Tunisie: le désamour des investisseurs étrangers

Un manifestant tunisien pulvérise du liquide contre les boucliers des policiers formant un bouclier humain pour bloquer l'accès des manifestants au centre ville, le 30 janvier 2021, lors d'un rassemblement visant à dénoncer les brutalités policières et à exiger la libération des jeunes arrêtés lors des manifestations antigouvernementales de la semaine dernière. (ANIS MILI / AFP)
Un manifestant tunisien pulvérise du liquide contre les boucliers des policiers formant un bouclier humain pour bloquer l'accès des manifestants au centre ville, le 30 janvier 2021, lors d'un rassemblement visant à dénoncer les brutalités policières et à exiger la libération des jeunes arrêtés lors des manifestations antigouvernementales de la semaine dernière. (ANIS MILI / AFP)
Short Url
Publié le Jeudi 04 février 2021

Tunisie: le désamour des investisseurs étrangers

  • En apparence, la Tunisie attire encore les investissements directs étrangers (IDE), mais le nombre de nouveaux investisseurs qui s’implantent dans le pays ne cessent de décliner
  • La Tunisie a dégringolé dans le classement de la Banque mondiale Doing Business 2020 à la 78ᵉ place, alors qu’elle était à la 69e place en 2010

TUNIS : Le nombre des nouveaux investisseurs, donc de nouveaux projets, ne cesse de décliner en Tunisie. En apparence, la Tunisie attire encore les investissements directs étrangers (IDE) dont elle a choisi il y a près de cinquante ans de faire l’un des principaux moteurs de son développement économique. En réalité, ce n’est plus tellement le cas. 

Certes, les statistiques ne démontrent pas un effondrement des flux. Selon un rapport de l’OCDE de 2020, les IDE ont évolué en dents de scie depuis plus de dix ans. Entre 2008 et 2011, ils ont baissé de 2,6 à 0,4 milliard de dollars (un euro = 0,82 euros), puis sont remontés à 1,6 milliard de dollars en 2012, et ont chuté à nouveau entre 2013 et 2016 de 17% par an. Mais malgré une nouvelle augmentation en 2017 et 2018, respectivement de 30% et 22%, ils n’ont pas franchi la barre du milliard de dollars et n’ont par conséquent pas retrouvé leur niveau d’avant 2010.

Mais ce sont d’autres chiffres qui soulignent plus nettement la désaffection des investisseurs internationaux. Le nombre des nouveaux arrivants, donc de nouveaux projets, ne cesse de décliner et ce sont surtout les investisseurs déjà présents dans le pays qui investissent pour étendre leur activité.  Le nombre des investissements dédiés à l’extension de l’activité d’entreprises déjà existantes a quasiment toujours été plus important que celui allant à de nouveaux projets: 123 contre 185 extensions en 2012, 168 pour 205 en 2014. Mais l’écart s’est creusé en 2016: 95 pour 324 extensions. La seule exception date de 2015 durant laquelle IDE sont allés à parts égales aux créations et aux extensions. Et durant le premier semestre 2020, c’est l’effondrement: ces derniers n’ont représenté que 9% de l’ensemble des IDE (32 sur un total de 321). 

Selon Aziz Mebarek, directeur général d’AfricInvest, l’un des plus importants fonds de capital-investissementprivate equity») africains, les raisons de la baisse des IDE sont multiples: instabilité politique, économique – avec des risques de dévaluation importants et de transferts des produits de toute participation étrangère (dividendes et plus value) – et réglementaire et fiscale (les lois changent tous les ans). M. Mebarek considère que le pays pâtit aussi d’un «dispositif réglementaire de contrôle des changes d’un autre siècle», d’«une lenteur au niveau de l’administration qui n’arrive pas à trancher, avec des textes de loi dont l’interprétation est souvent complexe et expose l’investisseur au “fait du prince”, et des services publics largement en dessous de la moyenne requise en terme de délais de réponse». 

