Extraction de Mohamed Amra: Retailleau préférerait que le juge se déplace

Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, décrivant "des risques majeurs", a indiqué mercredi qu'il préférait que le juge se déplace plutôt que d'extraire Mohamed Amra de sa prison ultra-sécurisée. (AFP)
Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, décrivant "des risques majeurs", a indiqué mercredi qu'il préférait que le juge se déplace plutôt que d'extraire Mohamed Amra de sa prison ultra-sécurisée. (AFP)
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Publié le Mercredi 04 juin 2025

Extraction de Mohamed Amra: Retailleau préférerait que le juge se déplace

  • "Faire sortir des types aussi dangereux d'une prison, ce sont des risques majeurs. Il faut que nous nous y adaptions et qu'on entende soit que le juge se déplace, soit qu'il y ait une visioconférence"
  • Lors d'une précédente extraction, en mai 2024, de Mohamed Amra, multirécidiviste déjà détenu pour d'autres affaires judiciaires, deux agents pénitentiaires avaient été tués et trois autres ont été grièvement blessés

PARIS: Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, décrivant "des risques majeurs", a indiqué mercredi qu'il préférait que le juge se déplace plutôt que d'extraire Mohamed Amra de sa prison ultra-sécurisée.

"Faire sortir des types aussi dangereux d'une prison, ce sont des risques majeurs. Il faut que nous nous y adaptions et qu'on entende soit que le juge se déplace, soit qu'il y ait une visioconférence", a lancé le ministre de l'Intérieur sur RTL à propos de l'extraction, prévue la semaine prochaine, de Mohamed Amra pour un interrogatoire.

"Chaque extraction consomme des moyens du ministère de l'Intérieur - et ça coûte cher aux contribuables - mais surtout, à chaque fois, ce sont des risques et nous nous sommes battus sur la loi narcotrafic pour qu'il y ait précisément un dispositif qui rend obligatoire l'audition de ces gens - là par visioconférence", a-t-il ajouté.

"C'est fondamental parce que sinon nos policiers, gendarmes, les agents de la pénitentiaire peuvent risquer leur vie", a-t-il souligné.

Le narcotrafiquant de 31 ans, poursuivi notamment pour meurtres en bande organisée en récidive, doit en effet être extrait la semaine prochaine de sa prison de Condé-sur-Sarthe pour être interrogé à Paris, dans le bureau des juges d'instruction de la Juridiction nationale de lutte contre le crime organisé (Junalco).

Lors d'une précédente extraction, en mai 2024, de Mohamed Amra, multirécidiviste déjà détenu pour d'autres affaires judiciaires, deux agents pénitentiaires avaient été tués et trois autres ont été grièvement blessés. "La Mouche" avait ensuite passé neuf mois en cavale avant d'être arrêté le 22 février à Bucarest en Roumanie.

Cette extraction prochaine a indigné les syndicats pénitentiaires. "Nous sommes outrés et scandalisés de cette extraction judiciaire", a ainsi déploré auprès de l'AFP Wilfried Fonck, secrétaire national Ufap Unsa Justice.

"Aujourd'hui, le magistrat décide si on doit lui présenter le détenu ou non", a pesté Emmanuel Baudin, secrétaire général de FO-Justice, considérant que les magistrats ne prenaient pas "la mesure du danger des extractions de ce type de détenus".

Sur TF1 mardi soir, le ministre de la Justice Gérald Darmanin s'est lui dit certain "qu'il ne se passera rien". Le ministère de l'Intérieur, "qui aura la responsabilité de ce transfert, le fait dans magnifiques conditions que ce soit le GIGN ou le Raid", a-t-il martelé.

 


Blocage de l'aide humanitaire à Gaza : deux enquêtes pour complicité de génocide ouvertes en France

Cette photographie montre le palais de justice de Bayonne, dans le sud-ouest de la France, le 28 mai 2025. (Photo de Gaizka IROZ / AFP)
Cette photographie montre le palais de justice de Bayonne, dans le sud-ouest de la France, le 28 mai 2025. (Photo de Gaizka IROZ / AFP)
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  • Deux juges d'instruction spécialisés du pôle crimes contre l'humanité du tribunal judiciaire de Paris ont été désignés pour superviser l'enquête, selon une source proche du dossier.
  • La justice française est compétente au regard de la nationalité française des personnes visées.

