Des peines de 20 à 30 ans de prison requises contre 3 jihadistes présumés jugés à Paris

Image prise le 02 juin 2003 dans la salle de la cour d'assises spéciale au palais de justice de Paris (Photo, AFP/Archives)
Image prise le 02 juin 2003 dans la salle de la cour d'assises spéciale au palais de justice de Paris (Photo, AFP/Archives)
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Publié le Lundi 15 février 2021

Des peines de 20 à 30 ans de prison requises contre 3 jihadistes présumés jugés à Paris

  • Les trois hommes sont jugés depuis le 1er février pour un projet d'attentat à Paris le 1er décembre 2016, qui a été mis en échec
  • Yassine Bousseria, Hicham Makran, tous deux âgés de 41 ans et Hicham El-Hanafi, 30 ans, étaient des «opérationnels» de l'EI

PARIS: Des peines de 20 à 30 ans de réclusion criminelle ont été requises lundi devant la cour d'assises spéciale de Paris à l'encontre de trois présumés jihadistes soupçonnés d'avoir projeté un attentat à Paris en décembre 2016. 

« Ces trois hommes avaient été missionnés pour être des opérationnels de l'Etat islamique... Des hommes de confiance... De toute évidence l'opération (qu'ils préparaient) était imminente », ont affirmé les avocats généraux du Parquet national antiterroriste (Pnat) dans un réquisitoire qui a duré plus de quatre heures. 

Les représentants du Pnat ont réclamé respectivement 20 et 22 ans de réclusion à l'encontre de deux Strasbourgeois, Hicham Makran et Yassine Bousseria, tous deux âgés de 41 ans, et la peine maximum de 30 ans de réclusion contre le Marocain Hicham El-Hanafi, 30 ans, qualifié de « soldat le plus fidèle » de l'Etat islamique. Pour ce dernier, l'accusation a demandé une interdiction définitive du territoire français à l'issue de sa peine. 

Toutes les peines requises doivent être assorties d'une période de sûreté des deux tiers, ont souhaité les avocats généraux. 

Jugés depuis le 1er février pour « association de malfaiteurs terroriste criminelle », les trois hommes encourent 30 ans de réclusion. 

Tous les trois avaient été arrêtés en novembre 2016, à quelques heures d'intervalle, à Marseille et Strasbourg à l'issue d'une audacieuse opération de cyberinfiltration de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) au sein de l'organisation jihadiste. 

« L'opération +Ulysse+ (du nom de l'agent de la DGSI ayant infiltré les réseaux de l'EI, ndlr) a été l'opération judiciaire la plus ambitieuse de la France en matière d'antiterrorisme », s'est félicité Benjamin Chambre, l'un des avocats généraux. L'arrestation des trois accusés « a permis de déjouer une action coordonnée à l'arme de guerre, fomentée par l'Etat islamique depuis Raqqa » en Syrie, a-t-il souligné. 

Mme Saliha Hand-Ouali, l'autre avocat général, a défendu cette opération du renseignement français rejetant catégoriquement toute « provocation à l'infraction » (illégale) de la part des services français. « Ulysse » n'a jamais pris d'initiative, a-t-elle rappelé en rappelant qu'à cette époque « l'EI n'avait pas besoin d'être provoqué » pour commettre un attentat. 

« Ulysse », pseudonyme sous lequel ont agi deux agents de la DGSI, a réussi à piéger des hauts cadres de l'EI en zone irako-syrienne en se faisant passer pour un sympathisant de la mouvance jihadiste. Sollicité pour fournir des kalachnikov à l'organisation islamiste, « Ulysse » a accepté, moyennant finance. « Ulysse » a ensuite caché les armes, préalablement démilitarisées, dans la forêt de Montmorency (Val-d'Oise) fournissant les coordonnées GPS de la cachette aux donneurs d'ordres en Syrie. 

Les coordonnées GPS de la cache d'armes ont été retrouvées sur les téléphones des trois accusés qui, selon l'accusation, étaient prêts à frapper sur le sol français. 

« On ne peut pas se tromper sur la nature criminelle des agissements de MM. Bousseria, Makran et El-Hanafi », a affirmé Mme Hand-Ouali. 

« Ne rien lâcher aux chiens »  

Pour M. Chambre, les deux acolytes strasbourgeois, qu'il désigne par l'expression « ces deux-là » en les pointant de l'index, étaient « déterminés » à commettre un attentat même si les deux accusés l'ont farouchement nié durant leurs auditions. 

A mesure que les avocats généraux s'exprimaient, Yassine Bousseria, un ancien animateur scolaire, se tassait sur son banc tandis que Hicham El-Hanafi, surnommé « le routard du jihad » en raison de ses fréquents voyages, se tenait droit, observant sans ciller les représentants du parquet. 

