Je dis depuis un certain temps que nous sommes entrés dans une ère de confusion et de nihilisme, où tout ce à quoi nous étions habitués et tout ce que nous considérons comme acquis a été transformé.
En Occident notamment, les systèmes politiques semblent se désagréger, n’offrant plus aux citoyens les réponses dont ils ont besoin. Il suffit de constater le niveau historiquement bas de la confiance que les citoyens accordent à leurs gouvernements pour comprendre que de nouveaux modes de pensée et d’expression sont devenus nécessaires et se développent déjà en dehors des institutions habituelles. Nous voyons l’ancien monde se désintégrer devant nos yeux, les anciennes idéologies perdant tout leur sens.
Pour beaucoup de personnes, cela ressemble à une rencontre entre le nihilisme et le désordre. Ce à quoi nous assistons réellement, je crois, c’est une transition douloureuse vers un nouvel ordre qui n’existe pas encore, mais qui répondra mieux aux besoins et aux attentes des gens dans cette ère moderne.
Nous aimons résumer l’histoire de l’humanité par une succession d’âges, depuis l’âge de pierre et l’âge de bronze, jusqu’à la Renaissance et l’ère industrielle. L’ère dans laquelle nous entrons a clairement été largement influencée par la technologie, qui offre un accès immédiat à l’information et une communication instantanée avec chaque être humain sur Terre, tout en transformant presque tous les aspects de notre vie et, de plus en plus, le fonctionnement des gouvernements, de la finance et même des armées.
“Nous voyons l’ancien monde se désintégrer devant nos yeux, les anciennes idéologies perdant tout leur sens.”
Hassan bin Youssef Yassin
Cela a créé des bouleversements dans le monde entier, nous plaçant tous sur une ligne temporelle différente de celle à laquelle nous sommes habitués. En conséquence, nous devons, en tant que personnes, mais aussi les gouvernements, nous adapter pour être plus agiles, pour répondre et pour nous ajuster plus rapidement. Lorsque nous ne nous adaptons pas assez rapidement, nous avons besoin d’une secousse, d’un stimulus pour nous faire prendre conscience de ce qui change autour de nous et que nous devons rattraper.
Nous avons manifestement besoin d’un choc pour nous secouer et trouver des moyens de mieux gérer les guerres à Gaza, au Liban et en Ukraine, ainsi que les bouleversements sociétaux dans le monde entier. La réélection de Donald Trump est l’une de ces secousses, qui nous ébranle et nous rappelle que l’ancien modèle ne fonctionne plus et n’est plus adapté aux besoins de la population.
Une dame âgée interviewée à la télévision m’a beaucoup impressionné l’autre jour. Démocrate et libérale depuis longtemps, elle a déclaré à l’intervieweur qu’elle avait voté pour Trump. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi, elle a répondu simplement qu’il parlait comme elle. La plupart des hommes politiques d’aujourd’hui seront considérés comme particulièrement déconnectés du monde réel et de la vie des gens, tellement immergés dans les jeux politiques qu’ils jouent, au point qu’ils ne se rendent plus compte du monde dans lequel ils évoluent. Alors que beaucoup pensaient que la réélection de Trump était impossible, son rejet des anciennes élites et de l’ordre ancien l’a rendu incontournable.
Il reste un grand nombre de personnes qui ne peuvent pas s’identifier à quelqu’un comme Trump. À travers les âges des grands penseurs et philosophes, d’Aristote à Al-Mutanabbi en passant par Jean-Jacques Rousseau, nous avons reçu beaucoup de sagesse et de dirigeants capables d’aider leur peuple à avancer. Aujourd’hui, cependant, nous ne sommes pas dans une ère de construction mais plutôt de déconstruction, qui doit nécessairement passer en premier.
“Lorsque nous ne nous adaptons pas assez rapidement, nous avons besoin d’une secousse pour nous faire prendre conscience de ce qui change autour de nous.”
Hassan bin Youssef Yassin
À ce moment-là, nous avons peut-être besoin de quelqu’un qui puisse faire des économies et conclure des accords, pour nous permettre de traverser plus rapidement cette phase difficile. Lorsque je regarde l’incroyable transformation de l’Arabie saoudite ces dernières années, je crois que c’est la capacité de nos dirigeants à ne plus écouter les vieilles idées et les vieilles habitudes, leur capacité à envisager les problèmes de manière plus pratique, qui a fait toute la différence. Nous ne devons pas nous laisser emprisonner mentalement par de vieux systèmes ou par les souhaits de groupes d’intérêts étroits. Nous devons briser le plafond pour retrouver l’air libre et la lumière.
Il est compréhensible que nous craignions de voir les institutions que nous avions établies collectivement, telles que l’ONU et son Conseil de sécurité, perdre leur raison d’être et leur pertinence, à l’instar de nombreuses autres institutions politiques occidentales. Mais au lieu de pleurer un monde qui n’existe plus, nous devrions peut-être essayer de comprendre les changements en cours aujourd’hui et trouver de nouvelles réponses et solutions pour trouver ce qui fonctionne réellement.
C’est ainsi que nous dépasserons le nihilisme et la confusion que beaucoup ressentent aujourd’hui. Je laisserai le mot de la fin à Desmond Tutu, qui nous a rappelé avec sagesse que “l’espoir, c’est d’être capable de voir la lumière malgré l'obscurité”.
• Hassan ben Youssef Yassin a travaillé en étroite collaboration avec les ministres saoudiens du Pétrole Abdallah Tariki et Ahmed Zaki Yamani de 1959 à 1967. Il a dirigé le bureau d'information saoudien à Washington de 1972 à 1981 et a fait partie de la délégation d'observateurs de la Ligue arabe auprès des Nations unies de 1981 à 1983.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com