La grande inquiétude des électeurs musulmans de France face à l'extrême droite

Aux européennes du 9 juin, les électeurs musulmans qui se sont rendus aux urnes ont voté à 62% pour le parti de gauche radicale La France Insoumise (LFI), selon un sondage Ifop pour le journal La Croix. Mais l'abstention a atteint 59% sur ce segment. (AFP).
Aux européennes du 9 juin, les électeurs musulmans qui se sont rendus aux urnes ont voté à 62% pour le parti de gauche radicale La France Insoumise (LFI), selon un sondage Ifop pour le journal La Croix. Mais l'abstention a atteint 59% sur ce segment. (AFP).
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Publié le Mardi 18 juin 2024

La grande inquiétude des électeurs musulmans de France face à l'extrême droite

  • Pour Sarah, 23 ans, membre du collectif de femmes musulmanes "Khlass les clichés", il y a "un risque réel" de voir le Rassemblement national (RN) gagner les élections législatives", avec à la clé des "lois islamophobes"
  • Le Rassemblement national n'a pas caché dans le passé son hostilité à l'abattage rituel, qui interdirait de fait la viande halal et casher

PARIS: "Evidemment on a peur": à l'approche des législatives anticipées en France, les électeurs musulmans s'inquiètent d'une possible victoire de l'extrême droite, dont ils craignent d'être les premières victimes.

Pour Sarah, 23 ans, membre du collectif de femmes musulmanes "Khlass les clichés", il y a "un risque réel" de voir le Rassemblement national (RN) gagner les élections législatives", avec à la clé des "lois islamophobes" cherchant à "restreindre nos libertés individuelles", en matière de culte ou d'habillement par exemple.

Le Rassemblement national n'a pas caché dans le passé son hostilité à l'abattage rituel, qui interdirait de fait la viande halal et casher. En 2021, une de ses propositions de loi bannissait les "idéologies islamistes" et interdisait dans tout l'espace public le port du voile.

Sarah, qui n'a pas souhaité donner son nom, comme la plupart des personnes interviewées, s'inquiète aussi d'une "légitimation" de l'hostilité aux musulmans si, avec "un parti ouvertement raciste à la tête de l'Etat, les actes islamophobes se multiplient".

Samedi soir à Lyon (sud-est), une quarantaine de personnes d'ultra-droite ont déambulé dans les rues en criant "on est des nazis putain" et "islam hors d'Europe", selon des vidéos postées sur les réseaux sociaux. Le défilé a été condamné par le recteur de la Grande mosquée de Paris, Chems-eddine Hafiz, qui a appelé les pouvoirs publics "à agir immédiatement" face à "la libération de la parole extrémiste".

« Boucs émissaires »

M. Hafiz avait déjà fustigé le 11 juin "la montée inquiétante de l'extrême droite", en s'inquiétant de voir que le "Maghrébin", le "musulman", sont "devenus les boucs émissaires, les symboles de tout ce qui est perçu comme menaçant, comme étranger, comme incompatible avec une identité nationale supposément homogène".

"Dans la tête des gens, c'est confondu maintenant: immigration = islam", et "invasion d'une population et d'une religion", affirme à l'AFP l'imam de Bordeaux (sud-ouest) Tareq Oubrou.

Dans cette évolution, beaucoup de musulmans déplorent le traitement médiatique qui leur est réservé.

"Dès que j'allume la télé, c'est dramatique, c'est islam islam islam, on confond avec l'islamisme, on met tout le monde dans le même sac", soupire devant la Grande mosquée Maryam, 46 ans, qui juge que "c'est plus difficile aujourd'hui qu'il y a quinze ans".

Cette mère de deux grands enfants leur a d'ailleurs conseillé "de faire des études pour pouvoir partir ailleurs", comme en écho au récent ouvrage "La France tu l'aimes mais tu la quittes", traduisant le malaise d'une partie des jeunes musulmans en France.

Mais les plus âgés aussi disent leur désarroi face aux élections législatives des 30 juin et 7 juillet.

"Evidemment on a peur, pas trop pour la religion, surtout pour le quotidien", avoue Fatima, 70 ans.

"J'ai entendu (le président du RN) M. (Jordan) Bardella. Ce qu'il disait, c'était les étrangers dehors, ceux qui n'ont pas de travail dehors, et il dit qu'il va être Premier ministre? On veut empêcher ça, mais comment? on vote pour qui? On n'a personne", se désole Zora, 75 ans, arrivée il y a 46 ans de Tunisie.

