La danse macabre en Syrie laisse de sombres perspectives de paix

L’envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie, Geir Pedersen, assiste à une conférence de presse après une réunion du Comité constitutionnel syrien à l’ONU à Genève, le 29 janvier 2021 (Reuters).
L’envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie, Geir Pedersen, assiste à une conférence de presse après une réunion du Comité constitutionnel syrien à l’ONU à Genève, le 29 janvier 2021 (Reuters).
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Publié le Mercredi 03 février 2021

La danse macabre en Syrie laisse de sombres perspectives de paix

La danse macabre en Syrie laisse de sombres perspectives de paix
  • La guerre syrienne, vieille de dix ans, est toujours d’actualité et il n’y aura pas de résolution rapide des intérêts divergents des principaux acteurs
  • Durant tout le mois de janvier, tous les fronts de guerre étaient en feu et chaque faction était en conflit avec les autres

Le «petit groupe» de 45 membres du Comité constitutionnel syrien, composé de représentants du gouvernement, de l’opposition et de la société civile, s’est réuni à Genève sous les auspices de l’Organisation des nations unies (ONU) la semaine dernière pour discuter des «principes de base» de la nouvelle Constitution syrienne. Par la suite, tout ce que l’envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie, Geir Pedersen, dira, c’est que certains «points communs» potentiels étaient apparus, confirmant que les discussions étaient encore loin d’être achevées.

En marge de ces pourparlers, les membres du processus de paix d’Astana – la Russie, l’Iran et la Turquie – ont appelé au respect de la souveraineté de la Syrie, une réprimande aux États-Unis pour leur soutien aux Forces démocratiques syriennes kurdes séparatistes (FDS) dans le nord-est du pays. Lors d’une session extraordinaire du Conseil de sécurité de l’ONU vendredi, le représentant permanent syrien a condamné «le terrorisme, l’agression, l’occupation étrangère et les mesures coercitives unilatérales» des États-Unis et de l’Union européenne dans son pays.

Ces initiatives diplomatiques ont été éclipsées par des combats généralisés en Syrie. Durant tout le mois de janvier, tous les fronts de guerre étaient en feu, et chaque faction était en conflit avec les autres. Ces affrontements meurtriers rappellent vivement au nouveau président américain, Joe Biden, que la guerre syrienne vieille de dix ans est toujours d’actualité et qu’il n’y aura pas de résolution rapide des intérêts divergents des principaux acteurs.

La Turquie a défié les FDS dans une nouvelle zone du nord-est: Aïn Issa. Cette ville se trouve à 45 km de la frontière turque et, par conséquent, en dehors de la «zone de sécurité» de la Turquie. Aïn Issa est importante, car elle est située sur l’autoroute M4. Elle est également le siège de l’administration kurde locale. Le plan de la Turquie est de perturber l’autorité kurde et d’affirmer son propre contrôle sur l’autoroute. Les bombardements turcs auraient conduit plusieurs milliers de résidents à fuir vers Raqqa, à environ 55 kilomètres au sud.

Dans une autre province du nord-est, Hassaké, les FDS ont combattu les forces gouvernementales afin de diluer la présence du régime dans les territoires kurdes. Cette impasse a contraint les Russes, qui ont favorisé un rapprochement entre le gouvernement et les Kurdes, à maintenir la paix dans la région en déployant leurs propres forces.

La Syrie est également confrontée aux menaces d’une grande variété de forces extrémistes et de groupes dissidents avec des objectifs différents. Le rajeunissement des cadres de Daech dans l’est de la Syrie a été confirmé par une vague d’enlèvements contre rançon et de meurtres dans les campagnes autour de Deir Ezzor. L’agence de presse Amak, liée à Daech, a affirmé qu’en 2020 elle avait lancé 600 attaques, au cours desquelles plus de 1 300 personnes avaient été tuées. Si la plupart des attaques ont eu lieu dans la région de Deir Ezzor, d’autres ont eu lieu à Raqqa, Alep, Homs, Hassaké et Dara’a.

 

«Durant tout le mois de janvier, tous les fronts de guerre étaient en feu, et chaque faction était en conflit avec les autres.»

Talmiz Ahmad

Plusieurs autres organisations extrémistes se trouvent dans la zone de guerre d’Idlib. Alors que Hayat Tahrir al-Sham contrôle la ville et travaille tranquillement avec la Turquie, certains militants, qui ne sont pas à l’aise avec cette affiliation, ont mis en place leurs propres unités et ont mené des attaques contre des cibles turques et russes. Ainsi, Hurras al-Din a attaqué la base russe de Tal al-Saman au nord de Raqqa au début de janvier. Décrivant les Russes comme «l’ennemi agressif», l’Organisation a ainsi signifié son approche idéologique sans compromis, sa capacité de combat et son désenchantement face aux accords de trêve turco-russes à Idlib.

D’autres organisations plus obscures ont atteint des cibles turques, bien qu’il y ait une certaine incertitude sur leurs liens éventuels avec Al-Qaïda, Daech ou même le régime au pouvoir à Damas. La Turquie, pour sa part, a consolidé sa présence militaire au sud et à l’est d’Idlib avec 20 000 soldats bien armés en prévision des efforts majeurs du gouvernement, soutenu par des militants appuyés par l’Iran, pour reprendre la ville.

Sans surprise, Israël a été le protagoniste le plus actif de cette scène meurtrière. Le 13 janvier, il a lancé sa quatrième frappe contre des installations iraniennes dans la province de Deir Ezzor à l’est. Ces frappes ont touché plusieurs cibles – la base militaire de l’Imam Ali, la plus grande base d’Iran à l’est et les dépôts de munitions – et ont tué 57 membres de la force Al Qods et de ses milices alliées du Liban, de l’Irak, de l’Afghanistan et du Pakistan.

Ces installations iraniennes avaient récemment été déplacées des zones proches de la frontière israélienne vers la frontière irakienne. Après les attaques israéliennes, les Iraniens ont déplacé leur personnel et leur équipement vers des sites résidentiels à Deir Ezzor, Al-Boukamal et Mayadine, avec des roquettes et des armes lourdes conservées dans des tunnels. Une autre série d’attaques a été lancée par Israël le 22 janvier près de Hama, les premières attaques après l’inauguration de Biden. Avec ces mesures, Israël a montré que toutes les cibles iraniennes en Syrie étaient dans sa ligne de mire.

Mais le message principal s’adresse à Biden: préoccupé par la possible reprise de l’accord nucléaire avec l’Iran et la levée des sanctions qui en découle, Israël a délibérément intensifié les tensions en Syrie pour encourager le président américain à être plus circonspect dans son réengagement avec Téhéran. Il indique clairement qu’il trouve la présence de l’Iran en Syrie aussi odieuse que l’accord nucléaire, tandis que ses généraux utilisent une rhétorique acérée pour indiquer qu’Israël prend une action militaire unilatérale pour sauvegarder ses intérêts.

Avec autant d'acteurs dans la longue danse macabre en Syrie, le scénario dans ce pays assiégé ne fera que s'assombrir. 

Talmiz Ahmad est un auteur et ancien ambassadeur indien en Arabie saoudite, à Oman et aux Émirats arabes unis. Il est titulaire de la Ram Sathe Chair pour les études internationales, de la Symbiosis International University, à Pune, en Inde.

Les opinions exprimées par les rédacteurs dans cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com