PARIS: À Gaza, le temps long de la diplomatie se heurte désormais à la cruauté de la guerre, et chaque jour qui passe creuse davantage le fossé entre l’agenda lent et minutieux de la diplomatie internationale et la réalité sanglante vécue sur le terrain.
Alors que les chancelleries discutent, que les communiqués se succèdent et que les négociateurs peinent à arracher un consensus, les bombardements continuent de tuer, d’affamer et de déraciner.
Ce décalage met à nu l’impuissance apparente des instruments diplomatiques face à la brutalité immédiate de la guerre.
Depuis des mois, les tentatives de médiation s’enlisent, et les cessez-le-feu temporaires demeurent fragiles, tandis que les discussions indirectes entre Israël et le Hamas restent dans l’impasse, alors que la situation humanitaire atteint un seuil catastrophique.
Dans un appel public, Macron a remis sur la table la proposition d’une force de stabilisation à Gaza, soulignant qu’elle demeure, à ce jour, la seule feuille de route opérationnelle ayant reçu un aval.
Dans ce contexte, le président français Emmanuel Macron a rappelé hier que la diplomatie ne peut pas se contenter de constater l’échec, mais qu’elle doit s’outiller pour agir plus vite.
Dans un appel public, Macron a remis sur la table la proposition d’une force de stabilisation à Gaza, soulignant qu’elle demeure, à ce jour, la seule feuille de route opérationnelle ayant reçu un aval.
L’idée, en soi, n’est pas nouvelle : elle a été formalisée et approuvée dans une déclaration conjointe des pays participants, à l’issue de la conférence de New York en juin dernier, consacrée à la mise en œuvre de la solution à deux États.
Parmi les points forts de cette déclaration figurent l’appel à un cessez-le-feu immédiat, la mise en place d’un comité transitoire placé sous la tutelle de l’Autorité palestinienne et chargé de gérer immédiatement Gaza après le cessez-le-feu, ainsi que le déploiement d’une mission internationale temporaire de stabilisation, mandatée par le Conseil de sécurité de l’ONU, avec pour mission la protection des civils, le transfert de la sécurité à l’Autorité palestinienne, l’encadrement et la transition vers la paix, et la mise en œuvre de la solution à deux États.
Cependant, entre l’approbation politique et la mise en œuvre sur le terrain, un gouffre persiste. Les négociations achoppent sur des désaccords majeurs concernant le mandat précis de la mission, son format, la nationalité des troupes, sa durée — autant de pièges difficiles à déjouer.
Les États-Unis redoutent un engagement militaire plausible ; Israël, quant à lui, craint une limitation de sa marge d’action et manifeste un rejet net de toute présence de forces étrangères.
Face à ces blocages, la France et l’Arabie saoudite multiplient les ajustements : formats hybrides, garanties strictes de neutralité, clauses temporelles… autant de « tâtonnements » constants pour maintenir vivant ce projet, malgré un calendrier qui s’étire dangereusement alors que les bombardements se poursuivent.
Paris, en coordination avec Riyad, s’emploie à convaincre les principaux acteurs — notamment les États-Unis et certains pays arabes réticents — que cette mission n’est pas une utopie, mais une nécessité, pour mettre fin à l’engrenage militaire et ouvrir un horizon politique crédible.
Le tandem Paris–Riyad ne doit rien au hasard : dès le début de la crise actuelle, les deux capitales ont mis en place un dialogue étroit, conscientes que leur voix combinée pouvait peser davantage.
La France, comme membre permanent du Conseil de sécurité, et l’Arabie saoudite, comme puissance régionale incontournable, défendent ensemble l’idée que seule une approche globale combinant cessez-le-feu, aide humanitaire massive, reconstruction et perspectives politiques peut éviter à Gaza de replonger dans le pire.
Les signataires estiment qu’il est temps d’adopter une position plus ferme vis-à-vis d’Israël, accusé de violations massives du droit international humanitaire, et préviennent que la France risque de perdre sa crédibilité si elle continue à plaider pour la paix tout en ménageant Israël.
Cette coopération s’inscrit dans un contexte où les diplomaties occidentales, fragilisées par leurs divisions internes et leurs priorités concurrentes, peinent à imposer une voie commune.
La France et l’Arabie saoudite apparaissent ainsi comme le moteur d’un effort multilatéral qui tente de maintenir vivante la perspective de la solution à deux États, malgré le scepticisme ambiant.
Mais si la France s’active, les critiques se multiplient sur le rythme et la fermeté de son action. En témoigne une tribune publiée par le quotidien Le Monde et signée par plus d’une trentaine d’anciens ambassadeurs français appelant à un changement de cap.
Les signataires estiment qu’il est temps d’adopter une position plus ferme vis-à-vis d’Israël, accusé de violations massives du droit international humanitaire, et préviennent que la France risque de perdre sa crédibilité si elle continue à plaider pour la paix tout en ménageant Israël.
Auparavant, l’ancien ambassadeur d’Israël en France, Elie Barnavi, et l’historien Vincent Lemire avaient également publié dans Le Monde une tribune similaire, appelant Macron à imposer des sanctions immédiates à Israël. Sinon, écrivent-ils, la France « finira par reconnaître un cimetière ».
Ces interpellations publiques reflètent une tendance plus large, tant dans l’opinion que dans la classe politique : la patience s’érode face à l’ampleur des destructions et des pertes humaines à Gaza.
L’Élysée marche ainsi sur une ligne de crête, consistant à maintenir le dialogue avec Israël tout en tâchant de répondre aux attentes croissantes de fermeté exprimées par la société civile, les ONG et même d’anciens diplomates.
Dans un tel contexte, la mission de stabilisation portée par la France et l’Arabie saoudite pourrait offrir une passerelle, en installant sur le terrain un dispositif capable d’enrayer la spirale de la violence tout en ouvrant la voie à une solution politique.
Encore faut-il que cette initiative franchisse le mur des réticences politiques et des calculs stratégiques ; encore faut-il que la voix de la France soit entendue par les autorités israéliennes, au premier rang desquelles le Premier ministre Benjamin Netanyahou.
Les mois précédents ont été émaillés par une crispation et des frictions constantes entre Paris et Tel-Aviv. Dernier épisode en date, rapporté par une source diplomatique : depuis de nombreux mois, les agents du dispositif diplomatique français en Israël et à Jérusalem font l’objet de contrôles systématiques par les agents de sécurité israéliens à l’aéroport de Roissy, lors de leur embarquement sur des vols de la compagnie israélienne El Al.
Selon la même source, un dialogue a été engagé avec l’ambassade d’Israël en France pour régler ces difficultés. En attendant, un certain nombre de mesures administratives relatives à ce dispositif ont été temporairement suspendues.