« En dépit de leurs différences et de leur parcours, les trois accusés ont été recrutés par l'EI, tous ont démontré un niveau d'engagement jihadiste maximal », a souligné Mme Hand-Ouali. 

Mais c'est surtout Hicham El-Hanafi qui a retenu son attention. « L'EI ne s'est pas trompé en recrutant Hicham El-Hanafi. Elle a vu en lui une personne extrêmement intelligente, déterminée et loyale », a-t-elle dit. 

Durant les deux journées où il a été interrogé par la cour d'assises, ce Marocain à l'allure sportive et aux muscles saillants sous sa chemise n'a jamais rien cédé, n'hésitant pas selon Mme Hand-Ouali à fournir des « explications incohérentes », voire « farfelues », pour se dédouaner des accusations portées contre lui. 

« Il a préféré ne rien lâcher aux +chiens+ » (d'infidèles), a dit Mme Hand-Ouali. « Il n'a pas renoncé et ne renoncera pas ».  

Concernant Hicham Makran dont la « capacité de compréhension est limitée » selon les experts, l'avocate générale a estimé qu'en revanche son « engagement jihadiste était total ». Elle a dénoncé le « rôle nocif » de Yassine Bousseria.  

Les six défenseurs des accusés s'exprimeront mardi. Le verdict est attendu mercredi. 


Macron va fixer de nouvelles ambitions en matière de défense face aux menaces

Le président français Emmanuel Macron tient une conférence de presse conjointe avec le Premier ministre britannique Keir Starmer (non présent sur la photo) à l'issue d'une réunion de la Coalition des volontaires à la base militaire du quartier général de Northwood, au nord-ouest de Londres, le 10 juillet 2025. (Photo de Leon Neal / POOL / AFP)
Le président français Emmanuel Macron tient une conférence de presse conjointe avec le Premier ministre britannique Keir Starmer (non présent sur la photo) à l'issue d'une réunion de la Coalition des volontaires à la base militaire du quartier général de Northwood, au nord-ouest de Londres, le 10 juillet 2025. (Photo de Leon Neal / POOL / AFP)
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  • Lors de sa traditionnelle allocution aux armées, à la veille de la fête nationale, dans les jardins du ministère des Armées, à l'hôtel de Brienne, le chef de l'État fera des « annonces majeures », selon l'Élysée.
  • Le plus haut gradé français a évoqué la menace « durable » de la Russie contre les pays européens, le désengagement américain, l'Ukraine où « se joue (…) aussi la place des pays européens dans le monde de demain ».

PARIS : Malgré des finances publiques au plus mal, le président français, Emmanuel Macron, s'exprimera dimanche soir sur les « efforts de défense » à consentir face à l'aggravation des menaces et à un ordre mondial déliquescent.

Lors de sa traditionnelle allocution aux armées, à la veille de la fête nationale, dans les jardins du ministère des Armées, à l'hôtel de Brienne, le chef de l'État fera des « annonces majeures », selon l'Élysée.

Pour préparer les esprits, le chef d'état-major des armées, le général Thierry Burkhard, a brossé vendredi un sombre tableau des menaces lors d'une rare conférence de presse, quelques jours après une autre intervention inédite à la télévision du directeur de la DGSE, le service de renseignement extérieur, Nicolas Lerner.

Sur la base des conclusions de la Revue nationale stratégique qui doit être publiée dimanche, le plus haut gradé français a évoqué la menace « durable » de la Russie contre les pays européens, le désengagement américain, l'Ukraine où « se joue (…) aussi la place des pays européens dans le monde de demain », la désinformation et les attaques hybrides, ou encore la lutte contre le terrorisme.

Selon lui, « faire le dos rond » ne résoudra rien ; « il faut qu'on intègre qu'on est bien face à un changement de référentiel stratégique ».

« Nous ne sommes pas là pour agiter les peurs ou les inquiétudes, nous sommes là pour les documenter et y apporter des réponses », a défendu le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, dans un entretien accordé à La Tribune dimanche.

Avec un modèle de défense autonome, « si l'on ne veut dépendre de personne, cela passe forcément par un effort nouveau, pas seulement budgétaire, mais aussi intellectuel, moral et industriel », selon lui.

Ces « bascules » posent la question de l'adéquation des ressources militaires françaises, selon l'Élysée, qui rappelle que le budget de la défense est passé de 32,2 à 50,5 milliards d'euros entre 2017 et 2025.

En l'état, la loi de programmation militaire (LPM) française prévoit 413 milliards d'euros pour les armées entre 2024 et 2030, avec des augmentations budgétaires annuelles d'un peu plus de 3 milliards d'euros pour atteindre 67,4 milliards en 2030.

