Liban: Le « business as usual », c’est fini

Un libanais en pleurs devant l'ampleur du désastre. (Photo AFP).
Un libanais en pleurs devant l'ampleur du désastre. (Photo AFP).
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Publié le Mardi 11 août 2020

Liban: Le « business as usual », c’est fini

  • "La place des juges est aujourd’hui primordiale. C’est à eux de trancher sous l’œil vigilant de l’opinion publique et des médias", estime Ziyad Baroud, ancien ministre de l'Intérieur
  • "La démission d’un ministre n’annule aucunement la responsabilité juridique du ministre concerné", dit Ahmad Fatfat, également ancien ministre de de l'Intérieur

BEYROUTH: Les manifestations violentes de samedi et dimanche ont appelé à la démission du gouvernement et des ministres, mais aussi du président de la république Michel Aoun. Même le chef de l’église maronite, le patriarche maronite Béchara Raï a exhorté le pouvoir exécutif à démissionner, appelant en outre à des élections anticipées. La double explosion au port de Beyrouth de mardi dernier, le nombre de morts et de blessés, les destructions inouïes ont ainsi poussé une grande partie de la population à demander des comptes aux responsables politiques. Cette explosion a été causée par 2.750 tonnes de nitrate d'ammonium stockées depuis six ans au port de Beyrouth "sans mesures de précaution", de l'aveu même du Premier ministre Hassan Diab.

Quelle que soit la véritable cause de l’explosion (missile, incendie accidentel ou criminel), une chose est sûre : les trois tonnes de nitrate d’ammonium qui se trouvaient au port de Beyrouth ont eu pour conséquence immédiate d’anéantir la moitié de la capitale libanaise. Et la présence de cet engrais dans le port était connue des services de l’Etat. Le dossier du drame vient d'être transféré  à la Cour de Justice, mais l’opinion publique au Liban réclame une enquête internationale: Car comme aime à le rappeler l’ancien ministre de l'Intérieur, Ziyad Baroud, « un procès non équitable n’en est pas un ». Et ce procès, les Libanais l’attendent avec impatience pour voir désigné le responsable de l'anéantissement de la moitié de leur capitale. Alors, qui est responsable ?Une enquête judiciaire en collaboration avec le tribunal militaire a été ouverte. Vendredi dernier, la justice a ordonné le placement en détention provisoire, du directeur du port de Beyrouth, Hassan Koraytem, du directeur général des Douanes Badri Daher, ainsi que de son prédécesseur Chafic Merhi à l’issue d’un interrogatoire de plusieurs heures. Aucun ministre concerné par le drame n’a toutefois, pour l’heure, été inquiété. 

Attaquer les juges, pour détourner l’attention

Selon une source judiciaire proche du dossier, Badri Daher serait même allé jusqu'à essayer d’impliquer les juges des référés dans la responsabilité de l’explosion. Selon la source précitée qui a requis l’anonymat, « les juges sont le maillon faible, s’ils n’ont pas une couverture politique. Les attaquer a été une manière de détourner l’attention de l’incompétence et de la négligence des autorités concernées ». Depuis les accusations du directeur des Douanes, le rôle de Jad Maalouf, juge des référés de Beyrouth à l’époque qui avait autorisé la mise en cale sèche du navire, ainsi que le transfert et le stockage de la cargaison sur requête du ministère des Transports et des Travaux publics, au motif que la marchandise était dangereuse, a été largement dévoilé à l’opinion publique. Le jugement de Jad Maalouf est assez clair concernant les responsabilités en jeu puisqu’il avait soumis son autorisation à deux conditions: qu’un lieu sécurisé soit choisi par le ministère des Transports, et que le placement de ce stock soit sous la garde du ministère.

La source judiciaire précitée affirme que le juge Maalouf, et les autres juges des référés qui lui ont succédé n’avaient pas la compétence de statuer sur le fond de l’affaire, comme demandé par les Douanes, puisque la marchandise n’avait pas été saisie. Le juge Maalouf avait même insisté pour qu'on lui fournisse les bases juridiques de leurs requêtes, mais en vain. « Pourquoi depuis début 2018, aucun suivi n’a été fait, sachant que les autorités du port connaissaient la dangerosité des produits concernés », se demande la source judiciaire. 

De son côté, la Sûreté de l’État aurait à plusieurs reprises mis en garde les gouvernements qui se sont succédé depuis des années contre le danger du nitrate d’ammonium stocké au port. Un récent rapport qui date de juillet aurait été présenté au président de la république et au Premier ministre.

