Lobbying turc pour tenter de réintégrer le programme d’avions de chasse F-35

Des avions de chasse F-35 de l'US Air Force volent en formation lors d'un exercice de combat au-dessus de l'État de l'Utah (Reuters)
Des avions de chasse F-35 de l'US Air Force volent en formation lors d'un exercice de combat au-dessus de l'État de l'Utah (Reuters)
Un avion militaire F-35 de la Royal Netherlands Air Force s'entraîne sur des cibles sur le lieu d'entraînement de l'OTAN au Vliehors Range sur Vlieland (AFP)
Un avion militaire F-35 de la Royal Netherlands Air Force s'entraîne sur des cibles sur le lieu d'entraînement de l'OTAN au Vliehors Range sur Vlieland (AFP)
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Publié le Samedi 20 février 2021

Lobbying turc pour tenter de réintégrer le programme d’avions de chasse F-35

  • La Turquie a été exclue du programme américain d’avions furtifs F-35 en juillet 2019, après avoir acquis le système de défense antiaérienne russe S-400
  • SSTEK, basée à Ankara, versera 750 000 dollars à Arnold & Porter pour des conseils stratégiques afin de rester dans le programme du F-35

ANKARA: Une société de lobbying a été engagée pour appuyer une réintégration de la Turquie dans le programme américain d’avions furtifs F-35. Elle en avait été exclue en juillet 2019 à la suite de l’achat par Ankara de systèmes de défense antiaérienne russes S-400, qui pour Washington menaçaient les capacités de défense de l’Otan. 

Basée à Ankara, la société SSTEK qui fait partie de la Presidency of Defense Industries (SSB) – chargée de diriger le secteur de la défense du pays – versera 750 000 dollars (un dollar = 0,82 euros) à la firme juridique Arnold & Porter afin d’obtenir des conseils stratégiques afin de réintégrer le programme de F-35, nouer des liens avec les parties prenantes et les partenaires commerciaux américains du programme. 

Arnold & Porter s'est également engagée à «surveiller en permanence les contrôles à l'exportation et les sanctions commerciales qui pourraient y correspondre, et à expliquer lesdites sanctions», a affirmé la société dans un communiqué, à la suite du contrat, entré en vigueur le 1 er février, et qui durera six mois. 

En décembre dernier, les États-Unis avaient interdit l'attribution de tout nouveau permis d'exportation d'armes à l'agence gouvernementale turque en charge des achats d'armement, en raison de sa coopération avec Rosoboronexport, le principal organisme russe d’exportation d’armes.  

Début février, l'attaché de presse du Pentagone, John Kirby, a clairement indiqué que les États-Unis ne lèveraient pas l'interdiction des F-35 visant la Turquie. «Nous exhortons la Turquie à ne pas conserver le système S-400», a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse. 

L’exclusion de la Turquie du programme d’avions de combat américains du célèbre constructeur Lockheed Martin a entraîné une perte estimée à 12 milliards de dollars pour les entreprises de défense turques, alors que certaines d’entre elles continueront à fournir des pièces de F-35 à Lockheed Martin jusqu'en 2022, en raison d'accords toujours en cours. 

«Bien que nous ayons payé d’importantes sommes pour acquérir les F-35, ceux-ci ne nous ont toujours pas été remis», a déclaré le président turc Recep Tayyip Erdogan le 15 janvier. «C'est une grave faute que les États-Unis ont commise envers nous en tant qu’alliés de l'OTAN.» 

Les analystes ont déclaré que le contrat  conclu avec Arnold & Porter pourrait aggraver la perception qu’ont les États-Unis du gouvernement turc, estimant que les efforts de lobbying pourraient peser négativement sur un Congrès américain déjà irrité. 

Gonul Tol, directrice du programme consacré à la Turquie au Middle East Institute basé à Washington, affirme que la position américaine sur le S-400 est claire et que réintégrer la Turquie dans le programme du F-35 est problématique. 

«La loi d'autorisation de la défense nationale permet au président américain de lever les sanctions imposées à la Turquie pour son achat du S-400 si cette dernière retire le système de son territoire», assure-t-elle à Arab News. «Toute autre solution sera accueillie avec scepticisme à Washington. Lockheed Martin a trouvé d'autres pays pour remplacer la Turquie dans la chaîne d'approvisionnement. Si Washington décide d'une manière ou d'une autre de réintroduire la Turquie dans le programme, cela sera probablement considéré comme un nouveau départ.» 

Karol Wasilewski, analyste au Polish Institute of International Affairs basé à Varsovie, doute également de la stratégie turque. «Le recrutement de la société Arnold & Porter sera très probablement inefficace, car les Américains – même sous la présidence de Donald Trump –  ont été assez clairs sur deux points: le S-400 constitue non seulement un problème politique, mais aussi une menace technique. Pour les États-Unis, le système de défense S-400 sur le sol turc est une ligne rouge», explique-t-il à Arab News.  

«Il semble que les Turcs n’ont pas encore pleinement pris conscience de la gravité de la situation et croient toujours que des demi-mesures suffiront. La Turquie veut le beurre et l’argent du beurre, et je doute que cela fonctionne avec la nouvelle équipe américaine, qui est composée de spécialistes ayant une très bonne connaissance de la Turquie», ajoute l’analyste. 

