La Syrie se voit offrir une opportunité décisive

Le président américain Donald Trump a levé les sanctions américaines imposées à l'ancien régime syrien après des entretiens avec le prince héritier Mohammed ben Salmane. (SPA)
Le président américain Donald Trump a levé les sanctions américaines imposées à l'ancien régime syrien après des entretiens avec le prince héritier Mohammed ben Salmane. (SPA)
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Publié le Lundi 19 mai 2025

La Syrie se voit offrir une opportunité décisive

La Syrie se voit offrir une opportunité décisive
  • L’annonce de la levée des sanctions, suivie de la rencontre entre Trump et Al-Charaa, a constitué un succès notable pour la diplomatie saoudienne
  • Cela illustre la capacité de Riyad à proposer à Washington des approches marquées par le calme et le respect

L'Arabie saoudite exprime un soutien clair et constant à l'État syrien, sous différentes formes. Cela inclut une aide humanitaire, notamment en nourriture, assistance médicale et produits essentiels, fournie par l'agence saoudienne KSrelief, ainsi qu’un apport continu de volontaires dans les domaines médicaux et de services, sous la coordination du gouvernement saoudien. Ce soutien comprend également un volet économique, illustré par la prise en charge, avec le Qatar, d’une somme de 15 millions de dollars (1 dollar = 0,89 euro) représentant les arriérés de la Syrie envers la Banque mondiale.

Sur le plan politique, Riyad a été la première capitale visitée par le nouveau président syrien Ahmad al-Charaa, qui y a rencontré le prince héritier Mohammed ben Salmane.

Le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Faisal ben Farhane, a tenu plusieurs rencontres avec son homologue syrien Asaad al-Chibani, soulignant l’importance de soutenir la stabilité et l’unité de la Syrie. Il a également tenté de convaincre plusieurs capitales arabes et européennes de la nécessité de répondre aux conséquences négatives de la dernière décennie en Syrie, marquée par des conflits internes, une ingérence étrangère et la présence de factions armées, ayant transformé le pays en un État défaillant, propice au terrorisme, menaçant ses voisins et impliqué dans la production et le trafic de stupéfiants.

Le soutien saoudien le plus marquant s’est manifesté lors de la visite du président américain Donald Trump à Riyad la semaine dernière. À cette occasion, Trump a annoncé la levée des sanctions américaines imposées à l’ancien régime syrien, à la demande du prince héritier.

Le jour suivant, avant le sommet américano-golfique, une rencontre a eu lieu entre les présidents américain et syrien, en présence du prince héritier saoudien, avec la participation du président turc Recep Tayyip Erdogan, intervenu par téléphone.

L’annonce de la levée des sanctions, suivie de la rencontre entre Trump et Al-Charaa, a constitué un succès notable pour la diplomatie saoudienne et a illustré la capacité de Riyad à proposer à Washington des approches marquées par le calme et le respect.

Une question se pose alors: qu’est-ce qui pousse l’Arabie saoudite à engager de tels efforts en faveur de la Syrie?

La chute du régime de l’ancien président syrien Bachar al-Assad, en décembre dernier, n’a pas été un simple événement. Elle a représenté un tournant politique et sécuritaire majeur, laissant un vide structurel dans les institutions de l’État, qu’il fallait combler pour éviter chaos, guerre civile et conflits. Lorsque Assad s’est réfugié en Russie, il n’était pas seul à quitter le pays: des alliés étrangers, notamment des officiers des Gardiens de la révolution iraniens, ainsi que des combattants de factions libanaises, afghanes, irakiennes et pakistanaises ayant combattu aux côtés des forces syriennes, se sont également retirés. Par ailleurs, le retrait partiel de la Russie a creusé le vide le plus significatif.

L'annonce de la levée des sanctions américaines a représenté une avancée significative pour la diplomatie saoudienne.

Hassan Al-Mustafa

Ce vide se situe à deux niveaux: interne et externe. Il est donc crucial d'avoir un gouvernement syrien fort qui assure la sécurité et gère les institutions de l'État. Pour que ce gouvernement perdure et réussisse, il doit recevoir le soutien des pays arabes, qui agiraient comme un filet de sécurité régional, lui permettant d'établir des relations diplomatiques avec les pays voisins et de rétablir les liens qui ont été rompus en raison de la politique d'Assad.

