Pour la justice, la Seine-Saint-Denis ne peut être «l'Eldorado des blanchisseurs»

Palais de justice de Bobigny, au nord-est de Paris, le 15 janvier 2024. (AFP)
Palais de justice de Bobigny, au nord-est de Paris, le 15 janvier 2024. (AFP)
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Publié le Mercredi 17 avril 2024

Pour la justice, la Seine-Saint-Denis ne peut être «l'Eldorado des blanchisseurs»

  • Si les montants individuels ne sont pas forcément très élevés, les victimes peuvent se compter en centaines
  • En 2023, le tribunal de Bobigny a saisi pour environ 42 millions d'euros d'avoirs criminels, contre 39 millions d'euros l'année précédente

BOBIGNY: Dans une Seine-Saint-Denis confrontée à une importante criminalité organisée, la justice renforce ses capacités de lutte contre la délinquance financière, un travail d'enquête "très lent, très frustrant mais avec quelques succès", estime la juge d'instruction Claire Thépaut dans un entretien à l'AFP.

Vice-présidente du tribunal de Bobigny en charge des 16 juges d'instruction saisis des affaires les plus complexes, la magistrate de 52 ans supervise le renforcement de cette investigation spécialisée, dans une juridiction davantage rompue à la lutte contre les violences faites aux personnes ou les trafics en tous genres.

D'un premier passage à Bobigny au début des années 2000, Claire Thépaut avait gardé un sentiment d'inachevé. "J'étais partie avec une grande frustration de ne pas avoir instruit comme je l'aurais voulu les gros dossiers de blanchiment car j'étais complètement débordée par mes dossiers de meurtres, trafic de stupéfiants, extorsion et autres", raconte-t-elle, en recevant l'AFP dans son bureau.

Dans ce tribunal notoirement saturé, chaque juge d'instruction doit gérer plus d'une centaine de dossiers en simultané, avec une priorité donnée aux affaires tenues par des délais légaux en raison de personnes en détention provisoire.

Ce qui est plus rarement le cas dans les dossiers "éco-fi", qui s'empoussièrent souvent au bas de la pile.

Pour pallier cette carence, deux cabinets de juges d'instruction ont été créés à l'automne. Désormais, quatre juges travaillent sur les questions économiques et financières, dont deux à plein temps (contre trois juges partagés entre éco-fi et droit commun auparavant).

«Call-center de cocaïne»

"La Seine-Saint-Denis est considérée comme un endroit où l'on peut facilement créer des sociétés bidons et ouvrir des comptes sur lesquels on fait un peu ce qu'on veut pendant un peu trop longtemps à mon goût", décrit Claire Thépaut. "L'idée est d'éviter qu'elle ne soit vue comme l'Eldorado des blanchisseurs".

Dans son bureau défilent des dossiers d'"officines" de blanchiment d'espèces, dont le travail consiste à faire rentrer de manière masquée l'argent sale du travail dissimulé ou des divers trafics dans le système bancaire.

"Quand vous savez qu'un +call-center+ de cocaïne peut générer un chiffre d'affaires de 300 000 euros en espèces par mois, on se doute bien que ces espèces doivent être blanchies d'une manière ou d'une autre et qu'on ne peut pas tout dépenser en location de voitures ou en chambres d'hôtel", détaille la juge.

Les escroqueries en bande organisée (escroquerie à l'encart publicitaire fictif, escroquerie "à l'amour", etc.) sont également fréquentes. Si les montants individuels ne sont pas forcément très élevés, les victimes peuvent se compter en centaines.

Mais dans ce département parmi les plus pauvres et criminogènes de France métropolitaine, la circulation de l'argent sale constitue souvent un angle mort des services de police et de justice.

Travail de bénédictin 

"Une grande partie de nos effectifs de police travaille sur des affaires simples, des affaires de voie publique. Quand on veut faire des enquêtes au long cours, nous avons du mal à trouver des services susceptibles de le faire", déplore Claire Thépaut, signataire d'une récente tribune de 130 magistrats demandant plus de moyens humains et matériels face à la délinquance financière.

Être juge d'instruction sur les dossiers économiques et financiers relève parfois du travail de bénédictin: "on court après les banques pour avoir les documents, notamment à l'étranger, on est obligés d'auditionner de nombreuses personnes pour remonter toutes les sociétés écrans jusqu'aux bénéficiaires, c'est beaucoup plus compliqué".

"On est très lents, par manque de moyens, c'est souvent très frustrant mais on a quelques succès sur des dossiers avec d'énormes préjudices, d'énormes montants blanchis et de belles saisies", estime la magistrate, tenue au secret de l'instruction.

