USA: la surprenante alliance des élus contre les «prédateurs» de Wall Street

L'affaire Gamestop a rebattu les cartes à Wall Street (Photo, AFP).
L'affaire Gamestop a rebattu les cartes à Wall Street (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 02 février 2021

USA: la surprenante alliance des élus contre les «prédateurs» de Wall Street

  • Des élus de tous bords, de la droite conservatrice à la gauche progressiste, sont vent debout contre les pratiques jugées manipulatrices de certains acteurs de Wall Street
  • Premiers visés, les fonds spéculatifs qui parient à la baisse sur des entreprises à la santé financière fragile, dont le revendeur de jeux vidéo GameStop

NEW  YORK: Dans un paysage politique polarisé à l'extrême, les consensus sont rares aux Etats-Unis. Mais ces derniers jours, des élus de tous bords, de la droite conservatrice à la gauche progressiste, sont vent debout contre les pratiques jugées manipulatrices de certains acteurs de Wall Street.

Premiers visés, les fonds spéculatifs qui parient à la baisse sur des entreprises à la santé financière fragile, dont le revendeur de jeux vidéo GameStop, les salles de cinémas AMC ou la chaîne de grands magasins Bed, Bath & Beyond.

Misant sur l'effondrement boursier de groupes dont ils ont vendu de nombreuses actions, ces fonds comptent engranger un profit en rachetant à bon marché les titres cédés.

Mais une armée d'investisseurs amateurs, active entre autres sur le forum WallStreetBets du site communautaire Reddit, a décidé de battre ces institutions à leur propre jeu en achetant massivement les actions ciblées, qui ont vu leur prix s'envoler brusquement la semaine dernière.

Cette saga, qui fascine la presse financière autant qu'elle perturbe les milieux d'affaires, a conduit la sénatrice Elizabeth Warren, de l'aile gauche du parti démocrate, à fustiger l'attitude des barons de la Bourse new-yorkaise. 

« Ce qu'il se passe avec GameStop ne fait que nous rappeler ce qu'il se passe depuis des années à Wall Street. C'est un jeu truqué », a déploré dimanche sur CNN la représentante du Massachusetts.

« Il est temps pour la SEC de faire son travail », a lancé Warren, appelant le régulateur boursier américain à intervenir au plus vite.

Le sénateur indépendant du Vermont Bernie Sanders a tiré dans le même sens, déplorant un système « défectueux » et un comportement « scandaleux ».

Le ton est pareillement acerbe de l'autre côté de l'échiquier politique : le très conservateur procureur général du Texas, Ken Paxton, a ainsi tiré à boulets rouges contre les hedge funds et, encore plus, contre certaines plateformes de courtage.

Plusieurs d'entre elles, notamment la populaire application Robinhood, ont décidé la semaine dernière de limiter les transactions de titres spéculatifs face à un afflux de demande.

« Cela pue la corruption », a fustigé vendredi Paxton, qui a demandé des informations complémentaires aux courtiers, au même titre que son homologue de l'Etat de New York, la démocrate Letitia James.

Ces représentants se demandent notamment si des institutions de Wall Street n'ont pas agi de manière concertée.

« AOC » rabroue Cruz

Certains observateurs voient dans ce front commun une convergence des populismes de droite et de gauche face aux excès de la haute finance américaine. 

Cette alliance de circonstance est toutefois loin de donner lieu à une réconciliation entre les deux bords politiques.

La députée démocrate de New York Alexandria Ocasio-Cortez, qui avait jugé l'attitude de Robinhood « inacceptable », a ainsi répondu sèchement sur Twitter au sénateur républicain du Texas Ted Cruz, qui avait fait part de son approbation. 

« Je suis heureuse de travailler avec les républicains sur ce sujet où il y a un terrain d'entente, mais vous m'avez presque fait assassiner il y a trois semaines, donc vous pouvez passer votre tour », a écrit « AOC ».

Le 6 janvier à Washington, Cruz et d'autres élus conservateurs avaient contesté la validation officielle des résultats de l'élection présidentielle de novembre dans certains Etats-clés, peu avant qu'une foule de partisans de Donald Trump n'envahisse le Capitole.

