Jafar Panahi, le cinéaste interdit qui défie le pouvoir iranien

Le réalisateur, scénariste et producteur iranien Jafar Panahi pose avec le trophée lors d'un photocall après avoir remporté la Palme d'Or pour le film « Un simple accident » lors de la cérémonie de clôture de la 78e édition du Festival de Cannes à Cannes, dans le sud de la France, le 24 mai 2025. (Photo par Miguel MEDINA / AFP)
Le réalisateur, scénariste et producteur iranien Jafar Panahi pose avec le trophée lors d'un photocall après avoir remporté la Palme d'Or pour le film « Un simple accident » lors de la cérémonie de clôture de la 78e édition du Festival de Cannes à Cannes, dans le sud de la France, le 24 mai 2025. (Photo par Miguel MEDINA / AFP)
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Publié le Dimanche 25 mai 2025

Jafar Panahi, le cinéaste interdit qui défie le pouvoir iranien

  • Opposant au pouvoir iranien, le réalisateur Jafar Panahi a consacré sa vie au cinéma en défiant la censure, parfois au prix de sa liberté, jusqu'à sa consécration par la Palme d'or à Cannes samedi.
  • Derrière les barreaux, Panahi a trouvé l'inspiration pour son dernier film, dans lequel il dénonce l'arbitraire sans se mettre en scène lui-même, comme dans ses œuvres précédentes.

CANNES, FRANCE : Opposant au pouvoir iranien, le réalisateur Jafar Panahi a consacré sa vie au cinéma en défiant la censure, parfois au prix de sa liberté, jusqu'à sa consécration par la Palme d'or à Cannes samedi.

« Je suis vivant parce que je fais des films », a-t-il déclaré à l'AFP pendant le festival, évoquant l'un de ses films les plus directs, « Un simple accident ».

Assigné jusqu'à récemment en Iran, interdit de tourner, le cinéaste de 64 ans, figure de la Nouvelle Vague du cinéma iranien multiprimée à l'international, a pu faire le déplacement à Cannes pour la première fois depuis 15 ans.

Panahi a plusieurs fois payé son amour du cinéma de sa liberté : il a été incarcéré à deux reprises, pour 86 jours en 2010 et près de sept mois entre 2022 et 2023. Il avait entamé une grève de la faim pour obtenir sa libération.

Derrière les barreaux, Panahi a trouvé l'inspiration pour son dernier film, dans lequel il dénonce l'arbitraire sans se mettre en scène lui-même, comme dans ses œuvres précédentes. « Quand on met un artiste en prison, on lui tend une perche, on lui donne une matière, des idées, on lui ouvre un monde nouveau », a-t-il expliqué au festival de Cannes.

Interrogé sur le fait de savoir s'il redoutait de retourner en Iran après avoir reçu la Palme d'or, le cinéaste a répondu avec assurance. « Pas du tout. Nous partons demain », a-t-il déclaré à l'AFP.

Grand nom du cinéma iranien, Jafar Panahi a vu ses œuvres interdites en Iran être régulièrement primées dans les plus grands festivals, de Cannes à Venise en passant par Berlin. Il a été l'assistant d'Abbas Kiarostami au début de sa carrière. Sa chaise restait symboliquement vide, ne pouvant s'y rendre.

Parmi ses films les plus acclamés figure Taxi Téhéran, tourné depuis l'intérieur d'un taxi, pour lequel il a reçu l'Ours d'or à la Berlinale en 2015. Les conservateurs iraniens avaient fulminé.

Temple du cinéma, le Festival de Cannes le soutient et lui offre une tribune depuis ses débuts : son premier long métrage, Le Ballon blanc, a reçu la Caméra d'or en 1995.

Le cinéaste a également reçu le Prix du Jury dans la section Un Certain Regard en 2003 pour Sang et or, ainsi que le Prix du scénario en 2018 pour Trois Visages.

En 2012, Jafar Panahi a reçu, avec sa compatriote Nasrin Sotoudeh, avocate des droits humains, le prix Sakharov pour la liberté de l'esprit décerné par le Parlement européen.

Il a un fils, Panah, qui est devenu cinéaste. Son premier film, Hit the Road, a été présenté en 2021 à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes. 

La vie de ce fils d'artisan, né le 11 juillet 1960 à Téhéran et ayant grandi dans les quartiers pauvres de la capitale, bascule en 2010.

