Couche-Tard et Carrefour: Paris dit «non», le Canadien jetterait l'éponge

Le gouvernement français a opposé vendredi un veto « clair et définitif » au rapprochement proposé par Couche-Tard au géant français Carrefour (Photo, AFP)
Le gouvernement français a opposé vendredi un veto « clair et définitif » au rapprochement proposé par Couche-Tard au géant français Carrefour (Photo, AFP)
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Publié le Samedi 16 janvier 2021

Couche-Tard et Carrefour: Paris dit «non», le Canadien jetterait l'éponge

  • La décision de jeter l'éponge a été prise après une rencontre entre le ministre de l'Economie français Bruno Le Maire et le fondateur de Couche-Tard Alain Bouchard
  • Couche-Tard avait évoqué dans les premières discussions un investissement de 3 milliards d'euros sur cinq ans pour favoriser le développement de Carrefour

PARIS: Le gouvernement français a opposé vendredi un veto « clair et définitif » au rapprochement proposé par Couche-Tard au géant français Carrefour, forçant le groupe canadien à retirer son offre selon l'agence Bloomberg. 

La décision de jeter l'éponge a été prise après une rencontre entre le ministre de l'Economie français Bruno Le Maire et le fondateur de Couche-Tard Alain Bouchard, selon l'agence qui cite des sources proches du dossier. 

Pour tenter de rassurer Bercy, M. Bouchard avait pourtant promis plusieurs milliards d'investissements dans Carrefour et s'était engagé à maintenir l'emploi pendant deux ans et à coter le groupe en Bourse à Paris, en parallèle avec le Canada, précise l'agence. 

Contactés, ni Couche-Tard ni Carrefour n'avaient confirmé l'information vendredi soir. 

« Ma position, c'est un non courtois, mais clair et définitif »: le ministre de l'Economie français Bruno Le Maire avait rapidement douché les espoirs des partisans du »rapprochement » envisagé par Couche-Tard et Carrefour, expliquant vendredi sur BFMTV et RMC qu' « on ne cède pas l'un des grands distributeurs français ». 

Une prise de position d'autant plus dissuasive que le gouvernement a le pouvoir de bloquer les opérations de rachat dans l'industrie agroalimentaire, via la réglementation sur le contrôle des investissements étrangers. « Je préfère ne pas avoir à l'employer », a ajouté M. Le Maire, en précisant néanmoins qu'il n'hésiterait pas « s'il le fallait ». 

Bruno Le Maire a eu vendredi l'occasion d'expliquer sa position à M. Bouchard, présent à Paris, ainsi qu'à son homologue québécois Pierre Fitzgibbon par téléphone, a indiqué Bercy. 

Le précédent « yaourt »  

Jeudi soir, Pierre Fitzgibbon avait expliqué à quelques journalistes que son gouvernement avait plaidé auprès des autorités françaises « que Couche-Tard pourrait être un bon propriétaire ». 

De son côté Justin Trudeau, Premier ministre du Canada, avait refusé vendredi de commenter l'opération au motif que « des discussions étaient en cours », se bornant à indiquer que le rôle de son gouvernement était de soutenir les entreprises de son pays, « y compris lorsqu'elles regardaient pour prendre de l'expansion dans le monde ». 

Mais vendredi soir, après les informations sur l'échec des négociations, une source gouvernementale à Ottawa a critiqué l'argument de Paris accusant Couche-Tard de menacer la sécurité alimentaire de la France. 

« On peut soutenir qu'il est possible politiquement de décider de ne pas autoriser que le principal employeur du pays passe entre des mains étrangères », reconnaît cette source jointe. « Mais on ne peut pas accuser une entreprise canadienne de premier plan comme Couche-Tard de mettre en danger la souveraineté alimentaire de tout un pays ». 

La position du gouvernement français avait jeté un froid. « Le ministre de l'Economie n'a pas peur de qualifier de stratégique le secteur de la distribution alimentaire, et d'être ridiculisé pour cela, comme l'avait été son prédécesseur quand le yaourt (c'est-à-dire Danone) avait connu un honneur similaire », taclent les analystes financiers du cabinet AlphaValue, faisant allusion au refus de l'Etat de laisser Danone se faire racheter par Pepsi en 2005.  