EN BREF Profiter de la pandémie pour relancer le site Tunisie

«Malgré les incertitudes liées la pandémie de Covid-19, l’Agence de promotion de l’investissement extérieur Fipa-Tunisie est confiante pour l’avenir immédiat», affirme Abdelbasset Ghanmi, son directeur général. Cet interlocuteur des investisseurs étrangers veut «faire de cette crise le levier d’une nouvelle vision pour la Tunisie en profitant du “remue-ménage” d’entreprises internationales implantées en Asie et qui étudient les possibilités d’établir des filiales en Afrique du Nord. Fipa-Tunisie a un programme de prospection directe qui sera appuyé également par l’IFC, filiale de la Banque mondiale. L’organisme compte axer ses efforts sur le Japon et la Chine, les États-Unis et le Canada et des secteurs et filières à forte valeur ajoutée (développement de logiciels, applications, fintech) et émergents (intelligence artificielle, gaming, télémédecine, robotique...). Mais tout en cherchant à attirer de nouveaux investisseurs, la Fipa entend «retenir ceux qui ont misé sur la Tunisie».

 

Corruption et lourdeurs administratives

Des reproches qui sont partagés par divers organismes. Le dernier baromètre annuel de la conjoncture économique en date (janvier 2020) publié par la Chambre tuniso-française de commerce et d’industrie (CTFCI) met en exergue la lourdeur des procédures administratives, en particulier pour la douane, l’administration fiscale et la Banque centrale de Tunisie, mais aussi le manque de transparence et l’injustice du fisc. L’Institut tunisien de la compétitivité et des études quantitatives (ITCEQ) indique quant à lui que la corruption  reste un facteur inhibiteur de l’investissement. Sa plus récente enquête annuelle sur le climat des affaires et la compétitivité des entreprises, réalisée entre novembre 2019 et janvier 2020, indique que 46% des entreprises sondées – contre 41% l’année précédente – la considéraient comme une «contrainte majeure».

Parmi les chefs d’entreprises interrogés, 51% estiment que ce phénomène s’est aggravé entre 2018 et 2019, et 38% d’entre eux pensent qu’il a stagné. Après avoir baissé en 2017, la proportion d’entreprises se plaignant d’avoir été confrontées à des demandes de pots-de-vin pour l’obtention d’un service public (raccordement aux réseaux téléphonique, d’eau, d’électricité, d’assainissement, obtention d’un permis de construction) a augmenté de nouveau depuis 2018, de 15 à 23% selon l’administration concernée.

D’autres entraves contribuent à dissuader les investisseurs étrangers. «Il existe une logistique portuaire inopérante, une taille de marché qui ne crée pas une attractivité particulière pour les entreprises qui cherchent à s’implanter dans un pays pour y réaliser un minimum de chiffre d’affaires, des mouvements sociaux souvent incontrôlés et injustifiés, des sites de production paralysés sans aucune intervention de l’État (ce qui a poussé des majors du secteur pétrolier comme ENI, EnQuest et Shell exploration à quitter la Tunisie), souligne Aziz Mbarek. «Bref, autant de raisons qui font que les investisseurs ne se sentent pas forcément à l’aise chez nous», regrette le directeur général d’AfricInvest.

Pour toutes ces raisons, il n’est guère étonnant que la Tunisie ait dégringolé dans le classement de la Banque mondiale Doing Business 2020 à la 78ᵉ place, alors qu’elle était à la 69e place en 2010. «Le pays doit avoir l’ambition de remonter dans le Top 50 du classement Doing business, voire de faire encore mieux», soutient Aziz Mebarek. «La Tunisie possède des atouts indéniables, des ressources humaines de qualité, une maîtrise des langues, un prix de revient industriel et imbattable dans les services, des infrastructures au niveau, une proximité du marché européen, et une qualité de vie indiscutable. Il faudrait préserver les entreprises déjà implantées chez nous et les amener à investir davantage en Tunisie (voir encadré). Ensuite, il faut traiter les différents problèmes de manière progressive.»


Monnaie numérique, IA et santé mentale au programme de l’Open Forum Riyadh

Des représentants gouvernementaux, des artistes, des leaders de la société civile, des entrepreneurs et des PDG de multinationales interviendront au cours des différentes tables rondes. (Photo, AFP)
Des représentants gouvernementaux, des artistes, des leaders de la société civile, des entrepreneurs et des PDG de multinationales interviendront au cours des différentes tables rondes. (Photo, AFP)
Short Url
  • Cet événement se déroulera parallèlement à la réunion spéciale du WEF sur la collaboration mondiale
  • «Dans le cadre de Vision 2030 de l’Arabie saoudite, Riyad est devenue une capitale mondiale pour le leadership éclairé, l’action et les solutions»

LONDRES: L'Open Forum Riyadh, une série de tables rondes publiques qui se tiendront dans la capitale saoudienne dimanche et lundi, «mettra l’accent sur les défis et les opportunités au niveau mondial», selon les organisateurs.