En tout état de cause, en attendant les résultats de l’enquête et un éventuel procès, la population, qui a perdu confiance en l’Etat libanais, craint que l’enquête soit tronquée ou que le procès soit bâclé. Les directeurs généraux en question sont déjà soupçonnés de corruption sans jamais être inquiétés, ayant une puissante couverture politique. Certains craignent par contre que les personnes arrêtées ne soient des boucs émissaires désignés pour apaiser la gronde populaire, laissant impunis les gros poissons, politiques ou sécuritaires. 

Le « business as usual », c’est fini

« Un procès non équitable n’en est pas un », déclare Ziad Baroud, ancien ministre de l’Intérieur, à Arab News en francais. « La place des juges est aujourd’hui primordiale. C’est à eux de trancher sous l’œil vigilant de l’opinion publique et des médias ». Toutefois, « le vrai travail est au niveau de l’enquête ». Si les Libanais veulent avoir des réponses, il faut attendre le rapport préliminaire de l’investigation. « A ce moment, on peut évaluer si celle-ci est sérieuse ou non. A partir de là, on peut réclamer une assistance internationale voire une enquête internationale », explique Ziad Baroud, ajoutant : « J’espère que la justice libanaise fera le nécessaire, le Liban a besoin de sentir que ses institutions fonctionnent convenablement, car il y a une crise de confiance énorme entre le peuple et l’État. La gravité et l’ampleur du drame sont telles que personne ne peut continuer à faire du ‘business as usual’ ».

Toutefois, le juriste et ancien ministre précise que dans le contexte actuel de colère de la rue, « il faut toujours prendre en compte le principe de la présomption d’innocence ». Pour parler de « responsabilité juridique », il faut se fonder sur des éléments de fait. 

Qu’on soit ministre, directeur ou commis, il y a des responsabilités liées aux fonctions de chacun. La personne sur le terrain a une responsabilité directe, alors que son supérieur hiérarchique est également responsable à partir du moment où il a pris connaissance du danger et dans la mesure où il a pris les mesures nécessaires ou non, précise l’ancien ministre. Selon lui, « il ne suffit pas d’envoyer des lettres, il faut faire un suivi, aller jusqu’au bout. Il s’agit de matière explosive qui menace la salubrité publique. On peut parler au moins de négligence. Du coup la responsabilité est là ». 

Responsabilité morale

Reste à savoir si des politiciens pourront être visés par la justice, comme le réclame le peuple. « Sans vouloir anticiper, je n’exclus pas la possibilité de voir incriminés ou au moins poursuivis des responsables haut placés si l’enquête prouve qu’ils ont négligé des éléments importants sans prendre les mesures nécessaires », affirme M. Baroud qui estime toutefois que la procédure qui réglemente la saisine du Conseil chargé par la Constitution de juger les présidents et les ministres est très compliquée. « Mais face à la pression de la rue, aux morts, à la destruction, je ne vois pas comment les autorités vont pouvoir résister face à la colère populaire », ajoute-t-il. « Il faut voir dans quelle mesure on peut dépasser ces obstacles légaux et constitutionnels pour lever les immunités des ministres ».

Toutefois le juriste conteste la notion de « responsabilité politique », lui préférant celle de « responsabilité morale » qui peut aboutir à la démission. 

La démission du gouvernement, une conséquence normale

Pour sa part, l’ancien ministre de l’Intérieur Dr. Ahmad Fatfat, indique à Arab News en français qu’une démission non seulement des ministres concernés mais aussi du gouvernement est une conséquence normale de leur responsabilité politique et morale. « Et cette démission n’annule aucunement la responsabilité juridique du ministre concerné, ni celle de ses prédécesseurs s’ils sont coupables», précise-t-il.

Ahmad Fatfat propose une réunion parlementaire urgente pour questionner le gouvernement et la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire « composée de tous les courants politiques pour investiguer sur les responsabilités en jeu, et surtout pour découvrir à qui appartient ce stock de nitrate d’ammonium entreposé dans un hangar du port depuis 2014, sans avoir été saisi ni réclamé, alors qu’il coûte une fortune ».

Selon les conclusions de l’enquête, si un ministre ou ancien ministre est suspecté, le rôle du Parlement est de se réunir pour lever son immunité afin qu'il soit jugé, comme c’est déjà arrivé avec l’ancien ministre du Pétrole Chahé Barsoumian, en 1999, explique l’ancien député de Denniyé qui précise être « contre la démission des députés de l’opposition du Parlement, pour pouvoir surveiller efficacement l’action du gouvernement, en complémentarité avec la pression populaire ».

