Le rassemblement de Bkerké, une lueur d'espoir pour un Liban souverain?

Le cardinal libanais Mar Bechara Boutros al-Raï prononce un discours devant ses partisans le 27 février 2021 au Patriarcat maronite dans le village de montagne de Bkerké, au nord-est de Beyrouth (Photo, AFP).
Le cardinal libanais Mar Bechara Boutros al-Raï prononce un discours devant ses partisans le 27 février 2021 au Patriarcat maronite dans le village de montagne de Bkerké, au nord-est de Beyrouth (Photo, AFP).
Short Url
Publié le Lundi 01 mars 2021

Le rassemblement de Bkerké, une lueur d'espoir pour un Liban souverain?

  • Le Liban connaît depuis plus d’un an la plus importante crise économique de son histoire moderne
  • Des milliers de personnes se sont rassemblées samedi après-midi, à Bkerké, siège du patriarcat maronite, pour soutenir l’appel du patriarche maronite le cardinal Béchara al-Raï à la tenue d’une conférence internationale sur le Liban

BEYROUTH: Des milliers de personnes se sont rassemblées samedi après-midi, à Bkerké, siège du patriarcat maronite, pour soutenir l’appel du patriarche maronite le cardinal Béchara al-Raï à la tenue d’une conférence internationale sur le Liban. Ce message a donné de l’espoir à des milliers de Libanais de tout bord dans un pays au bord de la faillite et où la mainmise de l’Iran, à travers le Hezbollah, est devenue quasi totale.

Cette proposition a été formulée le 7 février dernier à l’occasion de l’homélie dominicale du chef de l’Église maronite. Ce dernier a estimé que «le stade final auquel est parvenue la crise institutionnelle, sociale et politique du Liban impose de recourir à des mesures drastiques et prises à temps comprenant la convocation d'une conférence internationale sous l'égide de l'ONU chargée de trouver des solutions urgentes pour éviter l'effondrement systémique du pays».

Cet appel à prendre en charge la crise libanaise adressé à la communauté internationale a été présenté par Mgr Raï comme la dernière carte à jouer face à l'absence d’initiatives proposées par les groupes politiques libanais dans ce cadre. Le prélat les juge également responsables de la situation qui sévit actuellement dans le pays.

Le Liban connaît depuis plus d’un an la plus importante crise économique de son histoire moderne, à laquelle sont venues s’ajouter l’explosion de Beyrouth le 4 août dernier et les répercussions de la pandémie du coronavirus.

Cette proposition d’internationaliser la crise libanaise a valu au patriarche maronite les foudres des autorités religieuses chiites et, bien sûr, celles du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, qui a entre autres qualifié de «blague» l’initiative de Bkerké.

Le patriarche maronite a été en outre vivement critiqué par la milice pro-iranienne l’été dernier lorsqu’il avait appelé à la neutralité du Liban afin que le pays préserve son rôle de pays message et qu’il ne soit plus la proie de tiraillements régionaux.

photo
Des manifestants libanais se rassemblent pour le discours du cardinal libanais Mar Bechara Boutros al-Rahi (ou Rai) le 27 février 2021 au Patriarcat maronite dans le village de montagne de Bkerki, au nord-est de Beyrouth (Photo, AFP).

 

«Hezbollah terroriste»

Samedi donc, des milliers de manifestants se sont rendus à Bkerké comme s’ils usaient d’un dernier recours pour sauver leur pays de l’effondrement économique et de la mainmise iranienne.

Parmi eux, il y avait de nombreux chrétiens appartenant aux partis traditionnels des Forces libanaises et des Kataëb (Phalanges libanaises), des indépendants, des proches des victimes du 4 août, des amis de l’intellectuel libanais Lokman Slim, tué le 4 février dernier et qui était menacé depuis de longs mois par le Hezbollah, ainsi que des partisans du Parti socialiste progressiste (PSP) du chef druze Walid Joumblatt.

Il y avait également, comme c’est la coutume au Liban, des religieux de toutes les communautés libanaises venus pour donner plus de poids à l’initiative de Bkerké.

Dans un discours d’une dizaine de minutes, le patriarche maronite a invité les personnes présentes à Bkerké à ne pas «se taire face à la pluralité des allégeances, face à la corruption, face aux violations aériennes, à l'échec de la classe politique, aux mauvais choix, à l'alignement, à la dilapidation de votre argent, au désordre dans l'enquête sur l'explosion du port, à la politisation de la justice, aux armes illégales et non libanaises, à la détention des innocents et la libération des coupables». Il a clamé: «Vive le Liban uni et unifié, activement et positivement neutre, souverain et indépendant, libre et fort, prônant la coexistence et la tolérance», avant d’appeler à «l’instauration d’un État laïque».

