Le gouvernement israélien est-il enfin allé trop loin ? Depuis sa fondation en 1948, Israël s’est engagé dans une violence systématique contre les Palestiniens, s’appuyant sur le soutien indéfectible des États-Unis comme bouclier contre toute sanction aux Nations unies.
Pour garantir que ce soutien ne faiblisse jamais, des groupes pro-israéliens ont investi des centaines de millions de dollars pour manipuler le système politique américain, influencer les résultats électoraux et dissuader les membres du Congrès de critiquer ses agissements.
Mais depuis que le gouvernement israélien a lancé sa guerre de vengeance contre les Palestiniens à Gaza, en réponse aux attaques du Hamas du 7 octobre 2023, son usage excessif de la violence, les crimes de guerre, les actes de génocide, et même le meurtre de plusieurs citoyens américains, semblent avoir fait basculer l’opinion aux États-Unis.
La violence excessive, les crimes de guerre et le génocide commis par Israël semblent avoir fait basculer le soutien américain.
Ray Hanania
Les sondages récents montrent que l’opinion publique américaine commence à réagir à ces excès : 60 % s’opposent désormais à l’intervention militaire israélienne à Gaza. La brutalité d’Israël, portée par l’influence des extrémistes religieux d’extrême droite au sein du gouvernement dirigé par Benjamin Netanyahu, a ouvert une porte vers le jugement, qu’il pourrait ne plus pouvoir refermer.
Encore plus préoccupant pour Israël : sa réponse militaire disproportionnée a provoqué une onde de choc politique, qui commence à se faire sentir même chez certains conservateurs républicains et démocrates modérés — deux camps qui, pendant des décennies, fermaient les yeux sur les assassinats extrajudiciaires, les punitions collectives et le mépris du droit international par Israël.
Nous assistons au début d’un relâchement de l’emprise qu’Israël exerce depuis longtemps sur la politique américaine.
Le Parti démocrate s’était jusque-là contenté de timides critiques face aux excès d’Israël. Mais aujourd’hui, même des figures centristes comme le représentant Mike Quigley mettent en question les actions militaires israéliennes, appelant à la création d’un État palestinien.
Pendant longtemps, seules les voix de l’aile gauche radicale du Parti démocrate dénonçaient Israël, sans impact notable. Elles accusaient le gouvernement israélien d’hypocrisie et de discriminations contre les chrétiens et les musulmans.
De leur côté, les républicains et les mouvements chrétiens évangéliques ont toujours été des alliés indéfectibles d’Israël, lui offrant une immunité politique, y compris lorsque des Américains figuraient parmi ses victimes. Les conservateurs ont pu grimacer face aux abus israéliens, mais ils n’allaient jamais jusqu’à réclamer des comptes.
Jusqu’à aujourd’hui.
Le point de bascule est venu d’un contexte économique devenu insoutenable. L’inflation a fait exploser le prix des produits de base — alimentation, voitures, vêtements — mais aussi des services essentiels comme l’assurance, la santé ou les impôts fonciers. De plus en plus d’Américains peinent à joindre les deux bouts.
La dette nationale américaine dépasse désormais les 37 000 milliards de dollars, ce qui alimente l’inflation et rend de nombreux biens inaccessibles. Cette réalité économique prend le pas sur l’idylle américaine avec Israël, et pousse une partie de la population à se demander : « Pourquoi ? »
La réalité économique actuelle supplante l’amour de l’Amérique pour Israël, et beaucoup d’Américains se demandent : “Pourquoi ?”
Ray Hanania
L’une des voix les plus fortes dans cette contestation est Marjorie Taylor Greene, élue républicaine de Géorgie et figure centrale du mouvement “Make America Great Again” de Donald Trump. Elle a commencé à remettre en question les sacrifices faits pour Israël.
Greene, fidèle défenseuse de Trump, porte aujourd’hui le visage d’un mouvement naissant qui remet en cause l’influence d’Israël aux États-Unis et s’attaque directement à l’un de ses piliers : l’AIPAC (Comité des affaires publiques américano-israéliennes), qui a versé des centaines de millions de dollars à des campagnes de politiciens américains pour garantir leur obéissance aux intérêts israéliens.
Greene demande que l’Amérique cesse toute aide étrangère à Israël. Les États-Unis lui versent 4 milliards de dollars par an, auxquels s’ajoutent 18 milliards d’aide militaire pour la guerre à Gaza. Elle ose poser la question : pourquoi ? Pourquoi autant d’argent versé à Israël alors que les Américains eux-mêmes souffrent ?
Cette semaine, elle a publié sur X : « L’AIPAC essaie de faire passer mon message America First pour de l’“antisémitisme” parce que je ne veux plus envoyer des milliards au gouvernement laïc et armé nucléairen d’Israël. »
Elle a élargi son appel à l’arrêt de toute aide étrangère, une position désormais reprise par d’autres républicains MAGA, comme le représentant Thomas Massie. Ce qui se passe est une révolution politique alimentée par une économie en déclin et l’arrogance d’Israël.
Dans ce même message, Greene concluait : « Avec une dette de 37 000 MILLIARDS, je suis désormais résolument pro-Amérique UNIQUEMENT. Ma loyauté va au peuple américain et à la génération de mes enfants. À ceux que j’ai été élue pour représenter. PAS À UN PAYS ÉTRANGER. »
La montée des critiques contre les politiques israéliennes, combinée à la souffrance économique d’une majorité d’Américains, et à l’arrogance de lobbys étrangers qui croient pouvoir museler les opposants au Congrès, affaiblit l’emprise d’Israël sur l’opinion publique.
Les changements peuvent sembler modestes pour l’instant, mais le mouvement s’amplifie, et il deviendra tôt ou tard inarrêtable.
Comme le dit une vieille expression américaine en politique : « Donnez suffisamment de corde à quelqu’un, et il finira par se pendre. » Israël est en train de resserrer lui-même le nœud autour de son excès d’arrogance morale.
Ray Hanania est un ancien journaliste politique et chroniqueur primé de la mairie de Chicago. Il peut être joint sur son site Web personnel à l’adresse suivante: www.Hanania.com.
X: @RayHanania
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com