Cet événement, fruit d’une collaboration entre le Forum économique mondial (WEF) et le ministère saoudien de l’Économie et de la Planification, se déroulera parallèlement à la réunion spéciale du WEF sur la collaboration mondiale, la croissance et l’énergie pour le développement, qui aura lieu à Riyad les 28 et 29 avril.

«Dans le cadre de Vision 2030 de l’Arabie saoudite, Riyad est devenue une capitale mondiale pour le leadership éclairé, l’action et les solutions, favorisant l’échange de connaissances et d’idées innovantes», affirme dans un communiqué de presse Faisal F. Alibrahim, ministre saoudien de l’Économie et de la Planification. Ce dernier précise que l’organisation de l’Open Forum de cette année à Riyad «témoigne de l’influence et du rôle croissants de la ville sur la scène internationale».

Le forum est ouvert au public et «vise à faciliter le dialogue entre les leaders éclairés et le grand public sur une série de sujets, notamment les défis environnementaux, la santé mentale, les monnaies numériques, l’intelligence artificielle [IA], le rôle des arts dans la société, l’entrepreneuriat moderne et les villes intelligentes», indique un communiqué.

Au programme, des tables rondes qui portent sur l’impact des monnaies numériques au Moyen-Orient, sur le rôle de la culture dans la diplomatie publique, sur le développement urbain pour les villes intelligentes ainsi que sur les actions qui ont pour objectif d’améliorer le bien-être mental dans le monde.

L’Open Forum, qui a lieu chaque année, a été créé en 2003 dans le but de permettre à un public plus large de participer aux activités du WEF. Il a été organisé dans plusieurs pays, dont le Cambodge, l’Inde, la Jordanie et le Vietnam.

Des représentants gouvernementaux, des artistes, des leaders de la société civile, des entrepreneurs et des PDG de multinationales interviendront au cours des différentes tables rondes.

Parmi les intervenants de cette année figurent Yazid A. al-Humied, gouverneur adjoint et responsable des investissements dans la région Mena au Fonds public d’investissement saoudien (PIF), la princesse Rima bent Bandar al-Saoud, ambassadrice d’Arabie saoudite aux États-Unis, et la princesse Beatrice, fondatrice du Big Change Charitable Trust et membre de la famille royale britannique.

Michèle Mischler, responsable des affaires publiques suisses et de la durabilité au WEF, a fait savoir dans un communiqué de presse que la participation du public aux tables rondes de l’Open Forum «favorise la diversité des points de vue, enrichit le dialogue mondial et renforce les solutions collectives pour un avenir plus inclusif et durable».

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Le FMI ouvre son premier bureau dans la région Mena à Riyad

Le bureau permettra une collaboration plus étroite entre le FMI et les institutions régionales. (Shutterstock)
Le bureau permettra une collaboration plus étroite entre le FMI et les institutions régionales. (Shutterstock)
Short Url
  • Ce nouveau bureau a pour but de renforcer le développement des capacités, la surveillance régionale et la communication
  • Il permettra une collaboration plus étroite entre le FMI et les institutions régionales, les gouvernements et les autres parties prenantes

RIYAD: Le Fonds monétaire international (FMI) a ouvert son premier bureau dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (Mena) à Riyad.

Le bureau a été inauguré lors de la Conférence régionale conjointe sur les politiques industrielles de diversification, organisée conjointement par le FMI et le ministère des Finances le 24 avril.

Selon l’agence de presse saoudienne (SPA), ce nouveau bureau a pour but de renforcer le développement des capacités, la surveillance régionale et la communication afin de favoriser la stabilité, la croissance et l’intégration régionale, promouvant ainsi les partenariats au Moyen-Orient et au-delà.

En outre, le bureau permettra une collaboration plus étroite entre le FMI et les institutions régionales, les gouvernements et les autres parties prenantes, indique la SPA. Cette dernière indique que le FMI a remercié l’Arabie saoudite de sa contribution financière visant à renforcer le développement des capacités dans ses États membres, y compris les pays fragiles.

