Frappes sur Rafah après la CIJ, discussions à Paris sur un cessez-le-feu

De la fumée s'élève lors d'une frappe aérienne israélienne, dans le cadre du conflit entre Israël et le Hamas, à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza. (File/Reuters)
De la fumée s'élève lors d'une frappe aérienne israélienne, dans le cadre du conflit entre Israël et le Hamas, à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza. (File/Reuters)
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Publié le Samedi 25 mai 2024

Frappes sur Rafah après la CIJ, discussions à Paris sur un cessez-le-feu

  • La plus haute juridiction de l'ONU - dont les décisions sont juridiquement contraignantes mais qui manque de mécanismes pour les mettre en oeuvre-, a aussi ordonné à Israël de maintenir ouvert le passage de Rafah
  • Dans la foulée de la décision vendredi de la CIJ, les bombardements israéliens se sont poursuivis dans la bande de Gaza

TERRITOIRES PALESTINIENS : L'armée israélienne bombarde samedi la bande de Gaza, y compris Rafah, au lendemain d'une décision de la Cour internationale de justice (CIJ) lui ordonnant de suspendre ses opérations dans ce secteur sur fond d'efforts à Paris pour arracher un cessez-le-feu entre Israël et le Hamas.

La plus haute juridiction de l'ONU - dont les décisions sont juridiquement contraignantes mais qui manque de mécanismes pour les mettre en oeuvre-, a aussi ordonné à Israël de maintenir ouvert le passage de Rafah, essentiel à l'entrée de l'aide humanitaire mais fermé après le lancement de son opération terrestre début mai.

Israël s'est défendu en affirmant qu'il n'avait «pas mené et ne mènera pas d'opérations militaires dans la zone de Rafah qui créent des conditions de vie susceptibles de conduire à la destruction de la population civile palestinienne, en tout ou en partie».

Le mouvement islamiste palestinien Hamas, en guerre contre Israël et au pouvoir à Gaza depuis juin 2007, a salué la décision de la CIJ tout en déplorant qu'elle se limite «seulement à Rafah».

Dans la foulée de la décision vendredi de la CIJ, les bombardements israéliens se sont poursuivis dans la bande de Gaza. Idem pour les affrontements de l'armée israélienne avec la branche armée du Hamas.

Tôt samedi, des témoins palestiniens et des équipes de l'AFP ont fait état de frappes israéliennes à Rafah (sud), ville à la lisière de l'Egypte, mais aussi à Deir al-Balah (centre).

«Nous espérons que la décision de la Cour va mettre la pression sur Israël afin de mettre fin à cette guerre d'extermination, car il ne reste plus rien ici», a déclaré à l'AFP Oum Mohammad Al-Ashqa, une Palestinienne de Gaza-Ville déplacée par les violences à Deir al-Balah.

«Mais Israël est un Etat qui se considère au-dessus des lois. Je ne crois donc pas que les tirs ou la guerre ne puissent cesser autrement que par la force», souligne de son côté Mohammed Saleh, aussi rencontré par l'AFP dans cette ville du centre du territoire palestinien.

- Pourparlers à Paris -

Saisie par l'Afrique du Sud qui accuse Israël de «génocide», la Cour a non seulement ordonné un cessez-le-feu immédiat à Rafah, l'ouverture du poste-frontière éponyme pour permettre l'entrée de l'aide humanitaire, mais aussi la «libération immédiate et inconditionnelle» des otages retenus par le Hamas à Gaza.

La guerre a débuté le 7 octobre après l'attaque sur le sol israélien de commandos du Hamas infiltrés depuis la bande de Gaza, entraînant la mort de plus de 1.170 personnes, majoritairement des civils, selon un décompte de l'AFP réalisé à partir de données officielles israéliennes.

Ce jour-là, 252 personnes ont également été emmenées comme otages dans le territoire palestinien. Aujourd'hui, 121 sont toujours retenues à Gaza, dont 37 sont mortes, selon l'armée.

En riposte, l'armée israélienne a lancé une offensive dévastatrice dans la bande de Gaza, qui a fait au moins 35.800 morts, essentiellement des civils, selon le ministère de la Santé du Hamas, mouvement considéré terroriste par Israël, les Etats-Unis et l'Union européenne.

Plus tôt dans la semaine, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) avait demandé l'émission de mandats d'arrêt contre des dirigeants du Hamas et israéliens, parmi lesquels Benjamin Netanyahu, pour des crimes présumés commis en Israël et dans la bande de Gaza.

