Nucléaire: Iran et Etats-Unis se retrouvent à Rome sur fond de désaccord autour de l'enrichissement

Une femme passe devant une peinture murale anti-américaine près de l'ancienne ambassade des États-Unis à Téhéran, le 20 mai 2025. (AFP)
Une femme passe devant une peinture murale anti-américaine près de l'ancienne ambassade des États-Unis à Téhéran, le 20 mai 2025. (AFP)
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Publié le Vendredi 23 mai 2025

Nucléaire: Iran et Etats-Unis se retrouvent à Rome sur fond de désaccord autour de l'enrichissement

  • Téhéran et Washington, ennemis depuis la Révolution islamique de 1979 qui a renversé en Iran une monarchie pro-occidentale, ont entamé le 12 avril des discussions sur l'épineux dossier du programme nucléaire iranien
  • Ces discussions représentent le plus haut niveau d'engagement entre les deux pays depuis le retrait unilatéral en 2018 par les Etats-Unis de l'accord international sur le nucléaire iranien conclu trois ans plus tôt à Vienne

TEHERAN: Iran et Etats-Unis se retrouvent vendredi à Rome pour un cinquième cycle de pourparlers sur le nucléaire iranien sous médiation omanaise, au moment où les négociations semblent buter sur la question de l'enrichissement d'uranium.

Téhéran et Washington, ennemis depuis la Révolution islamique de 1979 qui a renversé en Iran une monarchie pro-occidentale, ont entamé le 12 avril des discussions sur l'épineux dossier du programme nucléaire iranien.

Ces discussions représentent le plus haut niveau d'engagement entre les deux pays depuis le retrait unilatéral en 2018 par les Etats-Unis de l'accord international sur le nucléaire iranien conclu trois ans plus tôt à Vienne.

Le président américain Donald Trump, à l'origine de cette décision durant son premier mandat (2017-2021), a rétabli de lourdes sanctions américaines contre l'Iran dans le cadre d'une politique dite de "pression maximale".

Il cherche dorénavant à négocier un nouveau pacte avec Téhéran, qui espère une levée des sanctions qui asphyxient son économie.

Les deux pays se retrouvent vendredi au moment où ils affichent publiquement leur désaccord sur la question sensible de l'enrichissement d'uranium.

L'émissaire américain pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff, qui mène les discussions pour Washington, a estimé dimanche que les Etats-Unis "ne pouvaient autoriser ne serait-ce qu'un pour cent de capacité d'enrichissement" à l'Iran.

"Désaccords fondamentaux" 

"L'Iran ne peut pas avoir une capacité d'enrichissement, car cela en fait finalement une puissance nucléaire de seuil", a argué mercredi le chef de la diplomatie américaine, Marco Rubio.

Des "désaccords fondamentaux" demeurent avec les Etats-Unis, a estimé jeudi le chef de la diplomatie iranienne, Abbas Araghchi, qui mène les négociations pour Téhéran.

Si les Etats-Unis empêchent l'Iran d'enrichir de l'uranium "il n'y aura pas d'accord", a-t-il mis en garde.

Téhéran, qui défend un droit au nucléaire civil, considère cette exigence comme contraire aux dispositions du Traité de non-prolifération (TNP), dont l'Iran est signataire.

"La souveraineté de l'Iran est une ligne rouge et l'Iran ne renoncera en aucun cas au droit d'enrichir de l'uranium", déclare à l'AFP le politologue iranien Mohammad Marandi.

Les pays occidentaux, Etats-Unis en tête, et Israël, considéré par des experts comme la seule puissance nucléaire au Moyen-Orient, soupçonnent l'Iran de vouloir se doter de l'arme nucléaire. Téhéran nie avoir de telles visées.

Le nucléaire emploie en Iran plus de 17.000 personnes, notamment dans l'énergie et le secteur médical, selon le porte-parole de l'Organisation iranienne de l'énergie atomique (OIEA), Behrouz Kamalvandi.

"Les Pays-Bas, la Belgique, la Corée du Sud, le Brésil et le Japon enrichissent (l'uranium) sans posséder d'armes nucléaires", avait-il souligné début mai.

Jeudi, le président américain Donald Trump a parlé de l'Iran avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, selon la porte-parole de la Maison Blanche, Karoline Leavitt.

"Dans la bonne direction" 

M. Trump estime que les négociations avec Téhéran, vues avec scepticisme voire franche hostilité par le dirigeant israélien, "vont dans la bonne direction", a-t-elle ajouté.

