Au procès des mendiants bulgares de Toulouse, le modus operandi décortiqué

Au cours de l'été 2017, d'autres plaintes sont déposées par des mendiants. «Un homme de 47 ans expliquait être "esclave" et "prisonnier" de la famille de Ivan Vasilev Ivanov, et n'avoir aucun moyen de s'en soustraire», poursuit le chef des enquêteurs.(Photo,AFP) 
Au cours de l'été 2017, d'autres plaintes sont déposées par des mendiants. «Un homme de 47 ans expliquait être "esclave" et "prisonnier" de la famille de Ivan Vasilev Ivanov, et n'avoir aucun moyen de s'en soustraire», poursuit le chef des enquêteurs.(Photo,AFP) 
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Publié le Mercredi 03 février 2021

Au procès des mendiants bulgares de Toulouse, le modus operandi décortiqué

  • A l'audience, comme depuis leur arrestation en 2018, les prévenus --dont 17 en détention provisoire-- nient avoir exploité la mendicité de quiconque, disant être eux-même des misérables ayant quitté la Bulgarie pour pratiquer la mendicité en France
  • Une version contredite mardi à la barre par le commissaire Arnaud Durand, cité par le ministère public, qui a dirigé l'enquête dans cette affaire

TOULOUSE : Des hommes et femmes affaiblis, parfois handicapés, aux carrefours de la ville: derrière ces mendiants du bitume, un modus operandi bien rôdé, piloté par cinq familles Roms bulgares dont 18 membres sont jugés à Toulouse pour traite d'être humains.

A l'audience, comme depuis leur arrestation en 2018, les prévenus - dont 17 en détention provisoire - nient avoir exploité la mendicité de quiconque, disant être eux-même des misérables ayant quitté la Bulgarie pour pratiquer la mendicité en France.

Une version contredite mardi à la barre par le commissaire Arnaud Durand, cité par le ministère public, qui a dirigé l'enquête dans cette affaire.

Les prévenus, comme les 33 victimes, vivaient dans un camp du nord-est de Toulouse «où pullulaient des rats», «mais avec une claire hiérarchisation entre les habitations», affirme le commissaire. «Les mendiants dormaient parfois sur des bâches à même le sol, certains ne s'étaient pas lavés depuis des mois», relate-t-il, décrivant par ailleurs des «baraquements avec plus de confort» où vivaient les prévenus, équipés de réfrigérateurs ou de télévisions, comme on peut le voir sur des photos prises lors des interpellations. 

Et l'enquêteur est catégorique: les prévenus «ne pratiquaient pas la mendicité», mais contrôlaient depuis le camp les mendiants qui, privés de leurs pièces d'identité, étaient envoyés aux différents carrefours de la Ville rose.

Supplices

«Tout commence début 2016, lors d'une plainte d'un mendiant bulgare qui déclarait pratiquer la mendicité pour le compte d'un dénommé "Tsetso", qu'il accuse de l'avoir dénudé, attaché à un poteau et fouetté avec un câble électrique, à cause d'un différend sur la somme rapportée de la mendicité», raconte M. Durand.

Au cours de l'été 2017, d'autres plaintes sont déposées par des mendiants. «Un homme de 47 ans expliquait être +esclave+ et +prisonnier+ de la famille de Ivan Vasilev Ivanov, et n'avoir aucun moyen de s'en soustraire», poursuit le chef des enquêteurs. 

Et début 2018, «un informateur» le contacte, indique-t-il, sans donner de détails sur l'identité de ce dernier. 

Une image plus précise se dessine alors sur le modus operandi ayant conduit les victimes en France. 

Le mystérieux informateur «explique qu'elles étaient recrutées en Bulgarie, souvent sur critère de leur handicap, avec la promesse d'un travail ou du partage des gains de la mendicité». Mais une fois sur place, les cinq familles géraient chacune un certain nombre de mendiants et leur retiraient leurs pièces d'identité.

 «Afficher la réussite»

La région de Pleven dans le nord de la Bulgarie, d'où sont originaires à la fois les prévenus et les victimes, est l'une des plus démunies dans ce pays, le plus pauvre de l'Union européenne.

Privées des gains du jour rapportés de la mendicité, «les victimes étaient maintenues sous contrôle avec de l'alcool bon marché qu'on leur faisait boire. Et s'ils ne ramenaient pas assez d'argent, ils ne mangeaient pas». 

Les pièces récoltées étaient échangées en billets auprès de commerçants locaux puis acheminées en Bulgarie à travers d'organismes de transfert d'argent. Les prévenus, également soupçonnés de blanchiment d'argent, «avaient un train de vie assez luxueux dans leur pays, avec notamment des berlines de luxe», explique l'enquêteur, soulignant s'être notamment basé sur des photos postées sur Facebook «où il est coutume chez eux d'afficher leur réussite».

