France: le procès en appel du volet financier de l'affaire Karachi s'ouvre

L'ancien Premier ministre français Edouard Balladur (Photo, AFP).
L'ancien Premier ministre français Edouard Balladur (Photo, AFP).
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Publié le Lundi 03 juin 2024

France: le procès en appel du volet financier de l'affaire Karachi s'ouvre

  • Au coeur du dossier, des commissions colossales, alors légales, versées lors de ventes de frégates et de sous-marins en 1994 au Pakistan
  • Selon le ministère public, une partie de ces pots-de-vins sont ensuite revenus en France sous forme de rétrocommissions illégales

 

PAKISTAN: Trois décennies après l'attentat de Karachi au Pakistan, qui avait notamment provoqué la mort de onze Français, six hommes sont jugés en appel à partir de lundi à Paris dans cette affaire tentaculaire, soupçonnés d'avoir joué un rôle dans un système de commissions occultes en marge de contrats d'armement ayant alimenté la campagne présidentielle d'Edouard Balladur en 1995.

Ce procès, qui doit s'ouvrir à 13H30 et durer jusqu'au 20 juin, est une nouvelle étape judiciaire dans cette affaire qui porte le nom de la ville du Pakistan où s'est produit, le 8 mai 2002, un attentat qui a tué 11 Français qui travaillaient à la construction de sous-marins.

Il se tient quatre ans après la condamnation, le 15 juin 2020, des six prévenus (un industriel, deux intermédiaires et trois hommes politiques) à des peines de deux à cinq ans de prison ferme, dont ils ont tous fait appel.

Au coeur du dossier, des commissions colossales, alors légales, versées lors de ventes de frégates et de sous-marins en 1994 au Pakistan.

Corruption internationale 

Selon le ministère public, une partie de ces pots-de-vins sont ensuite revenus en France sous forme de rétrocommissions illégales, notamment pour financer la campagne présidentielle perdue du Premier ministre de l'époque Edouard Balladur.

Cette version est vigoureusement contestée par les prévenus, poursuivis pour abus de biens sociaux, complicité ou recel.

Sont rejugés l'ancien patron de la DCNI, Dominique Castellan (87 ans) et deux intermédiaires: le Franco-libanais Ziad Takieddine (73 ans) et son ancien associé, l'Espagnol d'origine libanaise Abdul Rahman Al Assir (74 ans), tous deux visés par un mandat d'arrêt.

Les principales étapes de l'affaire Karachi

Rappel des principales étapes de l'affaire.

Contrats et commissions 

En 1994, des contrats d'armement sont conclus par le gouvernement d'Edouard Balladur: trois sous-marins sont vendus au Pakistan pour 5,4 milliards de francs (1,3 milliards d'euros actuels).

Jacques Chirac, élu président de la République en 1995 après avoir devancé Edouard Balladur au premier tour, fait stopper les versements de commissions à des responsables locaux.

Celles-ci étaient légales jusqu'en 2000 mais des rétrocommissions en France, déjà illégales, étaient soupçonnées.

Attentat

Le 8 mai 2002, un attentat fait 15 morts à Karachi (sud du Pakistan), dont 11 salariés français de la Direction des constructions navales (DCN).

L'enquête antiterroriste suit initialement la piste d'Al-Qaïda. Mais le juge Marc Trévidic, sous l'impulsion des parties civiles, commence à explorer en 2009 la thèse de représailles pakistanaises après l'arrêt des versements de commissions.

Après une plainte pour corruption des familles de victimes en 2010, des juges d'instruction sont chargés d'enquêter sur le volet financier de l'affaire.

Mises en examen

L'intermédiaire Ziad Takieddine et Thierry Gaubert, ex-membre du cabinet du ministre du Budget Nicolas Sarkozy, sont mis en examen en 2011 et 2012. Ils sont soupçonnés d'avoir, dans les années 1990, rapporté de l'étranger des valises d'argent.

Le directeur de campagne d'Edouard Balladur, Nicolas Bazire, Renaud Donnedieu de Vabres, ex-conseiller au ministère de la Défense, Dominique Castellan, ex-dirigeant de la branche internationale de la DCN, et l'intermédiaire Abdul Rahman El Assir, sont également mis en examen.

Les six hommes seront renvoyés en correctionnelle.