La France peut-elle se contenter de réviser ses priorités dans le cadre de l'enveloppe prévue ou ira-t-elle plus loin, alors que le gouvernement cherche à réaliser des économies budgétaires ?

- Efforts européens -

La seule charge de la dette s'élève cette année à 62 milliards d'euros et menace d'exploser, selon le Premier ministre, François Bayrou, qui doit dévoiler ses orientations pour le budget 2026 mardi.

Le chef du gouvernement a déjà sanctuarisé le budget de la défense, qu'il a qualifié de « sacré ».

Certains pays européens n'ont pas attendu l'objectif fixé par les pays membres de l'OTAN en juin, qui consiste à consacrer 5 % de leur PIB à leur sécurité (3,5 % pour les seules dépenses militaires) d'ici 2035, pour rehausser leurs ambitions.

Londres prévoit de porter son budget de défense à 2,5 % d'ici 2027, puis à 3 % après 2029. L'Allemagne prévoit d'atteindre un budget de défense de 162 milliards d'euros en 2029, soit 3,5 % de son PIB, tandis que la Pologne y consacre déjà 4,7 % de sa richesse nationale. 

« Très clairement, nous devons aujourd'hui réviser notre programmation et notre stratégie, les réviser à la lumière du changement de la nature du risque », a admis jeudi Emmanuel Macron.

Sébastien Lecornu avait estimé cet hiver que « le poids de forme de l'armée française se situait à un peu moins de 100 milliards d'euros ». Début juillet, devant les sénateurs, il a esquissé des pistes d'efforts : défense sol-air, munitions, moyens de guerre électronique, ou encore le spatial, domaine dans lequel l'Europe risque de « décrocher ».

« Ce qui nous préoccupe le plus et crée un besoin budgétaire nouveau, ce sont les ruptures technologiques » (intelligence artificielle, quantique, furtivité des avions, etc.), a-t-il affirmé à La Tribune dimanche.

Alors que la « cohésion nationale » constitue un « élément-clé de la résilience » du pays face aux crises, selon le général Burkhard, le président abordera également la question de la mobilisation de la jeunesse, à qui il faut donner « l'occasion de servir », selon l'Élysée. 


France: un Ukrainien inculpé pour le meurtre d'une Franco-Russe dans un conflit de voisinage

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  • Selon le parquet, il y avait de la part de cette femme "une attitude régulièrement agressive avec des menaces de mort envers" ses voisins ukrainiens arrivés en France en mars 2022 pour fuir l'invasion de leur pays par la Russie
  • Née au Kazakhstan en 1967, alors en URSS, elle était arrivée en France en 2004, d'après la même source

EVREUX: Un Ukrainien de 69 ans a été inculpé pour meurtre et placé sous contrôle judiciaire après le décès mardi de sa voisine franco-russe à Evreux, dans le nord de la France, lors d'un différend de voisinage, a-t-on appris vendredi auprès du parquet local.

Un couple de retraités ukrainiens ainsi que leur amie avaient été agressés avec un couteau d'environ 20 cm par leur voisine franco-russe, vers 5H00 locales (7H00 GMT) dans la nuit de lundi à mardi, a expliqué le procureur de la République d'Evreux Rémi Coutin lors d'une conférence de presse.

Le mari du couple ukrainien aurait alors retourné l'arme blanche contre sa voisine la blessant à trois reprises, dont une mortelle à la cuisse, toujours selon le procureur.

"Pour nous c'est la victime, celle qui a reçu les coups de couteau et est décédée mardi matin, qui était venue agresser au moins à deux reprises cette nuit-là les personnes ukrainiennes qui se trouvaient dans l'appartement au-dessus d'elle", a déclaré Rémi Coutin, justifiant ainsi le non placement en détention de l'auteur présumé des faits.

Selon le parquet, il y avait de la part de cette femme "une attitude régulièrement agressive avec des menaces de mort envers" ses voisins ukrainiens arrivés en France en mars 2022 pour fuir l'invasion de leur pays par la Russie.

Née au Kazakhstan en 1967, alors en URSS, elle était arrivée en France en 2004, d'après la même source.

Un voisin a déclaré avoir passé la soirée à boire des bières chez la quinquagénaire avant que celle-ci ne décide "de monter le son de la musique, de donner des coups de balai dans le plafond afin d'embêter ses voisins du dessus", puis de se rendre chez eux pour une première altercation.

Déjà condamné à cinq reprises pour violences, ce voisin est mis en examen pour violences aggravées pour avoir frappé l'homme ukrainien lors cette première rencontre nocturne, a relevé le parquet.

