Explosion du port de Beyrouth : parier sur l’usure pour aboutir à l’impunité ?

Quatre ans déjà depuis cette journée du 4 août où la vie des habitants de Beyrouth a sombré dans la douleur et la destruction. (AFP)
Quatre ans déjà depuis cette journée du 4 août où la vie des habitants de Beyrouth a sombré dans la douleur et la destruction. (AFP)
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Publié le Mercredi 07 août 2024

Explosion du port de Beyrouth : parier sur l’usure pour aboutir à l’impunité ?

  • Cette année, ils n'étaient que quelques centaines à converger vers le lieu de l’explosion, pour commémorer ce triste anniversaire et réclamer justice
  • Leur nombre s’amenuise avec le temps qui passe. Tel est probablement le pari des instigateurs de cet acte de barbarie, qui misent sur l’usure pour aboutir à l’impunité

PARIS : Quatre ans déjà depuis cette journée du 4 août où la vie des habitants de Beyrouth a sombré dans la douleur et la destruction.

Quatre ans que l’explosion de plusieurs centaines de tonnes de nitrate d’ammonium entreposées dans le port de Beyrouth a fauché la vie de 265 personnes, blessé plus de 6 500 autres et démoli le cœur de la capitale libanaise.

Quatre ans que les familles des victimes et les sinistrés attendent la vérité, une vérité, de quoi mettre un nom et donner un visage au(x) responsable(s) de leur tragédie.

Cette année, ils n’étaient que quelques centaines à converger vers le lieu de l’explosion, pour commémorer ce triste anniversaire et réclamer justice.

Leur nombre s’amenuise avec le temps qui passe. Tel est probablement le pari des instigateurs de cet acte de barbarie, qui misent sur l’usure pour aboutir à l’impunité.

Dans un pays paralysé politiquement, nécrosé par une corruption endémique et une société communautarisée, un tel pari est des plus plausibles.

L’action du juge Tarek Bitar, chargé d’enquêter sur l’explosion du port, est entravée. Il est incapable d’avancer à cause de plusieurs recours en dessaisissement.

L’ancien procureur général de la Cour de cassation, Ghassan Oueidate, avait par ailleurs pris, en 2023, la décision de geler l’enquête, pour des raisons évidentes puisque plusieurs responsables politiques et sécuritaires seraient impliqués dans l’affaire.

À l’arrivée, le juge Bitar est isolé dans le cadre de son enquête et aujourd’hui embourbé dans un imbroglio politico-judiciaire dont seuls les politiciens libanais ont le secret. Il est dans l’incapacité d’émettre des mandats d’arrêt à l’encontre des personnalités incriminées.

Ces dernières peuvent-elles donc couler des jours tranquilles dans l’impunité la plus totale ?

Ce serait sans compter les irréductibles parmi les familles des victimes soutenues par une frange de l’opinion publique, un nombre d’ONG locales et un peu plus d’une dizaine de députés dits « du changement ».

Ces quelques députés avaient réussi, lors des élections législatives de 2022, à infiltrer un Parlement totalement inféodé aux chefs des différentes communautés du pays. Ils jouent, depuis, le rôle de porte-voix de ceux qui aspirent à un avenir plus sain.

Parmi eux, le député de Beyrouth Ibrahim Mneimneh qui, interrogé par Arab News en français a affirmé : « Nous sommes là et nous les empêcherons d’imposer leur volonté », dans une allusion à peine voilée à la classe politique libanaise.

Il est vrai, concède-t-il, que « nous ne sommes pas capables de modifier l’équation politique ni d’inverser la dynamique », mais tant qu’il y a une action politique, judiciaire et populaire, « ils ne parviendront pas à leurs desseins ».

Le dossier de l’enquête, souligne M. Mneimneh est entre les mains du juge Bitar, qui « doit pouvoir poursuivre son travail sans aucune interférence jusqu’à la publication de l’acte d’accusation ».

À partir de ce moment-là, indique le député, et à la lumière de cet acte d’accusation, « nous définirons notre mode d’action », tout en espérant un déblocage de la situation avec l’arrivée à la tête de la Cour de cassation du nouveau procureur, le général Jamal Hajjar.

