Courrières, France: Alors que les déchets dangereux deviennent un enjeu stratégique pour l’industrie mondiale, le géant des services environnementaux Veolia prend les devants avec une feuille de route audacieuse. Lors de sa conférence “Deep Dive Waste to Value” organisée à Courrières, dans le nord de la France, l’entreprise a dévoilé sa stratégie pour accroître de 50 % d’ici 2030 ses capacités de traitement des déchets dangereux — un pilier essentiel de son plan GreenUp, conçu pour accélérer le développement d’infrastructures durables à l’échelle mondiale.
L’événement a marqué un repositionnement stratégique : dans une ère de régulation renforcée, de transformations industrielles et de préoccupations sanitaires liées aux polluants chimiques, les déchets dangereux ne sont plus une passivité à gérer, mais bien une ressource à valoriser, un risque à neutraliser, et un défi mondial nécessitant des solutions évolutives et scientifiquement validées.
Des dirigeants de Veolia, venus d’Europe, d’Amérique du Nord, du Moyen-Orient et de la région Australie–Nouvelle-Zélande, ont dévoilé les contours de ce nouveau positionnement : d’une part, des technologies de destruction des PFAS, d’autre part, des acquisitions ciblées à l’international. Ensemble, ils ont tracé la voie d’un futur axé sur l’innovation, les investissements d’infrastructure et des solutions régionales adaptées aux besoins industriels.
Des pots de peinture aux molécules PFAS : l’étendue des déchets dangereux
Les déchets dangereux ne se limitent pas aux industries : ils comprennent aussi des produits ménagers courants — pots de peinture inutilisés, pesticides périmés, solvants.
Ainsi, la transition vers l’économie circulaire commence au niveau individuel. Un rappel que le changement durable dépend à la fois de l'infrastructure systémique et des choix quotidiens.
À grande échelle, Veolia vise à porter ses capacités de traitement des déchets dangereux à 530 000 tonnes supplémentaires, à éliminer plus de 9 millions de tonnes de polluants par an, et à accroître de 50 % le chiffre d’affaires de ce segment d’ici 2030.

Selon Estelle Brachlianoff, directrice Générale de Veolia, « Le traitement des déchets dangereux devient un goulet d’étranglement stratégique pour de nombreuses industries. C’est aussi un enjeu essentiel pour la santé humaine et la sécurité environnementale. »
Stratégie macro et micro : un duo indispensable
Brachlianoff a insisté sur cette double approche : « Nous avons besoin de coopération internationale, mais aussi de changement au niveau des ménages. Un impact durable exige les deux. » Trois forces façonnent cette dynamique : la dépollution sanitaire, la restructuration industrielle, et la résilience des chaînes d’approvisionnement. « Les déchets ne sont plus des déchets — c’est une ressource inexploitable », a-t-elle ajouté.
Veolia traite aujourd’hui plus de 8,7 millions de tonnes de déchets dangereux par an et a enregistré 4,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2024 sur ce segment. Son offre mobilise des technologies de pointe telles que la séparation des métaux stratégiques, le recyclage des batteries, et le traitement thermique via son réseau propriétaire de laboratoires et d’incinérateurs.
Courrières : le laboratoire du progrès
Le site de Courrières, l’un des plus avancés de Veolia, traite environ 140 000 tonnes de déchets dangereux par an. Chaque lot subit entre 10 et 20 tests, suivi d’un tri selon la famille de déchets, puis d’un traitement par incinération ou process chimique — un cycle complet pouvant durer de 10 à 45 minutes.
Le niveau de complexité et d’investissement requis rend ces infrastructures dépendantes du volume local. En cas de volume insuffisant, les déchets sont transférés vers d’autres installations en Europe ou ailleurs.

Défi PFAS : la technologie Drop®
Veolia a annoncé la mise en service de Drop®, sa nouvelle technologie brevetée de destruction des PFAS — ces substances perfluoroalkylées persistantes, aussi surnommées « produits chimiques éternels ». Développée en interne, Drop® est désormais déployée sur 20 lignes d’incinération européennes.
Fonctionnant à plus de 900 °C dans un procédé catalytique, Drop® garantit un taux de destruction (DRE) pouvant atteindre 99,9999 % pour les PFAS – polymériques et non polymériques (PFOA, PFOS, PFHxS). De plus, cette méthode réduit fortement la corrosion et l’encrassement dans les brûleurs, renforçant ainsi la fiabilité à long terme.
« C’est une innovation disruptive capable d’éliminer les PFAS ciblés tout en préservant l’intégrité des installations industrielles », explique Catherine Ricou, directrice, déchets dangereux Europe. « Nous sommes fiers de poser une référence européenne dans le traitement des PFAS. »
Des marchés mondiaux aux réponses locales
En Europe, Catherine Ricou met en avant quatre piliers : réseau, diversité des équipements, proximité client et innovation, appuyés par 20 sites en activité et une croissance ciblée de 10 % par an de l’EBITDA sur les déchets dangereux.
En Amérique du Nord, Bob Cappadona, directeur, services et solutions environnementaux, souligne des acquisitions récentes dans le Massachusetts et la Californie, ainsi que la mise en service d’une des plus grandes usines de traitement des PFAS aux États-Unis, dans le Delaware.
Au Moyen-Orient, Helder Daravano, directeur, MAGMA, précise que la région croît deux fois plus vite qu’en Europe, malgré un marché quatre fois plus petit, grâce à des installations stratégiques en Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis.
En Australie/Nouvelle-Zélande, Matt Ead, directeur, services nationaux de remédiation, décrit la transition du simple enfouissement vers des procédés de prétraitement, soutenue par des opérations de fusion-acquisition et des stratégies adaptées au marché local.
GreenUp : croissance et acquisitions
Le plan GreenUp de Veolia combine croissance organique et acquisitions ciblées :
- Construction de cinq nouvelles installations aux États-Unis, en Europe, au Moyen-Orient et en Asie
- Mise en service de 285 000 tonnes de capacité d’ici 2027, puis 430 000 tonnes d'ici 2030
- Acquisitions pour 300 millions d’euros, notamment aux États-Unis, au Brésil et au Japon, apportant 100 000 tonnes de capacité supplémentaire

Selon Emmanuelle Menning, directrice générale adjointe en charge des finances et des achats, la stratégie repose sur un triptyque « croissance, performance, allocation de capital ». Elle ajoute que l’incinération haute température figure parmi les segments les plus rentables de Veolia.

Sécurité environnementale et autonomie stratégique
« Chez Veolia, nous sommes des architectes de la sécurité environnementale. Notre objectif est de protéger l’autonomie stratégique, » confirme Estelle Brachlianoff en réaffirmé l’importance du respect des accords internationaux, notamment la Convention de Bâle, afin d’éviter l’exportation de déchets vers des régions peu réglementées.
Le site de Courrières, exploité à 94–96 % de sa capacité, devrait atteindre l’autonomie énergétique d’ici 2028, avec une reconfiguration des chaudières. Actuellement, 80 % des déchets traités proviennent du Nord de la France, les 20 % restants venant de l’étranger, notamment d’Italie.

Les déchets ne sont plus des déchets
Le message est clair : les déchets dangereux ne sont plus simplement une menace pour l’environnement — ils constituent désormais une ressource stratégique, une priorité de santé publique et un enjeu commercial majeur.
En associant innovation, politique et investissement, Veolia pose les jalons d’un nouveau standard mondial pour la gestion durable des déchets.