La surveillance physique du camp et la mise en place d'écoutes téléphoniques ont permis «de mettre en exergue la réalité de ces réseaux, la violence, les menaces. Elles ont été assez importantes pour déterminer le rôle de chacun et vérifier les déclarations de l'informateur», indique M. Durand.

En juin 2018, 11 personnes sont interpellées sur le camp où sont retrouvés d'importantes sommes d'argent et des papiers d'identité. Les autres, notamment les «têtes de réseau» qui ne se trouvaient pas au camp ce jour-là, seront arrêtés plus tard. 

«Certaines victimes pleuraient au commissariat, de soulagement d'avoir été "libérées"», se souvient l'enquêteur. 

Retournées depuis en Bulgarie dans le cadre d'un départ volontaire, aucune confrontation n'a pu avoir lieu avec les prévenus, qui la réclament pourtant. Une situation «problématique», estiment les avocats de la défense.

Le procès, qui a débuté lundi, doit s'achever le 10 février.

 


Dix passeurs présumés jugés pour un naufrage meurtrier dans la Manche

Une femme passe devant les restes d'un bateau de contrebande endommagé sur la plage de Bleriot à Sangatte, près de Calais, dans le nord de la France, le 11 juin 2025. (AFP)
Une femme passe devant les restes d'un bateau de contrebande endommagé sur la plage de Bleriot à Sangatte, près de Calais, dans le nord de la France, le 11 juin 2025. (AFP)
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  • Trente-neuf migrants, dont huit mineurs, avaient pu être sauvés, mais quatre avaient été retrouvé morts et quatre autres n'ont jamais été retrouvés
  • La même nuit, sept autres départs d'embarcations clandestines avaient été dénombrés dans la Manche

LILLE: Dix hommes, dont huit Afghans, sont jugés à partir de lundi à Lille pour leur rôle présumé de passeurs dans le naufrage d'une embarcation clandestine qui avait fait quatre morts et quatre disparus dans la Manche en décembre 2022.

Parti entre 1H00 et 1H30 du matin dans la nuit du 13 au 14 décembre 2022, le canot, qui transportait en majorité des migrants afghans, avait fait naufrage à quelques kilomètres des côtes anglaises.

Trente-neuf migrants, dont huit mineurs, avaient pu être sauvés, mais quatre avaient été retrouvé morts et quatre autres n'ont jamais été retrouvés.

La même nuit, sept autres départs d'embarcations clandestines avaient été dénombrés dans la Manche.

Selon les éléments de l'enquête, alors que les migrants gonflaient le bateau avant le départ, plusieurs ont entendu une détonation, synonyme selon eux de crevaison. Les passeurs leur ont dit de ne pas s'en faire et qu'il s'agissait du seul bateau disponible pour eux.

D'après les témoignages des rescapés, il n'y avait pas assez de gilets de sauvetage pour tout le monde et aucune des personnes décédées n'en portait un. La température était glaciale et la mer très agitée.

Après une ou deux heures de traversée, un boudin a commencé à se dégonfler et l'eau à entrer dans l'embarcation, jusqu'à atteindre les genoux des passagers. Paniqués, ils se sont mis debout pour tenter de faire signe à un bateau. Mais le fond du canot, peu solide, a ployé sous leur poids et celui de l'eau, et tous se sont retrouvés à l'eau.

Neuf des prévenus sont jugés, jusqu'à vendredi, pour homicide involontaire par violation d'une obligation de sécurité, deux d'entre eux le sont pour blanchiment, tous pour aide au séjour irrégulier. Huit sont afghans, un syrien, un irakien.

Certains des prévenus sont soupçonnés d'avoir recruté des passeurs et assuré la logistique auprès des passagers, d'autres d'avoir géré l'organisation sur le camp de migrants de Loon-Plage (Nord), où vivaient les migrants avant leur tentative de traversée, toujours selon les éléments de l'enquête. D'autres encore sont jugés pour s'être occupés du transport des migrants vers la plage et de la mise à l'eau du canot, et deux pour avoir collecté une partie des paiements.

Le mineur sénégalais qui pilotait le canot est, lui, inculpé dans le cadre d'une procédure au Royaume-Uni.

Apparu en 2018, le phénomène des traversées de la Manche en petites embarcations est à l'origine de nombreux naufrages, le plus meurtrier ayant coûté la vie à 27 personnes en novembre 2021.

Depuis le début de l'année, au moins 15 migrants sont morts dans la Manche, bras de mer parmi les plus fréquentés du monde et où les conditions météorologiques sont souvent difficiles, selon un décompte de l'AFP à partir de chiffres officiels. En 2024, 78 étaient morts ainsi, un record.