Toutefois, il est difficile pour M. Mneimneh de ne pas admettre que le Liban est « le pays de la justice entravée », non seulement en ce qui concerne l’enquête du port mais également celle de la Banque du Liban et de la spoliation des déposants par le système bancaire ainsi que d’autres affaires diverses.

Cette situation est le résultat des interférences politiques dans les affaires judiciaires en l’absence d’une loi garantissant véritablement l’indépendance de la justice.

Ceci implique, selon M. Mneimneh, la mise en application des recommandations de la commission de Venise, (commission rattachée à l’Union européenne) « qui nous a fourni des éléments pour renforcer la neutralité et garantir l’indépendance de nos institutions juridiques ».

Serait-on dans un cercle vicieux ? Non, répond M. Mneimneh, préférant parler d’une « étape charnière » avec un système politique en « état de mort cérébrale ».  Une situation qui rend ce dernier incapable de recourir, comme par le passé, à des semblants de solutions et à enterrer les différentes affaires.

Pour M. Mneimneh, « malgré le pessimisme ambiant, cette incapacité est un signe positif » qui signifie que « nous ne les laissons plus imposer au pays les règlements qui les arrangent » pour faire barrage à la vérité.

De son côté, le président français Emmanuel Macron a tenu à marquer le quatrième anniversaire de l’explosion en publiant sur son compte sur X (ancien Twitter) un mot empreint d’émotion où il réaffirme « l’engagement indéfectible de la France aux côtés des Libanais et notre exigence de justice pour toutes les victimes ».

Difficile de savoir si ce message met du baume au cœur des principaux concernés et apaise leur désespoir face à une vérité qui tarde à émerger. 

 


Liban: le chef de l'Etat demande à l'armée de «s'opposer à toute incursion israélienne»

Le président libanais Joseph Aoun a demandé jeudi à l'armée de "s'opposer à toute incursion israélienne", après la mort d'un employé municipal d'un village du sud du Liban où une unité israélienne a pénétré pendant la nuit. (AFP)
Le président libanais Joseph Aoun a demandé jeudi à l'armée de "s'opposer à toute incursion israélienne", après la mort d'un employé municipal d'un village du sud du Liban où une unité israélienne a pénétré pendant la nuit. (AFP)
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  • Dans un communiqué, le chef de l'Etat a condamné cette opération et "demandé à l'armée de faire face à toute incursion israélienne (...) pour défendre le territoire libanais et la sécurité des citoyens"
  • Selon l'Agence nationale d'information (Ani, officielle), "dans une agression grave et sans précédent", une unité israélienne "appuyée par des véhicules a effectué une incursion dans le village de Blida, à plus d'un kilomètre de la frontière"

BERYROUTH: Le président libanais Joseph Aoun a demandé jeudi à l'armée de "s'opposer à toute incursion israélienne", après la mort d'un employé municipal d'un village du sud du Liban où une unité israélienne a pénétré pendant la nuit.

Dans un communiqué, le chef de l'Etat a condamné cette opération et "demandé à l'armée de faire face à toute incursion israélienne (...) pour défendre le territoire libanais et la sécurité des citoyens".

Selon l'Agence nationale d'information (Ani, officielle), "dans une agression grave et sans précédent", une unité israélienne "appuyée par des véhicules a effectué une incursion dans le village de Blida, à plus d'un kilomètre de la frontière".

Cette unité "a investi le bâtiment de la municipalité du village, où dormait Ibrahim Salamé, un employé municipal, qui a été tué par les soldats de l'ennemi", a ajouté l'Ani.

Le ministère de la Santé a confirmé la mort de l'employé municipal.

Des villageois cités par l'Ani ont indiqué que l'incursion avait duré plusieurs heures et que les forces israéliennes s'étaient retirées à l'aube.

Sur X, le Premier ministre libanais Nawaf Salam a dénoncé "une agression flagrante contre les institutions de l'Etat libanais et sa souveraineté".