Karim Tricoteaux, franco-algérien de 32 ans, voit un espoir dans le sentiment que "les partis de gauche sont en train de s'allier et sont plus puissants". Bien sûr, il ira voter: "Ça va le faire", promet-il.

Aux européennes du 9 juin, les électeurs musulmans qui se sont rendus aux urnes ont voté à 62% pour le parti de gauche radicale La France Insoumise (LFI), selon un sondage Ifop pour le journal La Croix. Mais l'abstention a atteint 59% sur ce segment.

Aussi les responsables religieux appellent-ils à aller voter, et à ne pas prêter crédit aux vidéos sur les réseaux sociaux affirmant que la religion musulmane prône de s'abstenir.

"C'est des délires", affirme M. Oubrou en fustigeant "des ignares, qui ont un niveau bac -10 mais essaient de parler du droit canonique musulman".

"La religion musulmane prône au contraire le respect de l'autorité de l'Etat dans lequel on vit", assure M. Hafiz.


Accord EU-USA: Bayrou juge que la France a été "un peu seule"

Le Premier ministre français, François Bayrou, s'adresse à la presse après une visite au siège de Tracfin, le service de lutte contre le blanchiment d'argent du ministère des Finances, à Montreuil, près de Paris, le 31 juillet 2025. (AFP)
Le Premier ministre français, François Bayrou, s'adresse à la presse après une visite au siège de Tracfin, le service de lutte contre le blanchiment d'argent du ministère des Finances, à Montreuil, près de Paris, le 31 juillet 2025. (AFP)
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  • Le Premier ministre, François Bayrou, a jugé jeudi que la France avait été "un peu seule" dans la bataille commerciale face aux Etats-unis
  • Le chef du gouvernement, qui avait vivement critiqué lundi l'accord commercial conclu entre l'Union européenne et les Etats-Unis, déplorant une "soumission" de l'Europe, a estimé que ce n'était "pas la fin de l'histoire"

PARIS: Le Premier ministre, François Bayrou, a jugé jeudi que la France avait été "un peu seule" dans la bataille commerciale face aux Etats-unis, en marge d'un déplacement dans les locaux de Tracfin, organisme de lutte contre la criminalité financière, à Montreuil (93).

Le chef du gouvernement, qui avait vivement critiqué lundi l'accord commercial conclu entre l'Union européenne et les Etats-Unis, déplorant une "soumission" de l'Europe, a estimé que ce n'était "pas la fin de l'histoire", et qu'il fallait "un processus encore pas totalement élucidé de ratification" de cet accord.

"Il y a à vérifier quelle est la portée exacte de ces accords, et les Etats auront d'une manière ou d'une autre leur mot à dire", a-t-il ajouté.

"Je sais que toutes les autorités françaises, et en particulier le président de la République (Emmanuel Macron), ont été ceux qui se sont battus le plus contre des concessions qu'on considérait comme excessives", a-t-il affirmé avant de s'interroger: "Est-ce que nous avons été un peu seuls? Oui".

"Est-ce qu'on a le sentiment qu'à l'intérieur de l'Union européenne, des forces politiques et économiques étaient plutôt sur une ligne de trouver des accommodements? Oui", a-t-il ajouté, en estimant que de son point de vue, "la voie pour l'Europe est une voie d'affirmation et de résistance quand il faut et de fierté le plus souvent possible".

La classe politique française a été unanime à dénoncer l'accord conclu entre le président américain, Donald Trump, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui prévoit notamment une hausse de 15% des droits de douane sur les exportations européennes.

Le président Emmanuel Macron a déploré mercredi en Conseil des ministres que l'Union européenne n'ait pas été assez "crainte" dans ses négociations commerciales avec les Etats-Unis, affirmant que la France continuerait de faire montre "d'exigence et de fermeté" dans la suite des discussions.


Lille: enquête ouverte après les propos sur internet d'une étudiante gazaouie

L'Institut d'études politiques (IEP) de Sciences Po à Lille. (AFP)
L'Institut d'études politiques (IEP) de Sciences Po à Lille. (AFP)
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  • Le parquet de Lille a annoncé jeudi avoir ouvert une enquête pour apologie du terrorisme et apologie de crime contre l'humanité concernant les publications sur les réseaux sociaux d'une étudiante gazaouie

LILLE: Le parquet de Lille a annoncé jeudi avoir ouvert une enquête pour apologie du terrorisme et apologie de crime contre l'humanité concernant les publications sur les réseaux sociaux d'une étudiante gazaouie, dont Sciences Po Lille a annulé l'inscription mercredi.

