PARIS: Un retour au Liban, après plus de 40 ans derrière les barreaux en France ? Georges Ibrahim Abdallah, condamné à Paris en 1987 pour complicité d'assassinat de diplomates américain et israélien et considéré comme le plus ancien détenu du pays, saura jeudi si la justice l'autorise à rentrer chez lui.
La cour d'appel de Paris rendra sa décision à 9H00, en audience non publique.
Incarcéré depuis 1984, l'ancien chef d'un groupuscule de chrétiens libanais marxistes pro-palestiniens est libérable depuis 25 ans, mais a vu sa dizaine de demandes de remise en liberté échouer.
Cette fois pourrait être la bonne : le tribunal d'application des peines puis la cour d'appel se sont à quelques mois d'intervalle prononcés pour, estimant la durée de sa détention "disproportionnée" par rapport aux crimes commis, et jugeant qu'à 74 ans, ce détenu "âgé" aspirant à finir ses jours dans son village du nord-Liban ne présentait plus de risque de trouble à l'ordre public.
Le jugement du tribunal en novembre avait immédiatement été suspendu par un appel du parquet antiterroriste. Quant à la cour, tout en se disant en février favorable à sa remise en liberté, elle avait repoussé sa décision de quelques mois, exigeant que Georges Abdallah fasse preuve d'un "effort conséquent" pour indemniser les victimes, ce qu'il a toujours refusé de faire, se considérant comme un prisonnier politique.
Lors d'une nouvelle audience le 19 juin cependant et sans s'épancher sur la position de son client ni l'origine des fonds, l'avocat de Georges Abdallah avait informé les juges que 16.000 euros se trouvaient désormais à disposition des parties civiles sur son compte à la prison de Lannemezan (Hautes-Pyrénées), où il est détenu.
Le parquet général, comme les Etats-Unis - parties civiles et qui se sont farouchement opposés à chacune de ses demandes de libération - ont considéré que cela ne suffisait pas, qu'il n'avait fait "aucun effort" car l'argent n'était pas le sien et qu'il n'y avait pas de repentir, ont rapporté des sources proches du dossier (l'audience n'était pas publique).
"Symbole passé"
"La notion de repentir" n'existe "pas dans le droit français", s'était indigné devant la presse au sortir de la salle l'avocat de Georges Abdallah, Me Jean-Louis Chalanset. "J'ai dit aux juges +soit vous le libérez, soit vous le condamnez à mort+".
Reste à savoir si la cour a elle été convaincue. Si c'est le cas et si elle ordonne sa libération avec expulsion immédiate vers le Liban - son pays est prêt à l'accueillir et réclame sa libération depuis des années -, il videra sa cellule remplie de 40 ans de journaux et courriers quasi-quotidiens de ses soutiens, et décrochera le drapeau rouge de Che Guevara du mur. Puis, selon des sources proches du dossier, il sera transféré par avion militaire jusqu'à l'aéroport de Roissy avant de prendre un vol pour Beyrouth.
Georges Ibrahim Abdallah est aujourd'hui tombé dans l'oubli, à l'exception de quelques parlementaires de gauche et d'une poignée de fidèles manifestant chaque année devant sa prison. Lundi soir, plusieurs dizaines de personnes se sont encore rassemblées dans le centre de Toulouse pour demander sa libération.
Dans les années 1980, Georges Ibrahim Abdallah était l'ennemi public n°1 et l'un des prisonniers les plus célèbres de France. Pas à cause de son affaire, mais parce qu'on l'a longtemps cru, à tort, à l'origine de la vague d'attentats de 1985-86 qui avait tué 13 personnes dont sept au magasin Tati de la rue de Rennes, et installé la psychose dans les rues de la capitale.
Les véritables responsables, des pro-Iraniens, avaient été identifiés deux mois après la condamnation à la perpétuité de Georges Abdallah.
Ce dernier n'a jamais reconnu son implication dans l'assassinat des diplomates, mais les a toujours qualifiés d'"actes de résistance" contre "l'oppression israélienne et américaine", dans le contexte de la guerre civile libanaise et l'invasion israélienne au sud-Liban en 1978. Et toujours refusé de renier ses convictions.
Son groupuscules des FARL (Fraction armée révolutionnaire libanaise) est dissous depuis longtemps et "n'a pas commis d'action violente depuis 1984", avait toutefois souligné la cour dans son arrêt de février, estimant que Georges Abdallah "représente aujourd'hui un symbole passé de la lutte palestinienne".