La chaîne de télévision CNN, citant plusieurs responsables américains sous couvert d'anonymat, a affirmé mardi qu'Israël, ennemi juré du pouvoir iranien, se préparait à frapper les installations nucléaires iraniennes.

L'Iran tiendra les Etats-Unis pour responsables de toute attaque israélienne contre ses installations nucléaires, a mis en garde jeudi Abbas Araghchi.

Selon l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), l'Iran enrichit actuellement l'uranium à 60%, bien au-delà de la limite de 3,67% autorisée par l'accord de 2015, mais en deçà du taux de 90% nécessaire pour un usage militaire.

Téhéran a pris ses distances avec ses engagements de 2015 en représailles au retrait américain de l'accord sur le nucléaire.

Les pourparlers de vendredi se tiendront avant un Conseil de l'AIEA en juin à Vienne, durant lequel les activités nucléaires de l'Iran seront notamment passées en revue.

L'accord sur le nucléaire de 2015, qui expire en octobre soit dix ans après l'entrée en vigueur du texte, prévoit la possibilité de réimposer des sanctions onusiennes si l'Iran ne se conforme pas à ses engagements.

La France a prévenu le mois dernier qu'elle n'hésiterait "pas une seule seconde", avec l'Allemagne et le Royaume-Uni, à y avoir recours si la sécurité européenne était menacée par le programme nucléaire iranien.

Ces trois pays sont, avec la Chine et la Russie, membres de l'accord sur le nucléaire conclu en 2015.


Guerre Iran-Israël: Paris, Berlin et Londres vont faire «une offre de négociation complète» aux Iraniens

Paris, Berlin et Londres vont faire vendredi à Genève "une offre de négociation complète" aux Iraniens incluant le nucléaire, les activités balistiques et le financement des groupes terroristes dans la région, a déclaré Emmanuel Macron. (AFP)
Paris, Berlin et Londres vont faire vendredi à Genève "une offre de négociation complète" aux Iraniens incluant le nucléaire, les activités balistiques et le financement des groupes terroristes dans la région, a déclaré Emmanuel Macron. (AFP)
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  • "Il faut absolument prioriser le retour à la négociation de fond qui inclut le nucléaire pour aller vers le zéro enrichissement, le balistique pour limiter les activités, les capacités iraniennes"
  • Le chef de la diplomatie iranienne Abbas Araghchi doit rencontrer dans la journée à Genève ses homologues britannique, David Lammy, français Jean-Noël Barrot et allemand Johann Wadephul, ainsi que la cheffe de la diplomatie de l'Union européenne

LE BOURGET: Paris, Berlin et Londres vont faire vendredi à Genève "une offre de négociation complète" aux Iraniens incluant le nucléaire, les activités balistiques et le financement des groupes terroristes dans la région, a déclaré Emmanuel Macron.

"Il faut absolument prioriser le retour à la négociation de fond qui inclut le nucléaire pour aller vers le zéro enrichissement, le balistique pour limiter les activités, les capacités iraniennes et le financement de tous les groupes terroristes de déstabilisation de la région", a insisté le président français, en marge du salon aéronautique du Bourget.

Le chef de la diplomatie iranienne Abbas Araghchi doit rencontrer dans la journée à Genève ses homologues britannique, David Lammy, français Jean-Noël Barrot et allemand Johann Wadephul, ainsi que la cheffe de la diplomatie de l'Union européenne Kaja Kallas.

Les Européens doivent se coordonner lors d'un déjeuner, avant la rencontre prévue vers 15H00 locales (13H00 GMT).

Le nucléaire iranien "est une menace et il ne faut aucun laxisme en la matière" mais "personne ne peut sérieusement penser que cette menace, on y répond avec les opérations en cours uniquement", a jugé Emmanuel Macron.

"Il y a des centrales qui sont extrêmement protégées" et "nul ne sait aujourd'hui totalement dire où est l'uranium enrichi à 60% (...). Donc c'est un programme dont il faut reprendre le contrôle aussi par l'expertise technique et la négociation", a-t-il argumenté.

Selon une source diplomatique, cette solution complète consiste par exemple à "définir un cadre de vérification poussée des installations nucléaires iraniennes (...) On pourrait imaginer que l’AIEA (Agence internationale de l'Energie atomique) puisse entrer partout pour des inspections sans préavis".