Une des priorités de sa nouvelle section est de "taper au porte-monnaie les délinquants". En 2023, le tribunal de Bobigny a saisi pour environ 42 millions d'euros d'avoirs criminels, contre 39 millions d'euros l'année précédente, selon des chiffres communiqués en début d'année par son procureur Eric Mathais.

Les chefs de juridiction espèrent instaurer à partir de 2025 une chambre correctionnelle spécialisée dans le jugement de dossiers de criminalité organisée et financière.


Journalisme: le prix Daphne Caruana Galizia décerné à une enquête sur les enfants migrants

Des enfants jouant dans le camp de réfugiés de Kara Tepe, sur l'île de Lesbos, en Grèce, le 19 septembre 2020 (Getty Images)
Des enfants jouant dans le camp de réfugiés de Kara Tepe, sur l'île de Lesbos, en Grèce, le 19 septembre 2020 (Getty Images)
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  • Mercredi, le prix Daphne Caruana Galizia pour le journalisme a été décerné au projet néerlandais « Lost in Europe » qui enquête sur les mineurs non accompagnés qui disparaissent une fois arrivés en Europe
  • Leur dernière enquête, publiée le 30 avril 2024, a révélé que plus de 50 000 enfants migrants non accompagnés ont disparu en Europe en 2021 et 2023, un chiffre qui pourrait être encore plus élevé.

STRASBOURG : Mercredi, le prix Daphne Caruana Galizia pour le journalisme a été décerné au projet néerlandais « Lost in Europe » qui enquête sur les mineurs non accompagnés qui disparaissent une fois arrivés en Europe.

Une vingtaine de journalistes d'investigation originaires de différents pays européens, dont les Pays-Bas, l'Allemagne, la Belgique, l'Italie et le Royaume-Uni, participent au projet journalistique « Lost in Europe » (Perdus en Europe).

Leur dernière enquête, publiée le 30 avril 2024, a révélé que plus de 50 000 enfants migrants non accompagnés ont disparu en Europe en 2021 et 2023, un chiffre qui pourrait être encore plus élevé.

« Sur les 27 pays européens auxquels nous avons demandé des données, en y ajoutant la Moldavie, la Norvège, le Royaume-Uni et la Suisse, seuls 20 ont répondu à nos demandes, et seuls 13 pays ont fourni des données. Des pays importants comme l'Espagne et la France n'ont même pas répondu correctement. »

Elle a rappelé que « les États membres de l'Union européenne sont responsables de ces enfants ».

Parmi ces jeunes migrants, certains ont pu tomber entre les mains de trafiquants d'êtres humains, être forcés à mendier ou à se prostituer.

« Avec ce prix, nous sommes encore plus motivés pour continuer à enquêter sur le sort et l'exploitation de milliers d'enfants migrants disparus en Europe », a déclaré Geesje van Haren.

Le nom des gagnants du prix Daphne Caruana Galizia a été annoncé lors d'une cérémonie au Parlement européen par Stavros Malichudis, représentant des lauréats 2023, le média d'investigation grec Solomon, l'organisation Forensis et la chaîne publique allemande StrgF/ARD. Ils avaient été récompensés pour une enquête sur le naufrage d'un navire de migrants en Méditerranée ayant fait plusieurs centaines de victimes.

Soutenu par le Parlement et décerné pour la première fois en 2021, le prix Daphne Caruana Galizia pour le journalisme a été créé en hommage à cette journaliste et militante maltaise anti-corruption, tuée à 53 ans le 16 octobre 2017 dans l'explosion d'une voiture piégée.

Attribué par un jury de représentants de la presse et de la société civile issus des 27 États membres de l'UE, et doté de 20 000 euros, il est décerné chaque année autour de la date anniversaire de son assassinat.

Il est ouvert aux journalistes ayant diffusé un sujet dans l'un des 27 États membres de l'UE et entend récompenser « un journalisme d'excellence qui promeut et défend les valeurs et principes de l'UE : dignité humaine, liberté, démocratie, égalité, État de droit et droits de l'homme ».