Le chef de l’Église maronite a été interrompu durant de longues minutes par les milliers de personnes rassemblées à Bkerké qui scandaient: «Terroriste, le Hezbollah est terroriste», «L’Iran dehors», «Michel Aoun [le chef de l’État libanais], va-t’en».

 

Les principaux points du discours

  • «Ne vous taisez pas face à l'implantation des Palestiniens et l'intégration des déplacés syriens, face au coup d'État, à la non-formation d'un gouvernement, à la confiscation de la décision et l'absence de réformes.»
  • «Nous avons libéré le territoire, libérons maintenant l'État de tous ceux qui paralysent ses institutions.»
  • «Il n'existe pas d'État avec deux pouvoirs en son sein, ni avec deux armées ou deux peuples.»
  • «La conférence internationale vise à affirmer la stabilité et l'identité du Liban, la souveraineté de ses frontières, et son attachement à la liberté, à l'égalité et sa neutralité.»
  • «Cette conférence n’a pas pour objectif le déploiement de soldats et de militaires, ni une atteinte au pouvoir décisionnel libanais.»
  • «Le non-respect de la neutralité est la cause unique de toutes les crises et guerres que le pays a traversées. À chaque fois que le Liban a suivi un axe régional ou international, le peuple s'est divisé et les guerres se sont déclenchées.»
  • «Le Liban est aujourd’hui confronté à un coup d'État en bonne et due forme, contre son peuple, contre la Constitution et l’accord de Taëf.»
  • «Nous voulons appliquer toutes les décisions qui n'ont pas pu l'être auparavant, afin que le Liban puisse imposer sa légitimité sur l'ensemble de son territoire».
  • «Nous voulons soutenir l'armée libanaise, qui est la seule à même de défendre le Liban.»
  • «Nous appelons à la mise en place d’un État laïque.»

Bkerké et l’occupation syrienne

Ce n’est pas la première fois dans son histoire que Bkerké, siège du patriarcat maronite, se fait le porte-parole d’une partie non négligeable des Libanais quand toute option politique est paralysée et quand le pays du Cèdre est menacé de perdre son identité.

photo
Le patriarche Nasrallah Sfeir, décédé au mois de mai 2019, prédécesseur de Béchara Raï, est connu pour être le père de la deuxième indépendance.(AFP).

 

Le patriarche Nasrallah Sfeir, décédé au mois de mai 2019, prédécesseur de Béchara Raï, est connu pour être le père de la deuxième indépendance.

«[Il] est temps que l’État libanais étende sa souveraineté effective pour que les Libanais sentent qu’ils se trouvent sous sa protection. Maintenant qu’Israël s’est retiré [du Liban-Sud, depuis mai 2000], n’est-il pas temps que l’armée syrienne considère son redéploiement, en prélude à un retrait définitif, conformément à l’accord de Taëf?»

Le patriarche maronite, le cardinal Nasrallah Sfeir (15 mai 1920 – 12 mai 2019)

Après la fin de la guerre civile qui a eu lieu de 1975 à 1990, alors que le Liban ployait sous le joug de l’occupation syrienne, Nasrallah Sfeir avait pris position pour le départ du pays des troupes de Damas, que ce soit lors de ses visites officielles auprès des capitales occidentales, notamment à Washington, ou à travers le premier appel des évêques maronites assemblés à Bkerké, au mois de septembre 2000. Il avait alors déclaré: «[Il] est temps que l’État libanais étende sa souveraineté effective pour que les Libanais sentent qu’ils se trouvent sous sa protection. Maintenant qu’Israël s’est retiré [du Liban-Sud, depuis mai 2000], n’est-il pas temps que l’armée syrienne considère son redéploiement, en prélude à un retrait définitif, conformément à l’accord de Taëf?»

Cet appel avait permis d’édifier les bases d’une politique contre l’occupation syrienne et les troupes de Damas avaient fini par quitter le Liban au mois d’avril 2005 après l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafiq Hariri.