Un autre analyste financier ayant requis l'anonymat relève le fait que l'approvisionnement alimentaire »ne dépend pas de la nationalité du distributeur, sinon cela signifierait que Lidl ou Aldi n'auraient pas tenu en termes de chaîne logistique ou de sécurité alimentaire » sur l'année écoulée, les deux enseignes étant allemandes. 

L'argument de la souveraineté, « on peut le comprendre pour ce qui concerne les enjeux de défense, la sécurité civile, la cybersécurité... Là, c'est moins compréhensible », estimait aussi jeudi Charles-Henri d'Auvigny, président de la Fédération des investisseurs individuels et des clubs (F2IC). 

Investissements massifs 

Si le secteur est stratégique, a aussi observé Jacques Creyssel, délégué général de la Fédération du commerce et de la distribution (dont Carrefour est membre), il faut « des décisions pour faire en sorte que ce secteur qui est le premier employeur de France puisse se consolider et survivre ».  

Selon le quotidien Les Echos, Couche-Tard avait évoqué dans les premières discussions un investissement de 3 milliards d'euros sur cinq ans pour favoriser le développement de Carrefour, un chiffre confirmé par un connaisseur du dossier. 

Pas de quoi convaincre le gouvernement, donc, ni les organisations syndicales du groupe Carrefour, qui ont pour leur part estimé que « les conséquences, notamment sociales, d'une telle opération pourraient être désastreuses pour les salariés », selon les termes de FO (premier syndicat du groupe).  

Dans un autre communiqué tweeté vendredi, le Snec/CFE-CGC (syndicat national de l'encadrement du groupe Carrefour, 4e en matière de représentativité) « s'interroge sur le mutisme du groupe Carrefour et les méthodes managériales de Couche-Tard », et demande à Carrefour de « communiquer d'urgence envers ses salariés ». 

Le veto du gouvernement a en tout cas fait retomber le cours de Bourse du distributeur dans le rouge, à 16,61 euros à la clôture vendredi. Il reste malgré tout plus élevé qu'avant l'annonce choc de ces « discussions très préliminaires » entre les deux distributeurs. 


Taxe Zucman : «truc absurde», «jalousie à la française», selon le patron de Bpifrance

Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
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  • M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde"
  • Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier"

PARIS: Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française".

M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde", mais qui selon lui "n'arrivera pas".

Mais "ça panique les entrepreneurs : ils ont construit leur boîte et on vient leur expliquer qu'on va leur en prendre 2% tous les ans. Pourquoi pas 3? Pourquoi pas 4? C'est invraisemblable!", a-t-il déclaré.

Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier" : "Donc demain j'aurai 2% du capital de LVMH, dans 20 ans 20%, 20% du capital de Pinault-Printemps-Redoute (Kering, NDLR), 20% du capital de Free. C'est délirant, c'est communiste en réalité, comment est-ce qu'on peut encore sortir des énormités comme ça en France!?"

"Ces gens-là tirent la France. Il faut les aider (...) au lieu de leur dire qu'on va leur piquer 2% de leur fortune".

Il a observé que "si on pique la totalité de celle de Bernard Arnault, ça finance 10 mois d'assurance-maladie", mais qu'après "il n'y a plus d'Arnault".

"Il n'y a pas de trésor caché", a estimé M. Dufourcq, qui pense que cette taxe "n'arrivera jamais", et n'est évoquée que "pour hystériser le débat" politique.

Pour lui, il s'agit "d'une pure histoire de jalousie à la française, une haine du riche, qui est soi-disant le nouveau noble", rappelant les origines modestes de François Pinault ou Xavier Niel: "c'est la société française qui a réussi, on devrait leur dresser des statues".

"Il y a effectivement des fortunes qui passent dans leur holding des dépenses personnelles", a-t-il remarqué, "c'est ça qu'il faut traquer, et c'est ce sur quoi le ministère des Finances, je pense, travaille aujourd'hui".

Mais il y a aussi "beaucoup de Français qui passent en note de frais leurs dépenses personnelles", a-t-il observé. "Regardez le nombre qui demandent les tickets dans les restaus", pour se les faire rembourser.


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".