Les négociations sur le barrage du Nil dans l'impasse

L'Égypte, qui dépend presque entièrement du Nil pour son approvisionnement en eau douce, craint que le barrage ne réduise ses réserves d'eau, déjà dangereusement basses. Photo Khaled DESOUKI/AFP.
L'Égypte, qui dépend presque entièrement du Nil pour son approvisionnement en eau douce, craint que le barrage ne réduise ses réserves d'eau, déjà dangereusement basses. Photo Khaled DESOUKI/AFP.
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Publié le Samedi 11 juillet 2020

Les négociations sur le barrage du Nil dans l'impasse

  • Le mégaprojet de 4.8 milliards de dollars sur le Nil Bleu devrait générer 6,000 mégawatts une fois terminé
  • L'Éthiopie espère que le mégaprojet de 4.8 milliards de dollars sur le Nil Bleu, qui devrait générer 6,000 mégawatts une fois terminé

LE CAIRE: Le ministre égyptien des Ressources hydriques et de l'Irrigation, Mohamed Abdel-Aty, a récemment tenu responsable l'Éthiopie du manque de progrès, dans la dernière série de négociations sur le Grand barrage de la Renaissance éthiopienne (Gerd).

L'Éthiopie espère que le mégaprojet de 4.8 milliards de dollars sur le Nil Bleu, qui devrait générer 6,000 mégawatts une fois terminé, lui permettra de devenir le plus grand exportateur d'électricité d'Afrique. De leur côté, le Soudan et l'Égypte sont tous deux très préoccupés par les effets négatifs que le barrage pourrait potentiellement avoir sur leurs propres espaces du Nil.

S'exprimant après une réunion des ministres de l'Eau de l’Égypte, du Soudan et de l'Éthiopie, Abdel-Aty a déclaré que l'Éthiopie avait rejeté une proposition selon laquelle les trois pays devraient parvenir à un accord contraignant, conformément au droit international. Il a affirmé que la position de l'Éthiopie consistait uniquement à s’entendre sur des lignes directrices, qui pourraient être modifiées unilatéralement plus tard par Addis-Abeba. Les négociations relatives au Gerd ont commencé il y a près de dix ans.

 « L'Éthiopie a cherché à obtenir le droit absolu d'établir des projets dans la partie supérieure du Nil Bleu, a expliqué Abdel-Aty. Elle a également refusé d'accepter que l'accord sur le Gerd inclue un mécanisme juridiquement contraignant pour régler les différends. L'Éthiopie a rejeté aussi une proposition selon laquelle l'accord comporterait des mesures efficaces pour réagir face aux sécheresses. ».

Et Abdel-Aty d’ajouter : « L'Égypte a participé de bonne foi aux récentes séries de négociations demandées par la nation sœur du Soudan. Il s’agissait d'épuiser et d'explorer toutes les méthodes disponibles pour parvenir à un accord juste et équilibré au sujet du Gerd, de manière à préserver les droits de l'Éthiopie au développement de ce projet, tout en minimisant les effets négatifs et les dommages causés par le Gerd aux deux pays en aval. L'Éthiopie a malheureusement maintenu ses positions intransigeantes. »

L'inflexibilité de l'Éthiopie dans les négociations à propos du Gerd est aussi la cause de préoccupations du côté du Soudan. Le ministère soudanais de l'Irrigation a en effet publié une déclaration, dans laquelle il estime que « malgré les progrès réalisés sur les questions techniques relatives au remplissage et à l'exploitation du barrage, les désaccords concernant les aspects juridiques ont révélé de réelles différences conceptuelles entre les trois parties sur un certain nombre de questions ». « Il s’agit notamment, selon le ministère, du caractère contraignant de l'accord, du mécanisme de règlement des différends, et de la séparation de l'accord en question de tout autre accord, étant donné que l'accord actuel est censé porter sur le remplissage et l'exploitation du barrage, et non sur la répartition des parts d'eau entre les trois pays ».

« À la lumière de ces développements, la délégation soudanaise a demandé que les dossiers litigieux soient transmis aux Premiers ministres des trois pays, afin de parvenir à un consensus politique sur ces dossiers, de façon à susciter la volonté politique nécessaire pour reprendre les négociations dès que possible, après les consultations entre les ministres de l’Irrigation des trois pays », poursuit la déclaration.