« Si vous voulez rendre service, vous pouvez démissionner », a suggéré Ocasio-Cortez à l'élu texan.

Auditions

Deux groupes parlementaires, la Commission des services financiers de la Chambre des Représentants et la Commission bancaire du Sénat, ont annoncé des auditions à venir pour faire la lumière sur les pratiques spéculatives dans les milieux financiers.

« Les grands de Wall Street ne s'intéressent aux règles que quand ce sont eux qui souffrent », a dénoncé le sénateur démocrate Sherrod Brown, nouveau président de la Commission des banques. « Les travailleurs américains savent depuis des années que le système de Wall Street ne fonctionne pas : ils en paient le prix. »

Maxine Waters, la députée démocrate à la tête du groupe de la Chambre sur les services financiers, a, elle, promis une vraie enquête sur les comportements « prédateurs et manipulateurs » de certains acteurs du marché.

Pressée de toutes parts, la SEC est également sortie de sa réserve en fin de semaine dernière en assurant « surveiller et évaluer de près l'extrême volatilité du prix de certaines actions » et en garantissant de « protéger les petits investisseurs lorsque les faits démontrent une activité boursière abusive ».


La mythique verrerie française Duralex au tribunal de commerce

Duralex va-t-elle être placée en redressement judiciaire ou non? Le tribunal de commerce d'Orléans doit décider au cours d'une audience à huis clos, mercredi, du sort de l'entreprise mythique de verrerie française. (AFP).
Duralex va-t-elle être placée en redressement judiciaire ou non? Le tribunal de commerce d'Orléans doit décider au cours d'une audience à huis clos, mercredi, du sort de l'entreprise mythique de verrerie française. (AFP).
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  • Au cours d'une audience, qui doit démarrer à 16H00, les juges professionnels entendront à tour de rôle deux élus du Comité social et économique (CSE) par syndicat représentatif, ainsi que la direction de la société française
  • Trois ans après une précédente demande, Duralex a sollicité une nouvelle fois "l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à son bénéfice auprès du tribunal de commerce d'Orléans", a annoncé la société New Duralex International (NDI) exploitant

ORLEANS: Duralex va-t-elle être placée en redressement judiciaire ou non? Le tribunal de commerce d'Orléans doit décider au cours d'une audience à huis clos, mercredi, du sort de l'entreprise mythique de verrerie française dont la vaisselle réputée incassable est vendue dans le monde entier.

Au cours d'une audience, qui doit démarrer à 16H00, les juges professionnels entendront à tour de rôle deux élus du Comité social et économique (CSE) par syndicat représentatif, ainsi que la direction de la société française, déjà en difficulté il y a trois ans.

A l'extérieur, plusieurs militants de la CGT et du PCF seront réunis pour apporter leur soutien aux salariés de l'entreprise.

"Le problème, c'est qu'on commence à s'habituer", se désole le délégué Force ouvrière (FO) de l'entreprise, Gualter Teixeira, 50 ans dont la moitié passée dans l'usine Duralex située à La Chapelle-Saint-Mesmin (Loiret), près d'Orléans.

Pour cet élu, la situation relève d'"un problème de gestion de la société", dont "les coûts fixes de 2,5 millions d'euros mensuels" sont trop importants.

Trois ans après une précédente demande, Duralex a sollicité une nouvelle fois "l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à son bénéfice auprès du tribunal de commerce d'Orléans", a annoncé la société New Duralex International (NDI) exploitante de la célèbre marque la semaine dernière.

L'entreprise espère ainsi trouver un repreneur et sauver l'usine, qui emploie 230 salariés.

Si le tribunal accède à la demande de Duralex, alors un administrateur et un mandataire seront nommés pour une période d'observation, dont la durée est variable.

« La tour Eiffel de la vaisselle »

En attendant, si "les fours continuent de fonctionner, les camions des fournisseurs sont à l'arrêt et les agences d'intérim ont déjà rappelé les 30-40 intérimaires présents chez Duralex", s'inquiète auprès de l'AFP François Dufranne, salarié de Duralex depuis 1992 et élu CGT.

