La Birmanie renoue avec les pages sombres de son histoire

Des manifestants donne des bouquets de fleurs à une ligne de la police anti-émeute lors d'une manifestation contre le coup d'État militaire à Yangon le 6 février 2021 (Photo, AFP).
Des manifestants donne des bouquets de fleurs à une ligne de la police anti-émeute lors d'une manifestation contre le coup d'État militaire à Yangon le 6 février 2021 (Photo, AFP).
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Publié le Samedi 06 février 2021

La Birmanie renoue avec les pages sombres de son histoire

  • Contrairement aux derniers soulèvements de 1988 et de 2007, réprimés dans le sang par les militaires, la donne a changé: la résistance continue à s'organiser sur internet
  • Quelque 3 000 personnes sont descendues dans les rues de Rangoun, la capitale économique, plus grande démonstration de force depuis le putsch

BANGKOK: Vagues d'arrestations, coupures internet, discours nationalistes: la Birmanie renoue avec les pages sombres de son histoire après le coup d'État qui a renversé cette semaine le gouvernement civil d'Aung San Suu Kyi.

Le pays a déjà vécu sous le joug de la dictature militaire pendant près de 50 ans depuis son indépendance en 1948 et un sentiment de déjà-vu domine.

Les interpellations se multiplient. Mya Aye, ex-leader du mouvement «Génération 88» violemment réprimé par la junte il y a 33 ans, a été arrêté le 1er février, dès les premières heures du coup, par plusieurs hommes en uniforme qui ont fouillé sa maison.

Détenu pendant plusieurs mois en 1988 puis en 2007, le militant de 54 ans était conscient que les événements pouvaient se précipiter. «Il avait préparé un petit sac avec des vêtements et du dentifrice au cas où», raconte à sa fille, Wai Hnin Pwint Thon. «Depuis, on ne sait pas où il est».

Une inquiétude partagée par les proches de Min Htin Ko Ko Gy, sans nouvelles depuis lundi. Ce réalisateur et activiste birman avait déjà fait de la prison en 2019 et 2020 pour avoir critiqué l'armée. 

Dans les premiers jours qui ont suivi son interpellation, «des hommes sont venus chercher du linge, de la nourriture, des médicaments. Puis plus rien», explique son neveu Kaung Satt Naing, inquiet car son oncle souffre de problèmes cardiaques.

Après l'arrestation d'Aung San Suu Kyi, cheffe de facto du gouvernement civil et d'autres têtes de son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (LND), les généraux putschistes ont élargi leur cible à des écrivains, des moines, des étudiants, des activistes.

Plus de 150 interpellations

Plus de 150 personnes ont été interpellées, selon l'Association d'assistance aux prisonniers politiques, une ONG basée à Rangoun. 

Il y a sans doute d'autres cas, mais il reste très difficile d'avoir des données fiables dans le pays verrouillé, soulignent des observateurs. 

«Des dizaines, voire des centaines d'activistes et de journalistes indépendants ont fui leur domicile et se cachent», estime Phil Robertson, directeur adjoint de la division Asie à Human Rights Watch. «Leur nom figure sur des listes, ils peuvent être arrêtés à tout moment».

L'accès à internet est aussi très perturbé, avec des coupures importantes dans tout le pays.

Les généraux ont également ordonné aux fournisseurs d'accès de bloquer Facebook, outil de communication pour des millions de Birmans, Twitter et Instagram ainsi que les données mobiles des téléphones portables.

L'armée birmane a toujours caressé la fibre nationaliste du pays à grande majorité bouddhiste. Et les discours contre «les traîtres nationaux à la solde des pays étrangers» n'ont pas tardé à ressurgir chez des partisans des généraux putschistes.

Inquiète à l'idée de perdre ses prérogatives, «Tatmadaw (les forces armées birmanes) se moque des condamnations internationales et pourrait réagir par la violence comme elle l'a fait dans le passé», estime Sophie Boisseau du Rocher, spécialiste de l'Asie à l'Institut français des relations internationales.

Mais, contrairement aux derniers soulèvements de 1988 et de 2007, réprimés dans le sang par les militaires, la donne a changé: la résistance continue à s'organiser sur internet.

Pour tenter d'échapper à la censure, certains Birmans se tournent vers des VPN, qui permettent de contourner toute restriction géographique.

Dès les premières heures du putsch, la contestation s'est exprimée sur Facebook, des députés retransmettant en direct leur arrestation

Puis, des groupes appelant à «la désobéissance civile» sont apparus sur la plate-forme, rejoints par des avocats, des médecins et des fonctionnaires.

La population, jeune, a connu des élections démocratiques en 2015 et 2020 et pris l'habitude de s'exprimer publiquement. 

