PARIS: Libre, après plus de 40 ans dans les prisons françaises. La cour d'appel de Paris a ordonné jeudi la remise en liberté du Libanais Georges Abdallah, condamné en 1987 pour complicité d'assassinats de diplomates américain et israélien, et considéré comme l'un des plus anciens détenus du pays.
La libération interviendra le 25 juillet, a indiqué une source judiciaire à la fin de l'audience non publique au palais de Justice de Paris, en l'absence de Georges Ibrahim Abdallah, incarcéré à la prison de Lannemezan (Hautes-Pyrénées).
La libération est "sous condition de quitter le territoire national et n'y plus paraître", selon l'arrêt de la cour consulté par l'AFP.
"Nous sommes très heureux de cette décision", a réagi auprès de l'AFP son frère, Robert Abdallah. "Nous n'aurions jamais imaginé qu'il serait enfin libéré", a-t-il confié, se réjouissant que "pour une fois, les autorités françaises se (soient) affranchies des pressions exercées par Israël et les Etats-Unis".
"C'est à la fois une victoire judiciaire et un scandale politique qu'il ne soit pas sorti plus tôt, à cause du comportement des Etats-Unis et de tous les présidents français" successifs, a déclaré au sortir de la salle d'audience son avocat, Me Jean-Louis Chalanset.
Les Etats-Unis, parties civiles, se sont vigoureusement opposés à chacune des demandes de libération déposées par Georges Abdallah.
Les détails de sa sortie le 25 juillet ne sont pas encore connus. Selon plusieurs sources interrogées avant l'audience, il est prévu qu'il soit emmené par les forces de l'ordre à l'aéroport de Tarbes direction Roissy, où il prendra un vol pour Beyrouth. Le Liban, qui réclame sa libération aux autorités françaises depuis des années, avait écrit à la cour pour confirmer qu'il prendrait en charge l'organisation de son retour chez lui.
Le parquet général peut faire un pourvoi en cassation, mais même si c'était le cas il ne serait pas suspensif, et n'empêcherait donc pas Georges Abdallah de rentrer au Liban.
Incarcéré en France depuis 1984, l'ancien chef d'un groupuscule de chrétiens libanais marxistes pro-palestiniens est libérable depuis 25 ans, mais a vu sa dizaine de demandes de remise en liberté échouer.
"Disproportionnée"
Mais pour celle-ci et à quelques mois d'intervalle, le tribunal d'application des peines puis la cour d'appel s'étaient prononcés pour, estimant la durée de sa détention "disproportionnée" par rapport aux crimes commis, et jugeant qu'à 74 ans, ce détenu "âgé" aspirant à "finir ses jours" dans son village du nord-Liban ne présentait plus de risque de trouble à l'ordre public.
Mais la cour avait demandé à ce que Georges Abdallah fasse preuve d'un "effort conséquent" pour indemniser les victimes, ce qu'il a toujours refusé de faire, se considérant comme un prisonnier politique.
Lors d'une nouvelle audience le 19 juin, et sans s'épancher sur la position de son client ni l'origine des fonds, l'avocat de Georges Abdallah avait informé les juges que 16.000 euros se trouvaient désormais sur son compte en prison à disposition des parties civiles, dont les Etats-Unis.
Aujourd'hui tombé dans l'oubli, à l'exception d'une poignée de fidèles manifestant chaque année devant sa prison ou de quelques parlementaires de gauche, Georges Abdallah était dans les années 1980 l'ennemi public n°1 et l'un des prisonniers les plus célèbres de France.
Pas à cause de son affaire, mais parce qu'on l'a longtemps cru, à tort, à l'origine de la vague d'attentats de 1985-1986 qui a fait 13 morts dont sept au magasin Tati de la rue de Rennes, et installé la psychose dans les rues de la capitale.
Les véritables responsables, des pro-Iraniens, avaient été identifiés deux mois après la condamnation à perpétuité de Georges Abdallah.
Ce dernier n'a jamais reconnu son implication dans les assassinats des diplomates à Paris, mais les a toujours qualifiés d'"actes de résistance" contre "l'oppression israélienne et américaine", dans le contexte de la guerre civile libanaise et l'invasion israélienne au sud-Liban en 1978. Il a toujours refusé de renier ses convictions.
Son groupuscule des FARL (Fractions armées révolutionnaires libanaises) est dissous depuis longtemps et "n'a pas commis d'action violente depuis 1984", avait toutefois souligné la cour dans son arrêt de février, estimant que Georges Abdallah "représente aujourd'hui un symbole passé de la lutte palestinienne".