"Ici, avant, il y avait 1.500 salariés Duralex, 1.500 ouvriers chez Michelin un peu plus loin", se souvient avec amertume M. Dufranne, aux côtés d'anciens collègues, désormais retraités, venus les soutenir.

Las. La seconde a fermé et il ne reste plus que quelque centaines de salariés dans la première entreprise, qui a pourtant fait la fierté de la production industrielle française avec ses verres et ses assiettes, colorés et réputés incassables, qui sont un peu comme "la tour Eiffel de la vaisselle", selon Duralex.

Dans un communiqué transmis la semaine dernière, la CGT du département dénonce une "décision politique" qui vise "à rationaliser et optimiser l'investissement des actionnaires aux dépens des 230 salarié.e.s concerné.e.s et de l'ensemble du bassin d’emploi de l'Orléanais".

"Les belles promesses auront tout de même permis aux actionnaires d'empocher des millions d'euros d'aide financière de l'Etat et des collectivités territoriales, dont les 15 millions versés dernièrement" par les autorités, épingle encore la centrale syndicale.

Duralex, confrontée à la flambée des prix de l'énergie après l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022, a été sauvée temporairement par un prêt de 15 millions d'euros de l'Etat. De quoi permettre à l'usine de rouvrir son four verrier et de relancer sa production après cinq mois de fermeture.

En vain, puisqu'en 2023, l'inflation, une consommation "en fort retrait" et une "concurrence exacerbée" ont aggravé de nouveau la situation.

En parallèle, NDI dit avoir été condamné récemment à payer les droits à polluer de l'ancien propriétaire de Duralex.

Incompréhensible selon les élus syndicaux: "On nous a fait une présentation commerciale des objectifs de développement jusqu'en 2030, de belles présentations, un grand 'speech' et 3 semaines après, on apprend la demande de redressement judiciaire", s'agace François Dufranne.

Gualter Teixeira n'en démord pas: à l'audience, "il va falloir nous expliquer ce qui s'est passé".


Les pays riches doivent 500 milliards de dollars par an de dette morale aux pays pauvres, affirme Esther Duflo

L'économiste franco-américaine et co-lauréate du prix Nobel 2019 de sciences économiques, Esther Duflo, pose lors d'une séance photo à Paris le 20 juin 2023. (Photo, AFP)
L'économiste franco-américaine et co-lauréate du prix Nobel 2019 de sciences économiques, Esther Duflo, pose lors d'une séance photo à Paris le 20 juin 2023. (Photo, AFP)
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  • Les pays du G7 (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni), soit 10% de la population de la planète, émettent environ 25% du CO2 lié au système énergétique mondial
  • Esther Duflo se base sur les travaux de l'économiste américain Michael Greenstone qui, en partant d'une valeur monétaire donnée pour une année de vie et de l'effet du réchauffement climatique sur l'augmentation de la mortalité, évalue à 37 dollars le coût

PARIS: Les pays riches doivent 500 milliards de dollars par an de "dette morale" aux pays pauvres, évalue la prix Nobel d'économie Esther Duflo, qui propose de faire assumer aux pays développés la responsabilité du réchauffement climatique à travers deux taxes.

"C'est ce que j'appelle une dette morale. Ce n'est pas ce que cela coûterait de s'adapter; ce n'est pas ce que cela coûterait d'atténuer. C'est ce que nous devons", a détaillé l'économiste dans un entretien au Financial Times lundi, se basant surtout sur l'effet du réchauffement climatique sur la mortalité dans les pays pauvres.

"Il y aura des dégâts énormes", poursuit Mme Duflo qui se base une étude menée par le Global Impact Lab en 2020 ayant montré que le nombre de décès liés à la chaleur risquait de bondir dans les pays pauvres d'ici à la fin du siècle.

"Ces dégâts seront concentrés dans les pays pauvres en dehors de l'OCDE", ajoute-t-elle, pointant la responsabilité des pays riches sur le changement climatique.