«Nous sommes la nouvelle génération, nous n'avons jamais hésité à utiliser notre voix et les outils technologiques à notre disposition pour défendre ce qui nous semble juste», explique l'activiste Thinzar Shunlei Yi qui a lancé un groupe de protestation sur internet.

Pour Sophie Boisseau du Rocher, même si la peur de représailles est importante, une partie des Birmans «essayeront d'empêcher les militaires de replonger le pays dans l'autarcie».

Samedi, quelque 3 000 personnes sont descendues dans les rues de Rangoun, la capitale économique, plus grande démonstration de force depuis le putsch.

«Nous ne voulons pas que notre prochaine génération souffre comme nous avons souffert dans le passé», a expliqué Lwin Kyaw, 49 ans. Non loin de lui, des dizaines de jeunes ont brandi trois doigts, un geste devenu un symbole de résistance.


Tanzanie : la présidente investie malgré les violences électorales

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
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  • Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021
  • Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin

NAIROBIE: Samia Suluhu Hassan a été investie lundi présidente de la Tanzanie, où l'internet reste coupé depuis les manifestations réprimées dans le sang contre son élection, l'opposition évoquant au moins 800 morts.

Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021. Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin.

"Moi, Samia Suluhu Hassan, jure que je remplirai mes fonctions de présidente de la République (...) avec diligence et un cœur sincère", a-t-elle affirmé. La cheffe de l'Etat, qui portait un voile rouge et un long vêtement noir, a également prôné dans un discours "l'unité et la solidarité".

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan.

La cérémonie, qui n'était pas ouverte au public, contrairement aux précédentes, s'est tenue dans un espace ressemblant à un terrain de parade militaire de la capitale Dodoma, où quelques podiums dressés ne réussissaient pas à masquer un grand vide.

Des chanteurs et chanteuses se sont succédé, avant l'arrivée de la présidente, pour chanter les louanges de "Mama Samia", son surnom parmi ses soutiens, devant un parterre de dignitaires et de militaires. Parmi les invités étaient notamment présents les présidents de la Zambie, de la Somalie et du Burundi.

Mme Hassan a, selon la commission électorale, obtenu 97,66% des suffrages. L'élection a été qualifiée de "parodie de démocratie" par l'opposition, les deux principaux opposants ayant été soit emprisonné, soit disqualifié.

L'opposition a également dénoncé d'importantes tricheries le jour de l'élection, mais aussi sur le taux de participation de 87% selon la commission électorale.

Le scrutin a surtout été marqué par un fort niveau de violence, des manifestations anti-régime ayant été réprimées dans le sang et la Tanzanie mise sous cloche: l'internet reste coupé depuis mercredi, ce qui ralentit considérablement la sortie d'informations.

Cadavres 

De premières photos et vidéos de cadavres, parfois empilés les uns sur les autres, mais aussi d'hommes en uniforme usant de leur arme à feu, commencent à apparaître sur les réseaux sociaux.

Le service de fact-checking de l'AFP a pu vérifier que certaines d'entre elles n'avaient jamais été postées auparavant. Plusieurs éléments montrent qu'elles ont été prises en Tanzanie.

Un porte-parole du principal parti d'opposition, Chadema, a estimé vendredi qu'au moins 700 manifestants hostiles au régime ont été tués en Tanzanie en trois jours. Un chiffre estimé crédible par une source sécurité, qui a alors mentionné "des centaines de morts".

Le samedi, ce porte-parole, John Kitoka, a ensuite fait état d'au moins 800 tués.

Des informations crédibles corroborent l'idée que des centaines, et peut-être même des milliers de personnes ont été tuées lors des violences électorales, a de son côté estimé une source diplomatique interrogée par l'AFP.

D'après des "rapports préoccupants", la police utilise également le blocage d'internet pour "traquer les membres de l'opposition et les manifestants qui pourraient avoir des vidéos" de ses atrocités, a poursuivi cette source.

La Mission d'observation électorale de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), dont la Tanzanie fait partie, a pointé lundi dans un rapport préliminaire "un faible nombre d'électeurs dans tous les bureaux de vote" où ses observateurs se trouvaient, avec parfois "plus de policiers que de votants", des irrégularités et des incidents violents "au cours desquels des membres de la police ont fait usage d'armes à feu".

Les écoles restent fermées lundi et les transports publics à l'arrêt. La capitale économique Dar es Salaam et les principales villes du pays ont retrouvé un peu de calme depuis le week-end.

Dimanche, le pape Léon XIV a indiqué prier "pour la Tanzanie" et évoqué les "nombreuses victimes" des affrontements ayant éclaté après les élections.

L'élection présidentielle était couplée avec les législatives.

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a réclamé vendredi une "enquête minutieuse et impartiale sur les accusations d'utilisation excessive de la force".


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
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  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
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  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.