Lors d'un séminaire organisé par le ministre soudanais de l'Irrigation Yasser Abbas, Siddiq Youssef, – un dirigeant de l'Alliance pour la liberté et le changement (ALC) et du Parti communiste soudanais – a demandé au gouvernement du Soudan de veiller à ce qu'une clause de compensation pour tout dommage écologique ou social résultant du projet Gerd soit incluse dans tout accord.

L'ancien ministre égyptien de l'Irrigation Mohamed Nasr Allam a déclaré pour sa part à la presse que l'échec des négociations sur le Gerd indiquait que l'Éthiopie avait atteint « un niveau élevé d'intimidation ». Il a précisé qu'il était important que l'Égypte et le Soudan aient accès aux comptes rendus des sessions.

M. Allam a ajouté que le Caire et Khartoum devraient harmoniser leur approche des négociations. Il a appelé les deux parties à recourir au Conseil de sécurité de l'ONU et à utiliser d'autres moyens pour « internationaliser » la question.

L'Éthiopie, a-t-il indiqué, n'a pas une réelle volonté politique de faire aboutir les négociations. « Elle visait la communauté internationale et essayait de prouver aux observateurs qu'elle était sérieuse dans les négociations. Cependant, même cet objectif n'a pas été atteint », a déploré M. Allam.

L'analyste politique soudanais Mohamed Adam Isaaq a quant à lui déclaré que toute tentative de supprimer le droit légitime du Soudan à un partenariat dans le cadre du projet Gerd serait inacceptable. Le Soudan est « un acteur principal, pas un médiateur », a-t-il insisté, soulignant que le pays pourrait être exposé aux effets négatifs – ainsi qu'aux bénéfices – du projet, notamment la baisse du niveau des eaux du Nil et une baisse du limon qui priverait le Soudan de l'agriculture naturelle sur les rives du fleuve. « Les ressources halieutiques seraient également épuisées », a-t-il affirmé.

L'Égypte, qui dépend presque entièrement du Nil pour son approvisionnement en eau douce, craint que le barrage ne réduise ses réserves d'eau, déjà dangereusement basses. Environ 85 % de l'eau du Nil qui atteint l'Égypte provient des hauts plateaux éthiopiens.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur ArabNews.com le 19 juin 2020.


Soudan : attaque de drones sur la capitale Khartoum pour la troisième journée consécutive

Entrée dans sa troisième année, la guerre au Soudan a tué des dizaines de milliers de personnes, déplacé près de 12 millions d'habitants et provoqué ce que l'ONU qualifie de "pire crise humanitaire au monde". (AFP)
Entrée dans sa troisième année, la guerre au Soudan a tué des dizaines de milliers de personnes, déplacé près de 12 millions d'habitants et provoqué ce que l'ONU qualifie de "pire crise humanitaire au monde". (AFP)
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  • "À quatre heures du matin, j'ai entendu le bruit de deux drones passer au-dessus de nous, et peu de temps après, j'ai entendu le son de tirs de défense aérienne près de la Brigade militaire et l'unité médicale", a relaté un témoin du sud d'Omdourman
  • Un autre témoin dans le sud de la capitale a rapporté avoir vu des drones se diriger vers l'aéroport, cible d'attaques depuis trois jours consécutifs

KHARTOUM: Des drones ont visé jeudi la capitale soudanaise Khartoum et son aéroport, tenus par l'armée, pour la troisième journée consécutive, ont rapporté à l'AFP des témoins.

"À quatre heures du matin, j'ai entendu le bruit de deux drones passer au-dessus de nous, et peu de temps après, j'ai entendu le son de tirs de défense aérienne près de la Brigade militaire et l'unité médicale", a relaté un témoin du sud d'Omdourman.

Un autre témoin dans le sud de la capitale a rapporté avoir vu des drones se diriger vers l'aéroport, cible d'attaques depuis trois jours consécutifs.

"Après quatre heures, le bruit des drones était fort. Je les ai vus se diriger vers l'aéroport et j'ai entendu des explosions", a-t-il indiqué.

Depuis mardi, l'aéroport de la capitale, hors service depuis deux ans et sur le point de rouvrir, est en proie à des attaques de drones attribuées aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), engagées depuis avril 2023 dans une guerre pour le pouvoir contre l'armée régulière.