La Turquie a récemment proposé une ouverture diplomatique, affirmant être ouverte a une négociation sur un modèle semblable à celui en vigueur pour les S-300 présents sur l’île de Crète, en Grèce, pour réintégrer le programme du F-35, tout en conservant le S-400, mais en s’engageant à ne pas l’utiliser «tout le temps». Elle le garderait en position inactivée sur un territoire non turc agréé par les deux parties, et ne l'utiliserait qu’en cas de «menace imminente». 

Pour Wasilewski, le compromis proposé par la Turquie sera insuffisant pour sortir de l'impasse diplomatique et militaire existante. Il estime que «le problème est que les deux parties semblent comprendre le compromis de manière différente. Les Turcs suggèrent qu'ils peuvent utiliser le S-400 de temps en temps, les États-Unis sont eux assez clairs: le S-400 et le F-35 ne peuvent pas cohabiter sur le sol turc. Le prétexte fallacieux avancé par les cercles pro-gouvernementaux, selon lequel le S-400 était moins cher que les Patriot américains, ne tient pas».  

L’analyste ajoute que le coût de l'acquisition du S-400 devrait être envisagé dans un contexte plus large. «Le S-400 a coûté 2,5 milliards de dollars à la Turquie, auquel il faut ajouter les conséquences de l’exclusion de la Turquie du programme de F-35. Cela inclut les bénéfices des entreprises turques concernées par le projet, les problèmes de coopération de défense avec les États-Unis, de même que la crédibilité de la Turquie aux yeux de ses alliés occidentaux.» 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur arabnews.com 


Centre de coordination militaro-civile pour Gaza: beaucoup de discussions, peu de résultats

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  • "Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore" ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés
  • "Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix"

JERUSALEM: Lancé par les Etats-Unis dans le sillage du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas pour surveiller la trêve et favoriser l'afflux d'aide humanitaire, le Centre de coordination militaro-civile (CMCC) pour Gaza peine à tenir ses promesses.

"Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix, il n'y a aucune autre initiative, c'est ça ou continuer à discuter dans le vent avec des Israéliens".

"Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore", ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés par la campagne militaire israélienne.

Le CMCC doit permettre d'amorcer la suite des étapes du plan de paix pour Gaza après plus de deux ans d'une guerre dévastatrice déclenchée le 7 octobre 2023 par l'attaque sans précédent du mouvement palestinien Hamas sur Israël.

"Lorsque nous l'avons ouvert, nous avons clairement indiqué qu'il se concentrait sur deux choses: faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire, logistique et sécuritaire vers Gaza et aider à surveiller en temps réel la mise en oeuvre de l'accord", insiste le capitaine Tim Hawkins, porte-parole du Commandement militaire central américain (Centcom), couvrant notamment le Moyen-Orient.

L'initiative a été présentée aux acteurs (ONG, agences des Nations unies, diplomates...) comme un générateur d'idées totalement inédites.

Frustrés par leurs difficultés avec les autorités israéliennes, de nombreux pays et acteurs humanitaires disent s'être jetés dans le projet, impatients d'avoir un nouvel interlocuteur se disant enclin à trouver des solutions: les Etats-Unis.

"Rien n'a changé" 

"Au début, les Américains nous ont dit qu'ils découvraient qu'Israël interdisaient l'entrée de tout un tas de choses dans Gaza, la fameuse liste des biens à double usage, ils avaient l'air choqués et on se disait qu'enfin on allait franchir cet obstacle", raconte un ingénieur humanitaire, "mais force est de constater que strictement rien n'a changé".

Deux mois après l'ouverture, nombre d'humanitaires et diplomates contactés par l'AFP jugent, sous couvert de l'anonymat, que la capacité ou la volonté américaines à contraindre Israël est limitée.

Les visiteurs réguliers ou occasionnels des lieux ont décrit à l'AFP le grand hangar occupé par le CMCC à Kiryat Gat (sud d'Israël), comme un entrepôt où de nombreux militaires, israéliens et américains principalement, rencontrent des humanitaires, diplomates, et consultants.

Le premier des trois étages du bâtiment est réservé aux Israéliens, et le dernier aux troupes américaines. Tous deux sont interdits d'accès aux visiteurs.

Le deuxième, recouvert de gazon artificiel, sert d'espace de rencontres avec le monde extérieur.

"On dirait un espace de coworking, mais avec des gens en uniforme", s'amuse une diplomate qui raconte y croiser des "GIs qui boivent de la bière" au milieu d'une sorte d'open-space, avec des panneaux récapitulant les principaux points du plan Trump.

Plusieurs personnes ont dit à l'AFP avoir vu un tableau blanc barré de l'inscription "What is Hamas?" ("Qu'est-ce que le Hamas?") en lettres capitales, sans éléments de réponse.

"Il y a des tables rondes sur des sujets qui vont de la distribution d'eau ou de nourriture à la sécurité", raconte un humanitaire, "en gros on nous écoute décrire ce qu'on veut faire, et quels problèmes on a rencontrés depuis deux ans".