Un habitant de l'immeuble a indiqué lors de son audition qu'il avait déjà demandé l'intervention à la police les 22 et 30 juin, parce que la victime était en train de donner des coups de poing dans la porte de l'appartement de ses voisins ukrainiens.

Entendu par la police, l'ex-mari de la femme franco-russe a relaté que s'agissant de la guerre entre la Russie et l'Ukraine, elle considérait que la Russie devait "se défendre, chasser les nazis d'Ukraine et lutter contre l'OTAN".

 


Audiovisuel public: Dati dégaine le «vote bloqué» pour accélérer les débats

Brigitte Macron et Rachida Dati. (AFP)
Brigitte Macron et Rachida Dati. (AFP)
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  • Vendredi matin, à la reprise, rien n'a laissé présager que les discussions puissent s'accélérer. Un peu plus d'une demi heure après le début des débats, Mme Dati a annoncé que le gouvernement demandait au Sénat "de se prononcer par un vote unique
  • Cette procédure très rarement utilisée permet d'accélérer les débats en n'organisant qu'un seul vote, sur le texte et les amendements que le gouvernement choisit de conserver

PARIS: Fin de session chaotique au Sénat: face à l'"obstruction" de la gauche, la ministre de la Culture Rachida Dati a dégainé vendredi matin l'arme constitutionnelle du "vote bloqué" sur la réforme de l'audiovisuel public, pour tenter d'aboutir avant les congés parlementaires.

C'est une nouvelle vicissitude pour ce texte au parcours chaotique, porté à bout de bras par la ministre face à l'hostilité des syndicats, et qui pour l'essentiel prévoit de créer le 1er janvier 2026 une holding, France Médias, qui chapeauterait France Télévisions, Radio France et l'Ina (Institut national de l'audiovisuel), sous l'autorité d'un président-directeur général.

L'examen du texte a avancé à très faible allure jeudi: suspensions de séance à répétition, rappels au règlement, motions de rejet préalable, invectives en pagaille... En plus de huit heures de débats, les sénateurs ont à peine démarré l'examen de l'article premier de la proposition de loi du sénateur Laurent Lafon.

A la manoeuvre, la gauche, bien décidée à jouer la montre, alors que la session extraordinaire doit théoriquement s'achever vendredi à minuit.

Vendredi matin, à la reprise, rien n'a laissé présager que les discussions puissent s'accélérer. Un peu plus d'une demi heure après le début des débats, Mme Dati a annoncé que le gouvernement demandait au Sénat "de se prononcer par un vote unique sur l'ensemble du texte", "en application de l'article 44 alinéa 3 de la Constitution".

Cette procédure très rarement utilisée permet d'accélérer les débats en n'organisant qu'un seul vote, sur le texte et les amendements que le gouvernement choisit de conserver.

"Après plus de sept heures de débat, nous n'avons pu débattre que de 31 amendements sur ce texte. On a vu encore ce matin (...) de l'obstruction, toujours de l'obstruction et encore de l'obstruction", a-t-elle justifié. Il restait alors environ 300 amendements à débattre.

Les débats, suspendus vers 10H15, ont repris près de deux heures plus tard, et le président de séance Didier Mandelli (LR) a pris acte de la demande du gouvernement.

Débats "escamotés" 

Les orateurs de la gauche ont successivement protesté contre ce "coup de force", selon le mot de l'ancienne ministre socialiste Laurence Rossignol. "On parle de liberté de la presse. Mais commençons déjà par respecter les droits du Parlement", a-t-elle tonné, rappelant que le Sénat avait d'autres outils à sa disposition pour discipliner les discussions.

Et ce alors que les débats ont déjà été "escamotés" en première lecture à l'Assemblée le 30 juin, après le vote surprise d'un motion de rejet déposée par les écologistes, face aux bancs désertés de la coalition gouvernementale.

"C'est vous qui êtes responsables du fait que le débat ne peut pas avoir lieu. Ce n'est pas nous", leur a rétorqué le rapporteur du texte, Cédric Vial (LR).

Le président de la commission de la culture Laurent Lafon (UDI) a lui aussi défendu la décision du gouvernement, pointant une obstruction "caractérisée" destinée à "empêcher que le Sénat confirme son soutien" au texte.

Selon des sources parlementaires, la décision de déclencher le "vote bloqué" était sur la table depuis jeudi.

Mais, alors que le président du Sénat et le ministre des Relations avec le Parlement étaient enclins à laisser le débat se dérouler, "c'est bien Rachida Dati", en première ligne face à la gauche, qui "à un moment donné (...) a tranché pour tout le monde", selon un poids lourd.

Désormais, l'examen du texte devrait pouvoir "aller au bout" avant la fin de la session, selon cette source. Et revenir sans doute à l'automne à l'Assemblée, à une date indéterminée.