Abdoul Aziz Wane, chef de mission chevronné du FMI qui a une connaissance approfondie de l’institution et dispose d’un vaste réseau de décideurs et d’universitaires dans le monde entier, sera le premier directeur du bureau de Riyad.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


L'UE impose des règles renforcées au champion chinois du prêt à porter Shein

Shein, spécialiste de la "fast-fashion", qui a son siège social à Singapour, vend ses vêtements exclusivement en ligne, auprès d'une clientèle jeune très présente sur les réseaux sociaux. (Photo, AFP)
Shein, spécialiste de la "fast-fashion", qui a son siège social à Singapour, vend ses vêtements exclusivement en ligne, auprès d'une clientèle jeune très présente sur les réseaux sociaux. (Photo, AFP)
Short Url
  • L'application fondée en Chine en 2012, emblème des dérives sociales et environnementales de la mode à petits prix, devient la 23ème plateforme, aux côtés de X, TikTok, Google ou Facebook, à se voir imposer les règles de l'UE les plus strictes
  • Shein revendique chaque mois 108 millions d'utilisateurs de son site dans l'Union européenne, soit nettement plus que le seuil de 45 millions à partir duquel les acteurs peuvent être soumis à la régulation renforcée

BRUXELLES: Bruxelles a ajouté vendredi le champion du prêt-à-porter bon marché Shein à la liste des très grandes plateformes en ligne soumises à des contrôles renforcés dans le cadre de la nouvelle législation sur les services numériques (DSA).

L'application fondée en Chine en 2012, emblème des dérives sociales et environnementales de la mode à petits prix, devient la 23ème plateforme, aux côtés de X, TikTok, Google ou Facebook, à se voir imposer les règles de l'UE les plus strictes pour "protéger les consommateurs contre les contenus illégaux", a annoncé la Commission européenne dans un communiqué.

Shein, spécialiste de la "fast-fashion", qui a son siège social à Singapour, vend ses vêtements exclusivement en ligne, auprès d'une clientèle jeune très présente sur les réseaux sociaux. Elle revendique chaque mois 108 millions d'utilisateurs de son site dans l'Union européenne, soit nettement plus que le seuil de 45 millions à partir duquel les acteurs peuvent être soumis à la régulation renforcée.

Ces entreprises doivent notamment analyser les risques liés à leurs services en matière de diffusion de contenus ou produits illégaux et mettre en place les moyens pour les atténuer. Cette analyse doit faire l'objet d'un rapport annuel remis à la Commission européenne qui assume désormais un rôle de gendarme du numérique dans l'UE.

"Des mesures devront être mises en œuvre pour protéger les consommateurs contre l'achat de produits dangereux ou illégaux, en mettant particulièrement l'accent sur la prévention de la vente et de la distribution de produits qui pourraient être nocifs pour les mineurs", a expliqué la Commission.

Les très grandes plateformes doivent aussi fournir au régulateur un accès à leurs algorithmes pour que le respect du règlement puisse être contrôlé. Elles doivent se soumettre une fois par an à un audit externe indépendant, à leurs propres frais.

Ces obligations s'appliqueront à Shein à partir de fin août.

Les contrevenants aux règles peuvent se voir infliger des amendes jusqu'à 6% de leur chiffre d'affaires annuel mondial, voire une interdiction d'opérer en Europe en cas de violations graves et répétées.

Réagissant à sa désignation comme très grande plateforme vendredi, Shein a affirmé sa volonté de se conformer aux règles européennes. "Nous partageons l'ambition de la Commission de faire en sorte que les consommateurs de l'UE puissent faire leurs achats en ligne en toute sérénité et nous nous engageons à jouer notre rôle", a déclaré Leonard Lin, responsable mondial des affaires publiques du groupe.

Les très grandes plateformes concernées par les contrôles européens renforcés incluent aussi le géant du commerce en ligne Amazon et son concurrent AliExpress, filiale du géant chinois Alibaba.

Une autre application chinoise de e-commerce, Temu, devrait s'ajouter prochainement à cette liste après avoir annoncé en avril qu'elle comptait environ 75 millions d'utilisateurs mensuels dans l'Union européenne.

Le DSA a montré son efficacité cette semaine en imposant à TikTok de suspendre dans l'UE la fonctionnalité de sa nouvelle application TikTok Lite qui récompense les utilisateurs pour le temps passé devant les écrans.

La Commission craignait des risques d'addiction, notamment pour les adolescents, et a ouvert une enquête. Elle soupçonne le réseau social, propriété du groupe chinois ByteDance, de ne pas avoir conduit l'analyse obligatoire des risques, en particulier pour la santé mentale des utilisateurs.

Toujours dans le cadre du DSA, Bruxelles a aussi ouvert en décembre une enquête visant le réseau social X pour des manquements présumés aux obligations de modération des contenus.