PARIS : Deux instructions ont été ouvertes en France en mai, à la suite de plaintes, pour complicité de génocide et de crimes contre l'humanité visant des Franco-Israéliens soupçonnés d'avoir participé à des actions de blocage de l'aide humanitaire à Gaza entre janvier et mai 2024.

Deux juges d'instruction spécialisés du pôle crimes contre l'humanité du tribunal judiciaire de Paris ont été désignés pour superviser l'enquête, selon une source proche du dossier.

Ces instructions ont été ouvertes à l'origine à la suite de deux plaintes avec constitution de partie civile déposées en novembre 2023 à Paris : l'une par l'association Avocats pour la justice au Proche-Orient et l'association Coordination des appels pour une paix juste au Proche-Orient, et l'autre par l'Union juive française pour la paix (UJFP).

Le Parquet national antiterroriste (Pnat) a indiqué vendredi avoir ouvert ces deux informations pour « des chefs de complicité de génocide, provocation publique et directe au génocide suivie d’effet et complicité de crimes contre l’humanité, entre le 1er janvier et le 31 mai 2024 sur le territoire d’Israël, d’Égypte et de Gaza ». 

Dans sa plainte, l'UJFP dénonçait « l'organisation, la participation et l'appel à participer à des actions concrètes de blocage de l'aide humanitaire à destination du territoire occupé de Gaza, notamment en empêchant physiquement le passage des camions aux postes-frontières contrôlés par l'armée israélienne ».

Selon une autre source proche du dossier, le réquisitoire introductif du parquet national antiterroriste (Pnat) pour cette plainte date du 21 mai et vise au moins une association et deux personnes physiques pour des faits qui se seraient déroulés aux postes-frontières de Nitzana et de Kerem Shalom.

En droit français, le réquisitoire introductif est un acte de procédure par lequel le parquet saisit le juge d'instruction.

La justice française est compétente au regard de la nationalité française des personnes visées.

« Nous sommes très satisfaites de cette décision, qui est parfaitement cohérente avec la démonstration factuelle et juridique ainsi que les preuves objectives apportées par les parties civiles. Nous attendons de voir si la suite de l'instruction sera tout aussi cohérente », ont réagi auprès de l'AFP les avocates des plaignants, Mes Damia Taharraoui et Marion Lafouge.

« La période de prévention », c'est-à-dire la période à laquelle se sont déroulés les faits visés par l'enquête, « remonte à janvier 2024, à un moment où personne ne voulait entendre parler de génocide », ont-elles souligné.

Leur plainte avec constitution de partie civile pour complicité de génocide et incitation à la commission d'un génocide vise des figures d'Israël is forever et de Tzav-9, deux associations pro-Israël présentées comme ayant la nationalité française.

Celle d'Avocats pour la justice au Proche-Orient et de la Coordination des appels pour une paix juste au Proche-Orient (CAPJPO) - Europalestine, s'appuie notamment sur des photos, des vidéos et des prises de parole publiques pour accuser des responsables d'Israël is forever d'avoir bloqué des véhicules humanitaires.

Israël fait face à une pression internationale croissante pour mettre fin à la guerre qui ravage Gaza.

En janvier 2024, la Cour internationale de justice (CIJ) a appelé Israël à prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher tout acte de génocide. Mi-mai, le chef des opérations humanitaires de l'ONU a aussi exhorté les dirigeants mondiaux à « agir pour empêcher un génocide ».

Un certain nombre d'actions judiciaires ont été entreprises en lien avec ce « génocide » imputé à Israël, notamment en Suisse, aux Pays-Bas ou encore en Allemagne.

En France, vendredi, une grand-mère accusant les autorités israéliennes d'être responsables de la mort de ses deux petits-enfants français à Gaza en octobre 2023 a déposé une plainte avec constitution de partie civile contre X pour meurtre et génocide à Paris.