Liban: incursion israélienne dans un village frontalier, un employé municipal tué

Un employé municipal a été tué jeudi, selon le ministère libanais de la Santé, lors d'une incursion israélienne nocturne dans un village du sud du Liban, confirmée par Israël qui a affirmé agir contre le Hezbollah pro-iranien. (AFP)
Un employé municipal a été tué jeudi, selon le ministère libanais de la Santé, lors d'une incursion israélienne nocturne dans un village du sud du Liban, confirmée par Israël qui a affirmé agir contre le Hezbollah pro-iranien. (AFP)
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  • En vertu d'un cessez-le-feu qui a mis fin en novembre 2024 à la guerre entre le Hezbollah et Israël, ce pays a retiré ses troupes du sud du Liban mais continue d'occuper cinq points sur le territoire libanais, frontalier du nord d'Israël
  • Selon l'Agence nationale d'information (Ani, officielle), "dans une agression grave et sans précédent", une unité israélienne "appuyée par des véhicules a effectué une incursion dans le village de Blida, à plus d'un kilomètre de la frontière"

BEYROUTH: Un employé municipal a été tué jeudi, selon le ministère libanais de la Santé, lors d'une incursion israélienne nocturne dans un village du sud du Liban, confirmée par Israël qui a affirmé agir contre le Hezbollah pro-iranien.

En vertu d'un cessez-le-feu qui a mis fin en novembre 2024 à la guerre entre le Hezbollah et Israël, ce pays a retiré ses troupes du sud du Liban mais continue d'occuper cinq points sur le territoire libanais, frontalier du nord d'Israël.

Selon l'Agence nationale d'information (Ani, officielle), "dans une agression grave et sans précédent", une unité israélienne "appuyée par des véhicules a effectué une incursion dans le village de Blida, à plus d'un kilomètre de la frontière".

Cette unité "a investi le bâtiment de la municipalité du village, où dormait Ibrahim Salamé, un employé municipal, qui a été tué par les soldats de l'ennemi", a ajouté l'Ani.

Le ministère de la Santé a confirmé la mort de l'employé municipal.

Des villageois cités par l'Ani ont indiqué que l'incursion avait duré plusieurs heures et que les forces israéliennes s'étaient retirées à l'aube.

Sur X, le Premier ministre libanais Nawaf Salam a dénoncé "une agression flagrante contre les institutions de l'Etat libanais et sa souveraineté".

L'armée israélienne a confirmé avoir mené cette incursion, affirmant qu'elle intervenait dans le cadre de ses "activités visant à détruire une infrastructure terroriste" du Hezbollah.

Elle a ajouté que l'unité avait "repéré un suspect à l'intérieur du bâtiment" de la municipalité et ouvert le feu après avoir identifié "une menace directe" sur les soldats.

L'incident "fait l'objet d'une enquête", selon l'armée.

Dans un autre village frontalier, Adaissé, une unité israélienne a dynamité un bâtiment servant à abriter des cérémonies religieuses, selon l'Ani.

Ces derniers jours, l'aviation israélienne a intensifié ses frappes au Liban, affirmant viser des membres ou des infrastructures du Hezbollah.

Mardi, le porte-parole du Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'Homme, Jeremy Laurence, a indiqué que 111 civils avaient été tués au Liban par les forces israéliennes depuis la fin de la guerre.

Le Hezbollah est sorti très affaibli du conflit et les Etats-Unis exercent une intense pression sur le gouvernement libanais pour qu'il livre ses armes à l'armée nationale, ce qu'il refuse jusqu'à présent.

Le mécanisme de surveillance du cessez-le-feu, qui regroupe outre le Liban et Israël, les Etats-Unis, la France et l'ONU, s'est réuni mercredi dans la localité frontalière de Naqoura, qui abrite le quartier général des forces de l'ONU.

L'émissaire américaine Morgan Ortagus a déclaré au cours de la réunion que "l'armée libanaise doit à présent exécuter entièrement son plan" visant à "placer toutes les armes sous le contrôle de l'Etat d'ici la fin de l'année".


Soudan: l'ONU appelle à mettre un terme au siège d'El-Facher après une tuerie dans une maternité

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  • Le chef des paramilitaires soudanais Mohamed Daglo a reconnu mercredi soir une "catastrophe" dans la ville, assurant: "La guerre nous a été imposée"
  • Antonio Guterres s'est dit "gravement préoccupé par l'escalade militaire récente" à El-Facher, appelant à "mettre un terme immédiatement au siège et aux hostilités"

PORT-SOUDAN: Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé jeudi à mettre un terme à l'"escalade militaire" au Soudan, après le meurtre de plus de 460 personnes dans une maternité à El-Facher, ville clé prise par les forces paramilitaires.