Si le gouvernement israélien a fustigé l'annonce du procureur, il a néanmoins ordonné à ses négociateurs de «retourner à la table des négociations pour obtenir le retour des otages», selon un haut responsable.

Début mai, des négociations indirectes entre Israël et le Hamas, par l'entremise du Qatar, de l'Egypte et des Etats-Unis, n'avaient pas abouti à un accord de trêve associée à la libération d'otages et de prisonniers palestiniens détenus par Israël.

Le chef de la CIA, William Burns, est attendu à Paris vendredi ou samedi pour tenter de relancer les pourparlers sur une trêve à Gaza, a appris l'AFP de source occidentale proche du dossier.

Le président français Emmanuel Macron a reçu vendredi le Premier ministre du Qatar et les ministres saoudien, égyptien et jordanien des Affaires étrangères «pour faire pression en faveur d'un cessez-le-feu», selon Le Caire.

Selon la présidence française, les dirigeants ont discuté, à l'Elysée, de la mise en oeuvre de la «solutions à deux Etats», soit un Etat de Palestine viable aux côtés d'Israël. L'Espagne, l'Irlande et la Norvège ont annoncé récemment reconnaître l'Etat de Palestine.

- «Moment charnière» -

Les dirigeants ont aussi parlé de «l'ensemble des leviers qui pouvaient être activés afin d'obtenir la réouverture de tous les points de passage» vers ce territoire palestinien et examiné comment «augmenter et approfondir leur coopération en matière d'aide humanitaire».

En parallèle, le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken s'est entretenu avec Benny Gantz, membre du cabinet de guerre israélien, des nouveaux efforts pour en arriver à un cessez-le-feu et rouvrir le «plus tôt possible» le terminal de Rafah, a indiqué Washington.

La situation sécuritaire et humanitaire dans le territoire demeure alarmante avec un risque de famine, des hôpitaux hors service et environ 800.000 personnes, selon l'ONU, qui ont fui Rafah ces deux dernières semaines.

«Nous sommes à un moment charnière», a résumé dans la nuit le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Martin Griffiths. «Les travailleurs humanitaires et le personnel des Nations unies doivent pouvoir effectuer leur travail en toute sécurité (...) à l'heure où la population de Gaza s'enfonce dans la famine».

Dans ce contexte, le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi s'est engagé, dans un échange téléphonique avec Joe Biden, à «laisser passer l'aide humanitaire» de l'ONU pour Gaza via le point de passage israélien de Kerem Shalom, selon la Maison Blanche.


Le pape appelle à «de nouvelles approches» au Moyen-Orient pour rejeter la violence

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  • Le chef de l'Eglise catholique, qui achève une visite de trois jours au Liban, a également appelé les chrétiens d'Orient, dont la présence diminue du fait des guerres et de l'émigration, à faire preuve de "courage"
  • "Le Moyen-Orient a besoin de nouvelles approches afin de rejeter la mentalité de vengeance et de violence, de surmonter les divisions politiques, sociales et religieuses, et d'ouvrir de nouveaux chapitres au nom de la réconciliation et de la paix"

BEYROUTH: Le pape Léon XIV a appelé mardi, devant 150.000 personnes réunies pour une messe en plein air à Beyrouth, à "de nouvelles approches au Moyen-Orient" meurtri par les conflits, pour y faire prévaloir la paix.

Le chef de l'Eglise catholique, qui achève une visite de trois jours au Liban, a également appelé les chrétiens d'Orient, dont la présence diminue du fait des guerres et de l'émigration, à faire preuve de "courage".

"Le Moyen-Orient a besoin de nouvelles approches afin de rejeter la mentalité de vengeance et de violence, de surmonter les divisions politiques, sociales et religieuses, et d'ouvrir de nouveaux chapitres au nom de la réconciliation et de la paix", a déclaré le souverain pontife.

Affirmant "prier spécialement pour le Liban bien-aimé", il a demandé "à la communauté internationale de ne ménager aucun effort pour promouvoir des processus de dialogue et de réconciliation" dans cette région meurtrie par les conflits.

La visite du chef de l'église catholique a donné un souffle d'espoir au Liban, qui a connu une guerre meurtrière avec Israël il y a un an et craint une nouvelle escalade malgré le cessez-le-feu.

