscovite qui ne souhaite pas donner son nom de famille, observe cette augmentation "depuis le début de l'année". "Pour des personnes ordinaires, 300 ou 400 roubles en plus par plein (3 à 4 euros, ndlr), cela commence à être sensible", dit-il.

Sur le site Gazeta.ru, Igor Iouchkov, analyste au Fonds national de sécurité énergétique, met en avant l'augmentation d'"environ 16%" du droit d'accise (impôt indirect) depuis le 1er janvier et la baisse de subsides versés aux compagnies pétrolières.

Car, comme l'explique à l'AFP Sergueï Teriochkine, expert en questions énergétiques, "plus les subventions sont faibles, plus la rentabilité est faible", ce qui pousse les pétroliers à "répercuter" ces pertes sur les prix au détail.

La demande a, elle, été dopée par les départs en vacances et les engins agricoles.

Restent - surtout - les frappes contre les raffineries et dépôts de pétrole que l'Ukraine a multipliées afin de toucher Moscou au portefeuille et d'entraver sa capacité à financer son offensive.

"Les frappes ont ciblé de grandes raffineries dans la partie européenne de la Russie", notamment dans les régions de Samara, Riazan, Volgograd et Rostov, énumère Alexandre Kots, journaliste russe spécialiste des questions militaires, sur Telegram.

"Ce n'est rien!" 

L'une de ces attaques, à la mi-août, a touché la raffinerie de Syzran, dans la région de Samara, selon l'état-major ukrainien. Le complexe se trouve à plus de 800 km de la frontière ukrainienne. Il est présenté par Kiev comme le "plus important du système Rosneft", géant russe des hydrocarbures.

Moscou n'a pas quantifié l'impact de ces frappes, mais dans le journal Kommersant, l'analyste Maxime Diatchenko parle d'une baisse de la production "de près de 10%" depuis le début de l'année.

"C'est rien!", assure Alexandre, un homme d'affaires moscovite, après avoir rempli le réservoir de sa berline allemande. "Une frappe, deux frappes, trois frappes, ça n'est rien pour le marché en général ou pour les prix".

"Le pays a besoin d'argent. L'augmentation du prix de l'essence, c'est une façon d'augmenter le revenu de l'Etat", estime de son côté Vladimir, un Moscovite de 50 ans.

Pour tenter de stabiliser la situation, Moscou a prolongé une interdiction d'"exporter de l’essence pour les automobiles" jusque fin octobre.

La Russie reste par ailleurs un exportateur majeur de pétrole brut, des exportations que les Occidentaux entendent étouffer pour tarir une des principales sources de financement de l'offensive russe en Ukraine, pays qui compte l'Union européenne comme principale alliée.