Légion d'honneur, Sarkozy « prend acte », rappelant que la CEDH doit encore examiner son recours

La Cour d'appel a confirmé l'année dernière la condamnation de l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour avoir tenté illégalement d'obtenir des faveurs d'un juge et lui a ordonné de porter un bracelet électronique à la cheville au lieu de purger une peine d'un an de prison. (Photo d'archive AFP)
La Cour d'appel a confirmé l'année dernière la condamnation de l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour avoir tenté illégalement d'obtenir des faveurs d'un juge et lui a ordonné de porter un bracelet électronique à la cheville au lieu de purger une peine d'un an de prison. (Photo d'archive AFP)
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  • L'ex-président (2007-2012) a rappelé que son recours devant la CEDH « est toujours pendant ». Il l'avait déposé après sa condamnation devenue définitive en décembre, à un an de prison ferme pour corruption dans l'affaire des écoutes. 
  • Nicolas Sarkozy, déjà exclu de l'ordre national du Mérite, est ainsi devenu le deuxième chef de l'État français privé de cette distinction, après le maréchal Pétain.

PARIS : L'ancien président Nicolas Sarkozy a « pris acte » dimanche de son exclusion de la Légion d'honneur et rappelle que la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) doit encore se prononcer sur son recours dans l'affaire des écoutes, a indiqué son avocat Patrice Spinosi dans une déclaration transmise à l'AFP.

« Nicolas Sarkozy prend acte de la décision prise par le grand chancelier. Il n’a jamais fait de cette question une affaire personnelle », a affirmé Patrice Spinosi, soulignant que si l'ancien chef de l'État « a fait valoir des arguments juridiques, c’était au nom de la fonction même de président de la République ».

L'ex-président (2007-2012) a rappelé que son recours devant la CEDH « est toujours pendant ». Il l'avait déposé après sa condamnation devenue définitive en décembre, à un an de prison ferme pour corruption dans l'affaire des écoutes. 

« La condamnation de la France (par la CEDH) impliquera la révision de la condamnation pénale prononcée à l'encontre de Nicolas Sarkozy, en même temps que l’exclusion de l’ordre de la Légion d’Honneur ; l’une n’étant que la conséquence de l’autre », a assuré Patrice Spinosi.

Nicolas Sarkozy, déjà exclu de l'ordre national du Mérite, est ainsi devenu le deuxième chef de l'État français privé de cette distinction, après le maréchal Pétain, à qui la Légion d'honneur avait été retirée en 1945 pour haute trahison et intelligence avec l'ennemi.

« Ce lien avec le maréchal Pétain est indigne », a déclaré la porte-parole du gouvernement Sophie Primas (LR), prenant « acte » elle aussi de cette décision « automatique qui fait partie du code de la Légion d’Honneur ».

« Le président Sarkozy a été là pour la France à des moments extrêmement compliqués », a-t-elle déclaré, se disant « un peu réservée non pas sur la règle, mais sur ce qu’elle entraîne comme comparaison ».

« C'est une règle, mais c'est aussi une honte », a déploré sur franceinfo Othman Nasrou, le nouveau secrétaire général de LR et proche de Bruno Retailleau, apportant son « soutien et son respect » à l'ex-président.

À gauche, le député écologiste Benjamin Lucas s'est félicité de la décision, appelant sur X à ce que « la République prive de ses privilèges et de son influence institutionnelle celui qui a déshonoré sa fonction et trahi le serment sacré qui lie le peuple à ses élus, celui de la probité ».


Echanges de frappes entre Israël et l'Iran : la France renforce la vigilance sur son territoire

 Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau  (Photo AFP)
Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau (Photo AFP)
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  • « Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme
  • Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

PARIS : Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau a appelé les préfets à renforcer la vigilance sur le territoire national. Il a notamment demandé de cibler les lieux de culte, les rassemblements festifs et les intérêts israéliens et américains. Cette demande a été transmise par télégramme. Elle a été envoyée vendredi. Cela fait suite à l'attaque israélienne en Iran.

« Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme consulté par l'AFP, alors qu'Israël et l'Iran poursuivaient leurs échanges de frappes meurtrières.

Les hostilités ont été déclenchées par une attaque israélienne massive contre des sites militaires et nucléaires iraniens, à laquelle Téhéran riposte avec des missiles balistiques. 

Dans ce contexte, M. Retailleau demande aux préfets de porter « une attention particulière » à la sécurité des lieux de culte, des établissements scolaires, des établissements publics et institutionnels, ainsi que des sites à forte affluence, notamment au moment des entrées et des sorties, et ce, incluant les « rassemblements festifs, culturels ou cultuels ».

Ces mesures de protection renforcée s'appliquent également aux « intérêts israéliens et américains ainsi qu'aux établissements de la communauté juive ».

Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

Vendredi soir, le président Emmanuel Macron a annoncé un « renforcement » du dispositif Sentinelle, qui déploie des militaires en France, « pour faire face à toutes les potentielles menaces sur le territoire national ».