Sa réouverture, initialement prévue mercredi" a été suspendue "jusqu'à nouvel ordre, a déclaré à l'AFP un responsable de l'aéroport sous couvert d’anonymat.

Malgré la reprise de Khartoum par l'armée au printemps, la ville demeure largement dévastée, marquée par des coupures d'électricité récurrentes et des frappes de drones des FSR.

Plus d'un million de personnes déplacées y sont retournées au cours des dix derniers mois, selon l'agence des migrations de l'ONU.

Depuis quelques semaines, le gouvernement s'efforce d'y rétablir les services, dont l'aéroport, afin de relocaliser des institutions clés depuis Port-Soudan, port de la Mer Rouge, devenue capitale de facto depuis le début de la guerre.

Entrée dans sa troisième année, la guerre au Soudan a tué des dizaines de milliers de personnes, déplacé près de 12 millions d'habitants et provoqué ce que l'ONU qualifie de "pire crise humanitaire au monde".


Israël expulse 32 militants étrangers venus en Cisjordanie pour la récolte des olives

Le ministre israélien de la Justice a indiqué mercredi avoir ordonné l'expulsion de 32 militants étrangers venus assister des Palestiniens à récolter des olives en Cisjordanie occupée, au motif qu'ils avaient enfreint un ordre militaire. (AFP)
Le ministre israélien de la Justice a indiqué mercredi avoir ordonné l'expulsion de 32 militants étrangers venus assister des Palestiniens à récolter des olives en Cisjordanie occupée, au motif qu'ils avaient enfreint un ordre militaire. (AFP)
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  • La récolte des olives est cette année particulièrement violente, avec plusieurs actes de vandalisme et d'attaques de colons israéliens, ont constaté des journalistes de l'AFP
  • Les militants étrangers estiment que leur présence est dissuasive contre ce genre d'incidents dans les zones rurales de Cisjordanie

RAMALLAH: Le ministre israélien de la Justice a indiqué mercredi avoir ordonné l'expulsion de 32 militants étrangers venus assister des Palestiniens à récolter des olives en Cisjordanie occupée, au motif qu'ils avaient enfreint un ordre militaire.

L'ordre d'expulsion signé par le ministre, Yariv Levin, fait suite à une plainte déposée par le président du conseil des colonies du nord de la Cisjordanie, Yossi Dagan, contre les "provocations" d'"anarchistes".

Rudy Schulkind, un Britannique de 30 ans, figure parmi les personnes expulsées. Joint par téléphone, il a indiqué à l'AFP être venu en Cisjordanie pour apporter son soutien à des agriculteurs palestiniens.

La récolte des olives est cette année particulièrement violente, avec plusieurs actes de vandalisme et d'attaques de colons israéliens, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Les militants étrangers estiment que leur présence est dissuasive contre ce genre d'incidents dans les zones rurales de Cisjordanie.

Rudy Schulkin a raconté à l'AFP avoir été détenu pendant 72 heures avant d'être expulsé le 19 octobre.

"Nous avons été arrêtés après que la zone où nous récoltions a été déclarée zone militaire", a-t-il expliqué, décrivant une tactique selon lui courante contre les Palestiniens.

Il a ajouté que les 32 bénévoles internationaux avaient tous été arrêtés dans une oliveraie près de la ville de Naplouse, dans le nord de la Cisjordanie.

Rudy Schulkin a ajouté qu'ils "n'avaient jamais été présentés devant un juge".

Le ministre israélien de la Justice a déclaré que l'expulsion avait été cosignée par le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, et a accusé les militants d'avoir violé "un ordre du commandant militaire" et d'appartenir à l'UAWC, l'Union des comités de travail agricole.

L'UAWC est une organisation palestinienne à but non lucratif dédiée au développement agricole. Israël l'a qualifiée d'organisation terroriste en 2021, ainsi que cinq autres ONG, dans une décision condamnée par l'ONU.

M. Schulkind n'a pas révélé le nom de l'organisation dont il était membre, mais Fouad Abou Seif, directeur général de l'UAWC, a déclaré à l'AFP que les volontaires participaient à une "campagne nationale" organisée par de nombreuses ONG palestiniennes et le ministère palestinien de l'Agriculture.

Fouad Abou Seif a précisé que l'UAWC était membre de cette campagne, mais n'en était pas l'organisateur. De son côté, le ministère palestinien des Affaires étrangères a condamné ces arrestations.


