La cohésion de la zone euro au défi de la pandémie

Le drapeau de l’Union Européenne flotte à Bruxelles, près du bâtiment de la Commission Européenne (Photo, AFP).
Le drapeau de l’Union Européenne flotte à Bruxelles, près du bâtiment de la Commission Européenne (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 19 janvier 2021

La cohésion de la zone euro au défi de la pandémie

  • La divergence des performances macro-économiques des pays partageant la monnaie unique avait failli mener à son éclatement après la crise financière de 2008-2009
  • La crise économique et les nouveaux déséquilibres causés par la pandémie replongent la zone euro dans la tempête, même si elle semble cette fois plus unie qu'il y a dix ans

BRUXELLES: La pandémie de coronavirus a plombé la croissance et fait déraper la dette des économies déjà fragiles du sud de l'Europe, comme l'Italie ou l'Espagne, une épreuve pour la cohésion des 19 pays de la zone euro.

La divergence des performances macro-économiques des pays partageant la monnaie unique avait failli mener à son éclatement après la crise financière de 2008-2009.

De gros efforts d'ajustement avaient été consentis par les pays les plus endettés (Grèce, Italie, Espagne, Portugal), au prix de politiques d'austérité douloureuses et impopulaires.

La crise économique et les nouveaux déséquilibres causés par la pandémie replongent la zone euro dans la tempête, même si elle semble cette fois plus unie qu'il y a dix ans.

La pandémie « aggrave les déséquilibres qui avaient progressivement diminué avant la pandémie », a souligné lundi le commissaire européen à l'Economie, Paolo Gentiloni, à l'issue d'une réunion des ministres des Finances des pays partageant la monnaie commune (Eurogroupe).

« La dette publique a notamment augmenté le plus dans les pays les plus fortement touchés économiquement qui se trouvent être ceux dont les niveaux de dette étaient déjà les plus élevés », a-t-il observé lors d'une conférence de presse.

L'Allemagne a subi l'an dernier une récession historique, mais elle a limité la casse avec un plongeon de 5% du PIB, selon une première estimation publiée la semaine dernière.

La France devrait afficher un recul près de deux fois plus élevé. L'Italie et l'Espagne feront encore pire.

Ces pays avaient subi un lourd bilan humain lors de la première vague épidémique et imposé un confinement particulièrement sévère au printemps, endommageant d'autant plus leurs économies qu'elles dépendent davantage des secteurs liés au tourisme et aux transports, justement les plus affectés.

« Aussi longtemps que nécessaire »

Conséquence, l'endettement public s'est envolé. Dans ses prévisions d'automne, la Commission européenne tablait sur un déficit public de 10,5% en France en 2020 et de 12,2% en Espagne, contre 6% en Allemagne. Très loin de la limite de 3% du PIB fixée par le pacte de stabilité.

La dette publique devait atteindre 116% du PIB en France et 160% en Italie, contre un peu plus de 70% en Allemagne et 60% aux Pays-Bas.

Malgré des tiraillements, l'Allemagne, et dans son sillage les autres pays moins endettés, dits « frugaux », ont accepté l'été dernier un emprunt commun européen inédit pour financer un plan de relance de 750 milliards d'euros.

Les dogmes ont volé en éclat, la Commission encourageant l'ensemble des Etats membres à délier provisoirement les cordons de la bourse pour faire repartir la croissance, reconnaissant que les dérapages n'étaient pas cette fois liés à un supposé laxisme du sud.

« Nous devons continuer à fournir un soutien (à la croissance) aussi longtemps que nécessaire », a martelé lundi soir Gentiloni.

A terme, certains voudraient revoir le pacte de stabilité. « On va commencer à en discuter entre nous dès cette année, c'est sûr », a déclaré la semaine dernière à des journalistes le commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton. Selon lui, la limite d'endettement fixée à 60% du PIB « n'a plus de sens aujourd'hui », car « même avec de la croissance, on sait qu'il faudra des années et des années, voire des décennies, pour pouvoir respecter de nouveau ces critères ».

« Nous avons vécu deux fois en dix ans des crises qui ne surviennent normalement qu'une fois par siècle, nous devons repenser nos règles budgétaires », a également estimé Joao Leao, ministre des Finances du Portugal, qui assure la présidence tournante de l'Union européenne.

Mais il a reconnu que le sujet était « sensible » avec « des vues différentes sur la question ».

« On ne rejoue pas 2011 » quand le nord et le sud s'étaient profondément divisés dans la crise, estime cependant Philippe Waechter, chef économiste pour Ostrum Asset Management.

Selon lui, « la contribution de la Chine aux exportations allemandes est beaucoup plus faible qu'elle ne l'était » à l'époque, quand elle avait permis à la première économie européenne d'échapper aux difficultés de ses partenaires. « L'économie allemande est devenue plus dépendante de ce qui se passe dans la zone euro » et donc « à court terme, personne n'a intérêt à jouer l'affrontement ».


Taxe Zucman : «truc absurde», «jalousie à la française», selon le patron de Bpifrance

Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
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  • M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde"
  • Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier"

PARIS: Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française".

M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde", mais qui selon lui "n'arrivera pas".

Mais "ça panique les entrepreneurs : ils ont construit leur boîte et on vient leur expliquer qu'on va leur en prendre 2% tous les ans. Pourquoi pas 3? Pourquoi pas 4? C'est invraisemblable!", a-t-il déclaré.

Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier" : "Donc demain j'aurai 2% du capital de LVMH, dans 20 ans 20%, 20% du capital de Pinault-Printemps-Redoute (Kering, NDLR), 20% du capital de Free. C'est délirant, c'est communiste en réalité, comment est-ce qu'on peut encore sortir des énormités comme ça en France!?"

"Ces gens-là tirent la France. Il faut les aider (...) au lieu de leur dire qu'on va leur piquer 2% de leur fortune".

Il a observé que "si on pique la totalité de celle de Bernard Arnault, ça finance 10 mois d'assurance-maladie", mais qu'après "il n'y a plus d'Arnault".

"Il n'y a pas de trésor caché", a estimé M. Dufourcq, qui pense que cette taxe "n'arrivera jamais", et n'est évoquée que "pour hystériser le débat" politique.

Pour lui, il s'agit "d'une pure histoire de jalousie à la française, une haine du riche, qui est soi-disant le nouveau noble", rappelant les origines modestes de François Pinault ou Xavier Niel: "c'est la société française qui a réussi, on devrait leur dresser des statues".

"Il y a effectivement des fortunes qui passent dans leur holding des dépenses personnelles", a-t-il remarqué, "c'est ça qu'il faut traquer, et c'est ce sur quoi le ministère des Finances, je pense, travaille aujourd'hui".

Mais il y a aussi "beaucoup de Français qui passent en note de frais leurs dépenses personnelles", a-t-il observé. "Regardez le nombre qui demandent les tickets dans les restaus", pour se les faire rembourser.


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".