Muriel Jourda, auteure de la dernière loi sur l'immigration, a été élue présidente de la commission des Lois

Les rapporteurs de la commission des lois du Sénat, Jean-Pierre Sueur (L), Muriel Jourda (R) et le président de la commission des lois du Sénat français, Philippe Bas (C), publient le 20 février 2019 au Sénat à Paris, les résultats d'une enquête sur l'affaire de l'ancien haut responsable de la sécurité présidentielle, Alexandre Benalla. (Photo AFP)
Les rapporteurs de la commission des lois du Sénat, Jean-Pierre Sueur (L), Muriel Jourda (R) et le président de la commission des lois du Sénat français, Philippe Bas (C), publient le 20 février 2019 au Sénat à Paris, les résultats d'une enquête sur l'affaire de l'ancien haut responsable de la sécurité présidentielle, Alexandre Benalla. (Photo AFP)
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  • Muriel Jourda succède ainsi à François-Noël Buffet, devenu ministre des Outre-mer en septembre, et devient la première femme à occuper ce poste clé de la chambre haute.
  • Cette avocate de métier sera donc un grand appui pour M. Retailleau et son nouveau projet de loi sur l'immigration prévu pour début 2025.

PARIS : Muriel Jourda, sénatrice Les Républicains du Morbihan et rapporteure de la dernière loi immigration, a été élue mercredi présidente de la commission des Lois du Sénat, a-t-on appris de sources parlementaires.

La sénatrice, désignée en interne par le groupe LR pour candidater, a récolté 27 voix, contre 14 pour le socialiste Jérôme Durain (et huit votes blancs ou nuls). Elle succède ainsi à François-Noël Buffet, devenu ministre des Outre-mer en septembre, et devient la première femme à occuper ce poste clé de la chambre haute.

Un accord conclu de longue date au sein de la majorité sénatoriale (une alliance LR-centristes) assure à LR la présidence de cette commission saisie de tous les sujets régaliens (sécurité, immigration, justice, etc.).

Fait rare au Sénat, la gauche lui avait néanmoins opposé un candidat, pour manifester sa désapprobation face au choix de ce profil incarnant une ligne dure de la droite par les LR, ont expliqué plusieurs sources parlementaires.

Muriel Jourda, âgée de 56 ans, est politiquement proche de son ancien président de groupe, devenu ministre de l'Intérieur : Bruno Retailleau. Elle avait notamment occupé le rôle de corapporteure de la dernière loi immigration, adoptée en décembre 2023 puis partiellement censurée par le Conseil constitutionnel.

La sénatrice faisait partie intégrante de la commission mixte paritaire qui avait réuni députés et sénateurs pour aboutir à un accord, scellé à l'époque entre Matignon et Les Républicains. Un compromis avait créé un malaise chez une grande partie de « l'aile gauche » des macronistes.

Comme une minorité de sénateurs LR (38 au total), elle s'était par ailleurs opposée à l'inscription dans la Constitution de la « liberté garantie » à avorter, lors du Congrès du Parlement à Versailles en mars.

Cette avocate de métier sera donc un grand appui pour M. Retailleau et son nouveau projet de loi sur l'immigration prévu pour début 2025. Celui-ci reprendrait les mesures les plus sévères de la dernière loi, censurées par le Conseil constitutionnel car jugées sans lien suffisamment clair avec le texte initial.


Entretien Macron-Mikati en amont de la conférence de soutien au Liban

Le président français Emmanuel Macron (G) s'entretient avec le Premier ministre libanais Najib Mikati en marge de la 79e session de l'Assemblée générale des Nations unies à New York, le 25 septembre 2024. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron (G) s'entretient avec le Premier ministre libanais Najib Mikati en marge de la 79e session de l'Assemblée générale des Nations unies à New York, le 25 septembre 2024. (AFP)
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  • Le président français Emmanuel Macron s’entretiendra avec M. Najib Mikati, Président du Conseil des ministres de la République libanaise, ce mercredi 23 octobre 2024 au Palais de l’Elysée
  • Najib Mikati devrait arriver à l’Elysée à 16h. heure de Paris selon le déroulé prévisionnel officiel. Il s’ensuivra un entretien bilatéral hors presse.

PARIS: Le président français Emmanuel Macron s’entretiendra avec M. Najib Mikati, Président du Conseil des ministres de la République libanaise, ce mercredi 23 octobre 2024 au Palais de l’Elysée. Cet entretien intervient en amont de la Conférence internationale de soutien à la population et à la souveraineté du Liban, qui se tiendra le jeudi 24 octobre à Paris.

Najib Mikati devrait arriver à l’Elysée à 16h. heure de Paris selon le déroulé prévisionnel officiel. Il s’ensuivra un entretien bilatéral hors presse.

Lors de la conférence du 24 octobre, c’est Najib Mikati qui représentera le Liban. Selon les informations données par l’Elysée, le but de la  conférence est d’apporter une aide humanitaire urgente aux libanais déplacés et en situation de grande vulnérabilité et de discuter du renforcement des institutions libanaises ainsi que d’un cessez-le-feu à la frontière avec Israël.

Najib Mikati prononcera une allocution devant les participants à la conférence qui sera inaugurée par Emmanuel Macron.