"Boussole du droit" 

Mais "ce n'est pas là que les décisions sont prises", tranche un diplomate qui cite des canaux de discussions parallèles, notamment une équipe supervisée par Arieh Lighstone, un collaborateur de l'émissaire américain Steve Witkoff, à Tel-Aviv.

Plusieurs diplomates regrettent l'absence d'officiels palestiniens dans les murs.

Un autre problème réside dans l'émergence de concepts largement rejetés par la communauté internationale, notamment celui des "Alternative Safe Communities" (ASC), visant à regrouper des civils "vérifiés", non affiliés au Hamas, dans des communautés créées ex nihilo dans une zone de la bande de Gaza sous contrôle militaire israélien, et où les services de base seraient dispensés.

"On a perdu la boussole du droit", commente une diplomate.

Mais le reproche qui revient le plus souvent est le fait que les questions politiques (gouvernance, maintien de l'ordre...) sont évacuées au profit de questions techniques.

"Ils discutent d'où mettre les stations d'épuration, pas de qui les exploitera ni de qui paiera les employés", résume un autre.

Concédant "certaines frictions", sans plus de détail, le capitaine Hawkins, du Centcom, met en avant certaines avancées comme l'ouverture de nouveaux points de passage pour l'aide à destination de Gaza. "Nous progressons, assure-t-il, tout en reconnaissant pleinement qu'il reste encore beaucoup à faire."


Le Congrès américain approuve la levée définitive des sanctions contre la Syrie

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
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  • Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar
  • Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis

WASIHNGTON: Le Congrès américain a approuvé mercredi la levée définitive des sanctions imposées par les Etats-Unis contre la Syrie du temps de Bachar al-Assad, devant permettre le retour d'investissements dans ce pays ravagé par des années de guerre civile.

L'abrogation d'une loi dite "Caesar", adoptée en 2019 lors du premier mandat de Donald Trump et qui imposait ces sanctions, figure en effet dans le texte sur la stratégie de défense (NDAA), que le Sénat américain a approuvé mercredi par 77 voix pour et 20 contre.

La Chambre des représentants s'était déjà prononcée la semaine dernière et le texte attend désormais d'être promulgué par le président américain.

Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar. Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis.

Le chef de la diplomatie syrienne, Assaad al-Chaibani, a salué sur Telegram le vote du Sénat comme "ouvrant de nouveaux horizons pour la coopération et le partenariat entre notre pays et le reste du monde".

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars.

Bien que son application soit suspendue, de nombreux responsables américains jugeaient qu'elle pouvait nuire à la confiance des investisseurs tant qu'elle n'était pas abrogée.

Le dirigeant syrien Ahmad al-Chareh a été reçu le 10 novembre à la Maison Blanche par le président Trump, une première pour un chef d'Etat syrien depuis l'indépendance du pays en 1946 et une consécration pour l'ancien jihadiste qui, en moins d'un an au pouvoir, a sorti son pays de l'isolement.

Donald Trump l'avait déjà rencontré lors d'un voyage dans le Golfe en mai, annonçant alors la levée des sanctions américaines.

Après 13 ans de guerre civile, la Syrie cherche à garantir des fonds pour sa reconstruction, dont le coût pourrait dépasser 216 milliards de dollars, selon la Banque mondiale.

"L'abrogation aujourd'hui de la loi Caesar est une étape décisive pour donner au peuple syrien une véritable chance de se reconstruire après des décennies de souffrances inimaginables", s'est félicité la sénatrice démocrate Jeanne Shaheen.


Les principales villes du Soudan privées de courant après des frappes de drones sur une centrale

Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
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  • Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale
  • Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des FSR

PORT-SOUDAN: Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts, ont indiqué plusieurs témoins à l'AFP.

Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale.

Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).

Le gouvernement de l’État du Nil a confirmé la mort des deux secouristes dans un communiqué officiel.

Cette station est un nœud stratégique du réseau électrique soudanais, recevant l’électricité produite par le barrage de Merowe — la plus grande source d'énergie hydroélectrique du pays — avant sa redistribution vers plusieurs régions.

Des témoins ont également indiqué qu’aux alentours de 02H00 (minuit GMT), les forces de l’armée régulière avaient activé leurs systèmes de défense antiaérienne, rapportant avoir vu des flammes et de la fumée s'élever au-dessus de la ville contrôlée par l'armée en guerre depuis avril 2023 contre les FSR.

Les coupures d’électricité se sont étendues à plusieurs États, notamment ceux du Nil, de la mer Rouge — où se trouve Port-Soudan, siège provisoire du gouvernement pro-armée — ainsi qu’à la capitale Khartoum, selon des témoins, l'incendie n'étant toujours pas maitrisé.

Les FSR n’ont jusqu'à présent pas commenté l'attaque.

Ces derniers mois, les FSR ont été accusées de lancer des attaques de drones sur de vastes zones contrôlées par l’armée, visant des infrastructures civiles et provoquant des coupures de courant affectant des millions de personnes.

La guerre, qui a éclaté en avril 2023, a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué "la pire crise humanitaire au monde", selon l'ONU.