Balladur et Léotard en cause


En 2013, Ziad Takieddine déclare aux juges avoir œuvré au financement occulte de la campagne présidentielle d'Edouard Balladur, à la demande de MM. Bazire et Gaubert. Il se rétractera six ans plus tard.

Le 29 mai 2017, Edouard Balladur est mis en examen par la Cour de justice de la République (CJR), seule compétente pour juger les ministres pour des infractions commises dans l'exercice de leurs fonctions. François Léotard, ancien ministre de la Défense, le 4 juillet, l'est également.

Le 30 septembre 2019, la CJR décide de les juger.

Six condamnations 

En octobre 2019 s'ouvre le premier procès du volet financier à Paris. Les six prévenus sont condamnés à des peines de deux à cinq ans de prison ferme pour abus de biens sociaux, recel et/ou complicité, le 15 juin 2020.

Pour le tribunal, les commissions versées à des intermédiaires pour des contrats signés en 1994 ont bien donné lieu à des rétrocommissions illégales qui ont contribué à financer la campagne présidentielle malheureuse d'Édouard Balladur en 1995.

Tous font appel. Ce nouveau procès s'ouvre lundi.

Balladur relaxé, Léotard condamné

Jugé début 2021, l'ex-Premier ministre est relaxé le 4 mars, la CJR estimant que "la preuve" de sa participation à ce système de rétrocommissions n'est pas "rapportée".

François Léotard est condamné à deux ans de prison avec sursis pour complicité d'abus de biens sociaux.

Son pourvoi en cassation est rejeté en juin et il décède, en avril 2023, huit mois avant que la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH), qu'il avait saisie, ne le déboute.

Ziad Takieddine a fui la France la veille de sa condamnation en première instance dans ce dossier. Il ne sera pas présent lundi, selon sa défense.

Les autres prévenus sont l'ex-chef de campagne de d'Edouard Balladur Nicolas Bazire (66 ans), le collaborateur du ministre de la Défense de l'époque François Léotard, Renaud Donnedieu de Vabres (70 ans), et Thierry Gaubert (73 ans), alors au cabinet du ministre du Budget Nicolas Sarkozy et impliqué dans la campagne.

Dans le volet ministériel, Edouard Balladur a été relaxé en 2021 par la Cour de justice de la République (CJR), seule habilitée à juger des membres du gouvernement pour des infractions commises dans l'exercice de leurs fonctions. Celle-ci a estimé que l'existence "d'instructions" de sa part n'était pas prouvée. M. Léotard, depuis décédé, a été condamné à deux ans d'emprisonnement avec sursis.

Les soupçons de financement occulte de la campagne Balladur ont émergé à la fin des années 2000, au fil de l'enquête sur l'attentat de Karachi, qui a fait 15 morts dont 11 Français et de nombreux blessés.

Toujours en cours, l'information judiciaire sur cette attaque a au départ privilégié la piste d'Al-Qaïda, puis exploré celle (non confirmée à ce jour) de représailles pakistanaises à la décision de Jacques Chirac, vainqueur de la présidentielle de 1995, d'arrêter le versement de commissions qui auraient servi à financer son adversaire.


Grève nationale : les syndicats unis contre le budget du futur gouvernement

Des policiers attendent l'arrivée du ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau à la Porte d'Orléans à Paris, le 18 septembre 2025, avant une journée de grèves et de protestations à l'échelle nationale à l'appel des syndicats sur le budget national de la France. (AFP)
Des policiers attendent l'arrivée du ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau à la Porte d'Orléans à Paris, le 18 septembre 2025, avant une journée de grèves et de protestations à l'échelle nationale à l'appel des syndicats sur le budget national de la France. (AFP)
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  • Journée de grève nationale ce jeudi à l’appel des 8 principaux syndicats français, unis contre les mesures budgétaires jugées « brutales »
  • Les autorités redoutent des débordements à Paris, avec jusqu’à 100 000 manifestants attendus et la présence annoncée de casseurs. 900 000 personnes pourraient se mobiliser dans toute la France

Les syndicats français ont promis une "journée noire" de manifestations et de grèves jeudi pour peser sur les choix budgétaires du prochain gouvernement, en pleine crise politique dans la deuxième économie de l'UE.