"Ce serait un modèle d'inspections qui ressemblerait à quelque chose qu’on avait mis en place sur le nucléaire en Irak après 1991 et la guerre du Golfe qui avait vu la défaite de Saddam Hussein", a-t-on ajouté.

Emmanuel Macron a appelé aussi Israël à cesser ses frappes sur "les infrastructures civiles" iraniennes. "Rien ne justifie des frappes sur les infrastructures énergétiques et les populations civiles", a-t-il répété.

Le chef de l'Etat n'entend pas "oublier non plus la situation à Gaza qui exige aujourd'hui, pour des raisons humanitaires mais sécuritaires également, un cessez le feu le plus rapide, une reprise de l'aide humanitaire et une reprise du travail politique".

Affirmant que l'Iran était sur le point de se doter de la bombe atomique, Israël a lancé le 13 juin une attaque aérienne massive contre la République islamique, qui a déclenché la riposte iranienne. Depuis, les frappes israéliennes sur l'Iran et les tirs de missiles iraniens contre le territoire israélien se succèdent.

Jeudi, le président américain Donald Trump avait évoqué une possibilité "substantielle" de négociations avec l'Iran et déclaré qu'il déciderait "au cours des deux prochaines semaines" d'une intervention de son pays aux côtés d'Israël.

 


Gaza, RDC, Haïti... Des violences contre les enfants «sans précédent» en 2024, dénonce l'ONU

De Gaza à la République démocratique du Congo, les violences contre les enfants en zones de conflit ont atteint des niveaux "sans précédent" en 2024, dénonce jeudi un rapport annuel de l'ONU. (AFP)
De Gaza à la République démocratique du Congo, les violences contre les enfants en zones de conflit ont atteint des niveaux "sans précédent" en 2024, dénonce jeudi un rapport annuel de l'ONU. (AFP)
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  • L'ONU a "vérifié" 41.370 graves violations contre des enfants en 2024, dont 36.221 commises en 2024 et 5.149 commises précédemment mais confirmées en 2024, ce qui constitue le nombre le plus élevé depuis la mise en place de cet outil de surveillance
  • Avec notamment plus de 4.500 tués et plus de 7.000 blessés, les enfants continuent "de faire les frais des hostilités incessantes" à travers la planète, déplore l'ONU

NATIONS-UNIES: De Gaza à la République démocratique du Congo, les violences contre les enfants en zones de conflit ont atteint des niveaux "sans précédent" en 2024, dénonce jeudi un rapport annuel de l'ONU.

"En 2024, la violence contre les enfants lors des conflits armés a atteint des niveaux sans précédent, avec une hausse sidérante de 25% des violations graves par rapport à 2023", indique le rapport du secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres.

L'ONU a "vérifié" 41.370 graves violations contre des enfants en 2024, dont 36.221 commises en 2024 et 5.149 commises précédemment mais confirmées en 2024, ce qui constitue le nombre le plus élevé depuis la mise en place de cet outil de surveillance il y a près de 30 ans. Un record qui bat celui enregistré en 2023, qui lui-même représentait une hausse de 21% par rapport à l'année précédente.

Avec notamment plus de 4.500 tués et plus de 7.000 blessés, les enfants continuent "de faire les frais des hostilités incessantes" à travers la planète, déplore l'ONU.

En raison d'une hausse marquante du nombre d'enfants victimes de multiples violations, le nombre d'enfants concernés par ces violences atteint 22.495.

"Les cris de ces 22.495 enfants innocents qui auraient dû apprendre à lire ou jouer au ballon, mais au lieu de ça ont été obligés d'apprendre à survivre aux tirs et aux bombardements, devraient tous nous empêcher de dormir", a lancé dans un communiqué Virginia Gamba, représentante spéciale de l'ONU sur ce dossier. "Cela doit servir de signal d'alarme. Nous sommes au point de non-retour."

Chaque année, l'ONU répertorie dans ce rapport les violations des droits des enfants (moins de 18 ans) dans une vingtaine de zones de conflit dans le monde et dresse en annexe la "liste de la honte" des responsables de ces violations qui incluent enfants tués et mutilés, recrutements, enlèvements, refus d'accès humanitaire ou violences sexuelles.

Viols collectifs 

Les forces armées et de sécurité israéliennes, qui avaient été inscrites sur la liste l'an dernier, avec le Hamas, y sont toujours.

Les territoires palestiniens occupent d'ailleurs la première place de ce triste classement, avec plus de 8.500 violations graves en très grande majorité attribuées aux forces israéliennes, dont plus de 4.800 à Gaza.