«Tout ne se règle pas avec la police»: à Argenteuil, des médiateurs contre le harcèlement scolaire

Un piéton descend les escaliers de la Dalle d'Argenteuil, à Argenteuil, dans la banlieue nord de Paris, le 23 avril 2025. (AFP)
Un piéton descend les escaliers de la Dalle d'Argenteuil, à Argenteuil, dans la banlieue nord de Paris, le 23 avril 2025. (AFP)
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  • Depuis une dizaine d'années, Hakim et Mohammed se rendent quotidiennement à la sortie des établissements scolaires, des terrains de sport et dans les quartiers d'Argenteuil (Val-d'Oise)
  • Une façon de déminer des situations explosives sans recourir systématiquement à la répression, dans une ville meurtrie par la mort quatre ans plus tôt d'Alisha, 14 ans, harcelée et jetée dans la Seine par des camarades de collège

ARGENTEUIL: A la sortie du collège mardi midi, Sajaa, 11 ans, se glisse discrètement derrière Hakim, solide gaillard flanqué d'une polaire estampillée "Médiation urbaine" pour lui glisser à l'oreille qu'un élève la frappe. "Je vais lui parler à la sortie", répond fermement le médiateur.

Depuis une dizaine d'années, Hakim et Mohammed se rendent quotidiennement à la sortie des établissements scolaires, des terrains de sport et dans les quartiers d'Argenteuil (Val-d'Oise). Ces 16 agents municipaux sont formés spécialement pour repérer les cas de harcèlement scolaire et prévenir les rixes.

Une façon de déminer des situations explosives sans recourir systématiquement à la répression, dans une ville meurtrie par la mort quatre ans plus tôt d'Alisha, 14 ans, harcelée et jetée dans la Seine par des camarades de collège.

Pour ce qui concerne Sajaa, Hakim explique qu'il va mettre l'élève harceleur "face à ces actions" devant "tout le monde".

"Si tu leur dis +ce n'est pas bien+, ça rentre par là, ça sort par là", mime-t-il en montrant ses oreilles. Il faut "rentrer dans leur ego", leur dire "tu es un lâche". "C'est ça qui marche avec eux", conclut-il. Souvent, l'élève finit par "s'excuser" et "arrêter".

"Tous les jours, tu dois en remettre une couche", soupire-t-il. Mais "à force de te voir, ça les dissuade".

"Confiance" 

Un dispositif qui fonctionne grâce à la "confiance" que les équipes de médiateurs ont réussi à inspirer aux parents et aux jeunes, expliquent, flattés, Mohammed et Hakim, habitants de toujours du quartier du Val d'Argent, qui ne peuvent traverser une rue sans "checker" tel "chef", tel "beau gosse", telle "petite".

"Beaucoup de jeunes ont un lien particulier avec les médiateurs" qui sont "des capteurs de terrain", explique à l'AFP Chems Akrouf, directeur de la sécurité et de la prévention de la commune d'Argenteuil.

"On va leur dire qu'un jeune a été tabassé ou qui est le bouc émissaire d'une classe", poursuit-il en précisant que les médiateurs "ne sont pas là pour dénoncer à la police, mais pour essayer de diminuer l'agressivité des jeunes".

A l'inverse, un incident détecté par la police doit être "transmis au volet prévention" pour "aller au coeur de la difficulté", détaille M. Akrouf. "Tout ne se règle pas avec la police", affirme cet ancien agent de renseignement, même si dans les cas graves, les familles sont incitées à déposer plainte.

"Un peu délaissés" 

Depuis la mort d'Alisha, les équipes ont été renforcées. Six agents supplémentaires ont été recrutés et l'un est depuis 2023 spécifiquement dédié à la veille sur les réseaux sociaux.

"Toutes ces actions ne visent qu'à une seule chose, ne pas laisser un jeune être isolé", affirme M. Akrouf.

Car "pour un rien, ça peut exploser", soupire Hakim, au volant de sa Scenic grise. Il dit avoir confisqué avec Mohammed "une centaine de couteaux", depuis qu'il a commencé à travailler.

"Il y a beaucoup de familles en détresse, monoparentales, des jeunes un peu délaissés", raconte Hakim. "Le plus compliqué", c'est quand les harceleurs "ne voient pas le mal", déplore-t-il, leur répétant patiemment de se mettre à la place de l'autre.

Mais, parvenu devant le collège Lucie Aubrac, il sourit. Ici, les bagarres permanentes ont cessé, les tensions se sont apaisées. "On n'a plus trop de problèmes de harcèlement. Nos efforts portent leurs fruits."