A Paris, le préfet de police s'est dit "très inquiet" de la présence de nombreux casseurs venant pour "en découdre" dans la manifestation prévue dans la capitale, qui pourrait selon lui rassembler 50.000 à 100.000 personnes.

Les autorités s'attendent à une mobilisation massive, avec plus de 250 cortèges annoncés qui pourraient réunir jusqu'à 900.000 personnes à travers le pays, soit cinq fois plus que lors du mouvement "Bloquons tout" du 10 septembre lancé sur les réseaux sociaux, hors de tout cadre syndical.

Cette mobilisation lancée par les huit syndicats français, unis pour la première fois depuis le 6 juin 2023, vise les mesures budgétaires "brutales" préconisées cet été par le Premier ministre François Bayrou pour réduire le déficit de la France (coupes dans le service public, réforme de l'assurance chômage, gel des prestations sociales notamment).

Son gouvernement alliant le centre droit et la droite, minoritaire à l'Assemblée nationale, a été renversé par les députés le 8 septembre.

Nommé le lendemain, son successeur Sébastien Lecornu - troisième Premier ministre d'Emmanuel Macron depuis juin 2024, le cinquième depuis sa réélection en 2022 - s'est lui aussi engagé à réduire le déficit qui plombe les comptes de la nation (114% du PIB), tout en promettant des "ruptures sur le fond" en matière budgétaire.

Ce fidèle du président a entamé une série de consultations avec les partis politiques avant de composer un gouvernement et présenter son programme, en vue de boucler dès que possible un projet de budget pour 2026.

Il a également reçu quasiment tous les syndicats, qui n'en ont pas moins maintenu leur mot d'ordre, espérant une mobilisation similaire à celles de 2023 contre la réforme des retraites qui avaient régulièrement réuni un million de manifestants, dont un pic à 1,4 million.

- "Démonstration de force" -

"Aucune des mesures catastrophiques du musée des horreurs de M. Bayrou n'est enterrée !", s'est indignée lundi la leader de la CGT, Sophie Binet, après avoir rencontré le nouveau Premier ministre.

L'abandon par Sébastien Lecornu de la très controversée suppression de deux jours fériés voulue par François Bayrou est "une première victoire", qui "confirme que nous sommes en position de force", a-t-elle estimé.

Même la CFDT, syndicat réputé plus apte au compromis, est "plus que jamais motivée pour aller dans la rue", a fait savoir sa responsable Marylise Léon qui attend "des faits et des preuves" du nouveau chef de gouvernement, et notamment un "besoin d’efforts partagés".

Elle a apprécié à cet égard que le successeur de François Bayrou se dise selon elle conscient de la nécessité de "faire quelque chose" au sujet de la taxation des hauts patrimoines, revenue au cœur du débat.

"Le budget va se décider dans la rue", estime Mme Binet, qui évoque une "démonstration de force" et laisse entrevoir une mobilisation dans la durée.

Côté transports, le trafic sera "perturbé" voire "très perturbé" dans la capitale, ainsi que pour les trains interurbains.

Ce sera moins le cas pour les trains régionaux et les TGV. Un service proche de la normale est attendu dans les aéroports, le principal syndicat de contrôleurs aériens ayant reporté sa grève.

A l'école, un tiers des enseignants du premier degré (écoles maternelles et élémentaires) seront grévistes. L'ampleur du mouvement dans la fonction publique en générale reste encore à préciser.


Le PDG de CMA CGM assure «ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale» des médias qu'il possède

Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC. (AFP)
Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC. (AFP)
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  • "Tout ce qu'on fait c'est leur donner cette bouffée d'oxygène (...) On ne leur demande pas de dire blanc ou de dire noir, ça c'est eux qui gèrent", a poursuivi le milliardaire, président de l'armateur CMA CGM, dont la branche médias est CMA Media
  • Selon lui, les médias ne "représentent qu'une part modeste" des investissements de son groupe, "moins de 5%", mais "répondent à un enjeu majeur, la vitalité démocratique"

PARIS: Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC.

"Les journaux ou chaînes de télévision qu'on a rachetés ont une indépendance, ce sont des journaux qui sont nuancés, qui offrent le pluralisme. Je ne m'immisce pas dans la ligne éditoriale de ces journaux", a-t-il déclaré lors d'une audition devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée.

Il répondait au député France insoumise René Pilato qui suggérait une "grande loi de séparation des entreprises et des médias".