Devant l’ampleur du désastre, les démissions ont commencé à tomber en cascade depuis dimanche dernier. Toutefois, parmi les ministres aujourd’hui démissionnaires (Information, Environnement, Justice et Finances) aucun n’est directement concerné par la tragédie qui a frappé Beyrouth. Lundi, des informations non confirmées véhiculées par le quotidien libanais An-Nahar faisaient état d’un accord du tandem chiite Hezbollah-parti Amal pour une démission du gouvernement dans son ensemble.


Frappes israéliennes au Qatar: réunion extraordinaire des dirigeants arabes et musulmans à Doha

Parmi les leaders attendus à Doha figurent les président palestinien, turc, iranien et égyptien ainsi que les Premiers ministres irakien et pakistanais et le roi de Jordanie. Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, va également participer au sommet à Doha, a indiqué l'agence de presse saoudienne SPA. (AFP)
Parmi les leaders attendus à Doha figurent les président palestinien, turc, iranien et égyptien ainsi que les Premiers ministres irakien et pakistanais et le roi de Jordanie. Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, va également participer au sommet à Doha, a indiqué l'agence de presse saoudienne SPA. (AFP)
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  • Le sommet conjoint de la Ligue arabe et de l'Organisation de la coopération islamique (OCI) vise à hausser le ton face à Israël, après le bombardement mené en plein cœur de Doha
  • "Le temps est venu pour la communauté internationale de cesser le deux poids deux mesures et de punir Israël pour tous les crimes qu'il a commis", a déclaré la veille du sommet le Premier ministre qatari, Mohammed ben Abdelrahmane Al-Thani

DOHA: Un sommet convoqué en urgence, face à une situation inédite: les principaux dirigeants arabes et musulmans se réunissent ce lundi à Doha dans un rare moment d'unité, après les frappes israéliennes sans précédent ayant visé la semaine dernière des membres du Hamas au Qatar.

Le sommet conjoint de la Ligue arabe et de l'Organisation de la coopération islamique (OCI) vise à hausser le ton face à Israël, après le bombardement mené en plein cœur de Doha, capitale du pays médiateur dans les négociations en vue d'un cessez-le-feu dans la bande de Gaza.

"Le temps est venu pour la communauté internationale de cesser le deux poids deux mesures et de punir Israël pour tous les crimes qu'il a commis", a déclaré la veille du sommet le Premier ministre qatari, Mohammed ben Abdelrahmane Al-Thani.

Parmi les leaders attendus à Doha figurent les président palestinien, turc, iranien et égyptien ainsi que les Premiers ministres irakien et pakistanais et le roi de Jordanie. Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, va également participer au sommet à Doha, a indiqué l'agence de presse saoudienne SPA.

Selon le projet de déclaration finale consulté par l'AFP, la cinquantaine de pays représentés devraient dénoncer l'attaque israélienne en soulignant qu'elle mettait en péril les efforts de normalisation des relations entre Israël et les pays arabes.

Israël et les États-Unis, son principal allié, cherchent à étendre les accords d'Abraham qui ont vu les Émirats arabes unis, Bahreïn et le Maroc, reconnaître Israël en 2020.

"Pas que des discours" 

L'attaque israélienne et "la poursuite des pratiques agressives d'Israël, notamment les crimes de génocide, le nettoyage ethnique, la famine et le blocus, ainsi que les activités de colonisation et d'expansion minent les perspectives de paix et de coexistence pacifique dans la région", affirme le texte.

Elles "menacent tout ce qui a été accompli sur la voie de l'établissement de relations normales avec Israël, y compris les accords existants et futurs", ajoute-il.

Le projet souligne également "le concept de sécurité collective (...) et la nécessité de s'aligner pour faire face aux défis et menaces communs".

Avant l'ouverture du sommet, le président iranien Massoud Pezeshkian a exhorté les pays musulmans à rompre "leurs liens avec ce régime factice", en référence à Israël.

L'attaque israélienne, qui a tué cinq membres du Hamas et un membre des forces de sécurité qataries, a suscité une vague de condamnations dans la communauté internationale, notamment des riches monarchies du Golfe, alliées de Washington. Ainsi qu'une rare réprobation des Etats-Unis, allié numéro un d'Israël mais également un proche allié du Qatar.

Le secrétaire d'Etat américain Marco Rubio est en ce moment en visite à Jérusalem - un voyage prévu avant les frappes sur le Qatar -, pour montrer son soutien à Israël avant la reconnaissance prochaine par plusieurs pays occidentaux d'un Etat palestinien, lors de l'Assemblée générale de l'ONU à la fin du mois.