Les informations se multiplient sur des exactions massives depuis que les Forces de soutien rapide (FSR, paramilitaires) ont pris dimanche, après 18 mois de siège, cette dernière grande ville qui échappait à leur contrôle dans la vaste région du Darfour, où "les massacres continuent" selon des images satellite analysées par le Humanitarian Research Lab (HRL) de l'université Yale.

Le chef des paramilitaires soudanais Mohamed Daglo a reconnu mercredi soir une "catastrophe" dans la ville, assurant: "La guerre nous a été imposée".

Antonio Guterres s'est dit "gravement préoccupé par l'escalade militaire récente" à El-Facher, appelant à "mettre un terme immédiatement au siège et aux hostilités".

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) s'est dite "consternée par les informations faisant état du meurtre tragique de plus de 460 patients et accompagnateurs à la maternité saoudienne d'El-Facher". Selon l'institution, cette maternité était le seul hôpital encore partiellement opérationnel dans la ville.

Après la prise d'El-Facher à leurs rivaux, l'armée du général Abdel Fattah al-Burhane, les FSR contrôlent désormais l'ensemble du Darfour, vaste région de l'ouest du Soudan couvrant le tiers du pays.

Les communications satellite restent coupées -sauf pour les FSR qui contrôlent le réseau Starlink-, les accès d'El-Facher restent bloqués malgré les appels à ouvrir des corridors humanitaires. Dans ce contexte, il est extrêmement compliqué de joindre des sources locales indépendantes.

Maîtres du Darfour 

"Plus de 2.000 civils ont été tués au cours de l'invasion de la milice (des FSR) à El-Facher, ciblant les mosquées et les volontaires du Croissant-Rouge", a pour sa part affirmé Mona Nour Al-Daem, chargée de l'aide humanitaire au gouvernement pro-armée.

A El-Facher, le comité de résistance local, qui documente les exactions depuis le début du conflit, a rapporté mercredi soir avoir entendu des tirs dans l'ouest de la ville, "où quelques soldats restants combattent avec (...) ténacité".

Depuis dimanche, plus de 36.000 personnes ont fui les violences, majoritairement vers la périphérie d'El-Facher et vers Tawila, cité située à 70 km plus à l'ouest et qui était déjà la plus importante zone d'accueil du Soudan, selon l'ONU, avec plus de 650.000 déplacés.

De rares images de l'AFP en provenance de Tawila montrent des déplacés portant leurs affaires sur leur dos ou sur leur tête. Certains montent des tentes, d'autres, parfois blessés, sont assis dans des conditions précaires.

Le Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'homme a alerté sur le "risque croissant d'atrocités motivées par des considérations ethniques" en rappelant le passé du Darfour, ensanglanté au début des années 2000 par les massacres et les viols des milices arabes Janjawid, dont sont issues les FSR, contre les tribus locales Massalit, Four ou Zaghawa.

"Unité" 

Les FSR, qui ont installé au Darfour une administration parallèle, contrôlent désormais l'ouest du Soudan et certaines parties du sud, avec leurs alliés. L'armée contrôle le nord, l'est et le centre du troisième plus vaste pays d'Afrique, ravagé par plus de deux ans de guerre.

Des experts craignent une nouvelle partition du Soudan, après l'indépendance du Soudan du Sud en 2011. Mais le chef des FSR a affirmé mercredi que la prise complète du Darfour par ses forces favoriserait "l'unité" du pays.

"La libération d'El-Facher est une opportunité pour l'unité du Soudan et nous disons : l'unité du Soudan par la paix ou par la guerre", a déclaré M. Daglo mercredi.

Les pourparlers menés depuis plusieurs mois par le groupe dit du "Quad", qui réunit les Etats-Unis, l'Egypte, les Emirats arabes Unis et l'Arabie saoudite, sont restés dans l'impasse, selon un responsable proche des négociations.

Leurs propositions de trêve se heurtent, selon lui, "à l'obstructionnisme continu" du pouvoir de M. Burhane, qui a refusé en septembre une proposition prévoyant à la fois son exclusion et celle des FSR de la transition politique post-conflit.