Il convient également de rappeler le rôle joué par le patriarcat maronite dans la création du Grand Liban. En 1919, le patriarche maronite Elias Howayek a représenté les habitants du Mont-Liban à la conférence de Versailles, qui réunissait les vainqueurs de la Première Guerre mondiale. Il avait réclamé lors de cette conférence un Liban indépendant, qui ne se limite pas à la superficie du Mont-Liban. Et c’est en sa présence, le 1er septembre 1920, que le général Henri Gouraud, représentant l’autorité française mandataire sur la Syrie, a déclaré à Beyrouth la création de l’État du Grand Liban.

« Les bases d'une troisième indépendance »

Invité par Arab News en français à commenter l’événement de samedi à Bkerké, l’ancien député et ancien secrétaire général du mouvement du 14-Mars, Farès Souaid, explique: «Chaque fois que les Libanais sont confrontés à un danger, Bkerké se présente comme une garantie nationale, et pas seulement pour les chrétiens. Depuis la création du Grand Liban, Bkerké soutient l’idée de l’édification d’État de droit. Dans son discours, le patriarche Raï a repris ce que Mgr Hoyek avait dit devant le président français Georges Clemenceau lors de la conférence de paix de Versailles en 1919: «Nous voulons un État auquel adhère l’individu en sa qualité de citoyen, et non de par son identité religieuse.»

«Samedi à Bkerké, le patriarche maronite a jeté les bases d’une troisième indépendance», ajoute M. Souaid, qui note que Mgr Raï «se présente comme étant le seul garant du projet libanais basé sur la convivialité islamo-chrétienne et sur l’édification d’un État de droit basé sur la Constitution libanaise, les accords de Taëf et les résolutions des Nations unies. Ce n’est pas un nouveau discours. Mgr Raï donne de l’espoir, car cette Église maronite fait partie de l’Église universelle de Rome; les doléances des Libanais seront donc entendues par Rome, qui pourrait aider les Libanais appelant à l’organisation d’une conférence internationale pour sauver le Liban».

Sachant qu’une telle conférence ne peut avoir lieu que si l’appel vient de divers courants libanais, et non seulement du patriarche Raï, M. Souaid indique que «plus cette initiative sort de son périmètre chrétien pour devenir une initiative nationale à laquelle adhèrent tous les partis et toutes les composantes du Liban, plus elle aura de chances de se frayer un chemin pour donner naissance à une conférence internationale de paix. Mais si elle demeure une initiative chrétienne sans le soutien de l’islam libanais, je doute de la tenue d’une telle conférence».

«Le patriarche maronite n’a pas mâché ses mots. Il a parlé d’un coup d’État contre la Constitution, les résolutions internationales et les accords de Taëf, qui stipulaient entre autres la centralisation des armes qui sont entre les mains de l’armée libanaise. Avec ses armes, le Hezbollah avait considéré que, à partir de son partenariat avec le chef de l’État, Michel Aoun, il avait le blanc-seing des chrétiens. Or, ce qu’il s’est passé hier à Bkerké est la “délégitimisation” de la présidence de Michel Aoun», estime-t-il, ajoutant: «Le retour de Bkerké sur la scène va avoir des répercussions sur le paysage politique libanais».

L'importance de Bkerké et  de son rôle symbolique

Le rassemblement de Bkerké et les propos de Béchara Raï ont été mal accueillis dans certains milieux militants de la gauche et de la société civile libanaise qui, depuis le 17 octobre 2019, tentent de constituer en vain une alternative au leadership libanais traditionnel, appelant à la laïcité.

Interrogé sur ce point par Arab News en français, Ayman Mhanna, membre actif de la société civile et directeur exécutif de l’ONG Skeyes, qui défend la liberté de la presse dans le monde arabe, s’exprime ainsi: «Il faut rester loin des amalgames et faire la différence entre la société civile des militants associatifs qui défendent les libertés et les droits au Liban et qui vont, dans leur discours, plus loin que Bkerké en ce qui concerne les libertés et les droits – l’Église est bien en-deçà de leurs revendications – et la société civile au sens de groupes politiques indépendants. Les groupes politiques indépendants, bien sûr, n’ont pas pu s’organiser, essentiellement à cause des points soulevés par le patriarche. Il y a au sein de ces groupes des personnes qui ont la fibre souverainiste très forte et qui se retrouvent dans le discours du patriarche maronite; ce qui prime pour d’autres est la bonne gestion économique et financière.»

Le directeur exécutif de Skeys note en outre que «les groupes indépendants ont gaspillé énormément de temps en essayant de s’unifier. Aujourd’hui, abstraction faite de l’unité, il est important d’avoir un discours clair qui exige une réforme. Cette perte de temps a créé un vide que le patriarche maronite, qui représente les groupes traditionnels, a pu remplir», poursuit-il.