Des élèves d'un autre collège de la ville, Paul Vaillant Couturier, ont même reçu un prix national, le 21 mai, récompensant leur affiche contre le harcèlement scolaire, qui sera utilisée dans toute la France.

"Ca signifie beaucoup", explique Narjes, 14 ans, l'une des conceptrices de l'affiche, elle-même victime de harcèlement grave en primaire. A l'AFP, en marge de la présentation de leur prix jeudi, elle confie: "Je vois qu'on peut écouter les autres et que je peux me défendre".

 


Mort de deux enfants français à Gaza fin 2023: Israël visé à Paris par une plainte pour génocide

Une manifestante tient une pancarte sur laquelle on peut lire « Gaza silence, nous tuons, arrêtez le génocide » lors d'un rassemblement contre l'envoi de pièces d'équipement militaire à Israël, à Marseille, le 5 juin 2025. (AFP)
Une manifestante tient une pancarte sur laquelle on peut lire « Gaza silence, nous tuons, arrêtez le génocide » lors d'un rassemblement contre l'envoi de pièces d'équipement militaire à Israël, à Marseille, le 5 juin 2025. (AFP)
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  • La mère des enfants, Yasmine Z., blessée comme son troisième enfant et vivant toujours à Gaza, a été condamnée en 2019 en son absence par le tribunal correctionnel de Paris pour financement du terrorisme
  • D'après la plainte, ce bombardement fait partie d'un projet visant à "éliminer la population palestinienne et la soumettre à des conditions d'existence de nature à entraîner la destruction de leur groupe"

PARIS: Une plainte contre X pour meurtre et génocide est déposée vendredi en France par une grand-mère accusant les autorités israéliennes d'être responsables de la mort de ses deux petits-enfants français à Gaza en octobre 2023, a annoncé vendredi à l'AFP l'avocat Arié Alimi.

Cette plainte avec une constitution partie civile vise à obtenir la désignation d'un juge d'instruction, et la Ligue des droits de l'Homme compte s'y joindre.

La nationalité française des victimes pourrait déclencher la compétence directe de la justice française et l'amener à devoir se prononcer sur ces accusations de "génocide", catégoriquement rejetées par Israël comme "scandaleuses", alors qu'à ce stade, les initiatives juridiques en ce sens n'ont pas prospéré.

La plainte de 48 pages concerne la mort de Janna et Abderrahim Abudaher, âgés de 6 et 9 ans, le 24 octobre 2023, soit 17 jours après l'attaque sans précédent du mouvement islamiste palestinien Hamas le 7 octobre 2023 sur le sol israélien.

Elle est déposée par Jacqueline Rivault, la grand-mère maternelle des enfants qui habite en France, pour meurtre et tentative, crime contre l'humanité, génocide et complicité de ces deux crimes.

Selon la plainte, la "violence extrême" et les "bombardements réguliers" de l'armée israélienne sur Gaza après le 7 octobre ont amené la famille à se réfugier dans une maison du nord de la bande de Gaza qui a été visée par "deux missiles de F16 tirés par l'armée israélienne".

La mère des enfants, Yasmine Z., blessée comme son troisième enfant et vivant toujours à Gaza, a été condamnée en 2019 en son absence par le tribunal correctionnel de Paris pour financement du terrorisme pour avoir distribué de l'argent à Gaza à des membres du Jihad islamique et du Gaza entre 2012 et 2013. Un mandat d'arrêt a été émis.

D'après la plainte, ce bombardement fait partie d'un projet visant à "éliminer la population palestinienne et la soumettre à des conditions d'existence de nature à entraîner la destruction de leur groupe".

La plainte est déposée contre X mais vise nommément le Premier ministre Benjamin Netanyahu ainsi que les membres du gouvernement israélien, ainsi que Tsahal.

Israël fait face à une pression internationale croissante pour mettre fin à la guerre qui ravage Gaza, déclenchée par l'attaque du 7-octobre, qui a entraîné la mort de 1.218 personnes côté israélien, en majorité des civils.

En retour, Israël a lancé une campagne militaire de représailles, passant par des bombardements massifs et des combats au sol, qui a tué plus de 54.600 Palestiniens, majoritairement des civils, selon des données du ministère de la Santé du gouvernement du Hamas pour Gaza, jugées fiables par l'ONU.