BERLIN : À la suite d'une controverse sur de possibles défaillances lors de l'attaque mortelle à la voiture bélier du marché de Noël de Magdebourg, le gouvernement allemand et les responsables des forces de sécurité ont commencé lundi à se soumettre à un interrogatoire serré.
Nancy Faeser, la ministre de l'Intérieur au centre de la polémique, doit s'exprimer dans l'après-midi à l'issue d'une audition devant les députés qui réclament des comptes.
Le drame, qui a fait cinq morts et plus de 200 blessés le 20 décembre, aurait-il pu être évité ? « J'aimerais le savoir aussi », a déclaré par avance le chancelier Olaf Scholz vendredi, lors d'un entretien avec le site t-online.
En campagne pour sa réélection à deux mois des législatives anticipées, le chef du gouvernement social-démocrate a promis de faire la lumière sur d'éventuels « manquements de la part des autorités de Saxe-Anhalt », la région de Magdebourg, « ou au niveau fédéral ».
« Cet acte horrible m'occupe l'esprit sans discontinuer », a ajouté Olaf Scholz, en reconnaissant que les autorités ont bénéficié « au fil des ans » de nombreux « indices » sur un possible passage à l'acte du suspect saoudien Taleb Jawad al-Abdulmohsen.
Depuis dix jours, l'Allemagne s'interroge sur les raisons qui ont poussé ce médecin de 50 ans, venu en Allemagne en 2006, à faucher la foule du marché de Noël à bord d'un puissant véhicule BMW lancé à toute allure.
Personnalité difficile à cerner, le psychiatre de formation a exprimé des opinions hostiles à l'islam, de la colère contre les fonctionnaires allemands de l'immigration et son soutien aux récits conspirationnistes d'extrême droite sur une « islamisation » de l'Europe.
Selon la justice, l'homme, actuellement en détention provisoire, semble avoir agi pour dénoncer le manque de soutien des autorités allemandes chargées de l'asile aux réfugiés saoudiens ayant rompu avec leur pays et la religion musulmane.
- Huis clos -
Lundi, en milieu de journée, ont commencé à répondre aux questions d'une commission parlementaire la ministre fédérale de l'Intérieur, sa collègue de Saxe-Anhalt, des responsables des autorités et les chefs des services secrets.
Cette audition se déroule à huis clos et doit durer deux heures.
Les médias allemands ont révélé d'innombrables publications du suspect sur les réseaux sociaux, proférant notamment des menaces de violence contre les citoyens et les hommes politiques allemands.
Il avait déjà été condamné à une amende à Rostock, dans le nord-est de l'Allemagne, en 2013 pour « troubles à l'ordre public » et « menaces de commettre des crimes ». Il menaçait déjà à l'époque de commettre un attentat.
Plus récemment, l'Arabie saoudite a demandé à Berlin son extradition, après avoir averti à plusieurs reprises qu'il « pourrait être dangereux », a indiqué à l'AFP une source proche du gouvernement à Ryad.
La police allemande avait jugé l'an dernier qu'il ne présentait pas de « danger particulier » après avoir évalué le risque.
- Deux entretiens -
Elle a mené avec lui un premier entretien fin septembre 2023 dans un commissariat, un deuxième début octobre 2024 sur son lieu de travail.
Sur le plan politique l'attaque a replacé les questions de l'immigration et de la sécurité au cœur de la campagne pour les législatives anticipées du 23 février.
Taleb Jawad al-Abdulmohsen disposait du statut de réfugié et bénéficiait ainsi de la protection de son pays d'accueil.
Lors d'une manifestation à Magdebourg, le parti d'extrême droite Alternative pour l'Allemagne (AfD) a exigé de "fermer les frontières" face aux "fous furieux venus de tous les pays".
"Nous tolérons en Allemagne trop de gens qui ne veulent pas s'intégrer", a aussi affirmé vendredi le conservateur Friedrich Merz, grand favori des sondages pour devenir le futur chancelier.
Il préconise de faciliter les expulsions "même en dessous du seuil des infractions pénales établies".
Olaf Scholz a de son côté rappelé que l'opposition de droite avait bloqué en octobre une partie du projet de loi durcissant la politique migratoire du pays, qui prévoyait des pouvoirs d'enquête supplémentaires aux forces de l'ordre.