Il est temps de mettre un terme à la catastrophe causée par l’homme au Soudan

Avec près de 9 millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays, le Soudan connaît actuellement la plus grande crise de déplacement au monde. (Reuters)
Avec près de 9 millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays, le Soudan connaît actuellement la plus grande crise de déplacement au monde. (Reuters)
Short Url
Publié le Samedi 20 avril 2024

Il est temps de mettre un terme à la catastrophe causée par l’homme au Soudan

Il est temps de mettre un terme à la catastrophe causée par l’homme au Soudan
  • Des centaines de milliers de Soudanais ont fui vers les pays voisins, notamment le Tchad et le Soudan du Sud, deux États déjà confrontés à leurs propres crises humanitaires et alimentaires
  • Nous continuerons à dialoguer avec les belligérants en adoptant une position neutre qui place la paix et le respect de la vie et des droits des civils au premier plan

«La crise la plus grave, la plus complexe et la plus cruelle du monde se déroule au Soudan sans qu’on en parle dans les journaux télévisés», déclare le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (Ocha).

Avec près de 9 millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays, dont la moitié sont des enfants, et quelque 2 millions de réfugiés à l’étranger, le Soudan connaît actuellement la plus grande crise de déplacement au monde.

Le pire reste à venir: les combats ont perturbé la saison de plantation dans les régions les plus fertiles du Soudan, et près de 20 millions de personnes, soit près de la moitié de la population, sont confrontées à une insécurité alimentaire aiguë dans un pays qui était autrefois un grand producteur de denrées alimentaires.

Le 15 avril, la guerre au Soudan est entrée dans sa deuxième année. Ce jour-là, l’Union européenne, la France et l’Allemagne ont organisé une conférence de haut niveau à Paris pour plaider en faveur d’une aide humanitaire supplémentaire et appeler à la fin de ce conflit. Cette conférence doit être un signal d’alarme pour l’Afrique, l’Europe et l’ensemble de la communauté internationale.

Nous savons qui sont les responsables de ce désastre. Avec leur coup d’État militaire conjoint en octobre 2021, les Forces armées soudanaises (FAS) et les Forces de soutien rapide (FSR) ont détourné les aspirations de la révolution démocratique soudanaise.

Le 15 avril 2023, leur alliance a été rompue, ce qui a donné lieu à un conflit. Les deux belligérants ont décidé de faire la guerre, non seulement l’un contre l’autre, mais aussi contre le Soudan et son peuple.

Au Darfour, le génocide commis contre les civils en raison de leur appartenance ethnique, qui a propulsé le Soudan à la une des journaux en 2003, a repris. Dans tout le pays, l’aide est délibérément bloquée et l’accès des travailleurs humanitaires est systématiquement refusé.

Des centaines de milliers de Soudanais ont fui vers les pays voisins, notamment le Tchad et le Soudan du Sud, deux États déjà confrontés à leurs propres crises humanitaires et alimentaires. Ces souffrances sont entièrement dues à l’homme et il est possible d’y mettre un terme aujourd’hui.

Les commanditaires étrangers, qui fournissent de l’argent et des armes, alimentent les combats. Des acteurs comme l’Iran livrent des armes, y compris des drones, aux FAS. Les Émirats arabes unis disposent également d’une influence directe sur les FAS et ils devraient s’en servir pour mettre un terme à la guerre.

La Russie joue sur les deux tableaux, espérant avoir accès à des infrastructures et des ressources stratégiques, notamment par l’intermédiaire de sociétés militaires privées mercenaires, qui recherchent principalement de l’or et des minéraux.

«Alors que le Soudan entre dans la deuxième année de sa guerre la plus dévastatrice, nous attendons des pays de la région qu’ils assument leurs responsabilités. Aux côtés de nos partenaires régionaux et internationaux, nous sommes prêts à aider le Soudan dans les moments les plus sombres de son Histoire.»

Josep Borrell Fontelles et Janez Lenarcic

La mer Rouge est la principale liaison maritime de l’Europe avec l’Asie et le Pacifique, et le Soudan pourrait devenir une plaque tournante pour la traite des êtres humains, les combattants radicaux, les armes et les différentes sortes de commerce illicite entre le Sahel, l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne. La sécurité de l’Europe est en jeu.

Avant la guerre, pendant le soulèvement populaire victorieux contre une dictature brutale, les nombreux jeunes activistes, défenseurs des droits des femmes et dirigeants communautaires ont prouvé au monde entier leur volonté et leur détermination à construire un Soudan démocratique et pacifique.

Depuis lors, l’UE et ses États membres maintiennent une position ferme: le seul camp que nous choisissons dans ce conflit est celui des civils et de l’espoir qu’ils ont pour leur pays.

Nous continuerons à dialoguer avec les belligérants en adoptant une position neutre qui place la paix et le respect de la vie et des droits des civils au premier plan. Le 15 avril à Paris doit constituer un appel commun à la paix. Il doit être le tremplin d’une action plus globale, concertée et conséquente de l’Europe, de l’Afrique et de la communauté internationale sur le Soudan.

Aujourd’hui, la priorité doit bien évidemment être d’éviter la famine qui menace le Soudan et de soutenir les pays et les communautés qui ont accueilli des personnes fuyant la guerre.

L’aide disponible, bloquée par les belligérants sur la base de calculs politiques, doit parvenir aux personnes dans le besoin, où qu’elles se trouvent. De telles tactiques de guerre violent le droit international et elles peuvent constituer des crimes de guerre.

Nous attendons également des deux chefs des parties belligérantes, le général Abdel Fattah al-Burhane et le général Mohammed Hamdane Dagalo, plus connu sous le nom de «Hemedti», qu’ils tiennent enfin compte des appels à cesser ce carnage et qu’ils acceptent de négocier.

Si les deux parties refusent de négocier, il y aura des conséquences. Notre action au Soudan n’est pas isolée: au Soudan comme en Ukraine ou ailleurs, les aspirations démocratiques ne doivent pas être combattues par la force des armes.

Les Soudanais n’en demandent pas moins depuis qu’ils sont descendus dans les rues de Khartoum il y a cinq ans. C’est pourquoi nous appelons sans relâche à un cessez-le-feu immédiat, à un accès sans entrave à l’aide humanitaire et à la reprise du processus de transition démocratique au Soudan.

Nous privilégions toujours les solutions africaines aux problèmes africains. Alors que le Soudan entre dans la deuxième année de sa guerre la plus dévastatrice, nous attendons des pays de la région qu’ils assument leurs responsabilités. Aux côtés de nos partenaires régionaux et internationaux, nous sommes prêts à aider le Soudan dans les moments les plus sombres de son Histoire.

 

Josep Borrell Fontelles est le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et le vice-président de la Commission européenne. Janez Lenarcic est le commissaire européen chargé de la gestion des crises.

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com