Cela inclut 1.259 enfants palestiniens tués à Gaza, selon les chiffres confirmés par l'ONU qui dit être en train de vérifier des informations sur 4.470 enfants supplémentaires tués en 2024 dans le territoire palestinien ravagé par la guerre provoquée par l'attaque sans précédent du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023.

Le rapport met également en cause les opérations d'Israël au Liban, où plus de 500 enfants ont été tués ou blessés par l'armée israélienne l'an dernier.

Après les Territoires palestiniens, la République démocratique du Congo (plus de 4.000 violations graves), la Somalie (plus de 2.500), le Nigeria (près de 2.500) et Haïti (plus de 2.200) ont enregistré le plus de violences contre les enfants en 2024.

En Haïti, où ces violations ont augmenté de 490% en un an, la principale coalition de gangs, "Viv Ansanm" (Vivre ensemble), a été ajoutée sur la "liste de la honte", pour le recrutement d'enfants, les meurtres ou encore les viols collectifs. Une première qui vise "probablement le plus brutal" des gangs qui ravagent le pays, a commenté un responsable onusien.

Nouveau sur la liste également le cartel colombien Clan del Golfo accusé d'enrôler des enfants. La Colombie enregistre plus généralement une hausse importante des cas de recrutements forcés, avec 450 enfants en 2024 contre 262 l'année précédente.

Sont d'autre part toujours sur "la liste de la honte" l'armée soudanaise et les paramilitaires des Forces de soutien rapide qui s'affrontent au Soudan depuis plus de deux ans, ainsi que l'armée russe pour ses actions en Ukraine où le rapport enregistre une hausse de 105% des violations graves entre 2023 et 2024.

 


L'Iran accuse l'AIEA d'être un «partenaire» de «l'agression» israélienne

L'Iran a accusé jeudi l'organe de surveillance nucléaire des Nations unies, AIEA, d'agir en tant que "partenaire" dans ce qu'il a qualifié de "guerre d'agression" d'Israël. (AFP)
L'Iran a accusé jeudi l'organe de surveillance nucléaire des Nations unies, AIEA, d'agir en tant que "partenaire" dans ce qu'il a qualifié de "guerre d'agression" d'Israël. (AFP)
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  • Dans un rapport consulté par l'AFP fin mai, l'agence notait que "l'Iran n'a, à plusieurs reprises, soit pas répondu, soit pas fourni de réponses techniquement crédibles aux questions de l'agence et a nettoyé" des lieux
  • Le Conseil des gouverneurs de l'Agence avait ensuite adopté le 12 juin une résolution condamnant l'Iran pour "non-respect" de ses obligations nucléaires, élaborée par Londres, Paris et Berlin associés à Washington

TEHERAN: L'Iran a accusé jeudi l'organe de surveillance nucléaire des Nations unies, AIEA, d'agir en tant que "partenaire" dans ce qu'il a qualifié de "guerre d'agression" d'Israël.

L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a déploré, dans un rapport publié avant le début de la guerre Iran-Israël, le manque de coopération de Téhéran dans la surveillance du respect de ses obligations en matière nucléaire.

"Vous avez trahi le régime de non-prolifération; vous avez fait de l'AIEA un partenaire de cette guerre d'agression injuste", a écrit le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Esmaeil Baqaei sur X, dans un message à l'adresse du directeur de l'agence onusienne, Rafael Grossi.

"Nous avons affirmé dans mon rapport il y a une semaine que bien que l’Iran soit le seul pays au monde qui est en train d’enrichir l’uranium à des niveaux presque militaires (...) on n'est pas en capacité de dire qu’il existe un effort direct vers la fabrication d'une arme nucléaire", avait affirmé mercredi M. Grossi, sur la télévision française France 24.

Dans un rapport consulté par l'AFP fin mai, l'agence notait que "l'Iran n'a, à plusieurs reprises, soit pas répondu, soit pas fourni de réponses techniquement crédibles aux questions de l'agence et a nettoyé" des lieux, "ce qui a entravé les activités de vérification de l'agence" dans trois sites non déclarés.

Le Conseil des gouverneurs de l'Agence avait ensuite adopté le 12 juin une résolution condamnant l'Iran pour "non-respect" de ses obligations nucléaires, élaborée par Londres, Paris et Berlin associés à Washington.

Avant le vote de cette instance, l'Iran avait menacé de réduire sa coopération avec l'AIEA si une résolution était adoptée.