Il y avait donc deux options: soit soutenir le nouveau système et encourager les réformes et la bonne gouvernance, soit choisir la deuxième option, c'est-à-dire un vide qui conduira au chaos et à l'incertitude.

L'Arabie saoudite a choisi la première option, compte tenu de la position de la Syrie dans la politique arabe et de sa situation géographique. En outre, les changements intervenus, tels que le déclin de l'influence de l'Iran et de ses factions alliées, ainsi que la réduction des opérations de trafic de drogue ciblant l'Arabie saoudite, contribuent tous positivement aux intérêts de Riyad.

Parallèlement, le Royaume n’a pas engagé ces démarches sans être conscient des nombreuses complexités en jeu: le contexte idéologique des nouveaux dirigeants syriens, la présence de combattants étrangers qui leur sont alliés sur le sol syrien, les relations tendues avec les Kurdes, ainsi que les frappes israéliennes toujours en cours en Syrie. Autant de problématiques qui ne sauraient être résolues sans une vision politique à long terme, fondée sur un véritable consensus national et l’instauration d’un gouvernement civil incluant toutes les composantes de la population syrienne, sans distinction sectaire ou ethnique. Toute solution durable exige également une réconciliation nationale, capable de tourner la page du passé, de prévenir les représailles et de contenir les violences susceptibles d’être perpétrées par des groupes extrémistes proches du pouvoir ou ayant été liés à certaines de ses figures.

Cette complexité, qu’elle soit politique, sécuritaire ou communautaire, risque de s’aggraver dans un contexte économique précaire, marqué par une économie fragile, un chômage élevé, l’inflation, l’absence d’investissements et un manque d’opportunités professionnelles. C’est pourquoi l’annonce faite par le président américain depuis Riyad de la levée des sanctions contre la Syrie a été qualifiée de « grand cadeau », une décision « audacieuse et importante », selon les termes du prince Faisal. Celui-ci a également exprimé l’espoir que les sanctions européennes à l’encontre de Damas soient elles aussi levées, soulignant que la Syrie dispose de nombreuses opportunités pour connaître une véritable renaissance économique. Il a affirmé que le Royaume jouera un rôle de premier plan dans le soutien à l’économie syrienne.

À la suite de sa rencontre avec le président Trump, Al-Charaa a déclaré que la décision de lever les sanctions ouvrira un nouveau chapitre pour la Syrie, contribuant à la réalisation de la sécurité, de la stabilité et de la reconstruction. Il a par ailleurs salué le rôle du prince héritier qui, selon lui, a «tenu ses promesses».

La joie est générale dans les rues syriennes et arabes, une joie bien méritée. Toutefois, cette annonce, malgré son importance, nécessite une action diligente et responsable de la part du gouvernement syrien pour tirer parti de cette «occasion en or». À ce sujet, Trump l'a exhorté à «nous montrer quelque chose». En outre, la porte-parole de la Maison Blanche, Karoline Leavitt, a publié sur X une déclaration soulignant cinq points clés que Trump a encouragé Al-Charaa à mettre en œuvre. Cela indique qu'il y aura une surveillance américaine étroite, nécessitant une coordination de haut niveau entre Washington et Damas pour établir la confiance étape par étape.

L'Arabie saoudite a rempli ses engagements envers le peuple et le gouvernement syriens, en menant une diplomatie efficace visant à préserver l'unité et la sécurité de la Syrie, tout en évitant les conflits sectaires et en condamnant les agressions israéliennes en cours. Riyad continue de poursuivre cet effort, ce qui implique que la diplomatie syrienne et les institutions gouvernementales internes portent une grande responsabilité dans l'exploitation de ce soutien exceptionnel et dans la réalisation des promesses faites par le président syrien à son peuple, car cela constitue la seule voie vers la reconstruction et le développement.

Hassan Al-Mustafa est un écrivain et chercheur saoudien qui s'intéresse aux mouvements islamiques, à l'évolution du discours religieux et aux relations entre les États du Conseil de coopération du Golfe et l'Iran. 

X: @Halmustafa

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com