Les pays du G7 (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni), soit 10% de la population de la planète, émettent environ 25% du CO2 lié au système énergétique mondial, selon l'AIE.

Esther Duflo se base sur les travaux de l'économiste américain Michael Greenstone qui, en partant d'une valeur monétaire donnée pour une année de vie et de l'effet du réchauffement climatique sur l'augmentation de la mortalité, évalue à 37 dollars le coût d'une tonne de carbone. Multiplié par la quantité d'émissions annuelles attribuables à l'Europe et aux Etats-Unis, 14 milliards de tonnes de CO2 équivalent, le prix de la "dette morale" monte alors à 518 milliards, soutient Mme Duflo.

Pour la financer, elle propose d'augmenter le taux minimal d'imposition des multinationales et de taxer les grandes fortunes, deux mécanismes qui permettraient selon elle de couvrir l'enveloppe annuelle.

L'aide financière climatique due par les pays riches aux pays en développement est fixée actuellement à 100 milliards de dollars par an. La COP29, en novembre à Bakou, doit établir le nouveau montant au-delà de 2025.

Le futur objectif, crucial pour renouer la confiance entre le Nord et le Sud, restera quoi qu'il arrive très en-deçà des besoins: les pays en développement (hors Chine) ont besoin de 2.400 milliards de dollars par an d'ici 2030 pour financer leur transition et s'adapter au changement climatique, selon un calcul d'experts de l'ONU.

En parallèle, de multiples pistes sont au coeur des négociations internationales pour trouver comment combler l'écart, parmi lesquelles l'allègement de la dette des pays pauvres ou des innovations financières via de nouvelles taxes internationales.

 

 


L'Asie paye le prix fort aux aléas climatiques

Des habitants traversent les eaux de crue après avoir été évacués d’une zone inondée suite à de fortes pluies dans la ville de Qingyuan, dans la province méridionale du Guangdong en Chine. (AFP)
Des habitants traversent les eaux de crue après avoir été évacués d’une zone inondée suite à de fortes pluies dans la ville de Qingyuan, dans la province méridionale du Guangdong en Chine. (AFP)
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  • L'année 2023 a été la plus chaude jamais enregistrée dans le monde. Et en Asie l'impact des vagues de chaleur devient de plus en plus sévère
  • L'Asie se réchauffe plus rapidement que la moyenne mondiale, avec des températures l'année dernière de près de deux degrés Celsius supérieures à la moyenne de 1961 à 1990

GENEVE: L'Asie a été "la région du monde la plus touchée par les catastrophes" liées à la météo en 2023, inondations et tempêtes ayant fait le plus de victimes et de pertes économiques, indique l'ONU mardi.

"Le changement climatique a exacerbé la fréquence et la gravité de tels événements, impactant profondément les sociétés, les économies et, plus important encore, les vies humaines et l'environnement dans lequel nous vivons", a déclaré Celeste Saulo, directrice de l'Organisation mondiale de la météorologie (OMM) dans un communiqué.

L'année 2023 a été la plus chaude jamais enregistrée dans le monde. Et en Asie l'impact des vagues de chaleur devient de plus en plus sévère, souligne l'OMM, ajoutant que la fonte des glaciers -notamment dans la chaîne de l'Himalaya- menace la sécurité hydrique de la région.

En outre, l'Asie se réchauffe plus rapidement que la moyenne mondiale, avec des températures l'année dernière de près de deux degrés Celsius supérieures à la moyenne de 1961 à 1990.

"Les conclusions du rapport donnent à réfléchir", a déclaré la cheffe de l'OMM.

"De nombreux pays de la région ont connu en 2023 leur année la plus chaude jamais enregistrée, accompagnée d'une série de conditions extrêmes, allant des sécheresses et des vagues de chaleur aux inondations et aux tempêtes", souligne le rapport.

Le rapport sur l'état du climat en Asie 2023 souligne l'accélération du rythme des principaux indicateurs du changement climatique tels que la température de surface, le retrait des glaciers et l'élévation du niveau de la mer, affirmant qu'ils auraient de graves répercussions sur les sociétés, les économies et les écosystèmes de la région.