"Beaucoup de gens attendent des actes, pas que des discours. Nous avons épuisé toutes les formes de rhétorique. Il faut désormais passer à l'action", a commenté le chercheur saoudien Aziz Alghashian au sujet du sommet.

Le Conseil des droits de l'homme de l'ONU a également annoncé une réunion en urgence ce mardi pour débattre des frappes israéliennes au Qatar.

Un sommet exceptionnel du Conseil de coopération du Golfe est également prévu lundi à Doha, selon l'agence de presse saoudienne SPA.


Le navire humanitaire des Émirats arabes unis pour Gaza arrive en Égypte

Le navire, qui fait partie de l'opération "Chivalrous Knight 3" des Émirats arabes unis, était chargé de 7 000 tonnes de nourriture, d'aide médicale et de secours. (WAM)
Le navire, qui fait partie de l'opération "Chivalrous Knight 3" des Émirats arabes unis, était chargé de 7 000 tonnes de nourriture, d'aide médicale et de secours. (WAM)
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  • La cargaison d'aide comprend 5 000 tonnes de colis alimentaires, 1 900 tonnes de fournitures pour les cuisines communautaires, 100 tonnes de tentes médicales ainsi que cinq ambulances entièrement équipées
  • En août, les Émirats arabes unis ont inauguré une conduite d'eau de 7,5 kilomètres qui acheminera vers la bande de Gaza de l'eau dessalée provenant d'usines de dessalement émiraties situées en Égypte

DUBAI : Le navire humanitaire Hamdan des Émirats arabes unis, qui a quitté le port de Khalifa le 30 août, est arrivé au port d'Al-Arish, en Égypte, où des denrées alimentaires et des fournitures médicales seront déchargées puis livrées aux habitants de la bande de Gaza assiégée.

Le navire, qui fait partie de l'initiative humanitaire "Operation Chivalrous Knight 3" des Émirats arabes unis pour Gaza, qui fournit une aide essentielle par le biais de convois terrestres, d'expéditions maritimes et de largages aériens, a été chargé de 7 000 tonnes de nourriture, de matériel médical et d'aide d'urgence, a rapporté l'agence de presse nationale WAM.

La cargaison d'aide comprend 5 000 tonnes de colis alimentaires, 1 900 tonnes de fournitures pour les cuisines communautaires, 100 tonnes de tentes médicales ainsi que cinq ambulances entièrement équipées.

Les Émirats ont jusqu'à présent envoyé 20 navires d'aide à Gaza et ont livré environ 90 000 tonnes d'aide humanitaire, pour un coût de 1,8 milliard de dollars, depuis le lancement de l'opération "Chivalrous Knight 3".

En août, les Émirats arabes unis ont inauguré une conduite d'eau de 7,5 kilomètres qui acheminera vers la bande de Gaza de l'eau dessalée provenant d'usines de dessalement émiraties situées en Égypte. Le pipeline a une capacité d'environ 2 millions de gallons par jour et pourrait desservir plus d'un million de personnes.


L'ambassadeur saoudien aux Etats-Unis visite le bureau de l'attaché militaire à Washington

L'ambassadeur saoudien aux Etats-Unis, la princesse Reema bint Bandar, visite le bureau de l'attaché militaire à Washington (SPA)
L'ambassadeur saoudien aux Etats-Unis, la princesse Reema bint Bandar, visite le bureau de l'attaché militaire à Washington (SPA)
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  • La princesse Reema a été informée des fonctions, des tâches et des départements du bureau de l'attaché militaire
  • Elle a également été informée du soutien que l'attaché reçoit de la part des dirigeants saoudiens pour renforcer les intérêts communs entre l'Arabie saoudite et les États-Unis en matière de défense et de coopération militaire

RIYADH : La princesse Reema bint Bandar, ambassadrice saoudienne aux Etats-Unis, a visité lundi le bureau de l'attaché militaire saoudien à Washington.

La princesse Reema a été informée des fonctions, des tâches et des départements du bureau de l'attaché au cours de sa visite, a rapporté l'agence de presse saoudienne.

Elle a également été informée du soutien que l'attaché reçoit de la part des dirigeants saoudiens pour renforcer les intérêts communs entre l'Arabie saoudite et les États-Unis en matière de défense et de coopération militaire.

La princesse Reema a été reçue par le ministre adjoint saoudien de la Défense pour les affaires exécutives, Khaled Al-Biyari, qui est en visite officielle à Washington, ainsi que par l'attaché militaire saoudien à Washington et Ottawa, le général de division Abdullah bin Khalaf Al-Khathami, et les chefs des départements de l'attaché.