Il explique encore que «ces groupes indépendants sont très diversifiés; il y a des personnes qui appartenaient au mouvement du 14-Mars, donc très souverainistes et d’autres qui viennent d’un background d’extrême gauche et s’opposent au discours d’un religieux sans écouter le contenu».

Il conclut: «Certes, le discours de Bkerké et son rôle symbolique sont très importants. Mais il importe aussi, pour effectuer des réformes, d’avoir un discours cohérent. Pour ma part, je ne peux pas accepter la corruption de personnes souverainistes, parce que le discours souverainiste est important. Je refuse également toute arme hors du contrôle de l’État, et je dis non à l’assassinat politique; or, très souvent, l’assassinat politique provient du Hezbollah. Je suis pour la justice et la fin de l’impunité contre tous les crimes commis au Liban, qu’ils soient des assassinats politiques ou des crimes économiques.»

Dimanche en soirée, des manifestations qui regroupent des supporters du Hezbollah et du mouvement Amal (la deuxième faction chiite du Liban) ont été organisées dans de nombreux quartiers de la banlieue sud de Beyrouth. Des centaines d’hommes en voiture, à moto et à pied ont brandi les drapeaux des deux partis chiites et des drapeaux iraniens. Ils ont scandé des slogans qui rendent hommage au secrétaire général de la milice pro-iranienne, ont revendiqué le droit de porter des armes et ont prêté allégeance à l’Iran.


La diplomatie française estime qu'Israël doit faire preuve de « la plus grande retenue » au Liban

Le drapeau français flotte sur le lac d'Enghien, à Enghien-les-Bains, dans la banlieue nord de Paris, le 25 avril 2025. (Photo Thibaud MORITZ / AFP)
Le drapeau français flotte sur le lac d'Enghien, à Enghien-les-Bains, dans la banlieue nord de Paris, le 25 avril 2025. (Photo Thibaud MORITZ / AFP)
Short Url
  • l'armée israélienne continue de mener des frappes au Liban, affirmant viser des combattants et des infrastructures du mouvement libanais, Hezbollah.
  • Le Liban avait alors demandé à Washington et Paris, garants de l'accord de cessez-le-feu, de « contraindre Israël à cesser immédiatement ses attaques ».

PARIS : La France a exhorté mercredi Israël « à faire preuve de la plus grande retenue » au Liban après la frappe israélienne qui a touché Beyrouth dimanche dernier, et a souligné que le démantèlement des sites militaires du Hezbollah revenait « exclusivement aux forces armées libanaises ».

Malgré un cessez-le-feu entré en vigueur le 27 novembre après plus d'un an de guerre entre Israël et le Hezbollah, l'armée israélienne continue de mener des frappes au Liban, affirmant viser des combattants et des infrastructures du mouvement libanais, très affaibli, qui affirme de son côté respecter l'accord.

Le week-end dernier, Israël a assuré avoir visé un entrepôt de missiles.

Le Liban avait alors demandé à Washington et Paris, garants de l'accord de cessez-le-feu, de « contraindre Israël à cesser immédiatement ses attaques ».

« La France rappelle que le respect du cessez-le-feu s'impose à toutes les parties sans exception afin de garantir la sécurité des populations civiles des deux côtés de la Ligne bleue », la frontière de facto délimitée par les Nations unies, a souligné mercredi Christophe Lemoine, porte-parole du ministère français des Affaires étrangères.

« La France appelle donc Israël à faire preuve de la plus grande retenue et à se retirer au plus vite des cinq points toujours occupés sur le territoire libanais », a-t-il ajouté lors d'un point presse.

Une commission regroupant le Liban, Israël, les États-Unis, la France et l'ONU est chargée de superviser l'application du cessez-le-feu.

Beyrouth presse la communauté internationale de faire pression sur Israël pour qu'il mette fin à ses attaques et se retire des cinq positions frontalières où il s'est maintenu dans le sud du pays, malgré l'accord.


Les services de sécurité des Émirats déjouent un transfert illégal d'armes vers le Soudan

Les autorités ont saisi environ cinq millions de munitions de type Goryunov (7,62 x 54 mm) retrouvées dans l'avion. (AFP)
Les autorités ont saisi environ cinq millions de munitions de type Goryunov (7,62 x 54 mm) retrouvées dans l'avion. (AFP)
Short Url
  • Les services de sécurité ont réussi à empêcher le transfert d'une quantité d'équipements militaires aux forces armées soudanaises 
  • Les prévenus ont été arrêtés lors d'une inspection de munitions dans un avion privé dans l'un des aéroports du pays

ABU DHABI: Les services de sécurité des Émirats arabes unis ont déjoué une tentative de transfert illégal d'armes et d'équipements militaires aux forces armées soudanaises, a déclaré mercredi le procureur général des Émirats arabes unis, Hamad Saif al-Chamsi.