Léon XIV a également appelé les dirigeants "dans tous les pays marqués par la guerre et la violence" à "écouter le cri" des "peuples qui appellent à la paix".

S'adressant aux "chrétiens du Levant, citoyens à part entière de ces terres", le pape leur a dit: "ayez du courage. Toute l'Église vous regarde avec affection et admiration".


Une plainte en France pour «entrave» au travail des reporters à Gaza

Le Syndicat national des journalistes (SNJ) et la Fédération internationale des journalistes (FIJ) ont annoncé mardi porter plainte à Paris pour "entrave à la liberté d'exercer le journalisme", visant les autorités israéliennes pour avoir empêché les reporters français de couvrir la guerre à Gaza. (AFP)
Le Syndicat national des journalistes (SNJ) et la Fédération internationale des journalistes (FIJ) ont annoncé mardi porter plainte à Paris pour "entrave à la liberté d'exercer le journalisme", visant les autorités israéliennes pour avoir empêché les reporters français de couvrir la guerre à Gaza. (AFP)
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  • "Cette plainte est la première déposée à ce jour sur le fondement du délit d'entrave à la liberté d'exercer le journalisme, et la première à inviter le ministère public à se prononcer sur l'application de cette incrimination"
  • "Cette plainte (...) dénonce une entrave concertée, parfois violente, empêchant les journalistes français de travailler dans les Territoires palestiniens et portant atteinte à la liberté de la presse"

PARIS: Le Syndicat national des journalistes (SNJ) et la Fédération internationale des journalistes (FIJ) ont annoncé mardi porter plainte à Paris pour "entrave à la liberté d'exercer le journalisme", visant les autorités israéliennes pour avoir empêché les reporters français de couvrir la guerre à Gaza.

Ces faits pourraient selon ces organisations constituer des "crimes de guerre", pour lesquels le parquet national antiterroriste à Paris peut enquêter, dès lors qu'ils sont commis contre des Français.

"Cette plainte est la première déposée à ce jour sur le fondement du délit d'entrave à la liberté d'exercer le journalisme, et la première à inviter le ministère public à se prononcer sur l'application de cette incrimination dans un contexte international où les atteintes à la liberté de la presse sont devenues structurelles", soulignent les plaignants dans la centaine de pages de leur requête, rendue publique par franceinfo.

"Cette plainte (...) dénonce une entrave concertée, parfois violente, empêchant les journalistes français de travailler dans les Territoires palestiniens et portant atteinte à la liberté de la presse", a commenté Me Louise El Yafi, l'une des avocates à l'origine de la plainte.

Elle "souligne aussi l'insécurité croissante visant les journalistes français en Cisjordanie (...). Ces atteintes, en violation du droit international humanitaire, relèvent également de crimes de guerre", ajoute sa consoeur Me Inès Davau.

Un journaliste français travaillant pour plusieurs rédactions francophones, qui a tenu à garder l'anonymat, porte lui aussi plainte: il dénonce son "agression" par des colons lors d'un reportage dans les territoires occupés.

Reporters sans frontières (RSF) a décompté plus de 210 journalistes tués depuis le début des opérations militaires israéliennes à Gaza, en représailles à l'attaque du 7 octobre 2023 par le mouvement islamiste palestinien Hamas.

Depuis le début de la guerre, les autorités israéliennes ont empêché les journalistes de médias étrangers d'entrer de manière indépendante à Gaza, autorisant seulement au cas par cas une poignée de reporters à accompagner leurs troupes.

En France, plusieurs plaintes ont été déposées en lien avec le conflit. Elles visent notamment des soldats franco-israéliens d'une unité d'élite de l'armée israélienne, l'entreprise française d'armement Eurolinks ou encore des Franco-Israéliens qui se rendraient complices du crime de colonisation.

Suite à une plainte, le parquet national antiterroriste a aussi demandé à un juge d'instruction parisien d'enquêter pour "crimes de guerre" dans le dossier de la mort de deux enfants français dans un bombardement israélien à Gaza en octobre 2023.