Il est alors condamné à six ans de prison pour « propagation de la propagande contre le régime », après avoir soutenu le mouvement de protestation de 2009 contre la réélection de l'ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad à la présidence de la République islamique.

Il écope également de 20 ans d'interdiction de réaliser ou écrire des films, de voyager ou de s'exprimer dans les médias. Ces condamnations ne l'ont jamais empêché de continuer à filmer clandestinement.

Mais dès lors, sa caméra se tourne « vers l'intérieur » : Panahi se met en scène lui-même, montrant les difficultés à tourner en cachette. On le voit ainsi diriger une équipe à distance via Zoom, de l'autre côté de la frontière turque, comme dans Aucun ours, Prix spécial en 2022 à Venise.

Car Panahi ne s'est jamais résolu à l'exil, préférant rester dans son pays envers et contre tout, pour scruter dans ses œuvres les injustices sociales ou la place des femmes.


L’astrolabe d’Al-Battuti relie les cultures et les siècles au Louvre Abu Dhabi

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  • Présenté dans une frise chronologique d’outils astronomiques — des cartes stellaires antiques aux modèles de l’ère spatiale — l’astrolabe apparaît comme un moment charnière dans l’évolution de la navigation céleste
  • « C’est un pont entre les mondes », déclare Amine Kharchach, responsable de l’interprétation et du contenu créatif du Children’s Museum. « C’est là où l’artisanat d’antan rencontre la curiosité humaine intemporelle. »

Un instrument scientifique vieux de plusieurs siècles est à l’honneur au Children’s Museum du Louvre Abu Dhabi — et il attire l’attention bien au-delà de la finesse de son design.

Dans le cadre de l’exposition Picturing the Cosmos: Adventures Through the Universe, le musée présente un rare astrolabe en laiton du XVIIIᵉ siècle attribué à l’astronome marocain Muhammad ibn Ahmad Al-Battuti. Probablement fabriqué à Meknès, cet astrolabe est un symbole saisissant de la manière dont les civilisations anciennes naviguaient grâce aux étoiles — et de la façon dont le savoir circulait librement entre cultures et continents.

L’exposition interactive entraîne les visiteurs dans un voyage à travers l’espace et le temps, explorant la relation de l’humanité avec le cosmos à travers l’art, la science et des expériences participatives. Des instruments anciens aux technologies spatiales modernes, elle est conçue pour éveiller la curiosité des enfants et des familles — mais la pièce maîtresse reste sans conteste l’astrolabe d’Al-Battuti.

« Cette pièce est un rappel saisissant du haut niveau de pensée scientifique atteint dans le monde islamique », explique Fakhira Al Kindi, assistante conservatrice principale au Louvre Abu Dhabi. « Elle reflète une époque où l’astronomie, les mathématiques et la vie quotidienne étaient profondément liées — que ce soit pour déterminer les heures de prière ou pour naviguer entre les régions. »

L’astrolabe fonctionne comme une représentation bidimensionnelle du ciel. En mesurant la hauteur des étoiles au-dessus de l’horizon, il permettait de calculer l’heure et de déterminer sa position — plusieurs siècles avant le GPS moderne. Les inscriptions minutieuses gravées sur ses plaques montrent qu’il était destiné à être utilisé dans de grandes villes telles que La Mecque, Le Caire, Jérusalem et Tunis, ainsi que dans des centres marocains comme Fès, Meknès et Marrakech.

Al Kindi souligne que l’une des caractéristiques artistiques majeures est la plaque dite « araignée », qui cartographie 27 étoiles et apporte à l’objet une profondeur à la fois scientifique et culturelle. « Ce n’est pas seulement un instrument, c’est un outil magnifiquement façonné qui rendait l’univers accessible. »

Présenté dans une frise chronologique d’outils astronomiques — des cartes stellaires antiques aux modèles de l’ère spatiale — l’astrolabe apparaît comme un moment charnière dans l’évolution de la navigation céleste.

« C’est un pont entre les mondes », déclare Amine Kharchach, responsable de l’interprétation et du contenu créatif du Children’s Museum. « C’est là où l’artisanat d’antan rencontre la curiosité humaine intemporelle. »

Kharchach précise que l’astrolabe figure dans la section « Calculer » de l’exposition, aux côtés d’un cadran solaire, d’un globe céleste, d’un sextant et d’une maquette de la sonde Hope des Émirats arabes unis. « Nous avons voulu simplifier une science complexe à travers une expérience interactive qui permette aux enfants d’apprendre en jouant — et en explorant », explique-t-il.