M. Al-Chamsi a déclaré que les services de sécurité avaient réussi à empêcher le transfert d'une quantité d'équipements militaires aux forces armées soudanaises après l'arrestation de membres d'une cellule impliquée dans la médiation non autorisée, le courtage et le trafic illicite d'équipements militaires, sans avoir obtenu les licences nécessaires auprès des autorités compétentes.

Les prévenus ont été arrêtés lors d'une inspection de munitions dans un avion privé dans l'un des aéroports du pays.

L'avion transportait environ cinq millions de munitions de type Goryunov (54,7 x 62 mm).

Les autorités ont également saisi une partie du produit financier de la transaction en possession de deux suspects dans leurs chambres d'hôtel.

M. Al-Chamsi a déclaré que l'enquête avait révélé l'implication de membres de la cellule des chefs militaires soudanais, notamment l'ancien chef des services de renseignement Salah Gosh, un ancien officier de l'agence de renseignement, un ancien conseiller du ministre des Finances et une personnalité politique proche du général Abdel Fattah al-Burhan et de son adjoint Yasser al-Atta. Plusieurs hommes d'affaires soudanais ont également été impliqués.

Selon les enquêteurs, les membres de la cellule ont conclu un marché d'équipement militaire portant sur des fusils Kalachnikov, des munitions, des mitrailleuses et des grenades d'une valeur de plusieurs millions de dollars.

Les armes ont été transférées de l'armée soudanaise à une société d'importation des Émirats arabes unis en utilisant la méthode de transfert des HAWALADARS.

La transaction a été facilitée par l'intermédiaire d'une société appartenant à un membre fugitif de la cellule travaillant pour les forces armées soudanaises, en coordination avec le colonel Othman al-Zubair, responsable des opérations financières au sein de l'armée soudanaise.

De faux contrats et de fausses factures commerciales ont été utilisés pour prétendre que les paiements concernaient un contrat d'importation de sucre.

L'enquête a conclu que ces transactions avaient été effectuées à la demande du comité d'armement des forces armées soudanaises, présidé par Al-Burhan et son adjoint Al-Atta, en toute connaissance de cause et avec leur approbation. Les membres de la cellule ont été directement chargés de négocier et de finaliser les transactions par Ahmed Rabie Ahmed al-Sayed, une personnalité politique proche du commandant en chef soudanais et responsable de la délivrance des certificats et des approbations des utilisateurs finaux.

Les enquêteurs ont confirmé que Salah Gosh jouait un rôle central dans la gestion du trafic illégal d'équipements militaires aux Émirats arabes unis, en coordination avec d'autres membres de la cellule.

Le groupe a réalisé une marge bénéficiaire de 2,6 millions de dollars (1 dollar = 0,88 euro) par rapport à la valeur réelle des deux transactions, qu'il s'est répartie entre lui et plusieurs complices. La part de Gosh a été retrouvée en possession du suspect Khalid Youssef Mukhtar Youssef, ancien officier de renseignement et ex-chef de cabinet de Gosh.

La cargaison saisie était arrivée à l'aéroport des Émirats arabes unis à bord d'un avion privé en provenance d'un pays étranger.

L'avion s'était posé pour faire le plein et avait officiellement déclaré qu'il transportait un lot de fournitures médicales.

Cependant, la cargaison militaire a été découverte sous la supervision du ministère public, sur la base de mandats judiciaires émis par le procureur général.

Les autorités ont également saisi des copies des contrats relatifs aux deux transactions, de faux documents d'expédition, ainsi que des enregistrements audio et des messages échangés entre les membres de la cellule.

L'enquête a permis de découvrir plusieurs sociétés appartenant à un homme d'affaires soudano-ukrainien, dont une opérant aux Émirats arabes unis.

Ces sociétés ont fourni à l'armée soudanaise des armes, des munitions, des grenades et des drones, en collaboration avec les membres de la cellule et le responsable financier de l'armée.

L'une des sociétés figure sur la liste des sanctions américaines.

Les enquêtes en cours ont révélé que les intérêts financiers et les profits du groupe sont étroitement liés à la poursuite du conflit interne au Soudan.