"Une enquête a été ouverte pour apologie du terrorisme, apologie de crime contre l'humanité avec utilisation d'un service de communication au public en ligne", a écrit la procureure de la République de Lille, Carole Etienne, à l'AFP.

Des captures d'écran circulant sur les réseaux sociaux montrent qu'un compte, attribué à cette étudiante par des internautes et fermé depuis, a repartagé des messages appelant à tuer des juifs.

Elle a été désinscrite de l'Institut d'études politiques de Lille, où elle devait étudier à partir de septembre, en raison du contenu de certaines de ses publications qui "entre en contradiction frontale avec les valeurs portées par Sciences Po Lille", a indiqué l'établissement mercredi.

"Pourquoi on est passé à travers? Il y a quand même une question, il faut y répondre", a reconnu jeudi sur RMC François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre de l'Intérieur.

"Il y aura des poursuites qui seront engagées et sur la base de ces éléments-là, elle est susceptible d'être renvoyée dans son pays, bien évidemment", a-t-il ajouté.

"Administrativement, semble-t-il, je suis très prudent, il n'y avait pas de difficulté particulière, sauf que sur les réseaux sociaux, voilà, on s'en est rendu compte", a-t-il ajouté, précisant que "les services des titres de séjour relèvent du ministère des Affaires étrangères".

Sollicité par l'AFP, Sciences Po Lille a expliqué avoir "accueilli cette étudiante sur proposition du consulat général de France à Jérusalem".

L'incident a fait largement réagir dans la classe politique, jusqu'au gouvernement.

"Une étudiante gazaouie tenant des propos antisémites n'a rien à faire en France", a réagi sur X le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. Il a indiqué avoir "demandé à ce qu'une enquête interne soit diligentée pour que cela ne puisse en aucun cas se reproduire".

Le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a souligné sur le même réseau social avoir "demandé de faire fermer ce compte haineux", et a martelé que "les propagandistes du Hamas n'ont rien à faire dans notre pays".


Restitutions coloniales: le gouvernement français annonce un projet de loi

La ministre française de la Culture Rachida Dati (G) et la ministre française des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative Marie Barsacq quittent le Palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 30 juillet 2025, après la réunion hebdomadaire du conseil des ministres. (AFP)
La ministre française de la Culture Rachida Dati (G) et la ministre française des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative Marie Barsacq quittent le Palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 30 juillet 2025, après la réunion hebdomadaire du conseil des ministres. (AFP)
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  • Le gouvernement français a présenté mercredi en conseil des ministres un projet de loi-cadre visant à faciliter la restitution à leur pays d'origine de biens culturels pillés pendant la colonisation
  • Ce projet de loi-cadre crée une dérogation au principe d'inaliénabilité pour les œuvres des collections nationales françaises

PARIS: Le gouvernement français a présenté mercredi en conseil des ministres un projet de loi-cadre visant à faciliter la restitution à leur pays d'origine de biens culturels pillés pendant la colonisation.

S'appliquant en priorité aux pays africains mais de "portée géographique universelle", ce texte vise à accélérer le retour dans leur pays d'origine de biens culturels appartenant aux collections nationales françaises.

Ils doivent revenir à des "Etats qui, du fait d'une appropriation illicite, en ont été privés" entre 1815 et 1972, selon le ministère français de la Culture.

Ce projet de loi-cadre crée une dérogation au principe d'inaliénabilité pour les œuvres des collections nationales françaises. Les oeuvres à restituer devront avoir été acquises "dans une situation de vol, de pillage, de cession ou de libéralité obtenue par contrainte ou violence ou d'une personne qui ne pouvait en disposer", a précisé le ministère.

La décision de sortie des collections pour opérer cette restitution ne passera plus par un processus législatif au cas par cas mais pourra intervenir sur seul décret du Conseil d'Etat et après avis, le cas échéant, d'une commission scientifique bilatérale.

Cette commission devra en effet documenter et déterminer, si besoin, le caractère illicite de l'appropriation des oeuvres réclamées à travers un travail qui associerait des experts et historiens français et l'Etat demandeur, selon le ministère.

Concernant la période historique retenue, 1815 correspond à la date d'un règlement des conquêtes napoléoniennes qui est dû à un premier mouvement de restitution d'œuvres à l'échelle européenne. 1972 est celle de l'entrée en application de la convention internationale de l'Unesco protégeant les biens culturels contre le trafic illicite.