Mais l’expérience ne se limite pas aux jeunes visiteurs. L’exposition est pensée pour encourager la participation des familles. « Pendant qu’un parent s’immerge dans le contexte historique de l’objet, l’autre peut aider l’enfant à relever un défi — cela devient une découverte partagée. »

Depuis son ouverture en juillet 2023, Picturing the Cosmos a accueilli plus de 650 000 visiteurs — dont la grande majorité sont des familles. Selon Kharchach, cette affluence reflète un intérêt croissant pour des expériences éducatives qui allient patrimoine, interactivité et plaisir.

En mettant en lumière l’astrolabe d’Al-Battuti — aux côtés d’une collection plus large d’artefacts — le Louvre Abu Dhabi offre bien plus qu’un regard vers le passé. Il invite une nouvelle génération à explorer comment la science, la créativité et les échanges culturels ont toujours façonné notre vision de l’univers.

Cette exposition s’inscrit dans le rôle plus large du musée au sein du Saadiyat Cultural District — l’un des plus vastes projets culturels au monde — visant à partager les histoires des Émirats arabes unis, de la région et du monde à travers l’art, le savoir et le dialogue.


L'Egypte annonce que le nouveau musée du Caire ouvrira le 1er novembre

L'Egypte a annoncé mercredi que le Grand Musée Egyptien (GEM) ouvrirait officiellement le 1er novembre près des pyramides de Guizeh, au Caire, après plusieurs retards. (AFP)
L'Egypte a annoncé mercredi que le Grand Musée Egyptien (GEM) ouvrirait officiellement le 1er novembre près des pyramides de Guizeh, au Caire, après plusieurs retards. (AFP)
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  • Avec cinq millions de visiteurs du monde entier attendus chaque année, le GEM, qui s'étendra sur 50 hectares, devrait donner un coup de pouce majeur à l'industrie touristique de l'Egypte
  • Lors d'une réunion du gouvernement, le Premier ministre Moustafa Madbouly a déclaré que le président Abdel Fattah al-Sissi avait approuvé cette nouvelle date pour l'inauguration

LE CAIRE: L'Egypte a annoncé mercredi que le Grand Musée Egyptien (GEM) ouvrirait officiellement le 1er novembre près des pyramides de Guizeh, au Caire, après plusieurs retards.

Le musée, qui a coûté un milliard de dollars, doit abriter plus de 100.000 objets, dont plus de la moitié seront exposés au public. L'attraction phare sera la vaste collection du roi Toutankhamon, avec plus de 5.000 objets.

Avec cinq millions de visiteurs du monde entier attendus chaque année, le GEM, qui s'étendra sur 50 hectares, devrait donner un coup de pouce majeur à l'industrie touristique de l'Egypte.

Lors d'une réunion du gouvernement, le Premier ministre Moustafa Madbouly a déclaré que le président Abdel Fattah al-Sissi avait approuvé cette nouvelle date pour l'inauguration, initialement prévue le 3 juillet mais ajournée en juin en raison du conflit entre Israël et l'Iran.

M. Madbouly a affirmé que l'ouverture du musée serait "un événement exceptionnel" qui mettrait en valeur le patrimoine culturel de l'Egypte.

Le projet a été retardé par une série de contretemps liés aux tensions régionales et à la pandémie de Covid-19.

Une fois achevé, il sera le plus grand musée archéologique au monde consacré à une seule civilisation, selon les responsables égyptiens.


55 ans de barbasuccès des Barbapapa

Nés dans une brasserie parisienne, les Barbapapa, ces personnages multicolores, écolos et changeant de forme à volonté, traversent les générations et les frontières depuis 55 ans, forts du nouveau souffle apporté par les enfants de leurs discrets créateurs. (Photo site officiel Barbapapa)
Nés dans une brasserie parisienne, les Barbapapa, ces personnages multicolores, écolos et changeant de forme à volonté, traversent les générations et les frontières depuis 55 ans, forts du nouveau souffle apporté par les enfants de leurs discrets créateurs. (Photo site officiel Barbapapa)
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  • Avec 8 millions de livres vendus en France depuis 1970, les aventures de Barbapapa, Barbamama et leurs sept barbabébés, traduites dans plus de 30 langues (pour près de 80 titres), s'écoulent à un million d'exemplaires chaque année dans le monde
  • Adaptées à l'écran dès 1974 sur l'ORTF, accompagnées d'un générique culte, elles se déclinent depuis 2019 dans une nouvelle série, "Barbapapa en famille", qui compte parmi les cinq dessins animés les plus populaires de TF1

PARIS: Nés dans une brasserie parisienne, les Barbapapa, ces personnages multicolores, écolos et changeant de forme à volonté, traversent les générations et les frontières depuis 55 ans, forts du nouveau souffle apporté par les enfants de leurs discrets créateurs.