Le procureur général a souligné que cet incident représentait une grave atteinte à la sécurité nationale des Émirats arabes unis, en faisant de leur territoire une plateforme pour le trafic illégal d'armes à destination d'un pays en proie à des troubles civils, en plus de constituer des infractions pénales punissables par la loi.

Il a conclu en déclarant que le ministère public poursuivait ses procédures d'enquête en vue de déférer les suspects à une procédure judiciaire d'urgence.

Les résultats définitifs seront annoncés à la fin de l'enquête.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Retailleau engage la procédure de dissolution d'Urgence Palestine

Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau intervient lors d'un débat sur le narcotrafic à l'Assemblée nationale française à Paris, le 29 avril 2025. (Photo Ludovic MARIN / AFP)
Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau intervient lors d'un débat sur le narcotrafic à l'Assemblée nationale française à Paris, le 29 avril 2025. (Photo Ludovic MARIN / AFP)
Short Url
  • A la veille du 1er mai, Bruno Retailleau a annoncé  mecredi l'engagement de la procédure de dissolution du groupe Urgence Palestine.
  • Le groupe organise régulièrement des manifestations, qui ont parfois été interdites par les autorités.

PARIS : A la veille du 1er mai, Bruno Retailleau a annoncé  mecredi l'engagement de la procédure de dissolution du groupe Urgence Palestine, ainsi que de Lyon Populaire, qui appartient à l'ultra droite, après avoir lancé mardi celle du groupe antifasciste La Jeune Garde.

Invité de CNews/Europe 1, le ministre de l'Intérieur a justifié la dissolution d'Urgence Palestine en affirmant qu'il fallait « taper sur les islamistes ». « L'islamisme est une idéologie qui essaie d'instrumentaliser une religion. Il y a une défiguration de la foi », a-t-il dit.

« Il ne faut pas défigurer la juste cause des Palestiniens », a poursuivi M. Retailleau, qui a insisté sur le fait que « beaucoup de nos compatriotes musulmans professent une foi parfaitement compatible avec les valeurs de la République ».

Créé au lendemain de l'attaque sans précédent du Hamas dans le sud d'Israël le 7 octobre 2023, qui a déclenché la guerre à Gaza, le collectif Urgence Palestine dit rassembler « des citoyens, des organisations et mouvements associatifs, syndicaux et politiques mobilisés pour l'auto-détermination du peuple palestinien ». 

Le groupe organise régulièrement des manifestations, qui ont parfois été interdites par les autorités.

« À l'heure où le peuple palestinien est confronté au génocide, à la famine, où les Israéliens cherchent à détruire et à anéantir le peuple palestinien, que fait le gouvernement français ? Il veut dissoudre notre collectif, c'est insupportable », a réagi Omar Al Soumi, l'un des militants d'Urgence Palestine.

« C'est la réalité d'une France complice du génocide », a-t-il accusé dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux.

Urgence Palestine a reçu de nombreux messages de soutien de la part d'organisations de l'extrême gauche et de la gauche radicale. 

« Non à la dissolution d'Urgence Palestine », a écrit sur Instagram le Nouveau Parti Anticapitaliste, dénonçant « des prétextes pour faire taire les voix solidaires avec la Palestine ! ».

L'eurodéputée insoumise Rima Hassan a également critiqué les dissolutions engagées contre la Jeune Garde et Urgence Palestine.

« La dérive autoritaire et fasciste de Macron est aussi réelle, tangible et concrète », a-t-elle réagi sur X.

Tsedek!, qui se présente comme un « collectif juif décolonial », a aussi apporté son soutien à ces deux organisations.

« Le gouvernement qui appelle à la dissolution d’Urgence Palestine, c’est la République qui reprend ses droits et réaffirme que l’antisémitisme ne passera pas en France », s'est au contraire félicitée Sarah Aizenman, présidente du collectif « Nous vivrons », auprès de l'AFP. 

« Cette organisation ne défend pas les droits des Palestiniens, elle soutient une organisation terroriste », a accusé Mme Aizenman.

Les annonces de procédures de dissolution contre La Jeune Garde et Urgence Palestine interviennent à la veille des rassemblements du 1er-Mai et pourraient tendre le climat des manifestations, notamment à Paris, selon un haut responsable de la police.

Le ministre de l'Intérieur et le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, ont par avance prévenu qu'aucun débordement ne serait toléré.

Environ 15 000 personnes sont attendues jeudi pour la manifestation parisienne.