Israël: la Knesset vote pour l'examen de projets de loi visant à annexer la Cisjordanie

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  • "Je ne permettrai pas à Israël d'annexer la Cisjordanie", a déclaré Trump aux journalistes à la Maison Blanche le 26 septembre. "Non, je ne le permettrai pas. Cela n'arrivera pas."
  • Les députés israéliens se sont prononcés sur deux projets de loi en lecture préliminaire, un vote destiné à autoriser l'examen en première lecture des projets de loi

JERUSALEM: Le Parlement israélien (Knesset) s'est prononcé mercredi pour l'examen de deux projets de loi visant à étendre la souveraineté israélienne en Cisjordanie occupée, en pleine visite du vice-président américain JD Vance en Israël.

Le président américain Donald Trump, allié d'Israël dans sa guerre contre le mouvement islamiste Hamas, s'est prononcé contre toute annexion de la Cisjordanie par Israël, que soutient l'extrême droite israélienne.

"Je ne permettrai pas à Israël d'annexer la Cisjordanie", a déclaré Trump aux journalistes à la Maison Blanche le 26 septembre. "Non, je ne le permettrai pas. Cela n'arrivera pas."

Les députés israéliens se sont prononcés sur deux projets de loi en lecture préliminaire, un vote destiné à autoriser l'examen en première lecture des projets de loi.

Le premier texte, proposé par le chef du parti nationaliste Israël Beiteinou (opposition), Avigdor Lieberman, visant à étendre la souveraineté israélienne à Maalé Adumim, une colonie de plus de 40.000 habitants située juste à l'est de Jérusalem, a été adopté par 32 députés contre 9.

Le deuxième projet de loi, proposé par le député d'extrême-droite Avi Maoz, lui aussi dans l'opposition, visant à appliquer la souveraineté israélienne sur l'ensemble de la Cisjordanie, a été adopté en lecture préliminaire par 25 députés pour et 24 contre.

Selon les médias, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu avait ordonné aux députés de son parti, le Likoud, de s'abstenir pendant les votes.

Le Likoud a qualifié les votes de "provocation de l'opposition visant à nuire à nos relations avec les États-Unis et aux grandes réalisations d'Israël" dans la guerre déclenchée le 7 octobre 2023 par le Hamas, dans un communiqué.

"La véritable souveraineté ne s'obtient pas par une loi symbolique (...) mais par un travail efficace sur le terrain et par la création des conditions politiques propices à la reconnaissance de notre souveraineté, comme cela a été fait dans le Golan et à Jérusalem", ajoute le texte.

Israël a approuvé en août un projet clé de construction de 3.400 logements en Cisjordanie, dénoncé par l'ONU et plusieurs dirigeants étrangers.

Selon ses détracteurs, ce projet, baptisé E1, couperait la Cisjordanie en deux et empêcherait définitivement la création d'un éventuel Etat palestinien.

Lors d'un événement organisé à Maalé Adoumim le 11 septembre, M. Netanyahu avait affirmé qu"il "n'y aura pas d'Etat palestinien" et dit vouloir "doubler la population de la ville".

Hors Jérusalem-est, occupée et annexée par Israël, quelque trois millions de Palestiniens vivent en Cisjordanie, aux côtés d'environ 500.000 Israéliens installés dans des colonies que l'ONU juge illégales au regard du droit international.

La colonisation de la Cisjordanie, frontalière de la Jordanie, s'est poursuivie sous tous les gouvernements israéliens, de gauche comme de droite, depuis 1967.

Ces derniers mois, plusieurs ministres israéliens d’extrême droite ont appelé ouvertement à l'annexion de la Cisjordanie.

Mercredi dans un communiqué, le ministère jordanien des Affaires étrangères a dit "condamner fermement" ces votes qu'il qualifie de "violation flagrante du droit international et d'atteinte grave à la solution à deux Etats".

De son côté, le ministère palestinien des Affaires étrangères, basé à Ramallah, a condamné le vote de la Knesset, déclarant qu'il "rejette fermement les tentatives de la Knesset d'annexer des terres palestiniennes ".

"Le ministère a souligné que les territoires palestiniens occupés en Cisjordanie, y compris à Jérusalem, et la bande de Gaza, constituent une seule et même unité géographique sur laquelle Israël n'a aucune souveraineté", a-t-il déclaré, selon l'agence de presse officielle palestinienne Wafa.