"Il y avait déjà tout dans les livres d'origine", assure à l'AFP Alice Taylor, fille du couple franco-américain Annette Tison (disparue en 2010) et Talus Taylor (2015).

Avec 8 millions de livres vendus en France depuis 1970, les aventures de Barbapapa, Barbamama et leurs sept barbabébés, traduites dans plus de 30 langues (pour près de 80 titres), s'écoulent à un million d'exemplaires chaque année dans le monde, selon Les Livres du Dragon d'Or, leur éditeur depuis 2003.

Adaptées à l'écran dès 1974 sur l'ORTF, accompagnées d'un générique culte, elles se déclinent depuis 2019 dans une nouvelle série, "Barbapapa en famille", qui compte parmi les cinq dessins animés les plus populaires de TF1 et que la chaîne Nickelodeon JR diffuse dans une centaine de pays.

Les héros en forme de poire et de quille ont même suscité plus de 15 millions de publications en ligne en 2025, aidés par une tendance TikTok, la "barbatrend", consistant à rajouter "barba" devant des mots.

Dans la nouvelle série, plus de "hup hup hup barbatruc" avant une transformation ni la voix du chanteur Ricet Barrier, mais toujours les valeurs d'entraide de cette famille précurseure en matière d'écologie, avec des histoires traitant du rapport aux écrans comme des dangers des algues vertes.

Déjà, dans l'album "L'Arche", paru en 1974 à "L'école des Loisirs", les Barbapapa sauvent des animaux malades de la pollution ou traqués par des humains, fuyant sur une autre planète.

"On a l'impression qu'ils parlent d'aujourd'hui, c'est fou", dit Alice Taylor, qui écrit et réalise avec son frère Thomas les nouveaux épisodes produits par le studio tricolore Normaal.

"Âneries sur la serviette" 

Difficile de retracer le parcours des créateurs, avares en interviews.

"Ils estimaient, et je ne suis pas loin de partager leur avis, que c'est leur travail qui parle pour eux", justifie Alice Taylor.

À l'origine prof de mathématiques, Talus Taylor a "beaucoup voyagé" et "fait plein de trucs" avant l'aventure Barbapapa, née de sa rencontre avec Annette Tison, architecte de formation au parcours "plus linéaire".

Le couple se trouve au Zeyer, une brasserie parisienne, avec d'autres étudiants quand naissent les premières esquisses de cette "espèce d'animal qui change de forme". "Cela se passe autour des années 1968 parce que mon père trouvait ça marrant d'aller faire le zozo à regarder les étudiants sur les barricades".

"Lui n'arrivait pas à suivre parce que son français n'était pas bon et il dessinait des âneries sur la serviette", ajoute la quinquagénaire.

Le nom du personnage leur vient d'une balade quand les enfants ont réclamé des barbe-à-papa et fait découvrir ce mot à Talus Taylor.

S'ensuit un premier album, traduit en "anglais, hollandais, japonais, et après le tour du monde".

La série animée connaît deux saisons en 1974 et 1977, avant une nouvelle déclinaison en 1999 au Japon. Depuis le début des années 2000, TF1 gère la marque pour les produits dérivés.

Alice et Thomas Taylor, qui ont tous deux fait des études d'architecture, signent leurs premiers livres Barbapapa en 2015, avant de s'atteler au nouveau dessin animé, auquel certains scripts écrits par leur mère ont servi de base.

Thomas Taylor, qui vit à l'étranger, s'occupe davantage des scénarios, et Alice plus du "côté graphique" - proportions des personnages, décors, transformations "extrêmement rigolotes à faire"-.

Un héritage que cette diplômée de la section animation de l'Ensad (Arts décoratifs), invitée à "faire du rangement" dans l'entreprise familiale au tournant du XXIe siècle, n'envisageait pas forcément.

"La société a été créée par ma mère pour la gestion des droits dérivés, et au bout d'un moment elle m'a dit: +je vous laisse les clés, salut+", relate-t-elle, en riant.