ISTAMBUL : Des centaines de Syriens ont accouru dimanche matin devant la grande mosquée du quartier de Fatih à Istanbul, l'un des épicentres de la communauté syrienne de la ville, forte de 500 000 membres, ravis d'être « débarrassés d'Assad ».
« Je ne pensais pas que ça arriverait un jour, même pas dans trois siècles ! Personne ne s'y attendait, c'est une victoire immense ! », s'exclame Mohamad Cuma, un étudiant syrien arrivé d'Alep il y a trois ans.
« C'est incroyable, on a l'impression de renaître », lance, incrédule, Sawsan Al-Ahmad, tenant son jeune fils dans les bras. Cette mère de famille a vécu en 2011 les premiers mois du siège impitoyable de Homs par les forces du régime syrien, et se réjouit à l'idée d'emmener son fils « sur sa terre », maintenant que le règne de la famille Assad est terminé.
Derrière elle, sous la pluie battante, des centaines de Syriens scandent « Allah akbar ! » (« Dieu est le plus grand ! »), certains appelant à exécuter Bachar al-Assad en agitant des drapeaux de la révolution syrienne.
Au milieu du brouhaha, audible à des centaines de mètres à la ronde, un homme brandit un portrait d'Abdel-Basset al-Sarout, une ancienne star du football syrien devenu combattant rebelle et mort en 2019 dans des affrontements avec les forces du régime.
« Il finira en enfer ! »
« Aujourd'hui est une grande fête pour nous, les Syriens ! », lâche Ibrahim Al-Mohamed, un des trois millions de réfugiés syriens à vivre sur le sol turc, âgé de 42 ans.
Au milieu des scènes de liesse, l'émotion du père de famille se lit sur son visage. « Mon fils est devenu handicapé à cause d'Assad. Nous vivions à Alep et une bombe a été larguée sur l'immeuble voisin. Il a été traumatisé, il n'arrivait plus à parler. Il a désormais treize ans et commence à aller un peu mieux », dit-il, les yeux rougis.
« Dieu soit loué, nous sommes débarrassés d'Assad », dit Ahmed Mohamad, professeur de Coran arrivé d'Alep il y a onze ans après avoir fait défection de l'armée syrienne.
« Si Dieu le veut, il sera décapité », ajoute-t-il en mimant une lame de décapitation avec le pouce passé sous sa gorge.
Mohamad Cuma, lui, se fiche de ce qu'il adviendra d'Assad. « Il est parti, et c'est l'essentiel. Qu'il aille en Russie, en Biélorussie ou au Venezuela, laissez-le partir. Dans tous les cas, il finira en enfer. »
Il espère désormais que « toute la Syrie sera unifiée sous un même drapeau » et prédit que 50 % des Syriens réfugiés en Turquie rentreront chez eux.
La chute d'Assad lui fait aussi revoir ses ambitions : « Jusqu'à la semaine dernière, mon plan était de poursuivre en master au Royaume-Uni », confie l'étudiant en ingénierie civile à la prestigieuse université stambouliote de Bogaziçi.
« Mais désormais, je me dis que je pourrais être utile à la reconstruction de la Syrie, donc je vais très probablement rentrer. »