Trump avertit Israël de ne pas «interférer» avec la Syrie

Une incursion vendredi des forces israéliennes dans un village du sud de la Syrie avait fait 13 morts, selon Damas, tandis que l'armée israélienne a affirmé avoir visé un groupe islamiste. (AFP)
Une incursion vendredi des forces israéliennes dans un village du sud de la Syrie avait fait 13 morts, selon Damas, tandis que l'armée israélienne a affirmé avoir visé un groupe islamiste. (AFP)
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  • Le président américain a échangé au téléphone avec Benjamin Netanyahu et l'a de nouveau invité à la Maison Blanche, ont affirmé les services du Premier ministre israélien peu après l'avertissement lancé par Donald Trump
  • "Il est très important qu'Israël maintienne un dialogue fort et véritable avec la Syrie, que rien ne vienne interférer avec l'évolution de la Syrie en un Etat prospère"

WASHINGTON: Donald Trump a mis en garde Israël lundi contre toute ingérence en Syrie qui risquerait de compromettre la transition du pays arabe en "Etat prospère", après une incursion vendredi de forces israéliennes dans le sud de la Syrie.

Le président américain a échangé au téléphone avec Benjamin Netanyahu et l'a de nouveau invité à la Maison Blanche, ont affirmé les services du Premier ministre israélien peu après l'avertissement lancé par Donald Trump.

"Il est très important qu'Israël maintienne un dialogue fort et véritable avec la Syrie, que rien ne vienne interférer avec l'évolution de la Syrie en un Etat prospère", a déclaré le président américain sur sa plateforme Truth Social, affirmant que les Etats-Unis étaient "très satisfaits des résultats affichés" par Damas.

Une incursion vendredi des forces israéliennes dans un village du sud de la Syrie avait fait 13 morts, selon Damas, tandis que l'armée israélienne a affirmé avoir visé un groupe islamiste.

Depuis la chute il y a près d'un an du président Bachar al-Assad, renversé par une coalition islamiste, Israël a mené des centaines de frappes et conduit des incursions en Syrie. L'opération de vendredi est la plus meurtrière de celles-ci et le ministère syrien des Affaires étrangères a dénoncé un "crime de guerre".

Donald Trump avait reçu début novembre à la Maison Blanche le nouveau chef d'Etat syrien, Ahmad al-Chareh, pour une visite cordiale, au cours de laquelle l'ancien jihadiste avait annoncé que son pays rejoindrait la coalition internationale contre le groupe Etat islamique (EI). Le président américain, qui a levé les sanctions contre Damas, pousse également pour qu'un accord de sécurité soit conclu entre Israël et la Syrie.

"Le nouveau président de la Syrie, Ahmad al-Chareh, travaille de manière assidue pour s'assurer que des bonnes choses arrivent et que la Syrie et Israël aient à l'avenir une relation longue et prospère ensemble", a déclaré lundi Donald Trump dans son post sur Truth Social.

"C'est une opportunité historique, et elle s'ajoute au SUCCÈS, déjà atteint, pour la PAIX AU MOYEN-ORIENT", a-t-il affirmé.

Invitation 

Lors de leur échange par téléphone lundi, Benjamin Netanyahu et Donald Trump ont évoqué un "élargissement" des accords de paix régionaux, selon un communiqué des services du Premier ministre israélien publié dans la foulée du post de Donald Trump.

"Trump a invité le Premier ministre Netanyahu à une rencontre à la Maison Blanche dans un avenir proche", ont-ils ajouté.

Benjamin Netanyahu a déjà effectué davantage de visites auprès de Donald Trump que n'importe quel autre dirigeant étranger depuis le retour du républicain au pouvoir.

"Les deux dirigeants ont souligné l'importance et le devoir de désarmer le Hamas et de démilitariser la bande de Gaza", précise le communiqué.

Depuis la chute de Bachar al-Assad, Israël a déployé des troupes dans la zone démilitarisée sur le plateau du Golan, au-delà de la ligne de démarcation entre la partie de ce territoire syrien annexée unilatéralement par Israël en 1981 et le reste de la Syrie.

Israël attache une "importance immense" à sa présence militaire dans la zone tampon en Syrie, avait déclaré le 19 novembre son Premier ministre, Benjamin Netanyahu, lors d'une visite à des soldats israéliens déployés dans cette zone censée être sous le contrôle de l'ONU.

Cette visite avait été dénoncée par Damas et par l'ONU.

Pendant l'été, des contacts de haut niveau entre responsables israéliens et syriens ont eu lieu, avec l'aide de Paris et Washington, les deux parties indiquant vouloir parvenir à un accord de sécurité.

Mais Benjamin Netanyahu exige pour cela une démilitarisation de toute la partie du territoire syrien courant du sud de Damas jusqu'à la ligne de démarcation de 1974, instituée après la guerre israélo-arabe de 1973.