"Si des investisseurs comme le groupe CMA CGM ne viennent pas, ces médias malheureusement tombent", a ajouté M. Saadé, rappelant que le secteur des médias est "très sinistré".

"Tout ce qu'on fait c'est leur donner cette bouffée d'oxygène (...) On ne leur demande pas de dire blanc ou de dire noir, ça c'est eux qui gèrent", a poursuivi le milliardaire, président de l'armateur CMA CGM, dont la branche médias est CMA Media.

Selon lui, les médias ne "représentent qu'une part modeste" des investissements de son groupe, "moins de 5%", mais "répondent à un enjeu majeur, la vitalité démocratique".

"Dans un monde traversé par les +fake news+, je crois que les industriels ont un rôle à jouer pour défendre le pluralisme, l'indépendance et la qualité de l'information. Si nous voulons continuer à produire de l'information en France et résister à la domination des grandes plateformes, nous devons garantir des groupes de médias solides capables de créer des contenus de qualité et de les diffuser sur tous les supports", a-t-il défendu.

Outre BFMTV, RMC, et désormais Brut, CMA Media possède les journaux La Tribune et La Tribune Dimanche, La Provence et Corse Matin. Le groupe vient également de racheter la chaîne télé Chérie 25 (NRJ Group).

Vendredi, les Sociétés des journalistes (SDJ) de BFMTV, RMC et La Tribune avaient déploré qu'"une prise de position de Rodolphe Saadé sur l'actualité politique et sociale du pays (ait) été diffusée à l'antenne de BFMTV" jeudi.

Il s'agissait d'extraits écrits tirés d'une tribune publiée dans La Provence après le mouvement "Bloquons tout" du 10 septembre. "Les entreprises ne sont pas des adversaires, elles sont des partenaires de la Nation", y écrivait notamment M. Saadé.

 


Faure «sur sa faim» après son entretien avec Lecornu, resté «très flou» sur ses intentions

Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions". (AFP)
Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions". (AFP)
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  • Si M. Lecornu était "là pour refaire François Bayrou, les mêmes causes produiraient les mêmes effets et nous censurerions dès la (déclaration) de politique générale", que prononce chaque nouveau Premier ministre, a-t-il prévenu
  • Il était accompagné par le chef de file des députés socialistes Boris Vallaud, celui des sénateurs Patrick Kanner, et la maire de Nantes Johanna Rolland

PARIS: Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions".

"Pour l'instant, nous sommes restés sur notre faim et nous verrons bien ce qu'il a à nous dire dans les prochains jours", a déclaré le premier secrétaire du PS, à l'issue de sa première rencontre à Matignon, qui a duré près de deux heures.

Si M. Lecornu était "là pour refaire François Bayrou, les mêmes causes produiraient les mêmes effets et nous censurerions dès la (déclaration) de politique générale", que prononce chaque nouveau Premier ministre, a-t-il prévenu à la veille d'une importante journée de mobilisation syndicale.

Il était accompagné par le chef de file des députés socialistes Boris Vallaud, celui des sénateurs Patrick Kanner, et la maire de Nantes Johanna Rolland.

A propos de la journée d'actions de jeudi, il a expliqué que ces manifestations seraient "aussi un élément du rapport de force que nous devons installer avec un exécutif qui, jusqu'ici, n'a pas fait la démonstration de sa capacité à comprendre la colère et même l'exaspération des Français".

Olivier Faure a également dit qu'il ne souhaitait pas "voir revenir sur la table une loi immigration", estimant que le Premier ministre macroniste était "tiraillé par une droite qui lorgne de plus en plus vers l'extrême droite" et avait  "beaucoup de problèmes dans son propre socle commun".

"Nous ne cherchons pas la censure, nous ne cherchons pas la dissolution, nous ne cherchons pas la destitution. Nous cherchons à ce que les Français soient entendus", a-t-il plaidé, en citant un sondage Ifop commandé par le parti montrant que les Français, quelles que soient leurs sensibilités, plébiscitent les mesures poussées par le PS.

"Il y a des mesures qui sont très majoritaires dans le pays, pour la taxe Zucman" sur les hauts patrimoines, "pour en finir" avec la réforme des retraites, pour "rendre du pouvoir d'achat", notamment à travers "un taux différentiel de CSG", a-t-il détaillé.